Document 1 : En raison de notre accès indirect au temps, ce n’est que depuis peu de temps que nous
avons pu commencer à comprendre les processus physiques du temps.
Qui peut nier en effet que la connaissance que nous avons du monde extérieur est
médiatisée par nos perceptions, et que la perception organisée - dans laquelle les
événements sont ordonnés selon le lieu et l'instant où ils se produisent -, présuppose que
nous fixions par l'esprit un cadre spatial et temporel ? On le voit, même lorsqu'il s'agit de
discourir sur les qualités propres du monde plongé dans la durée, on part toujours de soi,
des interprétations symboliques que nous donnons à nos perceptions. À cause de cela,
nous avons quelque peine à discerner et à distinguer ce qui, dans cette notion, appartient
réellement à la nature en soi et ce qui nous appartient, ce qui, en d'autres termes,
pourrait bien n'être qu'un reflet des mécanismes de notre système nerveux central et de
nos mécanismes de perception. Tout naturellement, nous nous interrogeons sur
l'universalité du flux qui nous porte et nous emporte. Les astres célestes, les atomes, les
objets qui nous entourent sont-ils aussi dans le temps ?
D'autre part, le temps joue-t-il un rôle particulier dans les phénomènes de la vie ? Joue-t-
il un rôle actif dans le développement d'un individu, dans le maintien au jour le jour de
ses fonctions vitales, dans le phénomène de la conscience, de la connaissance réfléchie,
expliquée - dans la mesure où elle peut l'être en termes de mécanismes nerveux ?
Nous voilà bien dans un domaine où l'interrogation philosophique a précédé l'apport
proprement scientifique. On sait en effet aujourd'hui combien la conscience peut jouer le
rôle de prisme déformant sur nos sensations brutes, les filtrer et les adapter à nos
exigences enfouies. Nous savons, par exemple, que les deux hémisphères de notre
cerveau reçoivent des impressions sensorielles différentes, qui ne sont intégrées dans
une perception unique et cohérente qu'à un stade relativement élevé de l'activité
corticale. Le neuropsychologue américain Roger Sperry a en effet montré que des
sensations discordantes reçues respectivement par les cerveaux droit et gauche peuvent
être à la fois inconsciemment perçues et reconnues, mais refoulées, c'est-à-dire refusées
au niveau de la conscience, lorsqu'elles ne coïncident pas avec les impressions
dominantes du sujet. Rémy Lestienne
Les fils du temps, causalité, entropie, devenir, CNRS Éds, 2007
Document 2 : Pendant longtemps, nous n’avions à notre disposition pour mesurer le temps que des
moyens grossiers, incapables de nous donner une idée de l’importance qualitative et quantitative du temps
(ici, par exemple, le cadran solaire). C'est seulement au début du XVIème siècle que les horloges ont
commencé à remplacer les cadrans solaires.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-183 : “La temporalité du réel” - 18/03/2006 - page 5