DOSSIER « ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE » J Pharm Clin 2010 ; 29 (2) : 93-7 Le rôle du psychologue dans l’accompagnement en éducation thérapeutique du patient en néphrologie Psychologist’s tasks in accompanying therapeutic patient education in nephrology MAUD GRIMAULT Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Service de néphrologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris <[email protected]> Résumé. Cet article propose une vision du rôle du psychologue au sein d’une unité hospitalière en néphrologie mais également ses actions dans l’équipe multidisciplinaire d’éducation thérapeutique du patient (ETP). L’article cherche à démontrer que le psychologue ne peut se substituer au projet d’ETP mais qu’il garde une place essentielle dans ce programme, notamment dans la cohésion de l’équipe et comme acteur incontournable à chaque étape de la maladie chronique auprès du patient. Mots clés : éducation thérapeutique du patient, psychologue, néphrologie, équipe multidisciplinaire Abstract. This article displays the hospital psychologist’s tasks in a nephrology department and his function in the multidisciplinary staff of Therapeutic Patient Education (TPE). The article points out that the psychologist cannot act as a substitute for the whole Therapeutic Education Program but he plays a main part in supporting the staff (dieticians, nurses, physicians, pharmacists…) and helping the patient with his chronic disease step by step. Key words: therapeutic patient education, psychologist, nephrology, multidisciplinary staff Q doi: 10.1684/jpc.2010.0143 ue peut apporter un psychologue au sein d’un projet d’accompagnement et d’éducation thérapeutique du patient ? Où se trouve la frontière entre le suivi psychologique de la personne soignée et le suivi éducatif dans le cadre de son éducation thérapeutique ? En quoi et comment le psychologue peut-il intervenir dans la dynamique du projet tant auprès du patient qu’auprès de l’équipe pluridisciplinaire et répondre aux critères de qualité qu’exige une ETP. Il apparaît nécessaire de situer la place du psychologue dans les différentes étapes du processus permanent qu’est le projet d’accompagnement du patient et de définir l’apport de compétences qu’il peut mettre au service de celui-ci et des acteurs impliqués dans sa prise en charge. Les concepts d’amélioration de qualité de vie1, de connaissance de soi : « se connaître soi-même », de prise de confiance en soi, d’autonomisation, de prise de décision, tiennent une place essentielle dans l’articulation du projet 1 L’OMS définit en 1994 la qualité de la vie comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ». J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 centré autour du patient et dans la mise en œuvre de toute action liée au soin et à l’état de santé général ayant pour finalité l’optimisation de sa prise en charge. Chacun des professionnels de santé intervenant dans le projet à quelque étape que ce soit (assistante sociale, diététicien, infirmier, médecin, pharmacien, etc.) doit intégrer en permanence la problématique des compétences d’adaptation que le patient doit acquérir et développer, à celle des compétences d’auto-soins qui seront parcourues ultérieurement, et à celles du suivi médical et de l’administration de traitements et de soin du patient souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC). Dans quelle mesure peut-on demander au monde soignant2 d’intervenir auprès des patients dans l’amélioration psychosociale de leur qualité de vie alors que parfois le soin prescrit la réduit ? Comment le psychologue peut-il alors s’inscrire dans ce processus complexe et soutenir la démarche en tant qu’acteur attentif, aidant et efficace, au service d’une finalité thérapeutique. Cet article va tenter de mettre en lumière, son rôle, ses actions au sein d’une structure hospitalière et, plus particulièrement, ses interventions dans le projet d’ETP. Il sera 2 Soignants : Le terme « soignant » désigne ici tout professionnel formé à l’ETP et faisant partie de l’équipe pluridisciplinaire qu’il soit diététicien, infirmier, kinésithérapeute, pharmacien, psychologue, etc. 93 M. Grimault intéressant de distinguer, en second lieu, l’apport du psychologue par rapport à l’apport pédagogique des soignants en essayant d’identifier les limites implicites et explicites de chaque approche et de chaque acteur du soin. La philosophie commune et le mode d’organisation liés à la mise en œuvre du projet d’accompagnement et d’éducation thérapeutique ne réduisent en rien la responsabilité professionnelle de chacun et le respect du travail et des compétences individuelles mises au service du patient. Ils sont un « liant » nécessaire qui contribue à la réussite du projet. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Le rôle du psychologue dans une unité hospitalière : un exemple dans une unité de néphrologie L’importance du rôle du psychologue dans la prise en charge de patient vivant avec une IRC L’IRC est une maladie grave qui se développe en parallèle du vieillissement de la population française et retentit gravement sur le quotidien des sujets atteints. L’âge moyen des personnes suivies en dialyse est de 67 ans, ce qui fait que cette population est exposée également aux risques et aux aléas de la population vieillissante, soit le cumul de vulnérabilités somatiques, fonctionnelles, affectives et sociales qui se traduisent aussi par de multiples pertes ou sentiments de perte [1]. Il s’agit de prendre en considération le vécu spécifique des patients en néphrologie en partant de l’insuffisance rénale jusqu’à la transplantation en passant par la dialyse. En effet, le patient est amené à traverser différentes étapes qui bouleversent sa vie et celle de son entourage en commençant par la première étape de l’annonce de la maladie chronique. Viennent ensuite les périodes de « pré dialyse », le vécu de la dialyse jusqu’à l’étape de la transplantation si le patient choisit cette possibilité et si cette dernière lui est offerte. Le psychologue devrait pouvoir intervenir à chaque étape de ce processus mais cela est souvent difficilement réalisable en pratique car, à la différence des pays anglosaxons, ils sont parfois absents des services de néphrologie et de transplantation. Ce qui peut paraître « paradoxal » lorsque l’on considère les différentes problématiques auxquelles les patients doivent faire face à chacune de ces étapes de la maladie. Il ne s’agit pas ici de retracer en détail les répercussions psychologiques de l’insuffisance rénale mais de faire ressortir en quelques points ce que le patient traverse et l’importance d’un accompagnement : – l’annonce de la maladie peut faire l’effet d’un choc et entraîner des réactions comme le déni, la fuite ou bien encore être à l’origine d’une dépression ; – la période de « pré dialyse », quant à elle, est celle de changements intenses où le patient et sa famille doivent envisager des modifications de leurs styles de vie ; – la dialyse renvoie notamment à la problématique de la dépendance à la machine ainsi qu’à toutes les peurs que les patients énoncent sans détour (peur de la douleur, de servir de cobaye, de voir son sang à l’extérieur ou encore la peur de perdre son emploi, etc.) comme l’a montrée l’étude sur le vécu de la première séance d’hémodialyse 94 [2]. Cette séance est un événement dont les patients se souviennent avec acuité ; – la transplantation ravive l’attente, la culpabilité, la dette, l’adoption d’un organe étranger, la peur du rejet. Le psychologue pour proposer une aide personnalisée 1. Auprès de patients hospitalisés, à la demande de l’équipe soignante. 2. Auprès de patients venant en ambulatoire suite au dépistage et l’identification d’un besoin de prise en charge psychologique. Celle-ci peut être ponctuelle et nécessiter quelques entretiens, ou bien révéler le besoin d’un suivi à plus ou moins long terme. Il peut également s’agir d’un bilan durant une séance pour orienter le patient vers des psychiatres, des psychologues de ville, des Centres médicaux psychologiques, ou bien encore différents types de psychothérapie en fonction des demandes et des besoins. Soutien du psychologue auprès des équipes soignantes Les équipes soignantes ont également besoin d’être écoutées dans leurs difficultés, leurs souffrances quotidiennes face aux personnes soignées. L’étude conduite au sein du service de néphrologie du GHPS « Vécu de la première séance d’hémodialyse par les patients et soignants d’une unité hospitalière » [2], révèle des professionnels de santé parfois « impuissants », vulnérables et épuisés, qui ont peur ou bien encore qui ont l’impression d’avoir à marchander avec les patients l’acceptation de ce soin lourd. Ces équipes expriment leur besoin d’être soutenues car elles sont souvent soumises à un « burn out3 ». Ce dernier se traduit par un « turn over » élevé des soignants entravant la cohésion optimale et nécessaire à cette prise en charge complexe des patients. Le psychologue peut apporter un soutien aux soignants « désarmés » devant la souffrance morale de leurs patients. Il peut aussi se placer comme régulateur du lien « soignant/soigné » si ce dernier s’avère difficile. Le rôle du psychologue dans l’éducation thérapeutique en néphrologie – Participer à la mise en place et à l’animation d’ateliers dans le cadre du projet d’accompagnement et d’ETP (groupes de paroles, ateliers : « estime de soi », « affirmation de soi », etc.). – Répondre à la demande d’un soignant, pratiquant l’ETP en consultation individuelle ou en groupe, qui a perçu un besoin de prise en charge psychologique pour le patient. – Différencier si la demande et le besoin du patient sont avant tout un besoin d’aide à la santé et d’accompagnement en ETP ou un besoin de prise en charge psychologique. – Aider à la coordination du projet d’ETP du service. – Conduire des actions de recherche, par exemple : 3 Burn out : terme utilisé par le psychanalyste américain Herberts J. Freudenberger pour désigner l’épuisement professionnel. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Dossier • Le vécu de la première séance d’hémodialyse par les patients et soignants d’une unité hospitalière de la dialyse [2] ; • la perception des besoins en éducation des patient(e)s atteint(e)s de maladie rénale chronique [3]. – Partager et soumettre à la communauté scientifique, des posters, articles et diaporamas issus des résultats des différentes recherches. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Distinction entre la fonction du psychologue et celle des différents acteurs de santé en accompagnement et éducation thérapeutique du patient L’ETP selon la Haute autorité de santé : « vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider (ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie » [4]. Ainsi, il est nécessaire de relever quelques termes clefs de cette définition tels que : « aide, compétences, maladie chronique, soutien psychosocial, conscients et informés, famille, assumer leurs responsabilités, qualité de vie » qui montrent et mettent en avant l’évolution de la place du malade et de sa famille au sein de son projet de santé lorsque ce dernier est atteint d’une maladie chronique. Certains de ces termes sont régulièrement utilisés en psychologie tels que : aide, soutien, famille, qualité de vie. Il est moins habituel de les introduire dans une prise en charge médicale de soin classique. C’est pourquoi, les préconisations de l’éducation thérapeutique peuvent rejoindre, sur certains points, les aspects d’une prise en charge psychologique. Le but de cet article n’est pas de définir et de revenir sur tous ces termes, mais de comprendre à quel moment il est possible de bien délimiter ce qui relève du champ de la psychologie de ce qui relève du champ de l’éducation thérapeutique. Les compétences des soignants Si l’on s’appuie sur les recommandations de la HAS [5], on voit qu’il existe des compétences à acquérir et à renforcer du côté des patients (compétences d’urgence, d’auto soins et psychosociales) mais également du côté des soignants. Ainsi, les compétences nécessaires aux acteurs de santé pour pratiquer l’ETP sont : – des compétences relationnelles : empathie, écoute active, choix du vocabulaire… – des compétences pédagogiques et d’animation : choix des outils qui facilitent l’apprentissage ; – des compétences méthodologiques ; – des compétences biomédicales et de soin. J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Il est pertinent de se pencher sur les deux premières compétences, à savoir, « relationnelles » et « pédagogiques », pour distinguer ce qui relève de la psychologie de ce qui relève de l’éducation thérapeutique, en insistant sur les concepts de pédagogie et d’empathie. En effet, en éducation thérapeutique, la pédagogie se trouve au premier plan et au cœur de la prise en charge dans la relation d’aide des personnes vivant avec une maladie chronique, puisqu’elle transforme les positions de chacun ; à savoir, celle du soignant qui doit adopter une posture de pédagogue, mais également celle du patient qui a souvent besoin d’acquérir par le biais d’apprentissages, de nouvelles compétences. La pédagogie a une place privilégiée en ETP mais elle ne s’acquiert pas facilement. Une psychologue de l’ETP, Anne Lacroix, souligne que : « La pédagogie n’est jamais qu’un agent dont l’objet demeure incertain : l’appropriation des savoirs par le sujet lui-même. De plus, s’agissant de la maladie, s’approprier des savoirs ne garantit pas leur mise en œuvre en comportements pertinents. » [6]. La pédagogie suppose également l’adoption d’une attitude empathique et un mode relationnel spécifique, surtout lorsqu’elle s’adresse aux personnes vivant avec une maladie chronique. Le patient a besoin de se sentir compris, écouté, entendu par les soignants avant même de se lancer dans tout apprentissage. L’empathie fait donc partie des compétences indispensables que doivent également cultiver les soignants pour se trouver dans une juste position face aux patients. Selon Carl Rogers, l’empathie est : « Lorsque le thérapeute devine les sentiments et les réactions personnelles éprouvés par le client à chaque instant, quand il sait les percevoir « de l’intérieur » tels qu’ils apparaissent au client, et quand il réussit à communiquer quelque chose de cette compréhension au client (…) » [7]. Pour Catherine Tourette-Turgis4, l’empathie est de : « Tenter de comprendre le monde de l’autre du point de vue de l’autre. Elle suppose surtout l’apprentissage d’une posture consistant à la fois à essayer de saisir ce que l’autre vit et à lui formuler ce que l’on perçoit ». L’empathie est indispensable à la pratique de tout psychiatre, psychologue, psychothérapeute ; c’est pour cette raison que ce dernier reçoit une formation de 5 ans au minimum. De plus, ce dernier effectue, très souvent, un travail thérapeutique sur lui-même pour parvenir à une « bonne distance » vis-à-vis de ses patients. En effet, il doit comprendre et entendre la souffrance de l’autre sans pour autant se confondre, entrer en « fusion » avec lui. En ETP, l’empathie a une place importante mais « elle ne va pas de soi ». En effet, tous les soignants ne peuvent pas apprendre à adopter une position empathique en quelques mois, même si certaines personnes sont plus enclines à l’adopter naturellement. Les compétences des patients : auto soins et psychosociales Selon les recommandations de la HAS, il est demandé aux soignants de permettre aux patients d’acquérir ou plutôt de renforcer deux grands types de compétences : les com4 Catherine Tourette-turgis, MCU, Paris VI 95 M. Grimault Tableau 1. Compétences d’auto-soins et compétences d’adaptation. Auto-soins Soulager les symptômes : auto surveillance/auto mesure Adapter les doses de médicament, initier un auto traitement Réaliser des gestes techniques et de soins Modification du mode de vie (équilibre diététique, activité physique…) Prévenir des complications évitables Faire face aux problèmes occasionnés par la maladie et des répercussions qui en découlent Impliquer son entourage dans la gestion de sa maladie, des traitements et des répercussions qui en découlent Psychosociales Se connaı̂tre soi-même/avoir confiance en soi Savoir gérer ses émotions et maı̂triser son stress Développer un raisonnement créatif et une réflexion critique Développer des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles Prendre des décisions et résoudre un problème Se fixer des buts à atteindre et faire des choix S’observer, s’évaluer et se renforcer Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. pétences d’auto soins et les compétences psychosociales (d’adaptation) qui sont reprises dans le tableau 1 [8]. Ainsi, le soignant devra amener le patient à renforcer ces types de compétences pour l’aider à prendre soin de sa santé et de lui-même. La difficulté d’introduire les compétences psychosociales auprès des acteurs de santé Lorsque les acteurs de santé ont découvert les compétences d’adaptation, des réactions de réticence, de découragement sont apparues, de façon légitime. En effet, la HAS donne une vision quelque peu « idéale » des compétences psychosociales mais difficilement applicables telles qu’elles sont mentionnées. Voici, par exemple, une des difficultés fréquemment rencontrées au début de la mise en place des consultations d’ETP des infirmières, au sein du service de néphrologie du GHPS, ayant trait aux compétences psychosociales. Lors de sa première consultation en ETP, un patient a livré à l’infirmière des événements douloureux de sa vie car ces problèmes se trouvaient au centre de ses préoccupations. Pour ce patient, les compétences d’auto soins (l’observance, le suivi de son équilibre alimentaire…) étaient relayées au second plan dans la mesure où d’autres difficultés l’empêchaient de prendre soin de sa santé. Quelles réactions doivent adopter les professionnels de santé ? Comment doivent-ils gérer toutes les souffrances qu’un patient peut exprimer au sujet de sa vie intime ou de ses conditions de vie sociale ? Sont-ils capables et en mesure d’entendre tout cela en gardant la juste distance ? L’infirmière pourra écouter le patient si celui-ci entre dans une relation de confiance avec elle, à cette première séance, pour commencer un travail de lien en s’appuyant sur les ressources de ce dernier. Première étape de rencontre avec le patient qui est également celle du diagnostic éducatif ou bilan éducatif partagé. En effet, selon Brigitte Sandrin-Berthon : « Plutôt que la première étape d’un programme personnalisé, l’entretien que l’on mène avec un patient pour initier avec lui une démarche éducative devrait constituer l’amorce d’un nouveau mode relationnel entre soignant et patient » [9]. Si la difficulté, au premier plan, relève d’un problème purement psychologique, l’infirmière devra l’orienter vers un spécialiste de la psychologie en priorité. Puis, dans un second temps, ou bien encore, parallèlement à son suivi psychologique, le rencontrer en consultation individuelle pour explorer avec lui ses comportements de santé, l’aider dans la prise en charge de sa maladie chronique, de son traitement, de 96 son alimentation mais également dans sa qualité de vie. Elle peut également agir sur l’amélioration de ce dernier point en l’invitant à des ateliers sur le thème de « l’estime de soi » ou à des groupes de paroles qui lui permettront d’aborder et d’échanger avec ses pairs ce qui est source de préoccupation dans sa vie actuelle. Des compétences psychosociales au besoin d’une équipe pluridisciplinaire Quel que soit l’acteur de santé (diététicien, infirmier, pharmacien, etc.) qui se trouverait dans cette première étape de « diagnostic éducatif », de rencontre avec l’autre, une crainte peut apparaître chez le soignant du fait de s’ouvrir à « un mode relationnel » avec le patient dans des domaines où il n’a pas l’habitude d’investiguer. En effet, il apparaît plus simple de parler au patient sur un plan « cognitif » comme de son traitement que de l’inviter à aborder certains sujets de sa vie tendant davantage vers de « l’émotionnel ». Pour autant, les recommandations en ETP sont claires sur ce sujet et les acteurs de santé doivent soutenir les patients dans le renforcement de leurs compétences d’auto soins et psychosociales. Même si certains domaines de la vie du patient demeurent « délicats » à aborder pour les professionnels de santé, il semble difficile de « fermer les yeux », d’abandonner ou de rester dans des non-dits face à un patient qui décide d’évoquer ses problèmes sociaux ou émotionnels qui entravent le fait qu’il puisse prendre soin de sa santé. Ce sera, dans ce cas, au soignant de faire en sorte de savoir s’il pourra continuer à s’occuper de ce patient ou s’il devra l’orienter (en lui expliquant et sans l’abandonner) vers un autre membre de l’équipe plus à même de l’aider. D’où la nécessité d’une équipe pluridisciplinaire mais également de l’intervention des « patients experts » ou « patients ressources » qui, en plus d’intervenir au sein du projet dans la co-animation d’ateliers, sont présents pour coécrire le projet d’ETP au sein du service et collaborent à l’analyse des besoins des patients en termes de préparation à la dialyse et/ou préparation à la transplantation, par exemple en néphrologie. Le psychologue comme acteur intégré à l’équipe pluridisciplinaire d’ETP Ainsi, une nette distinction se perçoit entre l’accompagnement et l’aide à la santé fait par les équipes soignantes (diététicien, infirmier, médecin, pharmacien, etc.) formées à l’Accompagnement en Education Thérapeutique des J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier Patients (AETP), et, le travail que requiert la prise en charge psychologique du patient. Le psychologue devrait se trouver à toutes les étapes clefs de la maladie et du soin pour permettre aux soignants de les distinguer dans leurs spécificités de prise en charge. Mais également accompagner les équipes, les soutenir, les aider à renforcer leurs compétences d’animation et relationnelles. Il peut aussi contribuer à l’amélioration de la cohésion et de la coordination des équipes. En aucun cas, le psychologue ne peut et ne doit remplacer tout l’apport multidisciplinaire (avec tout ce que cela implique de savoir-faire, savoir être) qu’offre, dans sa grande richesse, l’éducation thérapeutique aux patients et à leurs familles. Des ateliers ont été proposés aux patients, au sein du service de néphrologie du GHPS, en fonction des demandes de ces derniers mais aussi en suivant les recommandations de la HAS. Ces ateliers ont pour thèmes des demandes qui recouvrent des besoins d’auto soins : – « le médicament et moi » – « un grain de sel bien dosé » – « bien manger, une valeur sûre pour la santé » – « information pré dialyse et transplantation » – « l’hypertension » Et des demandes psychosociales : – groupes de paroles – « estime de soi » – « affirmation de soi : savoir dire non » – « comment mieux communiquer avec mes proches autour de la maladie » – « image du corps » Conclusion L’éducation thérapeutique du patient est un projet multidisciplinaire. Le psychologue doit en faire partie à différents niveaux mais il n’est qu’un maillon, au même titre que les autres acteurs de santé, de la chaîne du projet d’accompagnement et d’éducation thérapeutique. L’ETP ne peut se confondre avec une prise en charge psychologique dans la mesure où il s’agit d’un projet de service qui demande la collaboration de tous les acteurs de santé avec leurs J Pharm Clin, vol. 29, n o 2, avril-mai-juin 2010 savoirs et compétences propres. Un des rôles du psychologue est d’aider les membres de l’équipe à trouver leur juste place entre le patient et ces derniers au sein du projet de soin dans un souci de partage et de coordination efficace. Chaque psychologue doit apprendre à trouver sa place en fonction des besoins de sa structure et du programme d’ETP qui s’inscrit dans une dynamique propre à chaque service. ■ Conflit d’intérêts : aucun. Références 1. Tourette-Turgis C, Isnard Bagnis C, Pereira-Paulo L. L’éducation du patient dans la maladie rénale chronique : le soignant pédagogue. Paris : Comment Dire, 2009. 2. Grimault M, Tourette-Turgis C, Isnard-Bagnis C. Vécu de la première séance d’hémodialyse par les patients et les soignants d’une unité hospitalière. Echanges de l’AFIDTN 2009 ; 88 : 12-24. 3. Tourette-Turgis C, Grimault M, Peireira-Paulo L, Giraud M, Bouffette L, Chaussé M, et al. Perception des besoins en éducation des patient(e)s atteint(e)s de maladie rénale chronique déterminés au cours de la mise en place d’un programme pilote dans une unité hospitalière. Néphrologie et thérapeutique 2008 ; 4 : 460. 4. Pauchet-Traversat AF. Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) dans le champ des maladies chroniques. HAS-INPES, 2007. 5. HAS. Guide méthodologique d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. Haute Autorité de Santé, 2007. 6. Lacroix A. Education thérapeutique ou alliance thérapeutique ? In : ETP, concepts et enjeux. adsp 2009; 66 : 16-8. 7. Carl R. Le développement de la personne. Paris : Dunod, 1968. 8. Recommandations HAS. Education thérapeutique du patient : Définition, finalités et organisation. Haute Autorité de Santé, 2007. 9. Sandrin-Berthon B. Diagnostic éducatif ou bilan éducatif partagé ? Médecine des maladies métaboliques 2010 ; 4 : 38-43. 97