Il a reçu une injection de sérum anti-scorpionique, mis sous
catécholamines (dobutamine 10 gamma/Kg/min) et sous ventila-
tion mécanique.
Les examens biologiques réalisés à l’admission ont montré
une anémie (hémoglobine: 7,9 g/dl), les plaquettes à 471 000
éléments/mm3, une cytolyse hépatique (ASAT : 140 UI/L ; ALAT :
34 UI/L), un TP à 70%, un TCA à 30/30, une urée plasmatique à
10 mmol/l et une créatinine plasmatique à 60 µmol/l. Les CPK
sont à 2250 UI/l.
L’évolution a été marquée par une aggravation de l’anémie
(Hb: 4,5 g/dl), sans saignement ni hémodilution (bilan hydrique
négatif) avec des stigmates biologiques d’hémolyse: LDH à 4280
UI/ml et une bilirubine totale à 45 µmol/l à prédominance libre
41 µmol/l, dégradation de la fonction rénale avec urée plasma-
tique à 14,4 mmol/l et une créatinine plasmatique à 116 µmol/l
et apparition d’une thrombopénie à 57 000 éléments/mm3.
L’évolution a été marquée par l’absence de réveil à l’arrêt de
la sédation, l’apparition de fièvre à 40°C. Le patient est décédé
au cinquième jour d’hospitalisation dans un tableau d’engage-
ment cérébral. L’autopsie n’a pas été réalisée.
■Observation n° 2
Nourrisson âgé d’un an, originaire de Sidi Bouzid ayant pré-
senté trois heures après une piqûre par un scorpion de type Andro-
ctonus australis hector, un coma (score de Glasgow 10/15), une
hypothermie, une cyanose et un priapisme. La pression artérielle à
l’admission est à 90 mmHg pour la systolique et 60 mmHg pour la
diastolique. L’auscultation pulmonaire trouve des râles crépitants
aux deux champs pulmonaires. Par ailleurs l’examen ne décèle pas
de lésion de nécrose cutanée au niveau du site de piqûre.
Il a reçu une injection de sérum antiscorpionique, mis sous
catécholamines (dobutamine 10 gamma/kg/min) et sous ventila-
tion mécanique.
Les examens biologiques réalisés dans les premières 24 heures
ont montré une hémoglobine à 8,4 g/dl, une bilirubine totale à
35 µmol/l à prédominance libre (23 µmol/l), une créatinémie à
180 µmol/l, une urée plasmatique à 21,4 mmol/l et une cytolyse
hépatique avec ASAT à 180 UI/L et ALAT à 122 UI/L, un TP à 80%,
un TCA à 33/30. Les CPK sont à 10 000 UI/l.
Il a été transfusé par 100 ml de culot globulaire.
L’évolution a été marquée par l’aggravation de l’anémie (Hb:
7,7 g/dl) sans saignement ni hémodilution (bilan hydrique négatif)
et apparition d’une thrombopénie à 34 000/mm3. Le scanner céré-
bral a montré une hémorragie méningée et un œdème cérébral.
Le patient est décédé 24 heures après son admission dans un
tableau d’engagement cérébral. L’autopsie n’a pas été réalisée.
■Discussion
Le diagnostic de SHU a été retenu dans ces deux observa-
tions devant l’insuffisance rénale aiguë, l’anémie hémolytique et
la thrombopénie. Malgré l’absence du dosage de l’haptoglobine
et la recherche de schizocytes, la nature hémolytique de cette
anémie a été retenue devant la déglobulisation sans signes d’hé-
morragie ni d’hémodilution, l’inefficacité transfusionnelle et la
présence de signes biologiques d’hémolyse (LDH et biluribine
libre élevés).
L’absence d’autres signes cliniques (diarrhée, sang dans les
selles, etc.), biologiques ou bactériologiques évocateurs d’autres
étiologies de SHU nous a fait retenir l’origine scorpionique.
Nos deux nourrissons n’ont pas présenté de signes de choc
(hypovolémique ou cardiogénique) pouvant expliquer l’insuffi-
sance rénale. La dobutamine a été utilisée, étant donnée qu’elle
a prouvé son efficacité dans la prise en charge de l’œdème pul-
monaire secondaire à l’envenimation scorpionique.3Selon la
XXIIeconférence de consensus en réanimation et médecine d’ur-
gence sur les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) en
réanimation ces deux nourrissons n’ont pas présenté de signes
majeurs de CIVD.
Le SHU a été décrit la première fois en 1955 et est actuelle-
ment largement reconnu.2De pathogénie variable selon l’étiolo-
gie, il semblerait que les lésions des cellules endothéliales, le vaso-
spasme et l’activation plaquettaire jouent un rôle important dans
la constitution du SHU,1,2,4 donc tout facteur entraînant des lésions
des cellules endothéliales est susceptible d’engendrer un SHU.
Parmi les effets hématologiques de la plupart des venins de
scorpion, l’hémolyse semble occuper une place non négligeable
quoique non encore rapportée avec le scorpion de type Androcto-
nus australis hector.5-8 Chez les scorpions non Buthides, l’activité
hémolytique est connue depuis longtemps,8en particulier celle des
Scorpio maurus également présents dans le Maghreb. Chez les
scorpions Buthides (dont fait partie Androctonus), cette activité
hémolytique n’a été décrite que chez des espèces d’Asie centrale:
Buthotus 9ou Buthus proche des Androctonus.6Par contre les tra-
vaux même anciens n’ont jamais signalé d’hémolyse ni de néphro-
pathie dans ce type d’envenimation, quelle que soit l’espèce en
cause. C’est pourquoi il nous semble que nos cas cliniques sont
importants. En effet, des microvariations de venin d’Androctonus
australis hector seraient possibles dans notre région.
L’anémie hémolytique micro-angiopathique résulterait de la
fragmentation des hématies sur les lésions vasculaires engen-
drées par le venin.1
Lorsque la micro-angiopathie thrombotique prédomine sur
les glomérules et/ou les petites artérioles du rein, la traduction
clinique en est le SHU. Au contraire, lorsque les lésions sont plus
disséminées, les manifestations systémiques à type de fièvre et
atteinte neurologique centrale prédominent, réalisant un tableau
d’une microangiopathie thrombotique.10 La gravité de la symp-
tomatologie du SHU d’origine scorpionique semble être dépen-
dante de l’espèce du scorpion en cause.1
Dans notre région, l’espèce la plus dangereuse et la plus répan-
due est l’Androctonus australis hector (scorpion jaune à extrémités
foncées).11 Son venin contient des hémolysines, des neurotoxines
et probablement des endothéliolysines comme le venin d’autres
espèces de scorpion.1Ceci pourrait expliquer l’importance des
signes systémiques associés au SHU rencontrés dans nos deux
observations et nous laisse supposer que le pronostic dépendrait de
l’importance et de la dissémination des lésions.
■Conclusion
L’envenimation scorpionique pourrait se surajouter à la liste
des étiologies du SHU.
Le pronostic de cette complication (SHU) semble sévère, à
cause des manifestations systémiques souvent associées.
articles originaux
Néphrologie Vol. 2 5 n° 2 2004
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