Le rôle du psychologue dans l`accompagnement en éducation

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DOSSIER « ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE »
J Pharm Clin 2010 ; 29 (2) : 93-7
Le rôle du psychologue dans l’accompagnement
en éducation thérapeutique du patient en néphrologie
Psychologist’s tasks in accompanying therapeutic patient education in nephrology
MAUD GRIMAULT
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Service de néphrologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
<[email protected]>
Résumé. Cet article propose une vision du rôle du psychologue au sein d’une unité hospitalière en néphrologie mais
également ses actions dans l’équipe multidisciplinaire d’éducation thérapeutique du patient (ETP). L’article cherche à
démontrer que le psychologue ne peut se substituer au projet d’ETP mais qu’il garde une place essentielle dans ce programme, notamment dans la cohésion de l’équipe et comme acteur incontournable à chaque étape de la maladie
chronique auprès du patient.
Mots clés : éducation thérapeutique du patient, psychologue, néphrologie, équipe multidisciplinaire
Abstract. This article displays the hospital psychologist’s tasks in a nephrology department and his function in the multidisciplinary staff of Therapeutic Patient Education (TPE). The article points out that the psychologist cannot act as a
substitute for the whole Therapeutic Education Program but he plays a main part in supporting the staff (dieticians,
nurses, physicians, pharmacists…) and helping the patient with his chronic disease step by step.
Key words: therapeutic patient education, psychologist, nephrology, multidisciplinary staff
Q
doi: 10.1684/jpc.2010.0143
ue peut apporter un psychologue au sein d’un
projet d’accompagnement et d’éducation thérapeutique du patient ? Où se trouve la frontière
entre le suivi psychologique de la personne soignée et le
suivi éducatif dans le cadre de son éducation thérapeutique ?
En quoi et comment le psychologue peut-il intervenir dans
la dynamique du projet tant auprès du patient qu’auprès
de l’équipe pluridisciplinaire et répondre aux critères de
qualité qu’exige une ETP. Il apparaît nécessaire de situer
la place du psychologue dans les différentes étapes du
processus permanent qu’est le projet d’accompagnement
du patient et de définir l’apport de compétences qu’il peut
mettre au service de celui-ci et des acteurs impliqués dans
sa prise en charge.
Les concepts d’amélioration de qualité de vie1, de connaissance de soi : « se connaître soi-même », de prise de
confiance en soi, d’autonomisation, de prise de décision,
tiennent une place essentielle dans l’articulation du projet
1
L’OMS définit en 1994 la qualité de la vie comme « la perception
qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la
culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec
ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit
d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la
santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau
d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles
et sa relation avec les spécificités de son environnement ».
J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010
centré autour du patient et dans la mise en œuvre de toute
action liée au soin et à l’état de santé général ayant pour
finalité l’optimisation de sa prise en charge. Chacun des
professionnels de santé intervenant dans le projet à
quelque étape que ce soit (assistante sociale, diététicien,
infirmier, médecin, pharmacien, etc.) doit intégrer en permanence la problématique des compétences d’adaptation
que le patient doit acquérir et développer, à celle des
compétences d’auto-soins qui seront parcourues ultérieurement, et à celles du suivi médical et de l’administration de
traitements et de soin du patient souffrant d’insuffisance
rénale chronique (IRC). Dans quelle mesure peut-on
demander au monde soignant2 d’intervenir auprès des
patients dans l’amélioration psychosociale de leur qualité
de vie alors que parfois le soin prescrit la réduit ?
Comment le psychologue peut-il alors s’inscrire dans ce
processus complexe et soutenir la démarche en tant qu’acteur attentif, aidant et efficace, au service d’une finalité
thérapeutique.
Cet article va tenter de mettre en lumière, son rôle, ses
actions au sein d’une structure hospitalière et, plus particulièrement, ses interventions dans le projet d’ETP. Il sera
2
Soignants : Le terme « soignant » désigne ici tout professionnel
formé à l’ETP et faisant partie de l’équipe pluridisciplinaire qu’il
soit diététicien, infirmier, kinésithérapeute, pharmacien, psychologue, etc.
93
M. Grimault
intéressant de distinguer, en second lieu, l’apport du
psychologue par rapport à l’apport pédagogique des
soignants en essayant d’identifier les limites implicites et
explicites de chaque approche et de chaque acteur du
soin. La philosophie commune et le mode d’organisation
liés à la mise en œuvre du projet d’accompagnement et
d’éducation thérapeutique ne réduisent en rien la responsabilité professionnelle de chacun et le respect du travail et
des compétences individuelles mises au service du patient.
Ils sont un « liant » nécessaire qui contribue à la réussite du
projet.
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Le rôle du psychologue
dans une unité hospitalière :
un exemple dans une unité de néphrologie
L’importance du rôle du psychologue dans
la prise en charge de patient vivant avec une IRC
L’IRC est une maladie grave qui se développe en parallèle
du vieillissement de la population française et retentit gravement sur le quotidien des sujets atteints. L’âge moyen
des personnes suivies en dialyse est de 67 ans, ce qui
fait que cette population est exposée également aux
risques et aux aléas de la population vieillissante, soit le
cumul de vulnérabilités somatiques, fonctionnelles, affectives et sociales qui se traduisent aussi par de multiples
pertes ou sentiments de perte [1].
Il s’agit de prendre en considération le vécu spécifique des
patients en néphrologie en partant de l’insuffisance rénale
jusqu’à la transplantation en passant par la dialyse. En
effet, le patient est amené à traverser différentes étapes
qui bouleversent sa vie et celle de son entourage en
commençant par la première étape de l’annonce de la
maladie chronique. Viennent ensuite les périodes de
« pré dialyse », le vécu de la dialyse jusqu’à l’étape de
la transplantation si le patient choisit cette possibilité et si
cette dernière lui est offerte.
Le psychologue devrait pouvoir intervenir à chaque étape
de ce processus mais cela est souvent difficilement réalisable en pratique car, à la différence des pays anglosaxons, ils sont parfois absents des services de néphrologie
et de transplantation. Ce qui peut paraître « paradoxal »
lorsque l’on considère les différentes problématiques
auxquelles les patients doivent faire face à chacune de
ces étapes de la maladie.
Il ne s’agit pas ici de retracer en détail les répercussions
psychologiques de l’insuffisance rénale mais de faire
ressortir en quelques points ce que le patient traverse et
l’importance d’un accompagnement :
– l’annonce de la maladie peut faire l’effet d’un choc et
entraîner des réactions comme le déni, la fuite ou bien
encore être à l’origine d’une dépression ;
– la période de « pré dialyse », quant à elle, est celle de
changements intenses où le patient et sa famille doivent
envisager des modifications de leurs styles de vie ;
– la dialyse renvoie notamment à la problématique de la
dépendance à la machine ainsi qu’à toutes les peurs que
les patients énoncent sans détour (peur de la douleur, de
servir de cobaye, de voir son sang à l’extérieur ou encore
la peur de perdre son emploi, etc.) comme l’a montrée
l’étude sur le vécu de la première séance d’hémodialyse
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[2]. Cette séance est un événement dont les patients
se souviennent avec acuité ;
– la transplantation ravive l’attente, la culpabilité, la dette,
l’adoption d’un organe étranger, la peur du rejet.
Le psychologue pour proposer une aide
personnalisée
1. Auprès de patients hospitalisés, à la demande de
l’équipe soignante.
2. Auprès de patients venant en ambulatoire suite au
dépistage et l’identification d’un besoin de prise en charge
psychologique. Celle-ci peut être ponctuelle et nécessiter
quelques entretiens, ou bien révéler le besoin d’un suivi à
plus ou moins long terme. Il peut également s’agir d’un
bilan durant une séance pour orienter le patient vers des
psychiatres, des psychologues de ville, des Centres médicaux psychologiques, ou bien encore différents types de
psychothérapie en fonction des demandes et des besoins.
Soutien du psychologue auprès des équipes
soignantes
Les équipes soignantes ont également besoin d’être écoutées dans leurs difficultés, leurs souffrances quotidiennes
face aux personnes soignées. L’étude conduite au sein du
service de néphrologie du GHPS « Vécu de la première
séance d’hémodialyse par les patients et soignants d’une
unité hospitalière » [2], révèle des professionnels de santé
parfois « impuissants », vulnérables et épuisés, qui ont
peur ou bien encore qui ont l’impression d’avoir à marchander avec les patients l’acceptation de ce soin lourd.
Ces équipes expriment leur besoin d’être soutenues car
elles sont souvent soumises à un « burn out3 ». Ce dernier
se traduit par un « turn over » élevé des soignants entravant la cohésion optimale et nécessaire à cette prise en
charge complexe des patients. Le psychologue peut
apporter un soutien aux soignants « désarmés » devant
la souffrance morale de leurs patients. Il peut aussi se
placer comme régulateur du lien « soignant/soigné » si
ce dernier s’avère difficile.
Le rôle du psychologue dans l’éducation
thérapeutique en néphrologie
– Participer à la mise en place et à l’animation d’ateliers
dans le cadre du projet d’accompagnement et d’ETP
(groupes de paroles, ateliers : « estime de soi », « affirmation de soi », etc.).
– Répondre à la demande d’un soignant, pratiquant l’ETP
en consultation individuelle ou en groupe, qui a perçu un
besoin de prise en charge psychologique pour le patient.
– Différencier si la demande et le besoin du patient sont
avant tout un besoin d’aide à la santé et d’accompagnement en ETP ou un besoin de prise en charge psychologique.
– Aider à la coordination du projet d’ETP du service.
– Conduire des actions de recherche, par exemple :
3
Burn out : terme utilisé par le psychanalyste américain Herberts
J. Freudenberger pour désigner l’épuisement professionnel.
J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010
Dossier
• Le vécu de la première séance d’hémodialyse par
les patients et soignants d’une unité hospitalière de
la dialyse [2] ;
• la perception des besoins en éducation des patient(e)s
atteint(e)s de maladie rénale chronique [3].
– Partager et soumettre à la communauté scientifique,
des posters, articles et diaporamas issus des résultats des
différentes recherches.
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Distinction entre la fonction du psychologue
et celle des différents acteurs de santé
en accompagnement et éducation
thérapeutique du patient
L’ETP selon la Haute autorité de santé : « vise à aider les
patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils
ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie
chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend
des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des
procédures hospitalières, et des comportements liés à la
santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider (ainsi
que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les
aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie » [4].
Ainsi, il est nécessaire de relever quelques termes clefs de
cette définition tels que : « aide, compétences, maladie
chronique, soutien psychosocial, conscients et informés,
famille, assumer leurs responsabilités, qualité de vie » qui
montrent et mettent en avant l’évolution de la place du
malade et de sa famille au sein de son projet de santé
lorsque ce dernier est atteint d’une maladie chronique.
Certains de ces termes sont régulièrement utilisés en
psychologie tels que : aide, soutien, famille, qualité de
vie. Il est moins habituel de les introduire dans une prise
en charge médicale de soin classique. C’est pourquoi, les
préconisations de l’éducation thérapeutique peuvent
rejoindre, sur certains points, les aspects d’une prise en
charge psychologique.
Le but de cet article n’est pas de définir et de revenir sur
tous ces termes, mais de comprendre à quel moment il est
possible de bien délimiter ce qui relève du champ de la
psychologie de ce qui relève du champ de l’éducation
thérapeutique.
Les compétences des soignants
Si l’on s’appuie sur les recommandations de la HAS [5],
on voit qu’il existe des compétences à acquérir et à renforcer du côté des patients (compétences d’urgence, d’auto
soins et psychosociales) mais également du côté des
soignants. Ainsi, les compétences nécessaires aux acteurs
de santé pour pratiquer l’ETP sont :
– des compétences relationnelles : empathie, écoute
active, choix du vocabulaire…
– des compétences pédagogiques et d’animation : choix
des outils qui facilitent l’apprentissage ;
– des compétences méthodologiques ;
– des compétences biomédicales et de soin.
J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010
Il est pertinent de se pencher sur les deux premières compétences, à savoir, « relationnelles » et « pédagogiques »,
pour distinguer ce qui relève de la psychologie de ce qui
relève de l’éducation thérapeutique, en insistant sur les
concepts de pédagogie et d’empathie.
En effet, en éducation thérapeutique, la pédagogie se
trouve au premier plan et au cœur de la prise en charge
dans la relation d’aide des personnes vivant avec une
maladie chronique, puisqu’elle transforme les positions
de chacun ; à savoir, celle du soignant qui doit adopter
une posture de pédagogue, mais également celle du
patient qui a souvent besoin d’acquérir par le biais
d’apprentissages, de nouvelles compétences.
La pédagogie a une place privilégiée en ETP mais elle ne
s’acquiert pas facilement.
Une psychologue de l’ETP, Anne Lacroix, souligne que :
« La pédagogie n’est jamais qu’un agent dont l’objet
demeure incertain : l’appropriation des savoirs par le sujet
lui-même. De plus, s’agissant de la maladie, s’approprier
des savoirs ne garantit pas leur mise en œuvre en comportements pertinents. » [6].
La pédagogie suppose également l’adoption d’une attitude empathique et un mode relationnel spécifique, surtout
lorsqu’elle s’adresse aux personnes vivant avec une maladie chronique. Le patient a besoin de se sentir compris,
écouté, entendu par les soignants avant même de se lancer dans tout apprentissage. L’empathie fait donc partie
des compétences indispensables que doivent également
cultiver les soignants pour se trouver dans une juste position face aux patients.
Selon Carl Rogers, l’empathie est : « Lorsque le thérapeute
devine les sentiments et les réactions personnelles éprouvés par le client à chaque instant, quand il sait les percevoir « de l’intérieur » tels qu’ils apparaissent au client, et
quand il réussit à communiquer quelque chose de cette
compréhension au client (…) » [7].
Pour Catherine Tourette-Turgis4, l’empathie est de : « Tenter de comprendre le monde de l’autre du point de vue de
l’autre. Elle suppose surtout l’apprentissage d’une posture
consistant à la fois à essayer de saisir ce que l’autre vit et à
lui formuler ce que l’on perçoit ».
L’empathie est indispensable à la pratique de tout psychiatre, psychologue, psychothérapeute ; c’est pour cette
raison que ce dernier reçoit une formation de 5 ans au
minimum. De plus, ce dernier effectue, très souvent, un travail thérapeutique sur lui-même pour parvenir à une
« bonne distance » vis-à-vis de ses patients. En effet, il
doit comprendre et entendre la souffrance de l’autre sans
pour autant se confondre, entrer en « fusion » avec lui. En
ETP, l’empathie a une place importante mais « elle ne va
pas de soi ». En effet, tous les soignants ne peuvent pas
apprendre à adopter une position empathique en quelques mois, même si certaines personnes sont plus enclines
à l’adopter naturellement.
Les compétences des patients :
auto soins et psychosociales
Selon les recommandations de la HAS, il est demandé aux
soignants de permettre aux patients d’acquérir ou plutôt
de renforcer deux grands types de compétences : les com4
Catherine Tourette-turgis, MCU, Paris VI
95
M. Grimault
Tableau 1. Compétences d’auto-soins et compétences d’adaptation.
Auto-soins
Soulager les symptômes : auto surveillance/auto mesure
Adapter les doses de médicament, initier un auto traitement
Réaliser des gestes techniques et de soins
Modification du mode de vie (équilibre diététique, activité physique…)
Prévenir des complications évitables
Faire face aux problèmes occasionnés par la maladie
et des répercussions qui en découlent
Impliquer son entourage dans la gestion de sa maladie,
des traitements et des répercussions qui en découlent
Psychosociales
Se connaı̂tre soi-même/avoir confiance en soi
Savoir gérer ses émotions et maı̂triser son stress
Développer un raisonnement créatif et une réflexion critique
Développer des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles
Prendre des décisions et résoudre un problème
Se fixer des buts à atteindre et faire des choix
S’observer, s’évaluer et se renforcer
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pétences d’auto soins et les compétences psychosociales
(d’adaptation) qui sont reprises dans le tableau 1 [8].
Ainsi, le soignant devra amener le patient à renforcer ces
types de compétences pour l’aider à prendre soin de sa
santé et de lui-même.
La difficulté d’introduire les compétences
psychosociales auprès des acteurs de santé
Lorsque les acteurs de santé ont découvert les compétences
d’adaptation, des réactions de réticence, de découragement sont apparues, de façon légitime. En effet, la HAS
donne une vision quelque peu « idéale » des compétences
psychosociales mais difficilement applicables telles qu’elles sont mentionnées.
Voici, par exemple, une des difficultés fréquemment rencontrées au début de la mise en place des consultations d’ETP
des infirmières, au sein du service de néphrologie du
GHPS, ayant trait aux compétences psychosociales. Lors
de sa première consultation en ETP, un patient a livré à
l’infirmière des événements douloureux de sa vie car ces
problèmes se trouvaient au centre de ses préoccupations.
Pour ce patient, les compétences d’auto soins (l’observance, le suivi de son équilibre alimentaire…) étaient
relayées au second plan dans la mesure où d’autres difficultés l’empêchaient de prendre soin de sa santé.
Quelles réactions doivent adopter les professionnels de
santé ? Comment doivent-ils gérer toutes les souffrances
qu’un patient peut exprimer au sujet de sa vie intime ou
de ses conditions de vie sociale ? Sont-ils capables et en
mesure d’entendre tout cela en gardant la juste distance ?
L’infirmière pourra écouter le patient si celui-ci entre dans
une relation de confiance avec elle, à cette première
séance, pour commencer un travail de lien en s’appuyant
sur les ressources de ce dernier. Première étape de rencontre avec le patient qui est également celle du diagnostic
éducatif ou bilan éducatif partagé. En effet, selon Brigitte
Sandrin-Berthon : « Plutôt que la première étape d’un
programme personnalisé, l’entretien que l’on mène avec
un patient pour initier avec lui une démarche éducative
devrait constituer l’amorce d’un nouveau mode relationnel
entre soignant et patient » [9]. Si la difficulté, au premier
plan, relève d’un problème purement psychologique,
l’infirmière devra l’orienter vers un spécialiste de la
psychologie en priorité. Puis, dans un second temps, ou
bien encore, parallèlement à son suivi psychologique, le
rencontrer en consultation individuelle pour explorer avec
lui ses comportements de santé, l’aider dans la prise en
charge de sa maladie chronique, de son traitement, de
96
son alimentation mais également dans sa qualité de vie.
Elle peut également agir sur l’amélioration de ce dernier
point en l’invitant à des ateliers sur le thème de « l’estime
de soi » ou à des groupes de paroles qui lui permettront
d’aborder et d’échanger avec ses pairs ce qui est source
de préoccupation dans sa vie actuelle.
Des compétences psychosociales au besoin
d’une équipe pluridisciplinaire
Quel que soit l’acteur de santé (diététicien, infirmier, pharmacien, etc.) qui se trouverait dans cette première étape
de « diagnostic éducatif », de rencontre avec l’autre, une
crainte peut apparaître chez le soignant du fait de s’ouvrir
à « un mode relationnel » avec le patient dans des domaines où il n’a pas l’habitude d’investiguer. En effet, il apparaît plus simple de parler au patient sur un plan « cognitif »
comme de son traitement que de l’inviter à aborder certains sujets de sa vie tendant davantage vers de « l’émotionnel ». Pour autant, les recommandations en ETP sont
claires sur ce sujet et les acteurs de santé doivent soutenir
les patients dans le renforcement de leurs compétences
d’auto soins et psychosociales.
Même si certains domaines de la vie du patient demeurent
« délicats » à aborder pour les professionnels de santé, il
semble difficile de « fermer les yeux », d’abandonner ou
de rester dans des non-dits face à un patient qui décide
d’évoquer ses problèmes sociaux ou émotionnels qui
entravent le fait qu’il puisse prendre soin de sa santé.
Ce sera, dans ce cas, au soignant de faire en sorte de
savoir s’il pourra continuer à s’occuper de ce patient ou
s’il devra l’orienter (en lui expliquant et sans l’abandonner)
vers un autre membre de l’équipe plus à même de l’aider.
D’où la nécessité d’une équipe pluridisciplinaire mais
également de l’intervention des « patients experts » ou
« patients ressources » qui, en plus d’intervenir au sein
du projet dans la co-animation d’ateliers, sont présents
pour coécrire le projet d’ETP au sein du service et collaborent à l’analyse des besoins des patients en termes de
préparation à la dialyse et/ou préparation à la transplantation, par exemple en néphrologie.
Le psychologue comme acteur intégré
à l’équipe pluridisciplinaire d’ETP
Ainsi, une nette distinction se perçoit entre l’accompagnement et l’aide à la santé fait par les équipes soignantes
(diététicien, infirmier, médecin, pharmacien, etc.) formées
à l’Accompagnement en Education Thérapeutique des
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Dossier
Patients (AETP), et, le travail que requiert la prise en
charge psychologique du patient.
Le psychologue devrait se trouver à toutes les étapes clefs
de la maladie et du soin pour permettre aux soignants de
les distinguer dans leurs spécificités de prise en charge.
Mais également accompagner les équipes, les soutenir,
les aider à renforcer leurs compétences d’animation et
relationnelles. Il peut aussi contribuer à l’amélioration de
la cohésion et de la coordination des équipes.
En aucun cas, le psychologue ne peut et ne doit remplacer
tout l’apport multidisciplinaire (avec tout ce que cela
implique de savoir-faire, savoir être) qu’offre, dans sa
grande richesse, l’éducation thérapeutique aux patients
et à leurs familles.
Des ateliers ont été proposés aux patients, au sein du service de néphrologie du GHPS, en fonction des demandes
de ces derniers mais aussi en suivant les recommandations
de la HAS. Ces ateliers ont pour thèmes des demandes qui
recouvrent des besoins d’auto soins :
– « le médicament et moi »
– « un grain de sel bien dosé »
– « bien manger, une valeur sûre pour la santé »
– « information pré dialyse et transplantation »
– « l’hypertension »
Et des demandes psychosociales :
– groupes de paroles
– « estime de soi »
– « affirmation de soi : savoir dire non »
– « comment mieux communiquer avec mes proches
autour de la maladie »
– « image du corps »
Conclusion
L’éducation thérapeutique du patient est un projet multidisciplinaire. Le psychologue doit en faire partie à différents
niveaux mais il n’est qu’un maillon, au même titre que les
autres acteurs de santé, de la chaîne du projet d’accompagnement et d’éducation thérapeutique. L’ETP ne peut se
confondre avec une prise en charge psychologique dans
la mesure où il s’agit d’un projet de service qui demande la
collaboration de tous les acteurs de santé avec leurs
J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010
savoirs et compétences propres. Un des rôles du psychologue est d’aider les membres de l’équipe à trouver leur juste
place entre le patient et ces derniers au sein du projet de
soin dans un souci de partage et de coordination efficace.
Chaque psychologue doit apprendre à trouver sa place en
fonction des besoins de sa structure et du programme
d’ETP qui s’inscrit dans une dynamique propre à chaque
service. ■
Conflit d’intérêts : aucun.
Références
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du patient dans la maladie rénale chronique : le soignant pédagogue. Paris : Comment Dire, 2009.
2. Grimault M, Tourette-Turgis C, Isnard-Bagnis C. Vécu de la
première séance d’hémodialyse par les patients et les soignants
d’une unité hospitalière. Echanges de l’AFIDTN 2009 ; 88 :
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3. Tourette-Turgis C, Grimault M, Peireira-Paulo L, Giraud M, Bouffette L, Chaussé M, et al. Perception des besoins en éducation des
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cours de la mise en place d’un programme pilote dans une unité
hospitalière. Néphrologie et thérapeutique 2008 ; 4 : 460.
4. Pauchet-Traversat AF. Structuration d’un programme d’éducation
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5. HAS. Guide méthodologique d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. Haute
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6. Lacroix A. Education thérapeutique ou alliance thérapeutique ?
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7. Carl R. Le développement de la personne. Paris : Dunod, 1968.
8. Recommandations HAS. Education thérapeutique du patient :
Définition, finalités et organisation. Haute Autorité de Santé,
2007.
9. Sandrin-Berthon B. Diagnostic éducatif ou bilan éducatif
partagé ? Médecine des maladies métaboliques 2010 ; 4 : 38-43.
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