La guerre de 1914/1918, déclenchée dans les Balkans, devient très vite européenne, puis mondiale. C’est une guerre totale, d’une violence sans précédent qui a profondément et durablement marqué les esprits. I) Les grandes phases de la guerre Phase 1 : 1914, l’illusion d’une guerre courte La guerre débute en août 1914 par l’engrenage des alliances. Français et Allemands prévoient des offensives conduisant à une victoire rapide : c’est la guerre de mouvement. Mais, en septembre 1914, les Allemands qui avaient fait reculer les Français sont repoussés par les armées de Joffre lors de la bataille de la Marne. A l’entrée de l’hiver 1914, les fronts occidentaux et russes se sont stabilisés. Phase 2 : fin 1914/mars 1918, un enlisement de quatre hivers Devant l’échec des offensives, chaque camp décide de s’enterrer dans des tranchées pour « tenir » le terrain : c’est la guerre de position. Les tentatives pour percer les lignes ennemies sont des boucheries : 300 000 morts à Verdun sans aucun résultat. Le nombre des victimes nécessite de trouver des renforts. L’Angleterre et la France mobilisent leurs colonies (ex : Tirailleurs sénégalais et marocains). De nouveaux fronts sont ouverts pour tenter d’épuiser l’adversaire. Peu à peu le conflit se mondialise. L’année 1917 est un tournant décisif. Révolutions en Russie qui signe un armistice séparé avec l’Allemagne Entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés de l’Entente Phase 3 : 1918, la contre-offensive victorieuse des Alliés En mars 1918, les Allemands repartent à l’offensive grâce au renfort des troupes de l’Est et parviennent jusqu’à la Marne. Mais les Alliés commandés par Foch, renforcés par 2 millions de soldats américains et par les premiers blindés repoussent les Allemands. L’armée allemande n’est pas détruite, mais la révolution menace en Allemagne. Le nouveau gouvernement décide la capitulation et signe l’armistice à Rethondes le 11 novembre 1918. II) La guerre totale A) Une violence de masse À la fin du XIXème et au début du XXème siècles, domine l'esprit positiviste : on croit en la réduction continue de la violence sociale et de la souffrance physique grâce aux progrès techniques. Et pourtant... ...Près de 10 millions de victimes au cours de la guerre, presque exclusivement des soldats. 20% des combattants français ont été tués. Sur l'ensemble de la guerre, la moyenne quotidienne de morts est de 900 Français et 1300 Allemands. Le 1 er juillet 1916, 20 000 Britanniques sont morts dans l'offensive sur la Somme. Le 22 août 1914 est le jour le plus sanglant de toute l'histoire de France : 27 000 de ses soldats sont morts ce jour-là. http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20140822.AFP4307/22-aout-1914-le-jour-le-plusmeurtrier-de-l-histoire-de-l-armee-francaise.html. La survie est désormais plus une affaire de chance que d'entraînement. Morts violentes surtout (5 sur 6). De plus 40% de blessés parmi les mobilisés. Progrès réels de la médecine, mais nouvelle gravité des blessures infligées. Puissance de destruction des nouvelles armes : obus, gaz, grenades, mitrailleuses... Aucun moyen de protection. Par ailleurs, fin des règles de limitation de la violence (tirs sur brancardiers...) Brutalisation, déshumanisation qui touche des millions de combattants. Anonymat de la guerre : on ne sait pas qui tue, qui on tue (artillerie, grenades...). Toutefois, témoignages comme celui de Blaise Cendrars, « J'ai tué » (extraits à la fin de la leçon) Ex de Verdun (pages 30/31) La bataille de Verdun est une offensive allemande déclenchée en février 1916. L'Étatmajor allemand est certain que les Français vont s'accrocher à cette ville. Il veut donc « saigner à blanc » l'armée française afin de l'affaiblir et de percer le front. Les Allemands ont concentré une énorme quantité d'artillerie et pilonnent les positions françaises. Ils progressent, mais beaucoup moins qu'ils ne le pensaient car les Français tiennent leurs positions souvent jusqu'à la mort. Pétain est nommé pour défendre Verdun. Hommes et matériels arrivent à Verdun par la « Voie sacrée », seul axe permettant encore d'atteindre le secteur. A l'été, les Allemands cessent leurs offensives et les Français commencent à reprendre l'essentiel des quelques kilomètres perdus. A la fin de l'année 1916 on dénombre 300 000 morts, presqu'autant de chaque côté. L'échec est total côté allemand. Les Français n'ont pas progressé, mais cette bataille est le symbole de la résistance héroïque pour empêcher l'invasion du territoire. Enfin, les civils, bien que peu nombreux parmi les victimes, sont touchés par les massacres et les déportations. Ex du génocide arménien (pages 32/33) L'Empire ottoman est allié aux puissances centrales et combattent les Russes sur le front du Caucase. Les Arméniens, minorité chrétienne de l'Est de l'Empire ottoman, sont accusés de s'allier aux Russes. L'armée ottomane entreprend alors leur déportation ; les conditions extrêmement dures de ces déplacements et les assassinats de masses entraînent le premier génocide du siècle. Le bilan est aujourd'hui encore très discuté, mais il est vraisemblablement compris entre 650 000 et 1 200 000 victimes. https://www.youtube.com/watch?v=6KI3GcOQGWg Extrait croix de Bois, 1931 http://www.dailymotion.com/video/x939ag_un-long-dimanche-de-fiancailles-at_shortfilms B) La mobilisation à l’arrière Mobiliser les esprits : Union Sacrée des politiciens face à la guerre. Contrôle et censure des informations venues du front. Mobiliser l’économie : L’industrie travaille pour la guerre : chars Renault, obus Citroën. Les travailleurs des colonies et surtout les femmes (« les munitionnettes ») remplacent les hommes à l’usine et aux champs. Emprunts d’Etat pour financer la guerre. Lire l'extrait de J'ai tué de Blaise Cendrars qui montre la mobilisation mondiale des ressources pour la guerre. III) Bilan de la guerre A) Révolutions en Russie et en Europe Voir dossier p. 36/37 http://www.dailymotion.com/video/x9k6ug_yyyyyyy-1-7_news Les pays d’Europe, affaiblis, doivent faire face à une vague de révolutions après la guerre. Dès 1917, en Russie, le pouvoir absolu du tsar Nicolas II ne résiste pas aux défaites militaires et aux pénuries de nourriture. Les Bolchéviks regroupés en Soviets et dirigés par Lénine prennent le pouvoir en octobre 1917. 1917 : Révolutions en Russie. Malgré l’intervention des pays européens, l’Armée rouge permet aux Bolchéviks de conserver le pouvoir. D’autres tentatives de prises de pouvoir communistes ont lieu en Allemagne et en Hongrie, mais elles échouent. Dans de nombreux pays, l’agitation communiste est importante. B) Le déclin de l’Europe Près de 10 millions de soldats, la séparation des couples et les décès ont entraîné une importante dénatalité. Les économies européennes sont fragilisées. Les industries française et allemande sont très en dessous de leur niveau de 1914. Les prix augmentent (forte inflation) car les pénuries sont encore importantes : aliments, médicaments, combustible. Pour financer la guerre, l’Europe a beaucoup emprunté aux E.U (12 milliards de $). Ainsi, l’Europe qui dominait le Monde avant 1914 a décliné. Seuls les E.U (et le Japon) sortent renforcés de la guerre. C) Une nouvelle géopolitique en Europe La Conférence de paix discutée à Paris permet aux vainqueurs d’imposer leurs décisions. La carte de l’Europe est bouleversée. Le cas de l’Allemagne est réglée par le Traité de Versailles (1919) . Son armée est démantelée ; elle perd ses colonies, l’Alsace/Lorraine et la région de Dantzig ; elle doit payer de très lourdes réparations. Pour les Allemands, ce traité est un diktat insupportable. Les grands empires multinationaux disparaissent par l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. (voir carte) La Société des Nations (SDN) est créée à Genève pour essayer d’éviter une nouvelle guerre. Conclusion : L’Europe de 1918 ne domine plus le Monde. Les grands empires autoritaires se sont effondrés. On pense alors que la démocratie va triompher partout en Europe selon les modèles français et anglais. Mais très vite, les difficultés économiques et les frustrations nées des Traités de paix, conduisent certains pays européens vers la dictature et le totalitarisme. Des Traités de paix : Versailles, 28 juin 1919, pour l’Allemagne (à retenir) Saint-Germain-en-Laye, en 1919, pour l’Autriche Trianon, en 1920, pour la Hongrie Sèvres, en 1920, pour la Turquie (ex Empire ottoman) Voir carte page 38/39 (à comparer aux cartes de 1914, pages 28/29) 1. Placer le nom des Etats manquants 2. Faire une légende et placer sur la carte : l’Alsace Lorraine (Moselle), la zone démilitarisée du Rhin 3. Colorier en vert les nouveaux Etats apparus après la guerre (ne pas oublier la légende) 4. Expliquer le problème territorial entre l’Allemagne et la Pologne. (...) Sifflet d’argent. Le colonel s’élance les bras ouverts. C’est l’heure H. On part à l’attaque la cigarette aux lèvres. Aussitôt les mitrailleuses allemandes tictaquent. Les moulins à café tournent. Les balles crépitent. On avance en levant l’épaule gauche, l’omoplate tordue sur le visage, tout le corps desossé pour arriver à se faire un bouclier de soi-même. On a de la fièvre plein les tempes et de l’angoisse partout. On est crispé. Mais on marche quand même, bien aligné et avec calme. Il n’y a plus de chef galonné. On suit instinctivement celui qui a toujours montré le plus de sang-froid, souvent un obscur homme de troupe. Il n’y a plus de bluff. Il y a bien encore quelques braillards qui se font tuer en criant : « Vive la France ! » ou « C’est pour ma femme ! » Généralement, c’est le plus taciturne qui commande et qui est en tête, suivi de quelques hystériques. Voilà le groupe qui stimule les autres. Le fanfaron se fait petit. L’âne brait. Le lâche se cache. Le faible tombe sur les genoux. Le voleur vous abandonne. Il y en a qui escomptent d’avance des porte-monnaie. Le froussard se carapate dans un trou. Il y en a qui font le mort. Et il y a toute la bande des pauvres bougres qui se font bravement tuer sans savoir comment ni pourquoi. Et il en tombe ! Maintenant les grenades éclatent comme dans une eau profonde. On est entouré de flammes et de fumées. Et c’est une peur insensée qui vous culbute dans la tranchée allemande. Après un vague brouhaha, on se reconnaît. On organise la position conquise. Les fusils partent tout seuls. On est tout à coup là, parmi les morts et les blessés. Pas de répit. « En avant ! En avant ! » On ne sait pas d’où vient l’ordre. Et l’on repart en abandonnant le sac. Maintenant on marche dans de l’herbe haute. On voit des canons démolis, des fougasses renversées, des obus semés dans les champs. Des mitrailleuses vous tirent dans le dos. Il y a des Allemands partout. Il faut traverser des feux de barrage. De gros noirs autrichiens qui écrabouillent une section entière. Des membres volent en l’air. Je reçois du sang plein le visage. On entend des cris déchirants. On saute les tranchées abandonnées. On voit des grappes de cadavres, ignobles comme les paquets de chiffonniers ; des trous d’obus, remplis jusqu’au bord comme des poubelles ; des terrines pleines de choses sans nom, du jus, de la viande, des vêtements et de la fiente. Puis dans les coins, derrière les buissons, dans un chemin creux, il y a les morts ridicules, figés commes des momies, qui font leur petit Pompéi. Les avions volent si bas qu’ils vous font baisser la tête. Il y a là-bas un village à enlever. C’est un gros morceau. Le renfort arrive. Le bombardement reprend. Torpilles à ailettes, crapouillots. Une demi-heure, et nous nous élançons. Nous arrivons à vingt-six sur la position. Prestigieux décor de maisons croulantes et de barricades éventrées. Il faut nettoyer ça. Je revendique alors l’honneur de toucher un couteau à cran. On en distribue une dizaine et quelques grosses bombes à la mélinite. Me voici à l’eustache à la main. C’est à ça qu’aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes crèvent dans les usines. Un peuple d’ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s’ingénient. La merveilleuse activité humaines est prise à tribut. La richesse d’un siècle de travail intensif. L’expérience de plusieurs civilisations. Sur toute la surface de la terre, on ne travaille que pour moi. Les minerais viennent du Chili, les conserves d’Australié, les cuirs d’Afrique. L’Amérique nous envoie des machines-outils, la Chine de la main d’oeuvre. Le cheval de la roulante est né dans les pampas de l’Argentine. Je fume un tabac arabe. J’ai dans ma musette du chocolat de Batavia. Des mains d’hommes et des mains de femmes ont fabriqué tout ce que je porte sur moi. Toutes les races, tous les climats, toutes les croyances y ont collaboré. Les plus anciennes traditions et les procédés les plus modernes. On a bouleversé les entrailles du globe et les moeurs ; on a exploité des régions encore vierges et appris un métier inexorable à des êtres inoffensifs. Des pays entiers ont été transformés en un seul jour. L’eau, l’air, le feu, l’électricité, la radiographie, l’acoustique, la balistique, les mathématiques, la métallurgie, la mode, les arts, les superstitions, la lampe, les voyages, la table, la famille, l’histoire universelle sont cet uniforme que je porte. Des paquebots franchissent les océans. Les sous-marins plongent. Les trains roulent. Des files de camions trépident. Des usines explosent. La foule des grandes villes se rue au ciné et s’arrache les journaux. Au fond des campagnes les paysans sèment et récoltent. Des âmes prient. Des chirurgiens opèrent. Des financiers s’enrichissent. Des marraines écrivent des lettres. Mille millions d’individus m’ont consacré toute leur activité d’un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur coeur. Et voilà qu’aujourd’hui j’ai le couteau à la main. L’Eustache de Bonnot. « Vive l’humanité ! » Je palpe une froide vérité sommée d’une lame tranchante. J’ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J’ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Oeil pour oeil, dent pour dent. A nous deux maintenant. A coup de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le Boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. Blaise Cendrars, J'ai tué, 1918 (extrait)