CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIE
DANS L’ŒUVRE DE CARNAP
CONFÉRENCE PAR XAVIER VERLEY
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-239
LOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIE DANS L’ŒUVRE DE CARNAP
conférence de Xavier Verley donnée le 09/01/2009
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Rudolf Carnap (1891-1970) était un philosophe allemand puis américain et le plus célèbre
représentant du positivisme logique. à Ronsdorf, il fit des études de physique et
philosophie à l'université d'Iéna (où il rencontra Gottlob Frege) et à l'université de Freiburg
il fit sa thèse sur l'Espace avec le philosophe Bruno Bauch. En 1926, il partit prendre un poste
à l'Université de Vienne et rejoignit le Cercle de Vienne fondé par Moritz Schlick. Il y
rencontra aussi Wittgenstein, qui visitait parfois le Cercle. En 1928, Carnap publia Der
logische Aufbau der Welt, en français "La Construction logique du monde",il continuait le
projet de Bertrand Russell de fonder toutes les connaissances sur la logique et un langage
phénoméniste (la base des vécus élémentaires). Cet ouvrage contient un certain nombre
d'éléments qui resteront dans l'œuvre ultérieure de Carnap : l'importance de la logique, l'idée
que la philosophie est une construction de langages scientifiques débarrassés de toute
métaphysique, l'unité de la science, etc. Cette conférence s’attachera plus particulièrement à
la logique et à l’épistémologie dans l’oeuvre de Carnap, philosophe contemporain assez peu
connu en France comme la plupart des représentants du positivisme logique qui constitue
pourtant un des principaux développements de la philosophie au 20ème siècle.
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PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR XAVIER VERLEY
BIOGRAPHIE
1891 : Naissance à Ronsdorf (nord-ouest de l'Allemagne). Les parents sont profondément
religieux. Sa mère a été enseignante. Au lycée, il s'intéresse aux mathématiques et au latin,
qu'il aime pour sa structure rationnelle.
1909 : Il part à Iéna et de 1910 à 1914, il poursuit des études à Iéna d'abord et à Fribourg
ensuite. Il s'intéresse à la philosophie, aux mathématiques et à la physique. Il étudie la
philosophie de Kant avec Bruno Bauch. L'influence de Kant apparaît dans son mémoire
Der Raum (L'espace 1921). Mais influence encore plus grande de Frege qui enseignait à
Iéna.
1919-1926 : Débuts de son activité philosophique après la guerre.
1923 : Rencontre de Reichenbach à Erlangen.
1926 : Physikalische Begriffsbildung. De 1926 à 1935, c'est la période du Cercle de
Vienne.
1928 : Der logische Aufbau der Welt (La structure logique du monde).
1929 : Abriss der logistik (abrégé de logistique).
1934 : Logische Syntax der Sprache (Syntaxe logique du langage).
1947 : Meaning and Necessity, A study in Semantics and Modal Logic.
1936-1970 : Carnap vit et enseigne aux États-unis. La vie de Carnap reste désormais liée
à l'enseignement universitaire et aux discussions avec Quine et d'autres empiristes
logiques.
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LE CONTEXTE PHILOSOPHIQUE DE LA PENSÉE CARNAPIENNE
1 - La métaphysique : Bergson, la phénoménologie, Heidegger.
2 - Les orientations positivistes de la philosophie de la science : Duhem, Mach,
Poincaré, Hertz.
La philosophie de Carnap a été qualifiée de néopositivisme. Le positivisme se
caractérise par son rejet de la métaphysique en raison d'une certaine conception de la
science : la science n'a pas à expliquer mais doit se contenter de décrire les faits et
d'introduire des hypothèses pour en rendre compte. Positivisme et instrumentalisme :
si la science ne permet pas de nous donner une « image » de la réalité, elle peut être
conçue comme un « instrument » servant à prédire les événements ou phénomènes :
si on n'admet pas le déterminisme strict, on parle de probabilité au lieu de vérité ou de
fausseté.
3 - La métaphysique peut-elle être une science ?
Réponse de Kant. Schlick : la métaphysique est impossible. Carnap : elle est un non-
sens. La question du sens imprègne toute la pensée de Carnap. Influence de
Wittgenstein : la philosophie ne peut prétendre apprendre quelque chose sur le monde :
il ne lui reste qu'à analyser la signification des énoncés scientifiques. L'analyse logique
doit être comprise comme une méthode pour détecter le sens et débusquer les non-
sens.
Texte de Carnap : la métaphysique engendre des non-sens.
Nous voulons maintenant indiquer quelques exemples de simili-énoncés
métaphysiques sur lesquels on peut reconnaître avec une netteté toute particulière que
la syntaxe logique est violée, bien que la syntaxe grammaticale traditionnelle y soit
respectée. Nous choisissons quelques énoncés dans l'exposé de la doctrine
métaphysique qui exerce actuellement en Allemagne la plus grande influence (1).
Ce que la recherche doit pénétrer, c'est simplement l'étant, et en dehors de cela - rien -
uniquement l'étant, outre cela - rien : exclusivement l'étant (2), et du-delà - rien. Qu'en
est-il de ce Néant ? N'y a-t-il le Néant que parce qu'il y a le « non », c'est-à-dire la
négation ? ou bien est-ce le contraire ? N'y a-t-il la négation et le « non » que parce qu'il
y a le Néant ? (...) Nous affirmons ceci : le Néant est plus originaire que le « non » et la
négation (...) cherchons-nous le Néant ? Comment trouvons-nous le Néant ?- Nous
connaissons le Néant (...) L'angoisse révèle le Néant (...) Ce devant quoi et pourquoi
nous nous angoissions n'était ici « proprement » (...) rien. En effet : le Néant lui-même -
comme tel - était là (...) Qu'en est-il du Néant ? (...) Le Néant lui-même qui néantit.
Pour montrer que la possibilité de former des simili-énoncés repose sur une carence
logique du langage, nous établissons le schéma ci-dessous. Les énoncés de la colonne
I sont grammaticalement aussi bien que logiquement irréprochables ; ils sont donc
pourvus de sens. Les énoncés de la colonne II l'exception de B3) sont tout à fait
analogues du point de vue grammatical à ceux de la colonne I. La forme
propositionnelle II A (la question et la réponse) ne satisfait pas, il est vrai, aux exigences
d'une langue logiquement correcte. Elle est néanmoins douée de sens, car elle peut
être traduite dans une langue correcte, comme le montre l'énoncé III A qui a le même
sens que II A. La forme propositionnelle Il A s'avère inadéquate du fait que, à partir
d'elle, moyennant des opérations grammaticales irréprochables, nous pouvons parvenir
aux formes propositionnelles II B dépourvues de sens, qui figurent dans la citation
d'Heidegger. On ne peut même pas construire ces formes dans la langue correcte de la
colonne III. Néanmoins, on ne remarque pas au premier coup d'oeil qu'elles sont
dépourvues de sens, car on se laisse facilement abuser par l'analogie trompeuse avec
les énoncés pourvus de sens de la colonne I B. Le défaut ici constaté de notre langue
consiste donc en ceci que, contrairement à une langue logiquement correcte, la nôtre
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1 - Les citations suivantes sont tirées de M. Heidegger, Was ist Metaphysik ?, 1929. Nous aurions pu prélever aussi bien des
passages dans un quelconque des multiples ouvrages métaphysiques du présent ou du passé; toutefois les passages choisis nous
semblent illustrer notre conception avec une netteté toute particulière.
2 - c’est ici la traduction de Corbinavec les modifications que nous avons jugé bon de faire : das Seiende = l’ étant
admet la même forme grammaticale aussi bien pour les suites de mots pourvues de
sens que pour celles qui sont dépourvues de sens. À tout énoncé verbal se trouve
associée une formule correspondante dans la manière d'écrire logistique ; ces formules
permettent de reconnaître tout particulièrement combien l'analogie entre I A et II A sur
laquelle repose l'engendrement des formes II B dénuées de sens, manque de
pertinence.
Lorsqu'on examine de plus près les simili-énoncés II B, certaines autres différences
apparaissent encore. La formation des énoncés (1) repose simplement sur l'erreur qui
consiste à prendre le mot « Néant » pour le nom d'un objet, parce qu'on l'utilise sous
cette forme dans la langue usuelle pour formuler un énoncé existentiel négatif (voir II
A). En revanche dans une langue correcte on atteint le même but, en se servant non
pas d'un nom particulier, mais d'une forme logique spécifique de l'énoncé (voir III A).
Dans l'énoncé II B 2 apparaît encore quelque chose de nouveau, à savoir la formation
du verbe dépourvu de sens : «néantir» ; c'est donc pour une double raison que cet
énoncé n'a pas de sens. Nous disions tout à l'heure que les mots dépourvus de sens de
la métaphysique viennent généralement de ce que l'emploi métaphorique, en
métaphysique, d'un mot signifiant, le dépouille de sa signification. En revanche ici, nous
avons affaire à un des cas rares : on introduit un mot nouveau qui déjà au départ n'a
aucune signification. De même, c'est pour une double raison qu'il faut rejeter l'énoncé II
B 3. L'erreur est la même que dans les énoncés précédents : le mot « Néant » y est
employé comme nom d'objet. Il renferme de plus une contradiction. Car même s'il était
permis d'introduire le mot « Néant » comme nom ou description d'un objet, on nierait
l'existence de cet objet dans sa définition, alors que, selon l'énoncé 3 on la lui
attribuerait de nouveau. Si cet énoncé n'était pas déjà dépourvu de sens, il serait
contradictoire, donc absurde.
En présence des fautes logiques grossières que nous trouvons dans les énoncés II B,
nous pourrions présumer que, dans l'ouvrage cité, le mot « Néant » a peut-être une
signification tout autre qu'ailleurs. Cette présomption est confirmée lorsque nous lisons
par la suite dans le même texte que l'angoisse révèle le Néant, que, dans l'angoisse, le
Néant lui-même se trouve en tant que tel. Ici, le mot « Néant » paraît bien devoir
désigner une certaine disposition affective, peut-être de nature religieuse, ou quelque
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