La formation de l'Himalaya : une histoire de plaques
formidable entre les deux blocs continentaux, à l’ouest d’abord (au Ladakh) puis vers l’est, qui
s’accompagne d’intenses déformations : les sédiments issus des anciens rivages ainsi que les restes
du plancher océanique sont raclés comme des copeaux, expulsés vers le sud pour venir s’empiler en nappes
gigantesques à l’origine des premiers reliefs himalayens.
De l’océan disparu ne reste au sol qu’une étroite cicatrice, la zone de « suture »,
qu’aujourd’hui suivent paresseusement les hauts cours de l’Indus et du Yalu Zang Bo. Cette
première, mais durable union entre les deux continents, élargit considérablement l’horizon des faunes
eurasiatiques, notamment celui des grands mammifères qui peuvent, enfin, venir s’ébattre et coloniser la terre
indienne !
La collision de l’Inde et de l’Asie n’interrompt cependant pas le mouvement de l’Inde
vers le nord, mais elle le ralentit considérablement (5 centimètres / an), parce que la croûte continentale indienne,
trop légère, s’enfonce difficilement sous le continent asiatique. De part et d’autre de la suture, les
effets de cette collision entretenue sont différents. Au nord, la masse asiatique est emboutie, comprimée et morcelée
en grands blocs qui glissent les uns par rapports aux autres en provoquant des séismes violents le long de plans de
coulissement qui courent du Pamir à l’Altaï, du Tibet à Pékin. Au sud, le continent indien se déforme peu à
peu, en se ployant lourdement, jusqu’à ce que les pressions accumulées deviennent trop fortes, et
provoquent la rupture. Une première fois, entre 30 et 15 Ma, la croûte continentale indienne se fragmente en libérant
une gigantesque écaille (en fait, une multitude de lames qui glissent les unes sur les autres, comme les cartes
d’un jeu) qui vient chevaucher, sur près de 100 kilomètres, les régions plus au sud qui continuent à migrer
vers le nord.
L’épaississement de la croûte qui en résulte est a l’origine de la haute chaîne himalayenne enracinée
à près de 60 kilomètres sous terre. Sous l’effet du poids et des frottements provoqués par la mise en place de
cette nappe, les roches en profondeur se réchauffent, se ramollissent, se métamorphosent en gneiss, localement
même se fondent en un magma de granit blanc qui remonte, envahit les fissures pour finalement consolider le tout
en une puissante dalle, celle-là même qui forme maintenant le soubassement des plus majestueux sommets
himalayens (Nanda Devi, Manaslu, Makâlû, et bien sûr l’Everest). Mais aussitôt créés, les reliefs himalayens
sont soumis à une érosion intense, dont les produits - que l’on appelle molasses - viennent
s’accumuler en contrebas dans d’immenses piémonts caillouteux et marécageux, où paissent
tranquillement antilopes. girafes et grands éléphants.
C’est là, à la charnière de l’édifice himalayen construit de roches indurées et des basses plaines
alluviales colmatées de sédiments molassiques faiblement consolidés, que la croûte indienne cède à nouveau
depuis les 10 derniers millions d’années - sous l’énorme pression qui la pousse vers le nord.
Des chevauchements, qui affectent à la fois les vieux matériaux téthysiens et les molasses de plus en plus récentes
de l’avant-pays, forcent I’Himalaya à empiéter progressivement sur son propre Piémont ! Celui-ci se
fracture, se plisse, se débite en écailles et copeaux qui, redressés vers le nord comme un gigantesque escalier
basculé, surgissent un à un de la plaine pour former de nouveaux chaînons au sud du Grand Himalaya. Le
Mahabharat Lekh apparaît d’abord, puis les rangées de collines des Siwalik, plus méridionales.
D’autres chevauchements, cachés sous les grands cônes alluviaux de l’avant-pays, préparent en
profondeur les futurs crêts montagneux. C’est dans cet environnement mobile, couvert d’une jungle à
forêt claire et hautes herbes, que les premiers Hominidés ont trouvé des conditions favorables à leur développement.
L’accroissement des reliefs himalayens vers le sud n’est pas sans effet sur les rivières descendues de
la Haute Chaîne.
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