CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire LOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIE DANS L’ŒUVRE DE CARNAP CONFÉRENCE PAR XAVIER VERLEY Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-239 LOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIE DANS L’ŒUVRE DE CARNAP conférence de Xavier Verley donnée le 09/01/2009 à la Maison de la philosophie à Toulouse Rudolf Carnap (1891-1970) était un philosophe allemand puis américain et le plus célèbre représentant du positivisme logique. Né à Ronsdorf, il fit des études de physique et philosophie à l'université d'Iéna (où il rencontra Gottlob Frege) et à l'université de Freiburg où il fit sa thèse sur l'Espace avec le philosophe Bruno Bauch. En 1926, il partit prendre un poste à l'Université de Vienne et rejoignit le Cercle de Vienne fondé par Moritz Schlick. Il y rencontra aussi Wittgenstein, qui visitait parfois le Cercle. En 1928, Carnap publia Der logische Aufbau der Welt, en français "La Construction logique du monde", où il continuait le projet de Bertrand Russell de fonder toutes les connaissances sur la logique et un langage phénoméniste (la base des vécus élémentaires). Cet ouvrage contient un certain nombre d'éléments qui resteront dans l'œuvre ultérieure de Carnap : l'importance de la logique, l'idée que la philosophie est une construction de langages scientifiques débarrassés de toute métaphysique, l'unité de la science, etc. Cette conférence s’attachera plus particulièrement à la logique et à l’épistémologie dans l’oeuvre de Carnap, philosophe contemporain assez peu connu en France comme la plupart des représentants du positivisme logique qui constitue pourtant un des principaux développements de la philosophie au 20ème siècle. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 2 PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR XAVIER VERLEY BIOGRAPHIE 1891 : Naissance à Ronsdorf (nord-ouest de l'Allemagne). Les parents sont profondément religieux. Sa mère a été enseignante. Au lycée, il s'intéresse aux mathématiques et au latin, qu'il aime pour sa structure rationnelle. 1909 : Il part à Iéna et de 1910 à 1914, il poursuit des études à Iéna d'abord et à Fribourg ensuite. Il s'intéresse à la philosophie, aux mathématiques et à la physique. Il étudie la philosophie de Kant avec Bruno Bauch. L'influence de Kant apparaît dans son mémoire Der Raum (L'espace 1921). Mais influence encore plus grande de Frege qui enseignait à Iéna. 1919-1926 : Débuts de son activité philosophique après la guerre. 1923 : Rencontre de Reichenbach à Erlangen. 1926 : Physikalische Begriffsbildung. De 1926 à 1935, c'est la période du Cercle de Vienne. 1928 : Der logische Aufbau der Welt (La structure logique du monde). 1929 : Abriss der logistik (abrégé de logistique). 1934 : Logische Syntax der Sprache (Syntaxe logique du langage). 1947 : Meaning and Necessity, A study in Semantics and Modal Logic. 1936-1970 : Carnap vit et enseigne aux États-unis. La vie de Carnap reste désormais liée à l'enseignement universitaire et aux discussions avec Quine et d'autres empiristes logiques. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 3 LE CONTEXTE PHILOSOPHIQUE DE LA PENSÉE CARNAPIENNE 1 - La métaphysique : Bergson, la phénoménologie, Heidegger. 2 - Les orientations positivistes de la philosophie de la science : Duhem, Mach, Poincaré, Hertz. La philosophie de Carnap a été qualifiée de néopositivisme. Le positivisme se caractérise par son rejet de la métaphysique en raison d'une certaine conception de la science : la science n'a pas à expliquer mais doit se contenter de décrire les faits et d'introduire des hypothèses pour en rendre compte. Positivisme et instrumentalisme : si la science ne permet pas de nous donner une « image » de la réalité, elle peut être conçue comme un « instrument » servant à prédire les événements ou phénomènes : si on n'admet pas le déterminisme strict, on parle de probabilité au lieu de vérité ou de fausseté. 3 - La métaphysique peut-elle être une science ? Réponse de Kant. Schlick : la métaphysique est impossible. Carnap : elle est un nonsens. La question du sens imprègne toute la pensée de Carnap. Influence de Wittgenstein : la philosophie ne peut prétendre apprendre quelque chose sur le monde : il ne lui reste qu'à analyser la signification des énoncés scientifiques. L'analyse logique doit être comprise comme une méthode pour détecter le sens et débusquer les nonsens. Texte de Carnap : la métaphysique engendre des non-sens. Nous voulons maintenant indiquer quelques exemples de simili-énoncés métaphysiques sur lesquels on peut reconnaître avec une netteté toute particulière que la syntaxe logique est violée, bien que la syntaxe grammaticale traditionnelle y soit respectée. Nous choisissons quelques énoncés dans l'exposé de la doctrine métaphysique qui exerce actuellement en Allemagne la plus grande influence (1). Ce que la recherche doit pénétrer, c'est simplement l'étant, et en dehors de cela - rien uniquement l'étant, outre cela - rien : exclusivement l'étant (2), et du-delà - rien. Qu'en est-il de ce Néant ? N'y a-t-il le Néant que parce qu'il y a le « non », c'est-à-dire la négation ? ou bien est-ce le contraire ? N'y a-t-il la négation et le « non » que parce qu'il y a le Néant ? (...) Nous affirmons ceci : le Néant est plus originaire que le « non » et la négation (...) Où cherchons-nous le Néant ? Comment trouvons-nous le Néant ?- Nous connaissons le Néant (...) L'angoisse révèle le Néant (...) Ce devant quoi et pourquoi nous nous angoissions n'était ici « proprement » (...) rien. En effet : le Néant lui-même comme tel - était là (...) Qu'en est-il du Néant ? (...) Le Néant lui-même qui néantit. Pour montrer que la possibilité de former des simili-énoncés repose sur une carence logique du langage, nous établissons le schéma ci-dessous. Les énoncés de la colonne I sont grammaticalement aussi bien que logiquement irréprochables ; ils sont donc pourvus de sens. Les énoncés de la colonne II (à l'exception de B3) sont tout à fait analogues du point de vue grammatical à ceux de la colonne I. La forme propositionnelle II A (la question et la réponse) ne satisfait pas, il est vrai, aux exigences d'une langue logiquement correcte. Elle est néanmoins douée de sens, car elle peut être traduite dans une langue correcte, comme le montre l'énoncé III A qui a le même sens que II A. La forme propositionnelle Il A s'avère inadéquate du fait que, à partir d'elle, moyennant des opérations grammaticales irréprochables, nous pouvons parvenir aux formes propositionnelles II B dépourvues de sens, qui figurent dans la citation d'Heidegger. On ne peut même pas construire ces formes dans la langue correcte de la colonne III. Néanmoins, on ne remarque pas au premier coup d'oeil qu'elles sont dépourvues de sens, car on se laisse facilement abuser par l'analogie trompeuse avec les énoncés pourvus de sens de la colonne I B. Le défaut ici constaté de notre langue consiste donc en ceci que, contrairement à une langue logiquement correcte, la nôtre 1 - Les citations suivantes sont tirées de M. Heidegger, Was ist Metaphysik ?, 1929. Nous aurions pu prélever aussi bien des passages dans un quelconque des multiples ouvrages métaphysiques du présent ou du passé; toutefois les passages choisis nous semblent illustrer notre conception avec une netteté toute particulière. 2 - c’est ici la traduction de Corbinavec les modifications que nous avons jugé bon de faire : das Seiende = l’ étant Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 4 admet la même forme grammaticale aussi bien pour les suites de mots pourvues de sens que pour celles qui sont dépourvues de sens. À tout énoncé verbal se trouve associée une formule correspondante dans la manière d'écrire logistique ; ces formules permettent de reconnaître tout particulièrement combien l'analogie entre I A et II A sur laquelle repose l'engendrement des formes II B dénuées de sens, manque de pertinence. Lorsqu'on examine de plus près les simili-énoncés II B, certaines autres différences apparaissent encore. La formation des énoncés (1) repose simplement sur l'erreur qui consiste à prendre le mot « Néant » pour le nom d'un objet, parce qu'on l'utilise sous cette forme dans la langue usuelle pour formuler un énoncé existentiel négatif (voir II A). En revanche dans une langue correcte on atteint le même but, en se servant non pas d'un nom particulier, mais d'une forme logique spécifique de l'énoncé (voir III A). Dans l'énoncé II B 2 apparaît encore quelque chose de nouveau, à savoir la formation du verbe dépourvu de sens : «néantir» ; c'est donc pour une double raison que cet énoncé n'a pas de sens. Nous disions tout à l'heure que les mots dépourvus de sens de la métaphysique viennent généralement de ce que l'emploi métaphorique, en métaphysique, d'un mot signifiant, le dépouille de sa signification. En revanche ici, nous avons affaire à un des cas rares : on introduit un mot nouveau qui déjà au départ n'a aucune signification. De même, c'est pour une double raison qu'il faut rejeter l'énoncé II B 3. L'erreur est la même que dans les énoncés précédents : le mot « Néant » y est employé comme nom d'objet. Il renferme de plus une contradiction. Car même s'il était permis d'introduire le mot « Néant » comme nom ou description d'un objet, on nierait l'existence de cet objet dans sa définition, alors que, selon l'énoncé 3 on la lui attribuerait de nouveau. Si cet énoncé n'était pas déjà dépourvu de sens, il serait contradictoire, donc absurde. En présence des fautes logiques grossières que nous trouvons dans les énoncés II B, nous pourrions présumer que, dans l'ouvrage cité, le mot « Néant » a peut-être une signification tout autre qu'ailleurs. Cette présomption est confirmée lorsque nous lisons par la suite dans le même texte que l'angoisse révèle le Néant, que, dans l'angoisse, le Néant lui-même se trouve là en tant que tel. Ici, le mot « Néant » paraît bien devoir désigner une certaine disposition affective, peut-être de nature religieuse, ou quelque Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 5 chose qui se trouve à la base d'une telle disposition. Dans ce cas, les énoncés Il B ne contiendraient pas les erreurs logiques que nous avons signalées. Mais le début des citations données à la p. 165 montre que cette interprétation n'est pas possible. La combinaison des mots « ne... que » et « en dehors de lui, rien» montre clairement que le mot « rien» a ici le sens habituel d'une particule logique qui sert à exprimer un énoncé existentiel négatif. Cette manière d'introduire le mot « rien » prépare ainsi immédiatement la question principale du texte : « Qu'en est-il de ce Néant ? » Ne nous sommes-nous pas laissé entraîner à une fausse interprétation ? Nos scrupules sont complètement levés lorsque nous nous apercevons que l'auteur sait pertinemment que les questions et les phrases de son texte sont en conflit avec la logique. « Question et réponse à l'égard du Néant sont en soi également contraires au sens. La règle communément admise comme règle fondamentale de la pensée, le principe de la contradiction à éviter, la « logique » générale, étouffent cette question ». Tant pis pour la logique ! Nous devons renverser son règne : « Si la puissance de l'entendement se voit ainsi brisée dans le champ de la question concernant le Néant et l'Être, c'est également le destin du règne de la « Logique » à l'intérieur de la philosophie qui se trouve décidé. L'idée même de la « Logique » se dissout dans le tourbillon d'une interrogation plus originaire » [1]. Or, la science, dans sa sobriété, va-t-elle s'accorder avec le tourbillon d'une interrogation contraire à la logique ? Même à cette question la réponse est déjà donnée : « La sobriété et la supériorité qu'on attribue à la science deviennent risibles, si celle-ci ne prend pas au sérieux le Néant» (3). Nous trouvons donc là une bonne confirmation de notre thèse : un métaphysicien en vient lui-même à constater que ses questions et ses réponses sont incompatibles avec la logique et la manière de penser de la science. La différence entre notre thèse et celle des antimétaphysiciens antérieurs apparaît maintenant clairement. Pour nous, la métaphysique n'est pas « pure chimère », ou « fable ». Les énoncés d'une fable ne contredisent pas la logique, mais seulement l'expérience ; ils sont pleins de sens même s'ils sont faux. La métaphysique n'est pas une « superstition »; on peut croire à des énoncés vrais comme à des énoncés faux, mais non à des suites de mots dépourvues de sens. Les énoncés métaphysiques ne peuvent pas non plus être tenus pour des « hypothèses de travail » ; il est en effet essentiel pour une hypothèse d'être déductivement reliée à des énoncés empiriques (vrais ou faux) et c'est précisément ce qui manque à des simili-énoncés. Pour sauver la métaphysique, on soulève parfois l'objection suivante en faisant état de ce qu'on appelle la limitation de la faculté humaine de connaître : les énoncés métaphysiques ne peuvent, il est vrai, être vérifiés par l'homme ou par quelque autre être fini ; ils pourraient cependant valoir comme présomptions sur ce qu'aurait donné comme réponses à nos questions un être doué de faculté supérieure ou même parfaite de connaître, et à ce titre ces énoncés demeureraient finalement pourvus de sens. Voici ce que nous répondrons à cette objection : lorsqu'il est impossible d'indiquer la signification d'un mot, ou lorsque les mots ne se suivent pas conformément à la syntaxe, on ne peut même pas parler d'une question. (Que l'on songe aux similiquestions comme : « Cette table est-elle barbue ? », « Le nombre 7 est-il sacré ? », « Lesquels des nombres sont plus obscurs, les pairs ou les impairs ? »). Là où ne se pose aucune question, un être même omniscient ne peut donner de réponse. Mais, objectera-t-on peut-être encore, de même qu'un voyant peut communiquer une connaissance nouvelle à l'aveugle, de même un être supérieur pourrait, qui sait, nous communiquer une connaissance métaphysique, par exemple que le monde visible est la manifestation d'un esprit. Face à cette objection, il nous faut réfléchir à ce que signifie « connaissance nouvelle ». Nous pouvons toujours imaginer que nous rencontrons des animaux qui nous informent sur un sens nouveau. Si ces êtres nous avaient démontré le théorème de Fermat, s'ils avaient inventé un nouvel instrument de physique ou encore s'ils avaient établi une loi de la nature inconnue jusqu'ici, notre connaissance se serait trouvée enrichie grâce à eux. Des choses de cette espèce, nous pouvons, en effet, les vérifier, de même qu'un aveugle est capable de comprendre et de vérifier toute la physique (et, par conséquent, tous les énoncés de celui qui jouit de la vue). Mais ces êtres hypothétiques nous disent quelque chose que nous ne pouvons pas vérifier ; nous ne pouvons pas le comprendre non plus. Il ne s'agit plus du tout pour nous d'une communication, mais de simples sons vocaux dénués de sens, même accompagnés d'associations d'idées. Il en résulte qu'un autre être peut élargir notre connaissance seulement de manière quantitative, indépendamment du fait qu'il connaît plus ou moins de choses ou même tout. Il serait incapable de nous apporter une connaissance d'une nature essentiellement nouvelle. Ce qui est incertain pour nous peut devenir plus certain avec l'aide d'autrui, en revanche ce qui pour nous est dépourvu de sens, incompréhensible, ne saurait Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 6 acquérir un sens avec l'aide d'autrui, aussi savant soit-il. C'est pourquoi ni Dieu ni diable ne peuvent nous mener vers une métaphysique. 1. Toute métaphysique est dépourvue de sens Les exemples de phrases métaphysiques que nous avons analysées sont tous tirés d'un seul texte. On pourrait appliquer à d'autres systèmes métaphysiques les résultats obtenus, dans des termes semblables et en partie même littéralement identiques. C'est de plein droit que ce texte cite, en l'approuvant, une phrase de Hegel (« L'Être pur et le pur Néant sont une seule et même chose »). La métaphysique de Hegel possède, du point de vue logique, exactement le même caractère que celui que nous avons décelé dans ce morceau de métaphysique contemporaine. La même chose vaut aussi pour tous les autres systèmes encore que le genre de tournures linguistiques qu'ils affectent, et par là même celui des fautes logiques, s'écartent plus ou moins du genre des exemples dont nous avons parlé. Il est inutile d'ajouter d'autres spécimens de phrases métaphysiques tirés de différents systèmes. Contentons-nous de signaler le genre de fautes logiques le plus fréquemment commises. Vraisemblablement, la plupart des fautes logiques commises dans les simili-énoncés reposent sur des vices logiques qui sont inhérents à l'emploi du verbe « être » dans notre langue (et à l'emploi des mots correspondants en d'autres langues, du moins dans la majorité des langues européennes). La première faute est liée à l'ambiguïté du verbe « être » qui joue tantôt le rôle de copule pour un prédicat (« je suis affamé »), tantôt celui d'indicateur d'existence (« je suis »). Cette faute est aggravée par le fait que bien souvent les métaphysiciens ne sont pas au clair quant à cette ambiguïté. La deuxième faute tient à la forme du verbe pris dans sa seconde acception, celle de l'existence. Cette forme produit l'illusion d'un prédicat là où il n'y en a pas. Or on sait depuis longtemps que l'existence n'est pas un caractère attributif (cf. Kant et sa réfutation de la preuve ontologique de l'existence de Dieu). Mais seule la logique moderne est ici pleinement conséquente. La forme syntaxique dans laquelle elle introduit le signe de l'existence est telle que ce signe ne peut pas se rapporter à des signes d'objets comme peut le faire un prédicat, il ne peut se rapporter qu'à un prédicat (voir par exemple l'énoncé III A du tableau ci-dessus). Depuis l'Antiquité, les métaphysiciens ont presque tous donné dans le piège (les simili-énoncés, à cause de la forme verbale, donc prédicative du mot « être» (exemples : « je suis », « Dieu est »). On rencontre un exemple de cette faute dans le Cogito ergo sum de Descartes. Laissons ici de côté les réserves que suscite le contenu de la prémisse - à savoir notamment : l'énoncé « je pense » exprime-t-il adéquatement l'état de choses en question ou ne comporte-t-il pas plutôt une forme d'hypostase ? -, pour ne considérer les deux énoncés que du point de vue de la logique formelle. Deux fautes logiques essentielles sautent tout de suite aux yeux. La première, dans la conclusion « je suis » : le verbe « être » est sans doute pris ici au sens de l'existence car une copule ne peut aller sans prédicat. On n'a d'ailleurs jamais entendu le « je suis » de Descartes autrement. Mais alors cet énoncé viole la règle logique mentionnée plus haut en vertu de laquelle l'existence ne peut être affirmée qu'en liaison avec un prédicat, non avec un nom (sujet, nom propre). Un énoncé existentiel n'est pas de la forme « a existe » (comme ici dans « je suis », c'est-à-dire « j'existe ») mais : « Il existe une chose dont la nature est telle ou telle. » La deuxième faute réside dans le passage du « je pense » au « j'existe ». Si, en effet, de l'énoncé « P(a) » (a a la propriété P »), on doit déduire un énoncé existentiel, alors ce dernier peut affirmer l'existence relativement au prédicat P et non relativement au sujet a de la prémisse. De « je suis un Européen » ne suit pas « j'existe » mais « il existe un Européen ». Du « je pense » ne suit pas « je suis », mais « il y a quelque chose qui pense». Le fait que nos langues expriment l'existence au moyen d'un verbe (« être » ou « exister ») ne constitue pas encore en soi une faute logique mais seulement un usage inapproprié et dangereux. La forme verbale nous porte aisément à croire, bien à tort, que l'existence est un prédicat ; c'est alors qu'on en arrive à de pareilles bévues d'ordre logique qui entraînent à leur tour des formulations dénuées de sens comme celles que nous venons d'examiner. D'autres tournures, telles « l'étant », « le non-étant », qui n'ont cessé de jouer depuis des siècles un rôle considérable dans la métaphysique, ont la même origine. Ce genre de formes ne se laisse pas même construire dans une langue logiquement correcte. Il semble bien que le latin comme l'allemand - peut-être sous l'influence du modèle grec - aient introduit les formes « ens » et « seiend » à l'usage Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 7 propre des métaphysiciens. C'est ainsi que le langage s'est logiquement détérioré tandis qu'on croyait combler une lacune. Une autre infraction à la syntaxe logique que l'on commet fréquemment est ce qu'on appelle la « confusion de sphères» des concepts. La faute signalée tout à l'heure consistait à employer un signe, qui a une signification non prédicative, comme un prédicat. Ici, au contraire, la faute consiste à utiliser un prédicat comme prédicat, mais issu d'une sphère différente. C'est cela, violer les règles de la théorie dite « des types ». Un exemple tout fait est celui examiné plus haut : « César est un nombre premier. » Les noms de personnes et les noms de nombres appartiennent à des sphères logiques différentes, et par là aussi les prédicats de personnes (par exemple : « général ») et les prédicats de nombres (« nombre premier »). À la différence de l'usage linguistique du verbe « être » dont on a déjà discuté, la faute due à la confusion des sphères n'est pas le fait exclusif de la métaphysique, mais apparaît très fréquemment dans le langage usuel. Certes, il est rare que cette faute conduise alors à des non-sens. L'ambiguïté des mots due à la confusion des sphères est ici de celles qu'on peut aisément dissiper. Exemples : (1) « Cette table-ci est plus grande que celle-là. » (2) « La hauteur de cette table est plus grande [en bon français il faudrait dire “supérieure“, (N.d.T.) que celle de cette autre table. » Les mots « plus grand » étant pris en (1) comme une relation entre objets, en (2) comme une relation entre nombres, s'appliquent à deux catégories syntaxiques différentes. Il ne s'agit pas ici d'une faute grave. On pourrait l'éliminer en écrivant par exemple “ plus grande 1 “ et “plus grande 2 “. On définirait alors « plus grande 1 » à partir de « plus grande 2 » en déclarant que la forme propositionnelle (1) a la même signification que (2) (ou que quelques autres expressions semblables). Comme la confusion des sphères est inoffensive dans le langage usuel, elle passe en général totalement inaperçue. Cela répond tout à fait aux besoins de l'usage ordinaire. Par contre, la même confusion en métaphysique a entraîné des conséquences funestes. L'habitude créée par le langage courant nous pousse à commettre des confusions qui, dans ce domaine, ne peuvent plus, à la différence de celles du quotidien, être traduites dans une forme logiquement correcte. Les simili-énoncés de cette espèce abondent surtout chez Hegel et chez Heidegger, lequel, en empruntant de nombreuses particularités à la forme langagière hégélienne, a du même coup repris bon nombre de ses défauts logiques. Ainsi des déterminations qui devraient s'appliquer à des objets d'une certaine sorte, se rapportent à des déterminations de ces objets, ou à l' « être» ou l' « être-là », ou encore à une relation entre ces objets. Nous venons de découvrir que beaucoup d'énoncés métaphysiques sont dépourvus de sens. La question se pose maintenant de savoir si d'aventure la métaphysique ne posséderait pas malgré tout un stock d'énoncés pourvus de sens qui subsisteraient après qu'on en ait extirpé les non-sens. Il s'en trouvera peut-être pour affirmer, sur la foi de nos propres résultats, que, dans le champ de la métaphysique, l'on encourt maint risque de tomber dans le non-sens, et que quiconque veut la cultiver doit s'efforcer d'éviter soigneusement ce danger. En vérité, la situation est telle qu'il n'y a pas de place, en métaphysique, pour des énoncés doués de sens, et cela résulte de l'objectif qui est le sien, à savoir : découvrir et présenter une connaissance sur laquelle la science empirique n'a pas de prise. C'est un point établi plus haut que le sens d'un énoncé est la méthode de sa vérification. Un énoncé ne dit que ce qui est en lui vérifiable. C'est la raison pour laquelle il ne peut affirmer, s'il affirme vraiment quelque chose, qu'un fait empirique. Une chose située par principe au-delà de l'expérience (jenseits des Erfahrbaren) ne saurait être énoncée, pensée ni questionnée. On peut ranger les énoncés (doués de sens) de la manière suivante : en premier lieu, ceux qui sont vrais en vertu de leur seule forme (ou « tautologies » d'après Wittgenstein. Ils correspondent à peu près aux « jugements analytiques » kantiens). Ils ne disent rien sur le réel. A cette espèce appartiennent les formules de la logique et de la mathématique ; elles ne sont pas elles-mêmes des énoncés sur le réel, mais servent à leur transformation. En second, viennent les négations des premiers (ou « contradictions ») qui sont contradictoires, c'est-à-dire fausses en vertu de leur forme. Pour décider de la vérité ou fausseté de tous les autres énoncés, il faut s'en remettre aux énoncés protocolaires, lesquels (vrais ou faux) sont par là même des énoncés Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 8 d'expérience (Erfahrungssätze), et relèvent de la science empirique. Si l'on veut construire un énoncé qui n'appartient pas à l'une de ces espèces, cet énoncé sera automatiquement dénué de sens. Et puisque la métaphysique ne veut ni formuler d'énoncés analytiques ni se couler dans le domaine de la science empirique, elle est contrainte d'employer des mots en l'absence de tout critère, des mots qui sont de ce fait privés de signification, ou bien de combiner des mots doués de sens de sorte qu'il n'en résulte ni énoncés analytiques (éventuellement contradictoires), ni énoncés empiriques. Dans un cas comme dans l'autre, on obtient inévitablement des simili-énoncés. L'analyse logique rend dès lors un verdict de non-sens contre toute prétendue connaissance qui veut avoir prise par-delà ou par-derrière l'expérience. Ce verdict atteint d'abord toute métaphysique spéculative, toute prétendue connaissance par pensée pure ou par intuition pure, qui croit pouvoir se passer de l'expérience. Mais le verdict s'applique aussi à cette métaphysique qui, issue de l'expérience, veut connaître au moyen d'inférences particulières ce qui se trouve hors de ou derrière l'expérience (ainsi, la thèse néo-vitaliste d'une « entéléchie » à l'œuvre dans les processus organiques et qui ne doit pas être conçue de manière physique ; ainsi, la question portant sur l' « essence de la causalité » par-delà la constatation de certaines régularités de succession ; ainsi, le discours sur la « chose en soi »). De plus, ce verdict vaut également pour toute philosophie des valeurs ou des normes, pour toute éthique, ou toute esthétique en tant que discipline normative. Car la validité objective d'une valeur ou d'une norme (et ce pour les philosophes des valeurs eux-mêmes) ne peut être vérifiée empiriquement ni déduite d'énoncés empiriques ; par suite, elle ne peut absolument pas être exprimée (par un énoncé doué de sens). Autrement dit : ou bien l'on donne pour « bon », « beau » et l'ensemble des prédicats utilisés dans les disciplines normatives, des critères empiriques, ou bien non. Dans le premier cas, un énoncé contenant un prédicat de ce genre deviendra un jugement de fait empirique, mais non un jugement de valeur ; dans le second cas, il n'y aura que simili-énoncé. On ne peut absolument pas construire un énoncé qui exprimerait un jugement de valeur. Le verdict de non-sens atteint finalement tous les courants métaphysiques qu'on désigne improprement comme relevant de la théorie de la connaissance à savoir le réalisme (dès qu'il veut en dire plus que la constatation empirique selon laquelle les événements manifestent une certaine régularité, autorisant l'application de la méthode inductive) et ses adversaires : l'idéalisme subjectif, le solipsisme, le phénoménalisme, le positivisme (au sens ancien). Mais que reste-t-il alors finalement à la philosophie, si tous les énoncés qui disent quelque chose sont de nature empirique et appartiennent à la science du réel ? Ce qui reste, ce n'est ni des énoncés, ni une théorie, ni un système, mais seulement une méthode : la méthode de l'analyse logique. Nous avons montré dans ce qui précède comment appliquer cette méthode dans son usage négatif : elle sert en ce cas à éradiquer les mots dépourvus de signification, les simili-énoncés dépourvus de sens. Dans son usage positif, elle sert à clarifier les concepts et les énoncés doués de sens, pour fonder logiquement la science du réel et la mathématique. L'application négative de la méthode est, dans la situation historique présente, nécessaire et importante. Mais son application positive est, déjà dans la pratique actuelle, plus fructueuse encore. Cependant, on ne peut pas ici entrer davantage dans le détail. La tâche assignée à l'analyse logique - à la recherche des fondements - est ce que nous désignons par « philosophie scientifique », par opposition à la métaphysique, et la plupart des contributions de cette revue veulent y collaborer. À la question concernant le caractère logique des énoncés que nous obtenons comme résultat d'une analyse logique, par exemple les énoncés contenus dans divers textes logiques, le nôtre y compris, on ne peut ici que glisser la réponse suivante : ces énoncés sont pour une part analytiques, pour une autre empiriques. Ces énoncés portant sur des énoncés ou des constituants d'énoncés relèvent en fait pour une part de la métalogique pure (par exemple : « Une suite qui se compose du signe d'existence et d'un nom d'objet n'est pas un énoncé »), pour une autre part de la métalogique descriptive (par exemple : « La suite de mots dans tel et tel passage de tel et tel livre est dépourvue de sens »). On discutera ailleurs de la métalogique ; on montrera également que la métalogique, qui parle des énoncés d'une langue, peut être formulée dans cette langue elle-même. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 9 2. La métaphysique comme expression du sentiment de la vie Notre affirmation que les énoncés de la métaphysique sont totalement dénués de sens et ne disent strictement rien, ne manquera pas de plonger dans le désarroi, y compris ceux qui acquiesceraient intellectuellement à nos résultats. Comment comprendre, en effet, que tant d'hommes d'époques et de pays différents, parmi lesquels des personnalités éminentes, aient usé tant de peine et à vrai dire d'ardeur à cultiver la métaphysique alors qu'elle ne consisterait en rien d'autre que de simples juxtapositions de mots vides de sens ? Et comment comprendre que de pareils travaux aient pu jusqu'à ce jour exercer une influence si forte sur leurs lecteurs et auditeurs, puisqu'ils ne contiendraient rien du tout, pas même des erreurs ? Ce sont là des réserves justifiées dans la mesure où la métaphysique possède bien un contenu, quoique nullement théorique. On n'attend pas des (simili)énoncés de la métaphysique qu'ils présentent des états de choses (Darstellung von Sachverhalten) existants (car il s'agirait alors d'énoncés vrais) ou non existants (auquel cas ces énoncés seraient au moins faux) mais qu'ils expriment le sentiment de la vie (Lebensgefühl). Supposons, si vous le permettez, que la métaphysique se soit développée à partir du mythe. L'enfant en veut à la « méchante table » qui lui a donné un coup. Le primitif cherche à se concilier le démon menaçant qui a ébranlé la terre, ou bien vénère la divinité des pluies fécondes, en signe de gratitude. Nous sommes en présence de formes personnifiées des phénomènes naturels ; elles expriment de manière quasi poétique les relations émotionnelles des hommes avec le monde qui les entoure. D'un côté la poésie a hérité du mythe dont elle a consciemment exploité et intensifié les ressources pour qu'elles profitent à la vie. De l'autre côté, c'est la théologie qui s'est offerte pour que le mythe s'y développe en un système. Venons-en maintenant au rôle historique de la métaphysique. On pourrait y déceler un substitut de la théologie au niveau de la pensée conceptuelle et systématique. Les sources cognitives de la théologie (prétendument) « surnaturelles » sont ici remplacées par les sources naturelles mais (supposées) métaempiriques de la connaissance. Ceci dit, quand on y regarde de plus près, c'est encore le même contenu que dans le mythe qui se découvre sous cet habit changeant. Nous trouvons que la métaphysique, elle aussi, surgit du besoin de porter le sentiment de la vie à l'expression, qu'il s'agisse de l'attitude que l'homme adopte dans la vie, de la disposition émotionnelle et volontaire qui est la sienne vis-à-vis du monde environnant et de ses semblables, lorsqu'il affronte les tâches auxquelles il se consacre activement ou qu'il subit les coups du destin. Ce sentiment de la vie s'extériorise, le plus souvent sans qu'il en ait conscience, dans tout ce que l'homme fait et dit ; il marque de son empreinte son visage, peut-être l'allure de sa démarche. Nombreux sont ceux qui éprouvent alors en outre le besoin de le traduire en lui donnant des formes d'expression particulières susceptibles d'en livrer la quintessence et l'empreinte visible. S'ils sont artistes, c'est en réalisant une œuvre d'art qu'ils trouveront à s'exprimer. Différents auteurs ont déjà tiré au clair (exemple : Dilthey et ses disciples) la façon dont le sentiment de la vie se donne à travers le style et la manière de l'artiste. On emploie fréquemment à ce sujet l'expression « vision du monde » (Weltanschauung). Mais nous préférons l'éviter en raison de son ambiguïté qui tend à brouiller la différence qu'il convient de faire entre le sentiment de la vie et la théorie, différence absolument décisive pour notre analyse. L'essentiel est pour nous ceci : l'art est le moyen d'expression adéquat et la métaphysique un moyen inadéquat, pour rendre le sentiment de la vie. Il n'y aurait bien sûr rien à redire au choix de tel ou tel moyen d'expression. Mais avec la métaphysique la situation est telle que par la forme de ses réalisations, elle feint d'être quelque chose qu'elle n'est pas. Cette forme est celle d'un système d'énoncés qui (en apparence) entretiennent mutuellement des relations de fondement ; elle est donc celle d'une théorie. D'où l'illusion d'un contenu théorique qui, nous l'avons vu, est inexistant. Outre le lecteur, c'est aussi le métaphysicien qui se trouve victime de l'illusion selon laquelle les énoncés métaphysiques disent quelque chose et décrivent des états de choses. Il s'imagine arpenter un domaine où il en va du vrai et du faux. De fait il n'a pourtant rien dit, mais seulement exprimé quelque chose à la manière d'un artiste. Que le métaphysicien soit ainsi victime d'une pareille illusion, nous ne pouvons l'inférer d'emblée du fait qu'il utilise le langage comme médium et les énoncés déclaratifs comme forme d'expression : car le poète en fait bien autant sans toutefois s'illusionner de cette façon. En revanche, le métaphysicien cherche à alléguer des arguments en faveur de ses thèses, à réclamer l'accord sur leurs contenus, à polémiquer contre le métaphysicien d'un autre courant dont il cherche à réfuter les énoncés dans ses propres écrits. Le poète au contraire ne s'efforce pas de réfuter dans ses poèmes les phrases tirées d'un poème d'un autre poète. Il sait bien qu'ici l'art est maître, non la théorie. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 10 La musique est peut-être le moyen le plus pur pour exprimer ce sentiment de la vie, parce qu'elle est au plus haut point libre de toute référence objective. Le sentiment harmonique de la vie que le métaphysicien veut exprimer dans un système moniste, s'exprime avec bien plus de clarté dans la musique de Mozart. Et si le métaphysicien exprime le sentiment dualiste-héroïque (dualistisch-heroisches) dans un système dualiste, ne serait-ce pas tout simplement qu'il lui manque l'art d'un Beethoven pour exprimer ce sentiment dans un médium adéquat ? Les métaphysiciens sont des musiciens sans talent musical. Ils ont en revanche une forte propension à travailler dans le médium du théorique, à relier les concepts et les pensées. Au lieu de cultiver, d'un côté, cette inclination en s'en tenant au domaine de la science, et de satisfaire, de l'autre, son besoin d'expression dans l'art, le métaphysicien mélange les deux, et engendre une forme qui, pour la connaissance n'est d'aucun profit et pour le sentiment de la vie, reste inadéquate. Notre conjecture selon laquelle la métaphysique est un substitut, à la vérité inadéquat, de l'art semble recevoir encore confirmation du fait que le métaphysicien peut-être artistiquement le plus doué, à savoir Nietzsche, est aussi le moins coupable d'une telle confusion. Dans une grande partie de son œuvre, le contenu empirique est prépondérant ; il y est par exemple question d'analyser historiquement des phénomènes artistiques déterminés, de faire une analyse historico-psychologique de la morale. Mais dans l'œuvre où il exprime avec le plus de force ce que d'autres expriment à travers la métaphysique ou l'éthique, dans Zarathoustra, il choisit, non pas la forme mystificatrice de la théorie, mais ouvertement, la forme de l'art, la poésie. Carnap Le dépassement de la métaphysique par l'analyse logique du langage in Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, Sous la direction d'Antonia Soulez p. 164-177, PUF, Philosophie d'aujourd'hui, 1985. Y-A-T-IL UN CRITÈRE DE DÉMARCATION ENTRE LA SCIENCE ET LA MÉTAPHYSIQUE ? Karl Popper : Marxisme, psychanalyse, astrologie, parapsychologie sont-ils des sciences ? 1 - L'importance du langage Toute ma vie j'ai été fasciné par le phénomène du langage. Il est étonnant et rassurant de voir que nous sommes capables de communiquer les uns avec les autres par des signes écrits ou verbaux pour décrire des faits ou exprimer des pensées et des sentiments et d'influencer les actions d'autrui. A l'école j'étais intéressé par les langages, spécialement par le latin. J'ai souvent pensé devenir linguiste. Pourtant j'étais plus tourné vers la construction théorique et la systématisation que vers la description des faits. J'étais donc plus intéressé par les problèmes de langage impliquant méthode (planning) et construction. Il y a deux domaines entièrement différents dans lesquels les problèmes de construction du langage ont eu pour moi le plus grand intérêt. Le premier est la construction des systèmes linguistiques pour la logique symbolique ; le second est le problème de la construction d'un langage auxiliaire pour la communication internationale. Carnap Autobiography, p. 67 ==> Dans la suite du texte il évoque l'intérêt à deux langues artificielles, l'ido et l'espéranto ==> Langage naturel et langage formel : idée d'une langue idéale dans laquelle chaque mot et chaque énoncé dénotent un objet. Les défauts des langues naturelles. ==> Langage : les mots et les phrases au lieu des essences et des propositions. La question de la signification des idées renvoie-t-elle à des impressions ou sensations (Hume) ou à des mots et des énoncés ? Le psychologisme (Hume), le holisme et le nominalisme. Signification : reléguer l'intuition dans la psychologie et le vécu. Dissocier l'intuition de la connaissance et de la science. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 11 ==> La référence au langage conduit à se poser le problème de la signification. Distinction entre Sens et Signification (Sinn und Bedeutung, Frege) : Carnap : le sens c'est la cohérence (syntaxe) ou la dénotation (sémantique). ==> Distinguer les énoncés pourvus de sens de ceux qui en sont dépourvus: le problème des pseudo-énoncés. ==> Importance de la notion de métalangage par opposition au langage objet. Syntaxe et sémantique se situent au niveau du métalangage. L'importance du métalangage vient de ce que, dans cet usage, le langage désigne le langage comme la grammaire qui se sert du langage écrit pour donner les règles de la langue écrite et parlée. Ne pas confondre la syntaxe grammaticale et la syntaxe logique. ==> Les critères de la signification : vérifiabilité, confirmabilité. 2 - La logique et les mathématiques A - L'ancienne et la nouvelle logique : texte de Carnap Si, comme outillage logique, on n'avait eu à sa disposition que le système de la logique traditionnelle, le désir de substituer une méthode scientifique aux errements empreints de poésie métaphysique fût demeuré vain. La logique traditionnelle était absolument incapable de procurer le matériel puissant, la rigueur formelle et la mise en œuvre technique impliquée par le nouveau problème. La logique formelle reposait sur le système scolastico-aristotélicien, à peine amélioré et complété au cours de son histoire. On trouvait bien de nombreux travaux partiels dans le champ de la logique appliquée (méthodologie), travaux présentant des considérations substantielles et dignes d'être retenues ; mais ils demeuraient à un stade assez primitif pour ce qui a trait à la rigueur dans la formation des concepts et dans la profondeur de l'analyse. Cette remarque n'a pas le caractère d'une critique, tout au moins en ce qui concerne les travaux du XIXème siècle ; la situation de la logique appliquée provenait en effet de ce qu'elle reposait sur une base insuffisante. Créer un matériel nouveau et capable de rendre plus de services aurait certainement exigé beaucoup de temps pour des logiciens abandonnés à leurs propres forces. Ils eurent l'heureuse chance de le trouver presque entièrement sur pied à l'occasion des travaux des mathématiciens au cours de ces cinquante dernières années. Ceux-ci avaient rencontré des difficultés dans leur domaine particulier ; mais on ne pensait pas tout d'abord à étendre les conséquences de leurs efforts à un champ plus vaste dans l'ordre philosophique. La plupart des philosophes n'ont porté que fort peu d'attention de ce côté ; on est même surpris de la réserve méfiante avec laquelle ils se sont approchés de cette logique nouvelle. Certes, l'appareil mathématique qu'elle revêt a quelque chose d'intimidant ; mais elle suscite aussi une hostilité plus profonde, que nous commençons à discerner clairement : la méfiance naît du danger qu'elle fait courir à la position de l'ancienne philosophie. Et en effet, toute philosophie, au sens ancien du mot, qu'elle se réclame de Platon, saint Thomas, Kant, Schelling ou Hegel, qu'elle édifie une nouvelle « métaphysique de l'être » ou une « philosophie dialectique », apparaît, devant la critique inexorable de la logique nouvelle, comme une doctrine, non pas fausse dans son contenu, mais comme logiquement insoutenable, donc dépourvue de signification. Carnap L'ancienne et la nouvelle logique, p. 8-9 B - Logique et langage La logique ne s'occupe pas des objets. - Commençons par la logique. On la concevait autrefois à peu près comme suit : doctrine des propriétés les plus générales des choses, science des propriétés communes à tous les objets. De même que l'ornithologie est la science des oiseaux, la zoologie la science de tous les animaux, la biologie, plus encore, la science de tous les êtres vivants, de même la logique était la science de tous les objets, la science des objets en général. Si nous admettions cette façon de voir, nous ne comprendrions absolument pas d'où la logique peut bien tirer sa certitude ; nous n'avons pas à notre disposition tous les objets pour les connaître ; nous ne pouvons pas observer tous les objets ; nous ne pouvons donc pas savoir comment ils se comportent. Notre manière de voir, à nous, est la suivante : la logique ne s'occupe pas le moins du monde de quelque objet que ce soit ; elle ne s'occupe que de la façon dont nous parlons des objets ; elle ne s'introduit qu'avec le langage. C'est précisément parce Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 12 qu'elle ne dit absolument rien d'aucun objet, qu'elle peut prétendre à la certitude et à la généralité ; plus exactement, c'est pour cela qu'elle est irréfutable. Un exemple. Je parle d'une plante bien connue ; j'en fais la description à la manière des traités de botanique, (en donnant le nombre, la couleur, la forme de ses pétales, de ses étamines, la forme de ses feuilles, de sa tige, de sa racine, etc.), et j'aboutis en définitive à formuler l'énoncé : « nous donnons à toute plante remplissant ces conditions le nom de « rose des neiges » ; nous lui donnerons aussi le nom de « ellébore noire ». » Je suis alors en droit de déclarer avec une entière certitude et une absolue généralité que « toute rose des neiges est une ellébore noire ». Cet énoncé est correct en tout temps et en tout lieu. Il ne redoute aucune objection. Mais il nous faut remarquer qu'il ne dit absolument rien sur aucun fait ; qu'il n'apporte aucune donnée sur la plante en question, la saison où elle fleurit, les régions où on la trouve, si elle est rare ou commune. C'est justement parce qu'il n'exprime rien sur la plante, ni sur son comportement, qu'il n'a à redouter aucune expérience, ni observation ; de là sa certitude et son caractère général. Il exprime tout bonnement une convention sur la manière, dont nous désignerons la plante en question. Contradiction et tiers exclu. - Il en va de même avec les énoncés de la logique. Examinons, pour nous en rendre compte, le principe de contradiction et le principe du tiers exclu, les deux principes les plus fameux de la logique. Parlons, par exemple, d'objets colorés. Nous avons été habitués à attribuer à certains d'entre eux l'adjectif « rouge », et la convention est faite que tout autre objet sera désigné comme « non rouge ». Forts de cette convention, nous pouvons maintenant déclarer avec une certitude entière : « à aucun objet ne peut être indistinctement attribuée la qualité rouge et la qualité non-rouge ». On exprime généralement cela : aucun objet n'est à la fois rouge et non rouge. C'est là le principe de contradiction. Notre convention nous permet de déclarer pareillement en toute certitude : tout objet est rouge ou non-rouge. C'est maintenant le principe du tiers-exclu. Aucun de ces deux principes ne dit quoi que ce soit sur le moindre objet ; ni l'un ni l'autre ne me fait connaître si l'objet est rouge, s'il n'est pas rouge, s'il possède une autre couleur ou telle autre qualité. Ils n'établissent quelque chose que touchant le mode selon lequel nous entendons attacher aux objets les qualifications « rouge » et « nonrouge » ; autrement dit, ils précisent quelque chose sur la manière dont nous voulons parler des choses. Répétons-le : c'est parce qu'ils n'affirment rien des choses qu'ils possèdent généralité, certitude, irréfutabilité. Il en va de même pour les autres énoncés de la logique ; avant d'y insister, présentons une autre considération. Hans Hahn (1879 - 1934) Logique, mathématiques et connaissance de la réalité, trad. fr. Général Vouillemin, Paris Hermann, 1935. C - La question du fondement des mathématiques et son extension à la science. Syntaxe et sémantique, calculs étendus à l'ensemble des sciences. Calculs et interprétations en mathématique, géométrie et physique. D - Influence de Frege et de Russell : le logicisme. Que signifie la thèse selon laquelle la logique mathématiques ? devrait être le fondement des Le problème du fondement logique et épistémologique des mathématiques n'a pas encore été complètement résolu. Ce problème touche de manière vitale aussi bien les mathématiciens que les philosophes car il est regrettable de trouver de l'incertitude dans les fondements de « la plus certaine des sciences ». Parmi toutes les tentatives déjà essayées pour résoudre le problème, aucune ne peut prétendre avoir résolu toutes les difficultés. Tous les essais dont les idées principales sont présentées dans ces trois alinéas, vont essentiellement dans trois directions : le Logicisme, dont le représentant principal est Russell ; l'Intuitionnisme défendu par Brouwer ; et le formalisme de Hilbert. Puisque je souhaite vous présenter une simple esquisse des traits dominants de la construction logique des mathématiques, je pense ne pas me limiter à ces domaines où le programme logiciste a réussi totalement ou au moins partiellement, mais je souhaite attirer l'attention sur les difficultés propres à cette approche. Une des plus importantes questions pour les fondements des mathématiques est celle de la relation entre les mathématiques et la logique. Le logicisme est la thèse que les mathématiques sont réductibles à la logique. Frege fut le premier a soutenir cette thèse (1884). A. N. Whitehead et B. Russell ont présenté dans leur ouvrage important une systématisation de la logique à partir de laquelle ils (re)construisent les mathématiques. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 13 Nous distinguons deux parties de la thèse logiciste et nous les discutons séparément : 1. Les concepts des mathématiques peuvent être dérivés des concepts logiques à partir de définitions explicites. 2. Les théorèmes des mathématiques peuvent être dérivés des axiomes logiques au moyen d'une déduction purement logique. Carnap Le fondement logique des mathématiques, p. 41, in Philosophy of Mathematics, Selected Readings, Edited by Paul Beancerraf & Hilary Putnam, Cambridge University Press, 2004. E - Recherche des fondements pour la science : signification de cette recherche. 3 - La logique de la science comme substitut de la métaphysique A - La thèse de l'unité de la science : texte de Carnap Tout pareillement la logique, logique de la science, est mûre pour se libérer de la philosophie et constituer un domaine proprement scientifique, où l'on travaille en suivant la méthode strictement scientifique, sans qu'il y ait lieu de parler de connaissances « plus profondes » ou « plus élevées ». Il me semble que c'est là le dernier rameau à se détacher du tronc. Que reste-t-il alors à la philosophie ? Seulement les problèmes chers au métaphysicien : Quelle est la cause première du monde ? Quelle est l'essence du néant ?... Mais ce ne sont que pseudo-problèmes, sans aucun contenu scientifique. Alors que la métaphysique prétend s'occuper des « fondements ultimes », de la « véritable essence » des choses, la logique de la science ne s'en occupe nullement. Tout ce qui peut être dit des choses et phénomènes, c'est justement la science particulière de leur domaine qui le formulera, sans qu'il puisse être dit rien de « plus élevé ». La science est un ensemble bien ordonné de propositions et c'est cet ensemble qui représente l'objet de la logique de la science. Tout ce qui est à dire sur les organismes et les phénomènes organiques, il appartient à la biologie, science expérimentale, de l'exprimer ; il n'y a pas, par surcroît, des énoncés philosophiques touchant lesdits phénomènes, des énoncés de « philosophie naturelle » sur la vie. Par ailleurs, on peut certainement entreprendre une étude logique à propos de la constitution des concepts, hypothèses et théories de la biologie ; voilà le ressort de la logique de la science. Quelques exemples, sans plus de précision, des questions qu'elle doit traiter : Le principe de la constance de la vitesse de la lumière en relativité est-il une convention ou l'expression d'un fait ? La théorie de la relativité généralisée présente-t-elle une contradiction logique ? Comment peut-on définir les concepts macroscopiques de la physique (température, densité, vitesse du son, etc.) sur la base des concepts microscopiques (champ électromagnétique, champ de gravitation, électrons, etc.) ? Telle théorie T2 est-elle ou non compatible avec la théorie T1 ? Si elles sont compatibles l'une avec l'autre, T2 est-elle, de par sa constitution, contenue dans T1 ; ou bien son contenu déborde-t-il celui de T1 ? En quoi consiste ce qui est dans T2 sans être dans T1 ? Le concept Cz peut-il être rapporté aux concepts C1, C2, C3, etc. ? Les deux concepts C1 et C2, dont les définitions se présentent comme différentes, ont-ils des significations identiques ? Peut-on, tout au moins, en prenant appui sur les lois naturelles, introduire toujours l'un à la place de l'autre ? Les deux propositions P1 et P2 (différentes dans leur formulation) ont-elles ou non le même sens ? P2 est-elle conséquence de P1, par nécessité logique ? En dérive-telle, au contraire, de par les lois naturelles ? Que faut-il entendre par loi naturelle ? Le contenu de telle loi dépasse-t-il le contenu des énoncés d'observation qui ont donné lieu à sa formulation ? Quel est le sens des énoncés de probabilité ? La notion de «probabilité » s'identifie-telle à la notion de « fréquence relative » ? Lorsqu'il est ici question du « sens » des énoncés ou de la «signification » d'un concept, il ne s'agit pas du point de vue psychologique. On ne s'interroge pas sur les représentations ou idées à associer à telle proposition ou notion ; cette question psychologique, réclamant une réponse expérimentale, ne pourrait pas recevoir une solution générale ; la réponse dépendrait des individus consultés et des circonstances du moment. C'est d'une signification logique qu'il s'agit. Mais n'allonsnous pas avec cela revenir encore aux spéculations philosophiques à propos de ce point de vue «logique » opposé au point de vue psychologique ? Quel sera le genre Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 14 des énoncés servant à donner réponse à des questions de logique analogues à celles dont nous venons de donner des exemples ? Nous partageons la manière de voir de HUME, pour qui il n'y a dans la science, à part les tautologies logicomathématiques (jugements analytiques) que les énoncés expérimentaux de la science industrielle. Il y a là un point critique pour notre conception générale et des adversaires réagissent, objectant que si toute proposition n'appartenant pas à la mathématique ou à la science industrielle manque de sens, nos propres dissertations vont rentrer elles-mêmes dans cette catégorie. À vrai dire, beaucoup aussi de nos amis dans le refus de toute métaphysique, travaillant comme nous sur le terrain de la logique de la science, sont d'avis que les propositions de ce domaine n'ont pas plus de sens que celles de la métaphysique. Contre cette façon de voir les choses nous allons soutenir ici que les énoncés de la logique de la science sont des propositions de la syntaxe logique de la langue. Ils rentrent par là dans les limites acceptées par HUME, car nous verrons que la syntaxe logique n'est pas autre chose que la mathématique du langage. Carnap Le problème de la logique de la science, p.4-7 Traduction du Général Vouillemin. B - Science unitaire ou langage unitaire ? Le physicalisme. Rapports entre langage physique, biologique et psychologique. En logique de la science on travaille maintenant à divers complexes de problèmes. De plus en plus clairement, il apparaît que les questions de ce domaine sont d'ordre syntactique. Une part considérable des recherches se rapporte à la question des fondements de la mathématique, c'est-à-dire à la syntaxe de ce qui est logicomathématique dans le langage de la science. Les questions logico-scientifiques en physique concernent le caractère syntactique des concepts et des lois. Parmi les sujets les plus importants figure ce qui touche aux rapports syntactiques entre les divers langages partiels du langage scientifique unitaire. Ainsi se comprennent les problèmes habituellement appelés problèmes des rapports entre les divers domaines objectifs (plus philosophiquement : entre les divers modes de l'être). Il s'agit là par-dessus tout de jeter des ponts entre la physique d'un côté et biologie, psychologie, sociologie de l'autre. Dans l'étude des rapports syntactiques entre langage biologique et langage physique, il faut distinguer, selon qu'il s'agit du rapport entre les concepts ou bien du rapport entre les propositions, et particulièrement propositions spatio-temporelles générales, appelées lois. La première question s'exprimera : « Les concepts de la langue partielle biologique peuvent-ils être insérés dans la langue physique ? ». Cette question est à répondre affirmativement. Les concepts biologiques se rapportent en effet à des états et phénomènes dans des corps, donc à des domaines d'espace-temps; de fait, ces concepts sont associés au moyen de lois à des concepts physiques et par là à des concepts se rapportant à l'observable. Tout énoncé du langage partiel biologique peut de cette façon être soumis à un contrôle expérimental ; en partant de lui et d'autres énoncés scientifiques déjà connus, on peut déduire des propositions ayant forme d'énoncés d'observation, que l'on confrontera avec des énoncés d'observation existant d'autre part. La seconde question s'exprimera: « Les lois biologiques ont-elles le même caractère que les lois physiques ? ». La réponse affirmative donnée à la première question apporte à celleci également une réponse affirmative. Mais il ne faut pas du tout confondre avec cette troisième question : « Les lois biologiques peuvent-elles être déduites des lois physiques au sens étroit, c'est-à-dire des lois nécessaires pour l'explication des phénomènes dans les corps inorganiques ? ». A cette troisième question, il n'est pas possible de répondre dans l'état présent des études biologiques, bien des recherches expérimentales sont encore nécessaires. La thèse du vitalisme, même dans sa forme nouvelle (néo-vitalisme) contient des pseudo-problèmes. Si on les écarte et s'efforce de faire apparaître le noyau purement scientifique de ce vitalisme, on aboutit à une réponse négative pour notre troisième question. Les justifications prétendues rigoureuses apportées à cette réponse restent pourtant insuffisantes et sont loin de suffire pour une décision définitive. En ce qui concerne les ponts entre langage psychologique et langage physique, on peut poser des questions analogues. « Les concepts du langage partiel psychologique peuvent-ils se ranger dans le langage physique ? ». La thèse du physicalisme que nous professons répond oui, et pour la même raison que dans la biologie. Si aucune loi ne se présentait en effet reliant un concept psychologique à un concept physique, une proposition traduisant quelque chose du psychique d'une personne ne serait, par nature, aucunement contrôlable par d'autres ; elle ne serait donc pas utilisable dans la science. Ceci entraîne une réponse affirmative à la Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 15 deuxième question : « Les lois psychologiques peuvent-elles prendre place parmi les lois physiques ; ont-elles le même caractère que les lois physiques au sens étroit cidessus rappelé ? ». Mais il ne faut, ici encore, pas confondre cette question avec la troisième : « Les lois psychologiques peuvent-elles se déduire des lois physiques au sens étroit, ou tout au moins des lois biologiques ? ». La question reste pendante ; aujourd'hui nous sommes encore loin d'avoir accompli une déduction pareille. On ne peut pas davantage en prouver, ni même rendre plausible, l'impossibilité foncière ; elle n'est pas exclue en principe. Pareillement pour le langage partiel sociologique vis-à-vis de la langue du physicalisme ; on ne peut dire si l'on réussira à tirer les lois sociologiques des lois physiques au sens étroit, ou des lois biologiques, ou seulement des lois psychologiques. Une des tâches les plus importantes incombant ensuite à la logique de la science sera le développement des opérations dont le physicalisme soutient la possibilité : indiquer les règles syntactiques pour l'insertion des divers concepts biologiques, psychologiques, sociologiques dans le langage physique. Cette analyse des concepts des langages partiels conduit à la création d'un langage unitaire, qui supprime l'état de dispersion qui règne actuellement dans la science. Carnap Le problème de la logique de la science, p.22-4, Hermann, 1935, Trad. Général Vouillemin Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 16 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. Présentation sur notre site internet ou envoyez-nous un email avec le code PHILO UPLOAD et laissez-vous guider en quelques clics : [email protected] 2 - TÉLÉCHARGEMENT : vous commandez la conférence ou le cycle qui vous intéresse via internet. C’est rapide et économique. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-239 : “Logique et épistémologie dans lʼœuvre de Carnap" - 09/01/2009 - page 17 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen Conférences sur l’histoire de la philosophie - Héraclite et le devenir - Démocrite et l’atomisme - Le théâtre de la variété ou la démocratie athénienne selon Platon, par Noémie Villacéque - Aristote et l’éthique à Nicomaque - La philosophie du plaisir d’Épicure - Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre - La grande bibliothèque d’Alexandrie - Sénèque et le stoïcisme romain - Avicenne et la raison, par Dominique Urvoy - L'apport de la civilisation arabe au moyen-âge, un héritage remis en cause par l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim, par Habib Samrakandi - Montaigne et l’humanisme - Vanini, philosophe méconnu, méprisé, diabolisé, par Matthias Klemm - Descartes et la méthode, par Mickaël Dubost - Spinoza et le bonheur, par Mickaël Dubost - Leibniz et la question du mal, par Mickaël Dubost - Hume et l’habitude, par Mickaël Dubost - Condillac et la sensation, par Mickaël Dubost - L’Encyclopédie et la philosophie des Lumières - Voltaire et la religion - Voltaire et l’affaire Calas - La singularité philosophique de Jean-Jacques Rousseau, par Eliane Martin-Haag - Adam Smith et l’économie, par Jacques Passerat - Olympe de Gouges, héritière des lumières, par Betty Daël - Kant et l’absolu, par Mickaël Dubost - Victor Schœlcher, l’homme de l’abolition française de l’esclavage - Victor Hugo, mystique de la liberté et du progrès - Nietzsche ou le combat contre l'utopie et la réalité chrétiennes, par Yannick Souladié - Dostoïevski face à l'athéisme, par Yannick Souladié - Bernard Bolzano corrige Kant, par Ghislain Vergnes - William Morris : socialisme et design, par John William - Jaurès, un philosophe majeur, par Jordi Blanc - Jaurès et la loi 1905 sur la laïcité - Wittgenstein, entre Vienne et Cambridge, par Yoann Morvan - Teilhard de Chardin et l’évolution - Saint-Exupéry, vie et oeuvre philosophique - Vercors, à la quête de la dignité humaine - George Orwell et la dénonciation des totalitarismes - Camus ou la voie de la sagesse, par Christiane Prioult - Logique et épistémologie dans l’oeuvre de Carnap, par Xavier Verley - Marguerite Yourcenar, l’itinéraire d’une sage, par Valéria Rousseau - Marguerite Yourcenar, l’écriture du “moi” dans le labyrinthe du monde, par Valéria Rousseau - Sartre et l’existentialisme - Guy Debord : la philosophie subversive réalisée, par Ghislain Vergnes - Popper et la connaissance, par Mickaël Dubost - Jean-Pierre Vernant et l’hellénisme 1000-141 1000-130 1000-212 1000-176 1000-203 1000-165 1000-013 1000-007 1000-131 1000-241 1000-040 1000-234 1000-137 1000-138 1000-139 1000-147 1000-155 1000-074 1000-156 1000-129 1000-224 1000-166 1000-087 1000-158 1000-133 1000-112 1000-220 1000-240 1000-088 1000-222 1000-228 1000-218 1000-153 1000-067 1000-019 1000-113 1000-123 1000-144 1000-239 1000-124 1000-207 1000-149 1000-211 1000-135 1000-235 Bibliographie - Pensée, symbole et représentation, Logique et psychologie chez Frege et Husserl, Xavier Verley, Dianoia, 2004 - Carnap, le symbolique et la philosophie, Xavier Verley, L'harmattan, 2003 - Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, Philosophie aujourd'hui, PUF, 1985 - De Vienne à Cambridge, Pierre Jacob, Gallimard, 1980 - L'empirisme logique, Pierre Jacob, 1980 - The Philosophy, Rudolf Carnap, Edited by Paul Arthur Schilpp, The Library of Living Philosophers, La Salle, Illinois, Open Court, 1963. 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