RÉSEAU / HIVER 2001-2002 25
UQAM
* Michel Bélair est
journaliste au
quotidien Le Devoir.
On peut le rejoindre
par courriel à
Serge Lebel,
professeur associé
au Département
des sciences de la
terre et de
l’atmosphère de
l’UQAM
une référence internationale. Et le moins que l’on
puisse dire, c’est qu’il sait de quoi il parle. C’est pré-
cisément pour cela que son discours dérange.
Pressions nécessaires
C’est que dans tous les habitats fauniques dans les-
quels il a travaillé, il a constaté que les embryons sont
beaucoup plus affectés que les individus adultes – il
donne l’exemple d’un insecticide courant dont seu-
lement 1/250000 de la dose affectant un adulte réus-
sit à marquer l’embryon de façon indélébile – ce
qui explique la série des déformations génétiques
constatées chez nombre d’espèces animales. Encore
plus grave, on peut faire le même constat chez les
humains. À la suite d’études dans la région des Grands
Lacs, on sait maintenant que les enfants dont les
mères ont consommé régulièrement du poisson pêché
dans ces eaux ont des problèmes anormalement
élevés mettant en cause le système immunitaire, le
système endocrinien et le développement du cerveau.
Comme si les enfants d’aujourd’hui payaient le prix
de plus de trente ans d’intoxication de leurs parents.
«Mais il ne faut pas perdre espoir, reprend le pro-
fesseur Fournier, la solution est entre les mains des
citoyens qui doivent presser les politiciens pour qu’ils
agissent et transforment les lois: il faut sensibiliser le
plus de gens possible, le plus rapidement possible,
aux dangers qui nous menacent. Heureusement, on
chiffre maintenant beaucoup mieux le coût de la pol-
lution.»
Voilà le côté le plus encourageant du dossier: lors-
que l’on procède à l’homologation d’un nouveau
produit, on tient maintenant compte de sa future
influence sur le système de santé dans son ensem-
ble. «C’est une tendance lourde, explique Michel
Fournier. Auparavant, on se contentait de chiffrer les
bénéfices, mais aujourd’hui l’équation générale a
changé.» On n’a, par exemple, qu’à penser à tout
ce qui est lié au sort des bélugas – écotourisme, éco-
nomie locale, développement régional, etc. – pour
comprendre les implications de la pollution sur un
milieu donné.
En Europe, les pressions sont plus fortes, mieux
articulées: les Verts comptent depuis longtemps des
scientifiques dans leurs rangs qui viennent étoffer leur
prises de position et les agriculteurs de la Commu-
nauté ont commencé à diversifier leur approche. Ici,
le travail reste à faire. « Il faut continuer à être vigi-
lant, conclut Michel Fournier. Il n’y a pas que les pra-
tiques culturales à réformer, toutes nos habitudes sont
en cause. On sait même que les produits domesti-
ques et les médicaments périmés déversés dans l’eau
affectent les poissons: il est naïf de croire que les
humains ne sont pas touchés.»
Il reste évidemment à faire en sorte que les déci-
deurs prennent conscience de l’urgence du dossier
environnemental, même si ce n’est plus très à la
mode…
Dans les dents !
Serge Lebel, professeur associé au Département
des sciences de la terre et de l’atmosphère de
l’UQAM, revient du Vaucluse. Dans ses bagages, il
traînait quelques bouts d’os qui sont venu chan-
ger la conception que l’on se faisait de nos ancê-
tres, les humains prénéandertaliens. Dans les faits,
il s’agit plus précisément d’un bout de mâchoire
et de deux dents trouvés sur le site de fouille du
Bau de l’Aubésier dans le sud de la France. On es-
time que les fossiles datent d’environ 200000 ans.
Cette mandibule et ces deux dents sont des
trouvailles assez particulières, il faut l’avouer. C’est
que l’équipe internationale d’archéologues dirigée
par Serge Lebel a trouvé sur la mâchoire une sorte
de pont osseux cicatriciel recouvrant une vieille
blessure. Le propriétaire de la mâchoire était âgé
d’environ trente-cinq, peut-être quarante ans, ce
qui est énorme puisque l’espérance de vie à l’épo-
que dépassait rarement trente ans. Un individu blessé
gravement, donc, au point d’être incapable de se
nourrir par lui-même, mais qui a survécu, soutenu
par sa communauté. C’est là un type de comporte-
ment que l’on croyait jusque-là être apparu beau-
coup plus tard avec les premiers humains il y a
seulement 50000 ans. Les dents, quant à elles, appar-
tenaient à deux individus différents et laissent croire
que ces préhumains s’en servaient pour découper
leur nourriture et saisir des objets.
SOURCE: SITE WEB DE L’UQAM (HTTP:/
WWW.UNITES.UQAM.CA/SIRP/COM/01-069.HTM)
RÉSEAU / HIVER 2001-2002 25