Une approche théorique des représentations sociales de l'économie Au-delà de la science et du sens commun René Van Bavel, London School of Economics and Political Science Laurent Licata, Université libre de Bruxelles Référence complète : Van Bavel, R., & Licata, L. (2002). Une approche théorique des représentations sociales de l'économie: au-­‐delà de la science et du sens commun. In Les représentations sociales: balisage du domaine d'études (pp. 81-­‐105). Montréal: Les Éditions Nouvelles. 1. Introduction Depuis les travaux pionniers de Katona (1960, 1975) sur le rôle des facteurs psychologiques dans l'économie, la compréhension de l'économie par l'homme de la rue est devenue un enjeu crucial pour les économistes et les décideurs politiques. L'idée sous-jacente est que ce que les gens pensent à propos de l'économie va guider leur comportement au sein de l'économie. De ce fait, la compréhension de la structure et du contenu du savoir économique populaire constitue la clé pour expliquer (et peut-être même prédire) le comportement économique aussi bien au niveau individuel qu'au niveau collectif. Cependant, les approches épistémologiques du savoir populaire en général, et du savoir économique en particulier, se sont traditionnellement basées sur une dichotomie "science sens commun" (Bangereter, 1995; Galbraith, 1958; Krugman, 1996). Elle repose sur l'idée que la compréhension de l'homme de la rue est pleine d'erreurs et de méconnaissance, alors que la science offre un accès à la vérité 'objective' à travers la rigueur et la discipline de la méthode scientifique. Dans ce contexte, la théorie des représentations sociales (TRS) a émergé en tant que science du sens commun, tentant de confronter cette attitude plutôt péjorative à l'égard des théories populaires (Farr, 1987; Moscovici, 1984). Cependant, malgré ses efforts, la TRS n'en repose pas moins sur une distinction entre les univers réifiés et consensuels (Moscovici, 1984), qui se greffe sur la distinction entre science et sens commun (Bangerter, 1995). Selon Moscovici (1987, p. 514), 'toute science dédiée à l'étude des pensées et croyances dans la société actuelle doit résoudre un problème épistémologique évident: la relation entre la pensée scientifique et non-scientifique'. Il s'ensuit donc qu'alors que le savoir scientifique correspond à l'univers réifié, les représentations sociales appartiennent à l'univers consensuel (Moscovici, 1984). De plus, le savoir émanerait de l'univers réifié avant d'être transmis vers l'univers consensuel, dans ce que Moscovici qualifie d'inversement de la direction prévalant auparavant (Moscovici et Hewstone, 1983). Alors que, jadis, le sens commun alimentait la science, c'est à présent le savoir scientifique qui imprègne la compréhension du monde des gens. A partir de l'univers réifié, il se diffuse dans l'univers consensuel, où il est transformé à travers un processus de représentation et de communication. Toutefois, Bangerter (1995) suggère que, étant donné l'état actuel de la TRS, cette distinction entre science et sens commun devrait être remise en question. Selon cet auteur, le sens commun est éminemment dépendant de la culture: tout groupe ayant existé un certain temps développe son propre savoir quotidien, qui peut ou non être partagé par d'autres groupes. Il s'ensuit donc que la distinction entre savoir expert et profane est relative: 'une sous-culture, ou un sous-groupe, qui est expert par rapport à un autre groupe à propos d'un certain thème peut simultanément être considéré non-expert par rapport à un autre groupe concernant le même thème' (Bangerter, 1995, p. 70). De façon similaire, Flick (1995) propose une taxonomie des différentes catégories de pensée dans la société occidentale post-industrielle, qui inclut les mythes, la religion, la science, le sens commun pré-scientifique, le savoir quotidien postscientifique et l'idéologie. Une vision aussi fragmentée du savoir en société ne peut pas être incorporée à une simple dichotomie opposant la science au sens commun. Un cadre différent est nécessaire afin de comprendre la relation entre ces différentes catégories de savoir. Pour von Cranach (1992), Les représentations sociales constituent le savoir pour un système social particulier, ou une de ses parties - leurs 'systèmes de transport'. Bangerter (1995) s'appuie sur cette conception et s'en sert pour remettre en question le statut réifié de la science. Alors que, traditionnellement, le savoir scientifique est dissocié de son 'système de transport' (son contenu est indépendant du processus de sa production), il est plus réaliste de considérer la science comme 'une système social complexe ou une collection de systèmes interagissants plutôt que comme une structure théorique désincarnée' (Bangerter, 1995, p. 70). Les conséquences de cette conceptualisation de la science sont doubles: (a) le contenu du savoir scientifique devient dépendant d'une système de transport particulier, et (b) un tel système n'est pas nécessairement constitué d'un groupe homogène de chercheurs pensant de la même manière. Donc, un cadre qui suggère que la science - non biaisée, méthodique et objective s'oppose au sens commun - varié, labile et hétérogène - n'est tout simplement pas approprié à l'étude des représentations sociales dans le monde actuel. Après avoir relis en question le statut réifié de la science, Bangerter (1995) continue à explorer les similarités fonctionnelles et structurelles entre les représentations scientifiques et non-scientifiques. De plus, il conteste la croyance selon laquelle la direction d'influence va exclusivement de la science vers le sens commun. Il considère plutôt que cette relation est dialectique: les deux formes de savoir s'influencent mutuellement. L'intérêt de cette formalisation du problème est que le savoir scientifique peut être examiné sans présupposer qu'il est fondamentalement différent d'autres types de savoir. Cela ouvre la porte a une sociologie du savoir scientifique (Latour, 1987, 1996; Feyerabend, 1982), au sein de laquelle la TRS peut contribuer à l'anthropologie de la société moderne (ou post-moderne). La question qui se pose alors est celle du statut épistémologique de l'économie et de sa relation avec la pensée économique profane. S'il s'agissait d'une science dans le sens traditionnel du terme, elle correspondrait à l'univers réifié et s'opposeraient ainsi aux représentations sociales de l'économie, qui appartiendraient quant à elles à l'univers consensuel. Mais si, d'après le point de vue de Bangerter (1995), l'économie n'est pas une science mais simplement un système de connaissance correspondant à un groupe d'économistes, alors sa position vis à vis des représentations sociales de l'économie devient plus problématique, et nécessite une autre conceptualisation. Pour beaucoup, l'économie devrait être considérée comme une science dans le sens traditionnel du terme, puisqu'elle cherche à expliquer des phénomènes économiques tout comme les sciences naturelles cherchent à expliquer des phénomènes dans le monde physique. Toutefois, dans les sciences naturelles, la connaissance de la réalité est en harmonie avec l'expérience de la réalité, remplissant ainsi le critère Hégélien de validité (Marková, 1982). Ce n'est pas nécessairement le cas en économie, où la connaissance de l'économie ne correspond pas toujours à l'expérience de l'économie. Le savoir économique expert semble davantage ancré dans une représentation mathématique de l'économie, qui peut être validée par l'expérience économique comme elle peut ne pas l'être (Ormerod, 1994). Qui plus est, les économistes tendent à se baser fortement sur des métaphores (McCloskey, 1985). Le marché, par exemple, est représenté graphiquement par une série de courbes de demande et d'offre, ou, de manière plus célèbre, en évoquant la métaphore de 'la main invisible'. Chaque pas, dans le raisonnement économique, est métaphorique: le monde est compris comme s'il s'agissait d'un modèle complexe, qui est réduit à un modèle plus simple pour être pensé, puis réduit à un modèle encore plus simple pour le calcul. D'après Becker (1974, 1976), par exemple, les enfants sont comme des biens durables. Et pour les économistes en général, la famille typique, avec son mélange complexe d'amour, de commodité et de frustration, est appréhendée comme s'il s'agissait d'une entreprise. Les économistes continuent à discuter de leurs métaphores comme s'ils discutaient de la réalité, sans être conscients du fait qu'ils ont recours à des représentations de la réalité plutôt qu'à la réalité elle-même. Leur représentation mathématique, qui sous-tend leur connaissance de l'économie, révèle à quel point le langage de l'économie est saturé de métaphores (McCloskey, 1985). Il semble donc nécessaire de remettre en question le statut épistémologique de l'économie en tant que science dans le sens traditionnel du terme. Il semble plus approprié d'accepter la proposition de Bangerter (1995) et de considérer un savoir expert simplement comme un savoir particulier à un système social donné. Dans le cas qui nous occupe, ce système social est constitué d'économistes. Il semble ainsi plus approprié de parler de représentations sociales expertes de l'économie (see Van Bavel, 2000). Après avoir mis en cause le statut scientifique de l'économie, la distinction entre les univers réifié et consensuel se révèle peu appropriée à l'étude des représentations de l'économie. De ce fait, un cadre alternatif, au-delà du réifié et du consensuel et au-delà de l'opposition entre science et sens commun, est requis afin de conceptualiser les représentations sociales expertes et profanes de l'économie. A cette fin, nous nous référerons à la distinction entre système et monde vécu telle qu'elle a été proposée par Habermas (1987, 1997). Système et monde vécu C'est dans le second volume de sa Théorie de l'Action Communicative qu'Habermas introduit les notions de système et de monde vécu. Il propose ces deux notions en tant que deux manières de concevoir la société, un exercice qui, selon lui, devrait être fait simultanément. Il emprunte aux phénoménologistes - Husserl, Schutz et Luckmann - le concept de 'monde vécu'. By the everyday lifeworld is to be understood that province of reality which the wideawake and normal adult simply takes for granted in the attitude of common sense. By this taken-for-grantedness, we designate everything which we experience as unquestionable; every state of affairs is for us unproblematic until further noticei. (Schutz and Luckmann, 1973, pp. 3-4) Cependant, le monde vécu des phénoménologistes, bien qu'intersubjectivement constitué, est restreint au niveau de l'individu. L'accent est mis sur le monde vécu de l'individu, c'est-à-dire sur le monde tel qui lui apparaît, à sa sa portée, délimité par son horizon. C'est "la base incontestée de tout ce qui est donné à mon expérience, et le cadre incontestable dans lequel tous les problèmes auxquels je dois faire face se situent" (Schutz and Luckmann, 1973, p. 4, notre traduction). Habermas (1987, 1997) étend le concept de monde vécu. Il le conçoit comme l'endroit où, en termes d'action communicative, locuteur et récepteur se rencontrent et peuvent se comprendre. C'est l'horizon dans lequel les actions communicatives sont 'toujours déjà' en mouvement, et qui consiste en un stock de modèles interprétatifs qui sont transmis culturellement et organisés linguistiquement. Pour lui, le monde vécu apparaît "comme un réservoir de pris-pour-acquis, de convictions inébranlées dans lesquelles les participants à la communication puisent dans des processus coopératifs d'interprétation" (Habermas, 1987, p. 124, notre traduction). Mais, dans les sociétés modernes, des sphères bureaucratiques et économiques émergent, dans lesquelles les relations sociales sont régulées seulement par l'argent et le pouvoir plutôt que par l'action communicative. C'est là que des sous-systèmes émergent - tels l'économie de marché - qui deviennent de plus en plus détachés des structures sociales à travers lesquelles l'intégration sociale a lieu, c'est-à-dire le monde vécu. Ensemble, ces sous-systèmes englobent un système social entier, qui s'éloigne du monde vécu à travers ce qu'Habermas (1987) appelle "le découplage du système et du monde vécu". Des sous-systèmes croissent, émergent et atteignent bientôt un point où système et monde vécu deviennent tellement différenciés qu'ils peuvent avoir une influence l'un sur l'autre. A ce stade, les impératifs du système indépendant se retournent de manière destructrice vers le monde vécu lui-même, et les relations sociales deviennent dépendantes des media 'délinguistifiés' de l'argent et du pouvoir, en lieu et place de l'action communicative. Le passage de la communication vers les media 'délinguistifiés' atteint un point où les mécanismes systémiques suppriment des formes d'intégration sociale dans toutes les sphères, y compris celles où communication et consensus sont vitaux pour coordonner l'action. Ici, le monde vécu ne peut tout simplement pas continuer d'exister si la coordination des actions, qui dépend du consensus, est remplacée. La reproduction symbolique du monde vécu est donc menacée. Le système atteint le cœur même du monde vécu, à travers un processus qu'Habermas (1987) nomme 'la colonisation du monde vécvu'. Les représentations sociales de l'économie dans un cadre système / mode vécu L'attrait de cette distinction entre système et monde vécu pour l'étude des représentations sociales de l'économie réside initialement dans le fait que l'économie, en tant que telle, comprend un sous-système mû par le médium de l'argent, en contraste avec le monde vécu. En conséquence, la formulation d'Habermas semble très appropriée et précise. Mais au-delà de cet attrait initial, il existe une complémentarité d'ensemble plus fondamentale. La compréhension experte de l'économie est basée sur un modèle mathématique qui décrit et prédit l'activité économique. Mais qu'est-ce que 'l'économie'? Il semble que, pour les experts, il s'agisse d'un système d'actions interconnectées par le médium de l'argent. Leur vision, leur compréhension de l'économie est celle d'un système. De ce fait, les représentations sociales expertes constituent la connaissance de ce système. Les représentations sociales profanes, d'autre part, appartiennent au monde vécu. C'est l'endroit (de la même manière que l'univers consensuel) où les acteurs sociaux communiquent et se mettent d'accord. C'est l'arène du familier, du pris-pour-acquis, de ce qui est donné. Dans le monde vécu, un sens est attribué à toute chose; rien ne reste inconnu. Dans l'horizon du monde vécu, il n'y a pas de place pour les événements ou les phénomènes étranges ou inexpliqués, ni pour les éléments dérangeants ou menaçants. Comme le font remarquer Shutz et Luckmann (1973, p. 7), "chaque explication, à l'intérieur du monde vécu, a lieu dans le milieu d'affaires qui a déjà été expliqué, dans une réalité qui est fondamentalement et typiquement familière". Et les représentations sociales profanes, en remplissant leur fonction de rendre le non-familier familier, trouvent leur place dans le monde vécu et constituent sa 'monnaie de la connaissance'. Méthodologie Le travail empirique dont il est question dans ce chapitre est issu d'un ensemble plus vaste de recherches sur les représentations de l'économie, conduites au Chili en 1998 (Van Bavel, 2000). Cette recherche appréhendait cet objet d'étude en 'triangulant' différentes méthodes de collecte de données et d'analyses (Flick, 1992). L'objectif était de découvrir les représentations qui se trouvent aussi bien dans la communication formalisée que dans la communication informelle (Bauer and Gaskell, 1999). La communication formalisée a lieu dans les mass media et autres sources documentaires; la communication informelle a lieu lorsque les gens se parlent en face-à-face. La première fut abordée à travers une analyse de l'argumentation d'articles économiques parus dans les éditoriaux de 4 journaux nationaux, alors que la seconde fut abordée par l'analyse thématique de 22 interviews individuelles semistructurés et de 7 interviews de groupes. Dans le cadre de ce chapitre, seuls les résultats relatifs à la communication informelle seront présentés. Les interviews individuelles ont été réalisées auprès de personnes appartenant à trois milieux différents (non professionnels, professionnels et experts), alors que les interviews de groupe rassemblaient des personnes issues de différents secteurs de la société (femmes en situation de pauvreté extrême, travailleurs ruraux, travailleurs industriels, femmes âgées, jeunes vendeurs, professionnels et experts). Cela ne signifie pas qu'une segmentation rigoureuse à partir d'autres critères, comme le sexe ou l'âge, ait été considérée a priori comme non-pertinente (voir tableau 1). Cependant, ces critères ne seront pas pris en compte ici afin de préserver la cohérence de ce chapitre. <insérer le tableau 1 ici> Ont été considérées comme experts les personnes possédant un diplôme universitaire en Ingeniería Comercial (ingénierie commerciale). Dans le système universitaire chilien, il s'agit d'un diplôme que les économistes et les gradués en sciences commerciales possèdent. Ce sont des études en 5 ans: la première moitié est la même pour tous, puis les candidats peuvent se spécialiser en économie ou en sciences commerciales. Pour cette recherche, nous avons considéré les ingénieurs commerciaux comme des experts. Il est cependant important de préciser que les experts, dans cette étude, ne sont pas forcément représentatifs de tous les économistes. Ils sont néanmoins représentatifs des économistes chiliens en général. Le pays a subis une révolution néolibérale sous le régime militaire de Pinochet, où les 'Chicago boys' furent responsables de l'adoption d'une vaste série de politiques de libre entrepriseii. Le résultat fut la pénétration et l'acceptation de la pensée économique néolibérale dans la plupart des sphères d'experts. Les 22 interviews semi-structurées furent menées dans des conditions informelles et détendues, puis furent enregistrées. Elles duraient entre 45 et 90 minutes, et suivaient un guide thématique. Les thèmes abordés avaient été identifiés grâce à 6 interviews pilotes non-structurées lors desquelles les répondants étaient invités à parler de leurs soucis économiques et pouvaient en parler sans être interrompus. Tous ces thèmes étaient habituellement abordés lors de chaque interview, bien que l'ordre ait varié d'une interview à l'autre. De même, le langage utilisé était variable, en fonction des répondants. Par exemple, alors que nous aurions interrogé un expert à propos des niveaux d'inflation actuels, nous aurions demandé à un non-professionnel si "les prix avaient augmenté". Le nombre de thèmes abordés dans les interviews de groupes était significativement réduit afin de permettre davantage de discussion. Les thèmes choisis furent ceux qui avaient donné lieu aux réponses les plus intéressantes lors des interviews individuelles. Le guide thématique était également flexible afin de s'adapter à l'atmosphère de chaque groupe de discussion. Toutefois, les interviews de groupe commençaient toujours par des questions sur l'état du pays ou l'économie en général. Cela constituait une période d'adaptation d'une vingtaine de minutes. < insérer le tableau 2 ici > Ces interviews individuelles et de groupe produisirent un important corpus de données textuelles. Ce matériel fut intégralement retranscrit et ordonné grâce à Atlas/ti, un programme destiné à la gestion de gros corpus de données qualitatives. L'analyse en tant que telle a consisté à mettre à jour les bribes de conversation révélant les représentations sociales de l'économie. Les représentations sociales sont rarement décrites explicitement dans la conversation. En général, les gens n'expriment pas directement leur connaissance d'un thème particulier, pas plus que les métaphores qu'ils utilisent pour le comprendre. Ils laissent plutôt ces représentations sociales émerger par bribes et fragments. Il s'agit donc de trouver le moyen d'appréhender ces fragments de manière rigoureuse, de manière à obtenir des descriptions valides de ces représentations. Nous avons traité les interviews individuelles et de groupe de manière similaire, puisqu'il s'agit dans les deux cas de communication informelle. Nous avons systématiquement codé tous les passages pertinents du texte. Chaque code correspond à une certaine idée ou notion relative à un thème particulier. Par exemple, alors qu'ils parlaient de la pauvreté, les gens attribuaient souvent la pauvreté à la paresse ou au manque de volonté. Toutes les occurrences de cette idée furent indexées sous un code intitulé "pauvreté attribuée à la paresse". Il est arrivé fréquemment qu'un même passage exprime plus d'une seule notion à la fois. Dans ce cas, ces passages ont été indexés à l'aide de plusieurs codes. Nous avons ensuite opéré des regroupements de codes par thèmes, formant des catégories thématiques. Par exemple, tous les codes concernant la pauvreté ont été rassemblés en une même catégorie. Après de nombreuses analyses, ces catégories ont été raffinées, réduites ou fusionnées, afin de permettre l'émergence de thèmes ou représentations signifiants. Ces thèmes ou représentations forment le contenu du matériel empirique présenté ci-dessous. Nous ne présenterons ici que certains passages illustratifs de ces codes et catégories de codes. Un exposé détaillé de ces analyses, incluant les pondérations des différents codes, est inclus dans le document de recherche original (Van Bavel, 2000). 4. Eléments d'une vision systémique et d'une perspective en termes de monde vécu Comme nous l'avons mentionné plus haut, les représentations sociales expertes s'appuient sur une conception systémique de l'économie alors que les représentations sociales profanes sont basées sur le monde vécu quotidien, donnant ainsi lieu à des perspectives différentes sur l'économie. Ces visions différentes sont manifestes lorsque l'on porte attention aux éléments caractéristiques suivants. Formes de raisonnement A travers les discours des experts, on s'aperçoit que l'économie est comprise en tant que système. Le savoir se fonde sur un modèle mathématique, abstrait qui explique l'activité et les phénomènes économiques à travers une terminologie économiste et des calculs avancés. Par moments, une idée particulière ne peut être exprimée que par ces termes économiques abstraits. Donc, ouvrir au commerce international […] permet d'atteindre des niveaux de … une courbe de, une courbe de … un plus grand niveau de satisfaction, si nous pouvions parler de … courbe d'indifférence, d'accord? [interview d'expert] Dans cette conception systémique, la pensée procède du haut vers le bas, d'une façon déductive. Se basant sur des propositions théoriques, les experts tissent leur logique et proposent des explications de l'activité économique. Par exemple, la conception systémique envisage l'inflation uniquement en tant que résultat du fonctionnement du système. Ce n'est la faute de personne en particulier, et on y donne du sens en prenant l'économie entière comme unité d'analyse et en suivant une voie mathématique de causes et d'effets, où différents éléments de l'économie sont inter-connectés (voir les liens systémiques ci-dessous). Le prix d'une chose mesuré en unité de monnaie augmente parce qu'il y a plus d'argent que de choses. C'est-à-dire, la quantité d'argent dans une économie augmente. Donc, quand il y a plus d'argent et que la quantité de choses reste la même, la quantité d'argent nécessaire pour acheter ces choses augmentera, et donc les prix montent, c'està-dire, inflation. C'est cela. [interview d'expert] Une perspective en termes de monde vécu, d'autre part, est ancrée dans l'expérience; elle est basée sur l'économie telle qu'elle est vécue. Ici, les processus de pensée procèdent du bas vers le haut, de manière inductive, en partant d'observations de phénomènes dans le mode vécu et en parvenant à des explications et à des conclusions possibles. Les gens veulent trouver des explications pour l'inflation, et ils vont y réfléchir en profondeur afin de résoudre le problème. Cependant, le succès d'une telle entreprise peut n'être que partiel. A cause de cette histoire de la tempête qu'ils ont eue dans le Nord, puisqu'en hiver ils amènent des légumes du Nord et qu'en été ils les amènent du Sud, et puisque ce pont s'est effondré là-bas […] Mais je dis, s'ils amènent des choses du Nord, dans le Nord il ne pleut pas tant que ça. Bon, maintenant il y a eu un tremblement de terre, mais ça n'a rien à voir avec les prix qui montent. [interview de non-professionnel] De plus, les termes qui sont théoriques dans la conception systémique acquièrent une interprétation différente dans la perspective du monde vécu. Par exemple, ici, "le marché" n'est pas compris de manière abstraite, comme un système qui a sa vie propre. Il est plutôt compris dans les termes du monde vécu, comme un endroit où l'acheteur et le vendeur se rencontrent (voir Vergès, 1987). Donc, le répondant peut identifier un certain groupe d'hommes d'affaires et de marchands et les blâmer pour l'augmentation des prix, au lieu de la voir comme un effet du système. L'idée, c'est qu'ici, le marché est censé fixer les prix, mais on dirait que seulement un secteur du marché fixe les prix. [interview de professionnel] En somme, les experts auront tendance à raisonner dans l'abstrait, en se basant sur leur modèle mathématique de l'économie. Ils suivront une chaîne de causes et d'effets pour arriver à la solution d'un problème donné. Mais ils pensent à ce qui devrait arriver. C'est-à-dire que, si le modèle mathématique représente fidèlement l'économie, alors leur explication devrait être correcte. Les profanes, au contraire, partiront de leurs observations de l'économie vécue, et c'est à partir de là qu'ils construiront leurs explications. L'inflation sera due à des inondations, le chômage à la paresse, etc. Ce sont des explications qui trouvent leur origine dans le monde vécu et qui sont en harmonie avec l'expérience que les gens en ont. Liens systémiques Dans la conception systémique, tous les éléments compris dans le système sont censés être connectés. De ce fait, le mouvement d'un de ces éléments (une variable, en termes mathématiques) aura un effet sur d'autres éléments et sur le système dans son ensemble. Rien n'est isolé. Les experts peuvent donc suivre, d'une manière abstraite et rationnelle, les liens systémiques inter-connectés d'une économie jusqu'à ce qu'ils obtiennent une explication satisfaisante d'un problème économique donné. Des investissements plus importants entraînent plus de croissance, qui à son tour apporte plus de revenus, des possibilités plus grandes, plus d'argent aux gens. Et cela apporte un bien-être accru. [interview d'expert] La perspective du monde vécu, de son côté, appliquera sa logique propre pour résoudre des problèmes économiques particuliers. Cette notion de l'économie en tant que système d'actions connectées par des liens systémiques est absente; une vision ancrée dans le réel de ces phénomènes prévaut. L'analyse économique ne suit pas une chaîne causale déterminée par les lois du marché, elle s'appuie plutôt sur le sens commun. Les augmentations de prix sont imputées aux intempéries ou aux marchands, le sous-développement du Chili est du à sa forme bizarre et aux grandes distances qui séparent ses grandes villes, etc. Ce sont là des explications qui émanent du monde vécu, de ce que les gens peuvent voir et ressentir, et pas de modèles économiques abstraits. La discussion concernant le salaire minimal est en ce sens révélateur. Les experts vont essayer de s'y opposer, et ils auront recours à des relations systémiques pour soutenir leur argumentation. Un argument typique suggère que (a) imposer un salaire minimal augmenterait le coût global des salaires pour l'employeur, ce qui le pousserait à (b) réduire la taille de sa force de travail et l'empêcher d'embaucher de nouveaux travailleurs, ce qui à grande échelle se traduirait par (c) un accroissement du chômage. Dans la perspective du monde vécu, ces relations complexes ne sont pas prises en compte. Les arguments (quelle que soit leur position) se baseront sur le sens commun, sur une vision du monde partagée, de manière à sembler convaincants. Ici, l'argument auquel on a recours pour s'opposer au salaire minimal se base sur la méfiance générale à l'égard des employeurs. C'est également stupide d'avoir un salaire minimum, parce que tant que le salaire minimum existera, les gens vont payer le minimum. [interview de professionnel] Unité d'analyse L'idée selon laquelle l'économie, dans son ensemble, est un système que l'on peut comprendre en termes mathématiques est toujours dominante dans la vision systémique. En effet, plus le modèle mathématique est complet, meilleure est la compréhension du système. De surcroît, les actions individuelles qui y prennent place ne sont dignes d'intérêt que dans la mesure où elles contribuent à la stabilité du système. C'est-à-dire que le système lui-même est l'unité d'analyse, dont l'objectif est de croître et de se développer. Je trouve que l'économie du Chili est assez développée et qu'elle a une bonne base, et qu'elle bénéficie beaucoup de la confiance des Chiliens, ce qui donne plus de force à l'économie. Elle ose entreprendre plus de projets, et elle n'a pas peur de s'ouvrir à d'autres pays, ni de développer sa propre économie interne, et je pense qu'elle va continuer à se développer et qu'elle est dans la course pour devenir un pays développé. [IG d'experts] Dans la vision systémique, le maintien du système est plus important que tout le reste. D'autres soucis plus proches du monde vécu, tels que la pauvreté et les inégalités, sont bien sûr également pris en compte, mais dans le contexte plus large du système. Ce sont des éléments qu'il faut garder à l'esprit lorsque l'on pense à l'économie, mais ils ne constituent pas le centre d'attention en soi. Ce qui importe, c'est le système économique dans son ensemble. Tant qu'il se porte bien, les sous-thèmes particuliers, comme la pauvreté et les inégalités, devraient s'améliorer. En fait, le bien être de l'économie est conçu différemment du bien être des gens. Il a une dichotomie, une alternance de manière de penser l'un et l'autre, qui est évidente dans les représentations sociales des experts. Comme le pose l'un des experts, "Le Chili se porte très bien, bien qu'il y ait des différences sociales". [IG d'experts] La perspective du monde vécu, quant à elle, ne prend pas le système comme unité d'analyse; elle se focalise sur l'économie telle qu'elle se manifeste dans le monde vécu, sous la forme de phénomènes économiques tangibles. En ce qui concerne la croissance économique, par exemple, les schémas macroéconomiques sont abandonnés en faveur d'indices visibles et matériels de progrès, comme l'avancement des travaux publics et l'accès aux biens de consommation. C'est ce que les gens vivent dans la vie de tous les jours qui détermine s'ils croient que l'économie est en croissance ou pas, indépendamment de ce que les experts peuvent en dire. C'est vrai, il y a eu du progrès même dans le bâtiment, au niveau des hôtels, par exemple, cinq étoiles, ce qui n'existait pas avant. […] Il y a eu des stations de péage, par exemple, pour les autoroutes privées, "l'Autoroute du Soleil", c'est ça? Je crois que le pays a progressé, oui, sans aucun doute. [Interview de non-professionnel] Métaphores La vision systémique attribue au système la propriété d'agir par lui-même, comme le ferait un individu. Cela donne l'image d'un système dynamique et mobile, ayant sa vie propre. Cela se manifeste entre autres à travers la métaphore de la machine. Les répondants qualifient l'entreprise privée de "moteur de l'économie", et ils s'inquiètent parfois des politiques qui pourraient "surchauffer l'économie". Vous pouvez avoir une situation où… en freinant l'économie, en freinant, par exemple,… l'inflation, quand vous essayez de freiner l'économie vous obtenez du chômage. [Interview d'expert] Toutefois, il est encore plus commun d'objectiver le système à travers l'image du corps. Ici, on attribue des qualités anthropomorphiques au système, et les phénomènes économiques sont interprétés de cette manière. Le développement économique est alors comparé au développement d'une personne, dont la "santé" est préoccupante… C'est comme quand les gens tombent malades. C'est la meilleure explication que je puisse vous donner. […] La maladie est … je ne dirais pas nécessaire, mais c'est quelque chose qui arrive, qui arrive d'ailleurs tout le temps. Et les pays tombent malades aussi. [Interview d'expert] … parce qu'on s'attend à ce qu'elle 'grandisse' … Ca continue à croître à des rythmes plus lents, plus posés … et au sujet de la croissance du Chili. Je crois que le Chili sera capable de … Le Chili a trouvé d'autres voies de croissance [IG d'experts] … et continue à se développer … Je crois que pour le Chili, s'ouvrir aujourd'hui au commerce international est la clé pour développer son économie comme il l'a fait jusqu'ici. [Interview d'expert] Dans la perspective du monde vécu, l'objectivation à travers les métaphores de la machine ou du corps est significativement absente. En suivant une logique 'Sherlockienne', c'est un cas de chien qui n'aboie pas. Cela met en évidence le choix des métaphores dans les discours d'experts, lui conférant une signification supplémentaire. Cela montre pour le moins que les métaphores de la machine et du corps ne sont pas des choix automatiques. Donc, le fait que le savoir économique expert s'appuie lourdement sur ces métaphores est un indice supplémentaire confirmant le caractère systémique de cette vision de l'économie. Il est en effet tentant d'établir un lien entre l'utilisation de ces métaphores mécanique et corporelle et le concept d'entitativité perçue telle que l'a définie Donald Campbell (1958). Selon cet auteur, qui se référait lui-même à la sociologie d'Herbert Spencer (1876), certains groupes d'individus peuvent être perçus comme formant des "touts", des entités au même titre que les êtres vivants, alors que d'autres groupes sont perçus comme de simples collections d'individus. S'agissant de perception, Campbell suggère que le degré d'entitativité du même groupe social peut varier en fonction du sujet percevant. Dans le cas qui nous occupe, il semble clair que les experts se basent sur une représentation entitative de l'économie alors que les profanes en ont une représentation non-entitative. Conception de la société Dans le cadre d'une vision systémique, la réalité économique est décrite grâce à un modèle mathématique. C'est-à-dire que ce modèle est considéré comme étant représentatif de la réalité, et, partant, la connaissance du modèle prend forme de vérité, en décrivant avec précision ce qui se passe dans l'économie. De plus, lorsqu'il s'agit de comprendre les choses qui dépassent le domaine économique, comme la société, la démarcation d'avec ce qui se situe à l'intérieur domaine économique devient floue. Du point de vue des représentations sociales expertes, la société est souvent considérée comme une partie de l'économie, ou comme quelque chose d'à peu près équivalent à l'économie. Il s'ensuit que la logique utilisée pour comprendre l'une et l'autre n'est guère différenteiii. Un expert est quelqu'un qui maîtrise toutes les variables et possède une explication pour essentiellement presque toutes les questions de la société économique, en fait d'un pays [Interview d'expert] Lorsque l'on adopte le point de vue du monde vécu, la société est considérée comme étant différente de l'économie. Il nous faut cependant apporter une clarification. 'L'économie' est un terme qui correspond à une vision systémique de l'économie. Ce terme est utilisé pour nommer le système, alors que le savoir formel concernant ce système reçoit le nom de 'Science économique'. Dans le monde vécu, 'l'économie' est un terme plutôt étrange, au sujet duquel on sait peu de choses. On a bien conscience qu'il y a une chose nommée 'l'économie', mais elle semble se trouver hors de la vie quotidienne des gens. Cela, en un sens, révèle une conscience - bien que non explicité - que le système et le monde vécu sont dissociés. Le pays se porte bien, disons, en termes économiques, mais on peut voir que la distribution de la richesse est toujours dans les sphères de l'économie, ça se voit. Vous voyez bien qu'elle n'a toujours pas touché la majorité des Chiliens [Interview de nonprofessionnel] < insérer le tableau 3 ici> Les valeurs traditionnelles face à la colonisation du monde vécu Un des aspects fondamentaux du cadre d'analyse distinguant le système et le monde vécu réside dans sa pertinence par rapport aux phénomènes réels qui ont lieu dans la société. Ces deux perspectives correspondent à un processus social par lequel le système s'est détaché du monde réel à cause d'une médiatisation sans cesse accrue des sphères d'activité. Cette médiatisation prend la forme d'une colonisation du monde vécu, dans la mesure où les sphères d'activité qui sont vitales pour la reproduction du monde vécu se voient menacées par des impératifs systémiques (Habermas, 1987). S'étant détaché du monde vécu, ce sous-système n'est plus assujetti à sa structure normative. "Dans les sous-systèmes différenciés par les médias de direction, les mécanismes systémiques créent leurs propres structures sociales, dépourvues de normes, et qui s'échappent du monde vécu" (Habermas, 1987, p. 185, notre traduction). Dès lors, puisque des impératifs systémiques infiltrent le monde vécu à travers ce processus de colonisation, les valeurs et la morale traditionnelles du monde vécu sont foulées du pied. A leur place, une nouvelle moralité systémique émerge, où les attitudes et actions qui contribuent au maintien du système sont encouragées, alors qu'elles seraient réprouvées dans le monde vécu. Par exemple, un participant d'une interview d'un groupe d'experts ne trouvait rien de mal ou de peu scrupuleux dans la pratique qui consiste à piéger les gens dans des dettes à hauts intérêts. "Ils font quelque chose d'éthique, c'est leur business!" [IG d'experts] References Bangerter, A. (1995). 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Tableau 1: Caractéristiques des personnes interviewées et des participants aux interviews de groupes Non-professionnels Interviews (âge entre parenthèses) Focus groups (composition et nombre de participants entre paranthèses) (classes défavorisée à moyenne) 1. femme (44) 2. femme (54) 3. homme (37) 4. femme (51) 5. homme (58) 6. femme (50) 7. homme (46) 8. homme (38) 1. femmes en situation d'extrême pauvreté (9) 2. travailleurs ruraux (mixte, 3) 3. femmes âgées (9) 4. travailleurs industriels (mixte, 6) 5. jeunes vendeurs (hommes, 4) Professionals (classes moyenne à supérieure) 9. homme (24) 10. femme (52) 11. homme (32) 12. femme (28) 13. homme (29) 14. homme (87) 15. femme (24) 6. professionnels (mixte, 5) Experts 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. homme (25) homme (26) homme (53) homme (32) homme (30) homme (25) homme (25) 7. experts (mixte, 8) Tableau 2: Guides thématiques des interviews individuelles et des interviews de groupe Guide thématique des interviews individuelles: § Développement économique (a votre avis, comment se porte l'économie chilienne de nos jours? … Et le développement économique du Chili en général? … Que signifie dire que l'économie est en croissance? … Sommes-nous réellement des 'jaguars'?) § Economie internationale (Quelle est votre opinion à propos de l'ouverture de l'économie chilienne au marché international? … Pourquoi? … Devrions-nous être désolés à propos de la crise asiatique? … Comment nous comparons-nous aux autres pays latinoaméricains? § L'économie et l'individu (de quelles manières êtes-vous personnellement affecté(e) par l'économie?) § Inflation (Est-ce un problème sérieux? … Pourquoi les prix montent-ils?) § Chômage (Quelle est la cause du chômage?) § Le gouvernement et l'économie (Quel est le rôle du gouvernement dans l'économie? … Quel devrait être le soucis économique le plus urgent du gouvernement? … Que pensezvous de la privatisation?) § Pauvreté (Pourquoi y a-t-il de la pauvreté? … Quelle est l'importance du fossé entre les riches et les pauvres? § Consumérisme (Que pensez-vous du niveau croissant de la dette parmi les Chiliens? … Pourquoi les gens dépensent-ils au-delà de leurs moyens?) § Dépenses (Achetez-vous à credit? … Pourquoi? … A quoi faites-vous attention? … Pensez-vous faire un grosse acquisition?) § Epargne (Epargnez-vous? … Pouvez-vous me parler de vos plans d'épargne? … Ont-ils toujours été les mêmes?) § Le passé (Qu'est-ce qui a change dans les trente dernières années, en termes d'économie?) § Information médiatique (Quels journaux lisez-vous? … Quelle est votre opinion )à propos des 'experts' en économie qui écrivent dans les journaux?) § Informations personnelles (nom, sexe, âge, éducation, occupation, revenu) Guide thématique des interviews de groupe: § Développement économique (a votre avis, comment se porte l'économie chilienne de nos jours?) § From your point of view, how do you think the Chilean economy is doing these days? § L'économie et l'individu (de quelles manières êtes-vous personnellement affecté(e) par l'économie?) § Le gouvernement et l'économie (Quel est le rôle du gouvernement dans l'économie?) § Pauvreté (Pourquoi y a-t-il de la pauvreté?) § Consumérisme (Que pensez-vous du niveau croissant de la dette parmi les Chiliens?) § Ménage (Parlez-moi de votre ménage. Qui travaille dans votre famille? … Achetez-vous à crédit? … Epargnez-vous?) Tableau 3 : Eléments de la perspective systémique et de la perspective du monde vécu Conception systémique Conception du monde vécu Le raisonnement est abstrait, mathématique et déductif Le raisonnement est basé sur l'expérience et inductif Les événements sont interconnectés par des liens systémiques Les événements sont isolés ou circulaires Le système est l'unité d'analyse Les phénomènes qui ont lieu et qui sont observés dans le monde vécu sont les unités d'analyse Objectivation à travers les métaphores mécanique et corporelle Absence de métaphores systémiques La société est jugée équivalente, et comprise comme le système La société est jugée comme étant séparée du système i "Par le 'monde vécu quotidien', il doit être entendu cette province de la réalité que l'adulte bien éveillé et normal prend simplement pour acquise dans l'attitude du sens commun. Par cet état de 'pris pour acquis', nous désignons tout ce que nous considérons comme n'étant pas susceptible d'être remis en cause; tout état de choses est pour nous non problématique jusqu'à nouvel ordre." ii Les Chicago Boys étaient un groupe d'économistes chiliens formés à l'Université de Chicago, d'où Friedman lança sa révolution néo-classique. iii Voir Becker (1974, 1976) pour des développements supplémentaires dans ce domaine..