CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LA NUIT DU 4 AOÛT 1789 L’abolition des privilèges CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Dans la nuit du 4 août 1789, dans un élan de générosité, les députés du clergé, de la noblesse et du tiers confondus votent l'abolition des privilèges (gravure de I.S. Helman). Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-175 L’ABOLITION DES PRIVILÈGES ET LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME conférence d’Éric Lowen donnée le 18/05/2010 à la Maison de la philosophie à Toulouse Quelques jours avant l’adoption de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, l’assemblée abolissait l’ancien régime. Comment cet épisode de la révolution française s’articule-t-il avec la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen ? Pourquoi parle-t-on plus de la seconde que de la première, alors qu’elle est actuellement plus importante ? Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 2 HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE LA NUIT DU 4 AOÛT 1789, L’ABOLITION DES PRIVILÈGES PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN Le but du projet d'arrêté que l'Assemblée vient d'entendre est d'arrêter l'effervescence des provinces, d'assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. [...] Les communautés ont fait des demandes : ce n'est pas une Constitution qu'elles ont désirée ; elles n'ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu'ont-elles donc demandé ? [...] que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés. Vicomte de Noaille (noble libéral) discours prononcé dans la nuit du 4 août I LA SITUATION GÉNÉRALE DANS LE CADRE DE LA RÉVOLUTION 1 - Dans la troisième phase de la révolution 2 - La révolution institutionnelle et la révolution populaire se sont rejointes 3 - L'assemblée nationale Constituante travaille depuis le 9 juillet 4 - La prise de la Bastille est intervenue, provoquant un choc national 6 - La révolution gagne les provinces 7 - Une période de confusion politique 8 - La “grande peur” secoue les campagnes durant cet été II LES ÉVÉNEMENTS 1 - Les événements parisiens se répercutent dans tout le royaume 2 - Les effets de "la grande peur", la révolution dans les campagnes 3 - Paysans et villageois attaquent les seigneurs locaux 4 - La mise à bas du système seigneurial dans les faits 5 - Le pays est au bord du gouffre, il faut une solution politique énergique 6 - L'assemblée se réunit en séance le 4 août dans une effervescence générale 7 - La proposition de l’abolition des privilèges par des nobles libéraux 8 - L’Assemblée s’enthousiasme pour le principe 9 - Les délibérations et le vote de l’abolition des droits seigneuriaux 10 - L'hostilité du roi 11 - Les difficultés d'applications, les oppositions concrètes 12 - Le décret royal intervient le 11 août 13 - Mais une mesure limitée par des contre-mesures réglementaires III PARTICULARITÉS DE CET ÉPISODE DANS LA RÉVOLUTION FRANçAISE 1 - L'assemblée reprend les rênes de la révolution après la prise de la Bastille 2 - Le prolongement des événements du serment du jeu de paume du 20 juillet 3 - L'apparition du 4ème état sur la scène politique 4 - Les Provinces rejoignent l’Assemblée, les campagnes rejoignent la révolution 5 - Un rare moment d’unification et de réconciliation IV SES CONSÉQUENCES POLITIQUES ET HISTORIQUES 1 - Ramener le calme dans le royaume et faire cesser les jacqueries 2 - La signification politique : l'égalité politique 3 - L'assemblée a pris une autre Bastille, celle de la féodalité 4 - La fin de la féodalité marque la fin de l’ancien régime 5 - Le début légal de l’unité nationale, la fin des Provinces 6 - La préparation de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 3 V CONCLUSION 1 - Un moment fort de la révolution française de 1789 2 - Mais seulement une étape dans la révolution, qui continue son cours 3 - Une date majeure dans l’histoire française, un principe essentiel du contrat social moderne ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 4 Document 1 : Le vote de la nuit du 4 août fut le résultat de revendications profondes du peuple français, dont on peut trouver un bel exemple dans le grand succès en son temps du Paysan Parvenu de Marivaux ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais, qui est une attaque en règle contre le système nobiliaire publié quelques années à peine avant la révolution française. Le titre que je donne à mes Mémoires, annonce ma naissance ; je ne l’ai jamais dissimulée à qui me l’a demandée, et il semble qu’en tout temps Dieu ait récompensé ma franchise là-dessus ; car je n’ai pas remarqué qu’en aucune occasion on en ait eu moins d’égard et moins d’estime pour moi. J’ai pourtant vu nombre de sots qui n’avaient et ne connaissaient point d’autre mérite dans le monde, que celui d’être nés nobles, ou dans un rang distingué. Je les entendais mépriser beaucoup de gens qui valaient mieux qu’eux, et cela seulement parce qu’ils n’étaient pas gentilshommes : mais c’est que ces gens qu’ils méprisaient, respectables d’ailleurs par mille bonnes qualités, avaient la faiblesse de rougir eux-mêmes de leur naissance, de la cacher, et de tâcher de s’en donner une qui embrouillât la véritable, et qui les mît à couvert du dédain du monde. Or, cet artifice-là ne réussit jamais ; on a beau déguiser la vérité là-dessus, elle se venge tôt ou tard des mensonges dont on a voulu la couvrir ; et l’on est toujours trahi par une infinité d’événements qu’on ne saurait ni parer, ni prévoir ; jamais je ne vis, en pareille matière, de vanité qui fît une bonne fin. C’est une erreur, au reste, que de penser qu’une obscure naissance vous avilisse, quand c’est vous-même qui l’avouez, et que c’est de vous qu’on la sait. La malignité des homme vous laisse là ; vous la frustrez de ses droits ; elle ne voudrait que vous humilier, et vous faites sa charge ; vous vous humiliez vous-même, elle ne sait plus quoi dire. Les hommes ont des moeurs, malgré qu’ils en aient ; ils trouvent qu’il est beau d’affronter leurs mépris injustes ; ; cela les rend à la raison. Ils sentent dans ce courage-là une noblesse qui les fait taire ; c’est une fierté sensée qui confond un orgueil impertinent. Mais c’est assez parler là-dessus. Ceux que ma réflexion regarde se trouveront bien de m’en croire. La coutume, en faisant un livre, c’est de commencer par un petit préambule, et en voilà un. Revenons à moi. Marivaux (1688 - 1763 ) Le paysan parvenu, 1735 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 5 Ô femme ! Femme ! Femme ! créature faible et décevante !... Nul animal créé ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle (1) me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie (2)... Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt (3) !... non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !... noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ! vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter (4)... On vient..., c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié ! (Il s'assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits, élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette (5) vétérinaire ! Beaumarchais (1732 - 1799) Le Mariage de Figaro -1784, Acte V, scène 3 (extrait) 1. à l'instant où elle... 2. la cérémonie du mariage. 3. un sot, un nigaud. 4. rivaliser dans une lutte. 5. instrument de chirurgie pour pratiquer la saignée. Document 2 : La portée des événements de 1789, plus particulièrement la prise de la Bastille (symbole de l’ancien régime), fut parfaitement saisie par un des témoins des événements, l’ambassadeur d’Angleterre. Le peuple ne pardonnera pas facilement le renvoi de M. Necker, car il semble déterminé à pousser son ressentiment jusqu'à ses extrêmes limites; mais prions Dieu que ceci ne se produise, car ils ont déjà le dessus, et peut-on faire confiance à la modération d'une multitude offensée ? Jusqu'à présent, la foule a fait preuve d'une volonté mais également d'une discipline au-delà de toute croyance. Cependant, l'exécration de la noblesse est un sentiment universellement partagé parmi le Tiers. [ ... ] Ainsi donc, Mylord, la plus grande révolution de notre temps n'aura coûté, si l'on considère l'importance de l'événement, que la vie de quelques hommes. À partir de cette date nous devons considérer la France comme un pays libre, le roi comme un monarque aux pouvoirs limités et la noblesse comme réduite au niveau du reste de la nation. Le duc du Dorset ambassadeur d’Angleterre, au duc de Leeds, secrétaire au Foreign Office, 15 juillet 1789 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 6 Document 3 : Extraits des délibérations de l’assemble constituante la nuit du 4 août. M. Target (1733-1806) député de Paris-Hors-Les-murs (ville) L'Assemblée nationale, considérant que, tandis qu'elle est uniquement occupée d'affermir le bonheur du peuple sur les bases d'une Constitution libre, les troubles et les violences qui affligent différentes provinces répandent l'alarme dans les esprits, et portent l'atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes ; Que ces désordres ne peuvent que ralentir les travaux de l'Assemblée, et servir les projets criminels des ennemis du bien public ; Déclare que les lois anciennes subsistent et doivent être exécutées jusqu'à ce que l'autorité de la Nation les ait abrogées ou modifiées ; Que les impôts, tels qu'ils étaient, doivent continuer d'être perçus aux termes de l'arrêté du 17 juin dernier, jusqu'à ce qu'elle ait établi des contributions et des formes moins onéreuses au peuple ; Que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées comme par le passé, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée ; Qu'enfin les lois établies pour la sûreté des personnes et pour celle des propriétés doivent être universellement respectées. La présente déclaration sera envoyée dans toutes les provinces, et les curés seront invités à la faire connaître à leurs paroissiens, et à leur en recommander l'observation. M. le Vicomte de Noailles (1756-1804) député du baillage de Nemours Le but du projet d'arrêté que l'Assemblée vient d'entendre est d'arrêter l'effervescence des provinces, d'assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. Mais comment peut-on espérer d'y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l'insurrection qui se manifeste dans le royaume ? Et comment y remédier, sans appliquer le remède au mal qui l'agite ? Les communautés ont fait des demandes : ce n'est pas une Constitution qu'elles ont désirée ; elles n'ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu'ont-elles donc demandé ? Que les droits d'aides fussent supprimés ; qu'il n'y eût plus de subdélégués; que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés. Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s'occuper de ce que nous appelons et de ce qui est en effet la chose publique ; mais la chose publique leur paraît être surtout la chose qu'elles désirent et qu'elles souhaitent ardemment d'obtenir. D'après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la Nation, les campagnes n'ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s'y opposaient. Qu'est-il arrivé dans cet état de choses ? Elles ont cru devoir s'armer contre la force, et aujourd'hui elles ne connaissent plus de frein : aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre l'alternative de la destruction de la société, ou d'un gouvernement qui sera admiré et suivi de toute l'Europe. Comment l'établir, ce gouvernement ? Par la tranquillité publique. Comment l'espérer, cette tranquillité ? En calmant le peuple, en lui montrant qu'on ne lui résiste que dans ce qu'il est intéressant de conserver. Pour parvenir à cette tranquillité si nécessaire, je propose : 1° Qu'il soit dit, avant la proclamation projetée par le comité, que les représentants de la Nation ont décidé que l'impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus ; 2° Que toutes les charges publiques seront à l'avenir supportées également par tous ; 3° Que tous les droits féodaux seront rachetables par les communautés, en argent ou échangés sur le prix d'une juste estimation, c'est-à-dire d'après le revenu d'une année commune, prise sur dix années de revenu ; 4° Que les corvées seigneuriales, les mains-mortes et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat. (À l'instant un autre député noble, M. le duc d'Aiguillon, propose d'exprimer avec plus de détail le vœu formé par le préopinant). Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 7 M. le Duc d'Aiguillon (1761-1800) Député de la sénéchaussée d’Agen Messieurs, il n'est personne qui ne gémisse des scènes d'horreur dont la France offre le spectacle. Cette effervescence des peuples, qui a affermi la liberté lorsque des ministres coupables voulaient nous la ravir, est un obstacle à cette même liberté dans le moment présent, où les vues du gouvernement semblent s'accorder avec nos désirs pour le bonheur public. Ce ne sont point seulement des brigands qui, à main armée, veulent s'enrichir dans le sein des calamités : dans plusieurs provinces, le peuple tout entier forme une espèce de ligue pour détruire les châteaux, pour ravager les terres, et surtout pour s'emparer des charniers, où les titres des propriétés féodales sont en dépôt. Il cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête ; et il faut l'avouer, Messieurs, cette insurrection quoique coupable (car toute agression violente l'est), peut trouver son excuse dans les vexations dont il est la victime. Les propriétaires des fiefs, des terres seigneuriales, ne sont, il faut l'avouer, que bien rarement coupables des excès dont se plaignent leurs vassaux ; mais leurs gens d'affaires sont souvent sans pitié, et le malheureux cultivateur, soumis au reste barbare des lois féodales qui subsistent encore en France, gémit de la contrainte dont il est la victime. Ces droits, on ne peut se le dissimuler, sont une propriété, et toute propriété est sacrée ; mais ils sont onéreux aux peuples, et tout le monde convient de la gêne continuelle qu'ils leur imposent. Dans ce siècle de lumières, où la saine philosophie a repris son empire, à cette époque fortunée où, réunis pour le bonheur public, et dégagés de tout intérêt personnel, nous allons travailler à la régénération de l'État, il me semble, Messieurs, qu'il faudrait, avant d'établir cette Constitution si désirée que la Nation attend, il faudrait, dis-je, prouver à tous les citoyens que notre intention, notre vœu est d'aller au-devant de leurs désirs, d'établir le plus promptement possible cette égalité de droits qui doit exister entre tous les hommes, et qui peut seule assurer leur liberté. Je ne doute pas que les propriétaires de fiefs, les seigneurs de terres, loin de se refuser à cette vérité, ne soient disposés à faire à la justice le sacrifice de leurs droits. Ils ont déjà renoncé à leurs privilèges, à leurs exemptions pécuniaires ; et dans ce moment, on ne peut pas demander la renonciation pure et simple à leurs droits féodaux. Ces droits sont leur propriété. Ils sont la seule fortune de plusieurs particuliers : et l'équité défend d'exiger l'abandon d'aucune propriété sans accorder une juste indemnité au propriétaire, qui cède l'agrément de sa convenance à l'avantage public. D'après ces puissantes considérations, Messieurs, et pour faire sentir aux peuples que vous vous occupez efficacement de leurs plus chers intérêts, mon vœu serait que l'Assemblée nationale déclarât que les impôts seront supportés également par tous les citoyens, en proportion de leurs facultés, et que désormais tous les droits féodaux des fiefs et terres seigneuriales seront rachetés par les vassaux de ces mêmes fiefs et terres, s'ils le désirent ; que le remboursement sera porté au denier fixé par l'Assemblée ; et j'estime, dans mon opinion, que ce doit être au denier 30, à cause de l'indemnité à accorder. C'est d'après ces principes, Messieurs, que j'ai rédigé l'arrêté suivant, que j'ai l'honneur de soumettre à votre sagesse, et que je vous prie de prendre en considération : « L'Assemblée nationale, considérant que le premier et le plus sacré de ses devoirs est de faire céder les intérêts particuliers et personnels à l'intérêt général ; Que les impôts seraient beaucoup moins onéreux pour les peuples, s'ils étaient répartis également sur tous les citoyens, en raison de leurs facultés ; Que la justice exige que cette exacte proportion soit observée ; Arrête que les corps, villes, communautés et individus qui ont joui jusqu'à présent de privilèges particuliers, d'exemptions personnelles, supporteront à l'avenir tous les subsides, toutes les charges publiques, sans aucune distinction, soit pour la quotité des impositions, soit pour la forme de leurs perceptions ; L'Assemblée nationale, considérant en outre que les droits féodaux et seigneuriaux sont aussi une espèce de tribut onéreux, qui nuit à l'agriculture, et désole les campagnes ; Ne pouvant se dissimuler néanmoins que ces droits sont une véritable propriété, et que toute propriété est inviolable ; Arrête que ces droits seront à l'avenir remboursables à la volonté des redevables, au denier 30, ou à tel autre denier qui, dans chaque province, sera jugé plus équitable par l'Assemblée nationale, d'après les tarifs qui lui seront présentés. Ordonne enfin, l'Assemblée nationale, que tous ces droits seront exactement perçus et maintenus comme par le passé, jusqu'à leur parfait remboursement ». Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 8 Document 4 : Texte du décret voté la nuit du 4 au 5 août, adopté le 11 août 1789. Décret relatif à l'abolition des privilèges 11 août 1789 Art. 1er L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et les devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; et tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont points supprimés par ce décret continueront néanmoins d'être perçus jusqu'au remboursement. Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain. Art. 3. Le droit exclusif de la chasse ou des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire ou faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toute les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existantes à cet égard. Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire. Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelques dénominations qu'elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous les gens main-morte, même par l'ordre de Malte, et d'autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu'elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'Assemblée ; et jusqu'au règlement à faire à ce sujet, l'Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée. Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu'elles soient dues, gens de main-morte, domaines apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l'Assemblée. Défense seront faites de plus à l'avenir de créer aucune redevance non remboursable. Art. 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d'exercer leurs fonctions et d'en percevoir les émoluments jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement. Art. 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d'être payés aussitôt qu'il aura été pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes. Art. 9. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année de l'imposition courante. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 9 Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français. Art. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissances, pourront être admis à tous les emplois et les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance. Art. 12. À l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d'Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annales ou pour quelque cause que ce soit ; mais les diocésains s'adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté. Art. 13. Les déports, droits de côte-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés. Art. 14. La pluralité des bénéfices n'aura plus lieu à l'avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excèderont le somme de 3 000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l'on possède déjà excède la même somme de 3 000 livres. Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l'Assemblée nationale de l'état des pensions, grâces et traitements, qu'elle s'occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l'avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet. Art. 16. L'Assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté en actions de grâces un "Te deum" dans toutes les paroisses et églises du royaume. Art. 17. L'Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française. Art. 18. L'Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le "Te deum" soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même. L'assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 10 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. Présentation sur notre site internet ou envoyez-nous un email avec le code PHILO UPLOAD et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence ou le cycle qui vous intéresse via internet. C’est rapide et économique. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 11 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Revue de philosophie “ALDÉRAN” - N°12 : Dossier spécial “Droits Humains” : Le début des droits humains - N°13 : Dossier spécial “Droits Humains” : Le temps de l’engagement Conférences sur l’histoire de la philosophie en relation avec cette période - Voltaire et la religion - Diderot, un portrait sans étiquette, par Jérémy Forst - L’Encyclopédie et la philosophie des Lumières - La singularité philosophique de Jean-Jacques Rousseau, par Eliane Martin-Haag - La révolution française et l'antiquité, une révolution en "habits de Romains" ?, par Christine Dousset 1000-156 1000-186 1000-074 1000-224 1000-246 Conférences sur l’histoire des révolutions - La révolution Athénienne - La révolution Romaine - La révolution des Gracques - Spartacus et les révoltes serviles de l’Antiquité - La révolution hollandaise et la création de la république des Provinces-Unies - La révolution anglaise et la république de Cromwell - La glorieuse révolution, la seconde révolution anglaise - La révolution américaine - La révolution française de 1789 - Toussaint Louverture et la Révolution d’Haïti - Bolivar et les révolutions sud-américaines - La révolution de Juillet 1830, les trois glorieuses - La révolution de 1848, la seconde république - 1848, le printemps des peuples - Le Risorgimento, la révolution italienne - La commune, la révolution de 1871 - La révolution mexicaine - La révolution russe de 1917 - 1936, Le front populaire, histoire d’une révolution méconnue - La révolution indienne et Gandhi - La seconde révolution américaine des droits civiques et Martin Luther King - Le printemps de Prague, la révolution écrasée - Mai 1968, révolution sociologique - La révolution portugaise des oeillets - La révolution sud-africaine et Nelson Mandela 1000-157 1000-159 1000-194 1000-092 1000-099 1000-100 1000-195 1000-101 1000-102 1000-122 1000-103 1000-154 1000-126 1000-164 1000-104 1000-105 1000-097 1000-107 1000-174 1000-108 1000-109 1000-168 1000-117 1000-169 1000-198 Conférences sur la question des droits humains - Qu’est-ce que les Droits de l’homme ? - Le progrès des Droits Humains, le perpétuel chantier des Droits Humains - Droits humains et Déclarations - La déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen - La Déclaration Universelle des droits humains de 1948 - Démocratie et humanisme, introduction au démocratisme humaniste 1600-187 1600-239 1600-292 1000-181 1000-249 1600-141 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 12 Conférences autour de la conquête des libertés - Liberté, j’écris ton nom... éloge de la liberté - Le devenir de l’Humanité - La libération de l’Humanité - Le devoir de désobéissance 1600-143 1600-097 1600-080 1600-120 Quelques livres et revues généraux sur la révolution française - La rébellion française. mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Seuil, 2002 - Initiation à la Révolution française, J.-P. Bertaud, Perrin, 1989 - L’État de la France pendant la Révolution, 1788-1799, Collectif, La Découverte, 1988 - La Révolution française, François Furet et Denis Richet (1965), Hachettte, 1988 - Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Collectif, coll. Bouquins, Laffont, 1987 - Le XVIIIème siècle, l’époque des “Lumières” : 1715-1815, R. Mousnier et E. Labroussse, Quadrige PUF, 1985 - Histoire de la révolution française, Jean-Claude Hallé, Nathan, 1983 - La France au XVIIe et XVIIIe siècles, Robert Mandrou , PUF, 1967 - La révolution française, Albert Soboul, PUF, 1965 - Le paysan parvenu, Marivaux (1734), Garnier Flammarion Quelques livres et revues sur l’abolition des privilèges - L’invention de la démocratie : 1789-1914, Serge Berstein et Michel Winock, Seuil, 2002 - La Révolution des droits de l’homme, Marcel Gauchet, Gallimard, 1989 - La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Collectif, Hachette-Pluriel, 1988 - La Chute de la royauté, 10 août 1792, M. Reinhard, Gallimard, 1970 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-175 : “Lʼabolition des privilèges, la fin de lʼancien Régime” - 08/06/2004 - page 13