Document 1 : Certains font le tour du monde à la recherche du bonheur sans le trouver, et d’autres,
simplement en faisant le tour du monde ont trouvé le bonheur.
CH. XXXVII
DANS LEQUEL IL EST PROUVÉ QUE PHILEAS FOGG
N'A RIEN GAGNÉ À FAIRE CE TOUR DU MONDE,
SI CE N'EST LE BONHEUR
Ainsi donc Phileas Fogg avait gagné son pari. Il avait accompli en quatre-vingts Jours ce
voyage autour du monde ! Il avait employé pour ce faire tous les moyens de transport,
paquebots, railways, voitures, yachts, bâtiments de commerce, traîneaux, éléphant.
L'excentrique gentleman avait déployé dans cette affaire ses merveilleuses qualités de
sang-froid et d'exactitude. Mais après ? Qu'avait-il gagné à ce déplacement ? Qu'avait-il
rapporté de ce voyage ?
Rien, dira-t-on ? Rien, soit, si ce n'est une charmante femme, qui - quelque
invraisemblable que cela puisse paraître - le rendit le plus heureux des hommes !
En vérité, ne ferait-on pas, pour moins que cela, le Tour du monde ? Jules Verne (1828-1905)
Le tour du monde en 80 jours
Document 2 : À propos de la culpabilisation du bonheur.
Les gens ressentent une culpabilité devant le fait éventuel d'entrer dans la joie et de
connaître le bonheur.
Je ne crois pas que cette culpabilité soit spontanée, et je ne crois pas non plus qu'elle
soit légitime. Ce qui est vrai, c’est qu'elle est fréquente. Elle est fréquente parce qu'elle
est justement diffusée par la culture ambiante ; nous pourrions presque dire par une
culture du mal, une culture de la mort, pour ne pas dire une culture du péché. En effet,
dans la plupart des cas, les gens se disent que si les autres sont dans la peine, dans la
douleur, eux n'ont pas le droit d'être dans la joie et dans le bonheur.
Mais pourquoi n'en auraient-ils pas le droit ? Personne ne nous explique cela. Personne
ne nous explique pourquoi il faudrait être soi-même dans une perspective tragique,
pourquoi il faudrait soi-même se maintenir dans la souffrance, dès lors que la plupart des
autres sont dans le malheur et la souffrance.
En quoi notre propre souffrance pourrait-elle être utile à la diminution de la souffrance
des autres ?
La vérité, c'est que cette culpabilité vient de plus loin. C'est une culpabilité apprise. Il
s'agit presque de la culpabilité de vivre, une culpabilité qui est, peut-être, diffusée par une
culture religieuse, une culture judéo-chrétienne mais peut-être aussi une culture
religieuse bouddhiste, puisque dans le bouddhisme existent les réincarnations et toute
réincarnation est le prix payé pour de mauvaises vies menées antérieurement, pour nos
fautes antérieures. (Notons que cette idée de la réincarnation se retrouve aujourd'hui
dans diverses croyances religieuses occidentales.) On se réincarne dans des réalités soit
humaines, soit animales inférieures, si nous avons été coupables de vols, de meurtres,
etc. Autrement dit, une religion de la métempsycose ou une religion du péché originel,
entraîne l'idée selon laquelle l'être humain est coupable dès sa naissance. Il arrive au
monde, il vit, et il a tort de vivre ! Or, devant une telle croyance, un tel sentiment de
culpabilité, soit de culpabilité fortement et directement vécue, soit de culpabilité diffuse ou
de culpabilité qui nous menacerait, on peut comprendre que les individus hésitent à se
lancer dans le grand mouvement du bonheur, dans la construction d'une vie heureuse.
Alors ils freinent leur vie, ils freinent leur pouvoir créateur, ils ne prennent aucun risque,
ils n'inventent aucune voie nouvelle, ils ne créent aucun nouveau chemin, afin de ne pas
entrer dans un bonheur dont ils croient qu'il serait coupable. De peur que ce bonheur ne
soit quelque chose que l'on prendrait à quelqu'un.
Alors que c'est la vérité contraire qui est juste !
Déjà, le philosophe Alain disait que «notre vrai devoir est d'être d'heureux» ! Robert Misrahi
L'enthousiasme et la joie
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-128 : “La voie du bonheur, le bonheur est de ce monde“ - 16/01/2002 - page 4