Cours

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Chapitre 16 – Motricité volontaire et plasticité cérébrale
I. Le contrôle volontaire des mouvements
Comment les mouvements volontaires sont-ils contrôlés ?
1. La commande des mouvements par le cortex cérébral
Le cortex cérébral est la partie superficielle du cerveau formée par la substance grise.
Wilder Penfield était un neurochirurgien travaillant à Montréal dans les années 1940. Avec son collaborateur
Herbert Jasper, il traite des patients sévèrement handicapés par de graves crises d'épilepsie, en réalisant
l'ablation de la zone précise du cortex cérébral où les accès épileptiques trouvent leur origine. Penfield et Jasper
étaient cependant soucieux d'éviter à ses patients de fâcheux effets secondaires, tels que des pertes de
mémoire ou des troubles du langage, à la suite de leur opération. Ainsi ont-il été amenés à stimuler
électriquement le cortex cérébral en vue de localiser le
siège des différentes fonctions du cerveau, comme le
langage et la mémoire, et de déterminer quelle partie de
cet organe pouvait être enlevée sans danger de déficit
neurologique grave.
Les patients étaient opérés sous anesthésie locale : une
fois le crâne ouvert, ainsi que les méninges qui emballent
le cerveau, les stimulations électriques appliquées à la
surface du cortex cérébral, et ensuite le geste chirurgical,
sont indolores : en effet, il n'y a pas de récepteurs
sensoriels dans le cerveau.
Lorsque Penfield stimulait électriquement certaines zones
du cortex situées en arrière du sillon central, le patient
disait percevoir une sensation tactile dans telle ou telle
zone du corps. Lorsque des zones situées en avant du
sillon central étaient stimulées, cela produisait un
mouvement d'une partie ou d'une autre du corps. Ainsi
Quelques aires cérébrales
Penfield a pu établir une cartographie des aires corticales.
L'aire motrice primaire est la zone du cortex cérébral qui commande les contractions musculaires (via les
motoneurones de la moelle épinière). L'aire motrice située à la surface de l'hémisphère gauche commande
les mouvements de la moitié droite du corps et inversement. A l'intérieur de l'aire motrice primaire,
chaque zone commande les muscles permettant les mouvements d'une région précise du corps.
Certaines zones du corps sont sur-représentées et d'autres sous-représentées par rapport aux autres
(doc. 2 p. 377), d'où la silhouette étrange de l'homoncule moteur (p. 374 haut). D'autres aires (prémotrices, etc)
interviennent dans la planification du mouvement.
2. La transmission de la commande motrice aux muscles.
L'axone des neurones de l'aire motrice primaire descend dans le bulbe rachidien où il passe du côté
opposé du corps, puis descend dans la moelle épinière, et fait synapse avec le corps cellulaire ou les
dendrites des motoneurones innervant les muscles (doc. 1 p. 378). C'est ce qui explique les effets
paralysants des lésions de la moelle épinière : une lésion au niveau des vertèbres cervicales entraîne une
paralysie des quatre membres ; au niveau lombaire, elle entraîne la paralysie des membres inférieurs seulement
(doc. 5 p. 379). Un motoneurone reçoit des informations diverses (provenant des neurones du cortex, des
fuseaux neuromusculaires, et des interneurones), les intègre et élabore un message envoyé aux fibres
musculaires qu'il innerve. Un motoneurone peut innerver plusieurs fibres musculaires, mais chaque fibre
musculaire ne reçoit de messages que d'un seul motoneurone (doc. 2 p. 380).
II. Plasticité cérébrale
Dans ses grandes lignes, l'organisation anatomique du cerveau est la même pour tous les êtres humains.
Cependant, dans le détail, elle présente des variations non négligeables entre individus (Doc. 1 p. 382). Il en va
de même pour l'organisation des aires corticales motrices. (Doc. 2 p. 382) Cette variabilité interindividuelle estelle entièrement d'origine génétique ou au moins en partie due à l'apprentissage ?
1. Apprentissage et cortex moteur
Après apprentissage régulier d'une tache motrice simple mais qui demande de la précision, on constate qu'une
plus grande surface du cortex est activée lors de l'exécution de cette tâche chez les personnes
entraînées, tandis qu'elle n'augmente pas significativement chez les sujets qui ne suivent pas l'entraînement.
(Doc. 4 p. 383 : Attention, l'avant du crâne est à droite.) Cette augmentation est durable et se poursuit même
pendant quelques semaines après la fin de l'entraînement. Elle est interprétée comme étant due à une
réorganisation des connexions synaptiques entre neurones. Ainsi, l'apprentissage d'une tâche motrice
modifie l'organisation du cortex moteur, ce qui prouve la "plasticité" du cerveau.
Les différences interindividuelles dans l'organisation du cortex moteur s'acquièrent ainsi au cours du
développement, de l'apprentissage des gestes et de l'entraînement. Elles ne semblent pas innées.
2. Récupération après une lésion cérébrale
Lors d'une lésion due à un accident vasculaire cérébral (A.V.C.), les neurones de la zone privée d'apport sanguin
donc de dioxygène meurent (ils ne résistent guère plus de 2 minutes à une privation de dioxygène). Si la lésion a
lieu dans le cortex moteur, on observe une paralysie de la zone du corps commandée par la région concernée.
Mais la plupart du temps, la personne récupère en quelques mois une bonne partie des capacités
motrices de la zone du corps temporairement paralysée. L'imagerie cérébrale a démontré que cette
récupération est due à une réorganisation locale du cortex : des régions situées autour de la lésion
prennent en charge les tâches précédemment effectuées par la zone morte (doc. 1 p. 384). Une
rééducation appropriée peut améliorer cette récupération (doc. 2 p. 384). Cette récupération se fait
essentiellement par une réorganisation des connexions synaptiques au sein du réseau de neurones.
La plasticité cérébrale permet une récupération parfois étonnante : plusieurs années après une amputation, le
cerveau d'un patient ayant reçu une greffe des deux mains s'est réapproprié le contrôle de ces deux mains !
(photo p. 374 droite, doc. 4 p. 385 et ci-dessous).
Après la section des deux mains, l'utilisation de l'IRMf a montré une réorganisation corticale chez le patient. Il est fréquent que la
représentation corticale des zone non affectées se dilate de telle sorte que la région du moignon (l'avant-bras) envahisse les parties du
cortex moteur auparavant dédiées aux mains. Chez le patient, avant la greffe, les mouvements de la main n'activent plus que la
partie la plus latérale de la région de la main dans le cortex moteur primaire, près de la zone affectée au visage.
En 2000, soit 4 ans après l'amputation, une greffe bilatérale des mains a été pratiquée à Lyon.
Protocole d'obtention des images :
4 examens avec IRMf ont été réalisés : le premier, 6 mois avant l'opération, les suivants, 2, 4 et 6 mois après la greffe. A chaque fois, le
sujet a réalisé 4 tâches :
- flexion et extension des 4 derniers doigts de la main droite
- flexion et extension du coude droit
- flexion et extension des 4 derniers doigts de la main gauche
- flexion et extension du coude gauche.
Avant la greffe, les tâches concernant les doigts étaient réalisées en suivant la contraction des muscles de l'avant-bras dédiés au
mouvement des doigts.
Le résultat a été présenté sous la forme de carte corticale contenant la zone du cortex moteur primaire activée, et en plaçant le centre de
gravité de la zone activée.
Déplacement dans l'espace du centre de gravité des activations Déplacement dans l'espace du centre de gravité des activations
au cours des différentes sessions d'enregistrement pour les
au cours des différentes sessions d'enregistrement pour les
mouvements de la main (avant l'opération, 2 mois, 4 mois et 6 mouvements du coude (avant l'opération, 2 mois, 4 mois et 6 mois
mois après la greffe) ; le centre de gravité a été positionné en
après la greffe) ; le centre de gravité a été positionné en affectant à
affectant à chaque voxel la valeur de son activation
chaque voxel la valeur de son activation
Cependant, les capacités d'apprentissage et de récupération diminuent avec l'âge. La préservation de
ces capacités dépend du mode de vie (tabac et alcool notamment sont leur ennemi), et de leur entretien.
Conclusion :
La commande des mouvements volontaires est assurée par une zone précise du cortex cérébral
nommée aire motrice primaire (avec laquelle communiquent d'autres aires, qui planifient et
coordonnent les mouvements).
L'organisation précise de l'aire motrice primaire (et des autres aires corticales également) peut subir
une réorganisation, suite à un apprentissage ou à une lésion (permettant dans ce cas une récupération
au moins partielle des capacités motrices temporairement perdues).
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