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Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 1
Evaluation et marketing : réinterroger nos politiques
publiques autrement que par les compétences
Atelier n°18
Benoit QUIGNON, Directeur général, Communauté urbaine de Lyon - Grand Lyon
Jean-Gabriel MADINIER, Directeur général des services, Ville de Saint-Etienne
Christian CARCAGNO, Président de section, Chambre régionale des comptes d’Ile de
France
Marie-Joëlle THENOZ, Associée secteur public cabinet Ineum Consulting
La réduction des marges de manœuvre financières impose à l’ensemble des collectivités
de s’interroger sur la pertinence, l’efficacité et l’efficience de leurs actions. Le débat est
aujourd’hui surtout centré sur les compétences, notamment au travers des réflexions
menées sur la mutualisation des moyens entre collectivités.
Dans une approche complémentaire à ce travail sur les compétences, l’évaluation des
politiques publiques et le marketing sont présentés comme deux outils à développer pour
repérer des marges de manœuvre, mais aussi se mettre en capacité de s’adapter aux
évolutions du contexte financier, économique et sociétal (« agilité »).
I. Contraintes financières et modernisation du mode de production
des services publics locaux (Christian CARCAGNO)
Les résultats macroéconomiques des collectivités locales étaient satisfaisants jusqu’en
2007, mais témoignaient d’une raréfaction à venir des ressources. En effet, l’épargne des
collectivités locales était relativement importante, et, malgré les transferts de compétence,
les Départements parvenaient à dégager une marge d’autofinancement. La dette restait
en outre limitée. Depuis 2000, le nombre de saisines des chambres régionales des
comptes était en baisse constante. Aujourd’hui, les ressources sont réellement rares et le
resteront, sachant que la part venant de l’Etat dans le cadre des décentralisations
diminuera progressivement et que les droits de mutation seront en baisse dans les
années à venir. D’ici 2012, la vitesse de croissance des dépenses publiques devrait être
divisée par deux par rapport à aujourd’hui, et certains investissements, notamment dans
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les collèges, se réduiront. Parallèlement, la croissance des dépenses sociales et
médicosociales devrait se poursuivre.
Il reste des marges de manœuvre dans les collectivités territoriales, même si celles
relatives à la fiscalité sont très limitées. En revanche, les effectifs de fonctionnaires dans
les collectivités territoriales ont fortement augmenté dans ces dernières, alors qu’ils
baissaient au niveau de l’Etat et de la fonction publique hospitalière. Le phénomène n’est
en outre pas lié uniquement à la décentralisation. Il est lié également à la démographie et
à l’extension des services publics locaux.
Ainsi, plusieurs axes d’amélioration apparaissent :
la gestion des ressources humaines pourrait globalement être améliorée dans les
collectivités, s’agissant en particulier de l’adéquation entre les effectifs et les missions ;
le niveau d’équipement parait en outre aujourd’hui satisfaisant. Après avoir augmenté
fortement au cours des dernières années, il devrait se stabiliser.
la mutualisation des moyens est également un axe d’amélioration,
le coût (tarification) des services publics locaux peut s’ajuster, en étudiant les
délégations de service public ;
les citoyens pourraient participer de façon plus importante à certains services.
De fait, la théorie des blocs de compétences ne fonctionne pas. Néanmoins, les doublons
ont tendance à disparaitre. On assiste notamment à des fusions de communautés de
commune, même si certaines structures comme les syndicats intercommunaux perdurent
alors qu’ils n’ont plus de raison d’être.
Les élus et les fonctionnaires territoriaux sont conscients de l’existence de marges de
manœuvre. Ils sont conscients de la complexité de la situation, notamment d’un point de
vue technique, mais sont prêts à agir. Cependant, les référentiels et les indicateurs de
performance manquent pour réaliser des évaluations pertinentes avant d’intervenir. Il
n’existe pas non plus à l’heure actuelle de coûts standards pour les principaux services
publics locaux. L’évaluation de la qualité des prestations est également très difficile à
mettre en œuvre. Le marketing public pourrait alors être utile pour repérer la surqualité.
De manière générale, les collectivités locales se doivent, dans le contexte économique
actuel de raréfaction des ressources de revoir leurs méthodes de gestion.
II. La réforme générale des politiques publiques : démarche et
résultats (Marie-Joëlle THENOZ)
Les collectivités n’ont pas attendu l’Etat pour réformer leurs politiques publiques et
utilisent pour cela des outils de marketing. Au niveau de l’Etat, la réforme générale des
politiques publiques (RGPP) concerne tous les ministères et se met en place en un temps
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réduit. Les inspecteurs des finances ont disposé de quatre mois pour formuler des
propositions, les objectifs fixés à l’avance étant de ne pas remplacer un fonctionnaire sur
deux partant à la retraite et de réduire les dépenses de 10 à 20 % hors masse salariale.
La France s’est inspirée de la démarche en sept points mise en œuvre au Canada. L’une
des questions consiste à se demander quelles sont les besoins et les attentes collectives
et la façon d’y répondre. Globalement, la démarche vise à se poser des questions de
fonds sur les missions de service public avant de s’interroger sur l’organisation. Les plans
de transformation font en outre l’objet d’un plan d’accompagnement sur trois ans.
D’après le projet, certaines politiques jugées non pertinentes sont supprimées, alors que
d’autres sont renforcées. La RGPP conduit à quelques transferts de compétences et à
revoir la qualité de service en fonction des besoins. Les dispositifs d’intervention sont en
outre allégés, l’Etat se positionnant comme maître d’ouvrage et non comme maître
d’œuvre. En réalité, les réformes de structure dominent par rapport aux réformes de
process et les remises en cause de politiques publiques restent rares.
Dans les collectivités locales, ce type de démarche est mis en œuvre depuis de
nombreuses années. Les marges de manœuvre concernent essentiellement les politiques
facultatives des collectivités locales. Se pose par ailleurs aujourd’hui aux collectivités
locales la question de l’organisation en réseau, qui réinterroge les politiques publiques. En
outre, certains services, comme les prestations à domicile, peuvent être supprimés ou
faire l’objet d’une facturation. Les collectivités locales passent alors d’un rôle de
prestataire à un rôle de coordinateur. Dans ce cadre, elles cherchent à connaître les
publics qui utilisent les différents services proposés et utilisent alors le marketing public.
Ce dernier continue à susciter des craintes chez les acteurs publics. Il s’agit pourtant
d’optimiser le niveau de service rendu et de réduire les coûts liés à la relation
usagers/clients, de faire évoluer la tarification des services et de faciliter les
interactions entre l’usager et l’administration. Les difficultés pour mettre en œuvre ce
type de marketing sont souvent liées au manque de coordination des informations venant
des citoyens.
Le marketing est une notion issue du secteur privé, mais il permet, dans le secteur public,
de segmenter les publics et donc de bien cibler les politiques et les publics auxquels elles
sont exclusivement destinées. Il est mis en œuvre en réalisant des enquêtes, en utilisant
l’ensemble des informations disponibles dans les différents services et en s’intéressant
aux processus.
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III. Débat
Comment évaluer la politique d’insertion, sachant que la collecte de données peut
poser problème ? Quelles sont les segmentations possibles parmi les citoyens ?
Comment évaluer en elle-même la réinsertion d’un point de vue qualitatif ?
L’évaluation de la politique sur les personnes âgées utilise une grille de classement en
fonction du niveau de dépendance. En découle le mode d’organisation du paiement des
prestations. Des grilles se mettent en place également pour la politique du handicap et
pourraient être créées pour l’insertion. Il est en outre possible d’utiliser des matrices
coûts/utilités pour déterminer l’efficacité d’une politique publique.
Il est toujours difficile pour les élus locaux de mettre fin à certaines politiques.
Comment les fonctionnaires territoriaux peuvent-ils les aider à réduire, quand cela
paraît nécessaire, le champ d’action d’une collectivité territoriale ?
La réforme générale des politiques publiques mise en œuvre au niveau de l’Etat semble
ne pas avoir suffisamment épuré les politiques publiques ni s’être penchée sur la façon de
mettre en œuvre et d’organiser ces politiques. Les collectivités auront sans doute plus de
facilités à agir, en raison de leur taille plus réduite. Le mode de gouvernance est par
ailleurs alors une question très importante et son évolution demande un certain courage
politique de la part des élus locaux, qui doivent savoir arbitrer.
Les collectivités n’utilisent sans doute pas suffisamment les techniques de management
du secteur privé, dont elles pourraient tirer profit en particulier en matière de ressources
humaines. La GPEC est en outre nécessairement liée au contrôle de gestion et interroge
la qualité de service. Hélas, les élus comme les fonctionnaires cherchent trop souvent à
conserver leurs pouvoirs actuels, ce qui ne facilite pas le travail d’équipe. Il conviendrait
sans doute également d’associer les citoyens, afin qu’ils prennent conscience du coût que
représentent leurs demandes.
IV. Comment le Grand Lyon a utilisé le marketing public pour ses
politiques ? (Benoît QUIGNON)
Utiliser le terme de marketing public est souvent mal perçu, c’est pourquoi il a été décidé à
la Communauté urbaine du Grand Lyon de recourir au terme d’Objectif publics (au
pluriel, car il s’agit bien de s’adresser à différents publics), pour désigner le projet
marketing. Le Grand Lyon a choisi de s’inscrire dans cette démarche car il devait adapter
ses politiques publiques étant donné le contexte économique, la compétitivité entre les
grandes villes européennes et les attentes des citoyens. La question essentielle à l’origine
du projet a consisté à se demander pour qui telle ou telle action était menée et si les
publics visés étaient bien satisfaits des politiques mises en œuvre.
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Cette question a remis en cause la pratique de l’écoute des citoyens, qui est souvent mise
en avant par les agents publics et les élus, mais restait en réalité restreinte. En outre, une
fois les attentes bien connues, il convenait de valoriser les actions jugées positives par les
citoyens et d’éliminer celles qui ne l’étaient pas. Une communication adaptée a été mise
en place, comme cela se fait dans le cadre du marketing privé. Il y a toutefois une
différence par rapport à ce dernier, les usagers n’étant pas les payeurs directs des
services qu’ils utilisent. Ce point constitue une difficulté. En revanche, les citoyens
s’impliquent plus que les consommateurs dans l’évolution des actions publiques. Ils
peuvent contribuer, par exemple à l’amélioration de leur qualité de vie.
La mise en œuvre du marketing public dans une collectivité complète les logiques
techniques et gestionnaires déjà en place, ainsi que la logique politique et la logique
citoyenne. Le marketing enrichit la discussion nécessaire avant tout arbitrage des élus
locaux. Le Grand Lyon a cherché, dans sa démarche, à améliorer ses prestations en
s’intéressant à la notion de bénéficiaires. La communauté urbaine l’a par la suite
généralisé, parallèlement à la diffusion en interne d’une « culture des choix », en évaluant
les projets en fonction de leur contribution à l’atteinte des objectifs de politiques publiques.
Ces dernières ont été formalisées dans le cadre d’un plan de mandat. Une équipe de
marketing stratégique, qui rapporte directement au directeur général, a été mise en place.
Son objectif est que chacune des politiques réponde aux justes attentes des bénéficiaires,
sans chercher nécessairement à améliorer la qualité de manière constante.
Le marketing stratégique a été utilisé pour la politique de la propreté, dont l’objectif est
aujourd’hui l’amélioration du cadre de vie en collaboration avec les usagers, alors qu’il
s’agissait autrefois d’améliorer le circuit des balayeuses. Le marketing a également été
utilisé pour évaluer les prestations de services internes des fonctions supports de la
communauté urbaine.
V.
Evaluer pour définir les frontières de l’action publique locale
(Jean-Gabriel MADINIER)
L’évaluation des politiques publiques revient à émettre un jugement de valeur et des
recommandations sur les résultats, les impacts et la cohérence de la politique au regard
des objectifs prédéfinis. Elle reste limitée en France dans les services publics, et en
particulier dans les communes ou les intercommunalités. Les régions ont uniquement mis
en place des évaluations de type technique liées à l’utilisation de fonds européens.
L’évaluation conduit à réinterroger les services publics et les modes de production. Elle
est un outil d’objectivation et aide à sortir d’un schéma de services publics conditionnés
par l’offre existante. Elle donne un sens à l’action administrative, car elle conduit à
s’interroger sur les finalités de cette dernière. L’évaluation peut être également un facteur
de déstabilisation, car elle remet en cause la place des élus et interroge le rôle de
l’exécutif et l’opportunité des politiques de long terme.
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