ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2000), 10, 1131-1134 La dilatation pariéto rénale au ballonnet dans la chirurgie percutanée du rein Mouâd NOURI (1), Mohamed TLIGUI (1), Antoine FLAHAUT (2), Kessilé TCHALA (1), Jean-Dominique DOUBLET (1), François HAAB (1), Olivier TRAXER (1), Philippe THIBAULT (1), Bernard GATTEGNO (1) (1) Service d’Urologie, (2) Unité de bio statistiques, Hôpital Tenon, Paris, France RESUME But : Comparer les deux techniques de dilatation pari éto rénal e pour chirurgie percutanée: aux dilatateurs d’Alken et au ballonnet. Matériel et Méthodes : Il s’agit d’une étude prospective non randomisée réalisée entre juillet 1999 et avril 2000 concernant 20 patients ayant subi une chirurgie percutanée du rein. 10 patients ont été dilatés à la sonde à ballonnet (NephroMaxTM ‚ laboratoiresBoston scientific) et 10 autres aux dilatateurs métalliques d’Alken. Le test statistique de Mann Whitney a été utilisé. Résultats : Le temps de dilatation et le temps d’exposition aux rayons X est plus court lors de la dilatation par ballonnet (différence statistiquement significative). La morbidité des deux techniques est comparable. Conclusion : La dilatation pariéto rénale au ballonnet permet de diminuer de façon significative le temps de dilatation et d’exposition aux rayons X et simplifie de façon très importante ce temps opératoire essentiel aux succès de la chirurgie percutanée. Mots clés : Chirurgie percutanée, dilatation, ballonnet de dilatation, dilatateurs d’Alken. Le premier temps de la chirurgie percutanée du rein est la ponction et la dilatation du trajet permettant la mise en place de la gaine d’Amplatz. Habituellement on réalise une dilatation progressive à l’aide de 9 dilatateurs métalliques (tige principale incluse), et la gaine d’Amplatz est positionnée sur le dernier dilatateur [1]. Le premier groupe ’’groupe I’’ concernait 10 patients (dilatation à la sonde à ballonnet), le deuxième groupe ’’groupe II’’ concernait 10 autres patients (dilatation au dilatateurs d’Alken). L’âge moyen comparable dans les deux groupes était de 48 ans (29-65). Il s’agissait de 13 hommes et 7 femmes. Récemment a été mis au point une sonde à ballonnet de dilatation pariéto rénale (NephroMaxTM ‚ laboratoires Boston scientific) permettant de simplifier l’abord du rein pour chirurgie percutanée en réduisant le nombre de manœuvres. Le critère d’inclusion était l’abord rénal par voie percutanée pour lithiase pyélocalicielle. Les cal culs étaient tous radio-opaques dépassant un traitement par lithotritie extracorporelle. Leurs caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1. Le but de ce travail est de comparer les deux techniques et d’évaluer l’intérêt de la dilatation à la sonde à ballonnet sur la durée et la morbidité imputable à la dilatation au cours d’une chirurgie percutanée. Les patients avec troubles de l’hémostase, infection urinaire ou anomalie anatomique étaient exclus de l’étude. Dans les deux groupes la ponction à l’aiguille splénoportale était réalisée sous guidage fluoroscopique. MATERIEL ET METHODES Entre juillet 1999 et avril 2000, 20 patients ayant subi une néphrolithotomie percutanée ont été inclus dans cette étude prospective non randomisée. Toutes les interventions ont été réalisées par le même opérateur. Manuscrit reçu : juin 2000, accepté : août 2000. 1131 Adresse pour correspondance : Dr. M. Nouri, Service d’Urologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. e-mail : [email protected] M. Nouri et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 1131-1134 Tableau 1. Caractéristiques des calculs à l’UIV et dilatation utilisée. Ballonnet Dilatateurs Pyélique 3 cas 2 cas Pyélocaliciel 3 cas Caliciel inférieur Coralliforme incomplet Coralliforme complet Tableau 2. Analyse des résultats dans les deux groupes : dila tation au ballonnet et aux dilatateurs d’Alken. Dilatateurs Ballonnet p Temps de dilatation (mn) 14,5 ± 4,7 6,1 ± 2,3 0,0003 4 cas Temps d’exposition au RX (mn) 6,4 ± 1,6 2,8 ± 1,0 0,0004 2 cas 1 cas 18,9 ± 10,6 13,9 ± 9,4 0,57* 2 cas 2 cas Pertes sanguines lors de la dilatation (ml) 0 1 cas 3,3 ± 1,8 3,9 ± 3,1 0,85* Chute d’Hématocrite à J1 (%) * différence non significative. Les cavités pyélocalicielles étaient opacifiées à travers la sonde urétérale préalablement montée. Une dilatation aux dilatateurs souples jusqu’à Charrière 12 était réalisée sur un fil guide métallique 0,038 i n. Dans le ’’groupe I’’ la sonde à ballonnet préalablement humidifiée était gonflée à 15 atmosphères sous contrôle manométrique. La sonde avec ballonnet vide fait 7 F de cal ibre. Le ballonnet gonflé avec 20 cc environ de soluti on de sérum physiologi que et de produit de cont raste iodé fait 30 F de diamètre et 12 cm de longueur (Figure 1). La bonne position du ballonnet était assurée par deux repères radio opaques. La gaine d’Amplatz CH 30 était glissée jusqu’aux cavités rénales puis l e ballonnet était dégonfl é et retiré (Figures 2 à 5). Dans le «groupe II», après mise en place de la tige métallique centrale, une dilatation classique par les dilatateurs télescopiques d’Alken était réalisée avant positionnement de la gaine d’Amplatz CH 30 puis retrait des dilatateurs. Critères d’évaluation Le temps de dilatation ( en minutes) a été défini comme l’intervalle séparant la ponction des cavités rénales à la mise en place de la gaine d’Amplatz. Le temps d’exposition au rayons X (en minutes) pendant la dilatation a été évalué en relevant la durée d’exposition calculé par l’amplificateur de brillance. Le saignement ( en millilitre) pendant la dilatation a été évalué par la pesée de compresses. Tous les patients ont eu un taux d’hématocrite en pré- opératoire et 24 heures après l’intervention. Les résultats étaient comparées et analysés statistiquement par le test de Mann Whitney. RESULTATS Les moyennes des temps de dilatation , d’exposition aux rayons X, de saignements per-opératoires et de chute d’hématocrite sont résumés dans le Tableau 2. Les temps (mn) de dilatation et d’exposition aux rayons X sont respectivement significativement plus courts dans le groupe I : 6,1 ± 2,3 et 2,8 ± 1,0 que dans le groupe II : 14,5 ± 4,7 et 6,4 ±1,6. La différence entre les saignements pendant la dilatation et post opératoires immédiats (à J1) n’était pas significative. La durée de séjour moyenne de 3 jours (2 à 8 jours) était comparable dans les deux groupes mais ce résultat n’est pas interprétable. Cette durée ne dépendait pas seulement de la manière de dilatation. La mortalité a été nulle. Il n’y a eu aucun accident per-opératoire dans les deux groupes: pas d’hémorragie per-opératoire, pas de fausse route et pas de perte de trajet. Dans le «groupe I» un patient a présenté une hémorragie au troisième jour post-opératoire avec hématurie macroscopique et caillotage de la voie excrétrice supérieure. Il a nécessité une transfusion de 4 concentrés globulaires et une montée de sonde urétérale. Le saignement s’est arrêté sans nécessiter de geste complémentaire. Dans le ’’groupe II’’ un patient a présenté une hémorragie au 17e jour post-opératoire avec hématurie macroscopique (transfusion de 5 concentrés globulaires) en rapport avec un faux anévrysme polaire inférieur rénal qui a nécessité une embolisation sélective avec succès. Chez ces deux patients transfusés aucune difficulté opératoire de ponction ou dilatation n’a été observée. DISCUSSION La chirurgie percutanée du rein est une alternative thérapeutique dans le traitement des calculs pyélocaliciels, des sténoses de la jonction pyélo-urétérale et de certaines tumeurs de la voie excrétrice supérieure. Elle est grevée de difficultés de réalisation du trajet et d’un risque de complications per ou post-opératoires en particulier hémorragiques [2, 3]. La dilatation au ballonnet est connue depuis une vingtaine d’années, elle était réalisée à l’aide d’un ballonnet d’angioplastie. Le taux d’échec de dilatation était important par résistance de la capsule rénale ou du trajet pariétal en particulier en cas d’antécédent de lombotomie [5]. La sonde à ballonnet à haute pression (NephroMaxTM ) permet de réa- 1132 M. Nouri et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 1131-1134 Figure 1. Sonde à ballonnet avec manomètre de contrôle de pression de remplissage. Figure 3. Remplissage du ballonnet : encoche correspondant à la capsule rénale. Figure 2. Sonde à ballonnet mise en place sur le guide (repè re métallique dans la cavité pyélique). Figure 4. Fin de remplissage du ballonnet qui permet d’obte nir la dilatation complète du trajet. Figure 5. Gaine d’Amplatz en place. Ballonnet dégonflé avant d’être enlevée. 1133 M. Nouri et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 1131-1134 liser la dilatation du trajet en une seule étape. Elle réduit la nombre de manœuvres qui sont nécessaires avec les dilatateurs métalliques. Les résultats de notre étude montrent qu’elle réduit de manière significative la durée de dilatation du trajet de nephrostomie. Ceci permet un bénéfice relatif mais intéressant de réduction d’exposition aux rayons X pour le malade, le personnel de la salle d’opération et surtout l’opérateur qui est le plus proche de la source de rayons. REFERENCES 1. ALKEN P., HUTSCHENREITER G., GÜNTHER R., MARBERGER M.: Percutaneous stone manipulation. J. Urol., 1981, 125, 463-466. 2. GREMM O E., BALLANGER P., DORÉ B. , AUBE RT J.: Complications hémorragiques au cours de la néphrolithotomie percutanée . Etude rétrospective à partir de 772 cas. Prog. Urol., 1999, 9, 460-463. 3. LE DUC A.: Complications immédiates de la chirurgie percutanée du rein. Prog. Urol., 1991, 1,31-35. Cette technique devrait diminuer les risques de perforation pyélique, de fausses routes, de plicature de guide ou de perte de trajet, néanmoins dans notre étude comme celle de SOBLE [4] la morbidité des deux techniques est comparable. Ceci serait expliquée dans notre série par la grande expérience de l’opérateur. Les avantages de la technique apparaissent être la diminution de la durée du temps de dilatation qui a pour conséquence la réduction du temps d’irradiation. Il faut aussi tenir compte de la grande aisance et simplicité que procure l’utilisation de cette technique. Néanmoins nous pensons que la sonde à ballonnet ne doit pas être utilisée en cas de calcul coralliforme comblant toutes les cavités calicielles qui empêchera l’introduction du ballonnet dans la voie excrétrice ou engendrera la rupture de ce dernier après son remplissage. La généralisation de cette méthode de dilatation se heurte au coût de la sonde à ballonnet à «usage unique» qui se situe aux alentours de mille francs et qui grève significativement le prix de cette manœuvre en comparaison avec les dilatateurs classiques d’Alken. CONCLUSION La dilatation pariéto-rénale au ballonnet permet de diminuer de façon significative le temps de dilatation et d’exposition aux rayons X et simplifie de façon très importante ce temps opératoire essentiel aux succès de la chirurgie percutanée. 4. SOBLE J.J., STREEM S.B.: Prospective randomized comparison of techniques for percutaneous nephrostomy tract dilation. J. Urol., 1999, 161, A 1463, 377. 5. WICKHAM J.E.A., MILLER R.A.: Percutaneous renal surgery. Churchill Livingstone, 1983, P. 17-44. ____________________ SUMMARY Balloon catheter parieto-renal dilatation in percutaneous renal surgery Objective: To compare two techniques of parieto-renal dilata tion for percutaneous surgery: Alken dilators and balloon cathe ter. Material and Methods: This prospective, non-randomized study was conducted between July 1999 and April 2000 in 20 patients undergoing percutaneous renal surgery. 10 patients were dilated with a balloon catheter (NephroMax, Boston Scientific) and the other 10 patients were dilated with Alken metal dilators. Statistical analysis was performed with the Mann-Whitney test. Result: The dilatation time and x-ray exposure time were shor ter during balloon catheter dilatation (statistically significant difference) and the two techniques were associated with a com parable morbidity. Conclusion: Balloon catheter parieto-renal dilatation signifi cantly decrease dilatation and x-ray exposure times and ver y considerably simplifies this operative step, essential to the suc cess of percutaneous surgery. Key-Words: Percutaneous surgery. Dilatation. Dilatation bal loon catheter. Alken dilators. ____________________ 1134