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Un club Jacques Cœur a été constitué à mon initiative, pour mieux répondre aux
préoccupations légitimes de nos clients et partenaires sur la situation européenne et internationale.
Le Club Jacques Cœur est un lieu privilégié d’analyse et de réflexion de la situation internationale, au
double plan géopolitique et macroéconomique, pour mieux appréhender les interdépendances qui
forment le cadre des marchés et les opportunités pour les investisseurs.
Une lettre mensuelle offre une synthèse des présentations des deux Senior Advisors de CFJC devant le Club Jacques Cœur.
François-Xavier Bouis
Président de Cie Financière Jacques Coeur
LA FIN DES BRICS ? Focus sur l’Inde
Genèse et destin d’une vision du monde
Au début étaient les « marchés émergents ». En 1981: Antoine van Agtmael (Bankers Trust, New York proposa de créer
un Third World Equity Fund pour l’Asie de l’est (Singapour, Taiwan, Hong Kong, Corée du sud) qu’il dut nommer Emerging
Markets Fund. Le concept de marché émergent était né.
Pour la Banque Mondiale, un marché émergent désigne une économie avec revenu/hab. inférieur à 11 000 US$ et dont
la part dans les exportations mondiales avait augmenté de 0,05% entre 1995 et 2005 (soit les nouveaux membres de l’UE entrés
en 2004, les pays de l’Asie de l’est et du sud, ceux d’Amérique latine et d’Afrique, soit 17% PNB mondial à cette période). La
Corée du Sud en est sortie en 2007 en entrant à l’OCDE. Cela reste une notion floue.
Puis vinrent les BRIC, acronyme forgé par Jim O’Neill (économiste en chef de Goldman Sachs) le 30/11/2001. C’est un
effet du « 11 septembre » au sens de l’interprétation qui suit: la globalisation va se poursuivre sans être synonyme
d’américanisation ni d’imposition des structures et croyances américaines. Cet acronyme date une bifurcation marquant
l’importance croissante du monde non occidental. Les critères sont : la hausse des échanges internationaux entre pays
émergents (Brésil/Chine), 40% population mondiale, 16% du PNB, un potentiel de croissance. En 2041, leur poids dépasserait les
6 premières économies occidentales: les piliers du XXIème siècle, puis 2039, puis 2032. La notion de BRIC installait une nouvelle
carte mentale pour les décideurs, un cadre cohérent pour y investir. Elle fut reçue comme une aubaine en Russie, avec
indifférence en Inde et cynisme au Brésil. La Chine sut en faire bon usage en Incluant l’Afrique du Sud au sommet de Sanya
(Hainan, en 2011).
« It was a simple mental prop » (selon O’Neill) mais cette carte mentale a produit des
effets. Ce n’est pas un groupe homogène du point de vue géopolitique et le sous-ensemble IBAS
(Inde Afrique du sud Brésil) ne regroupe que les pays de régime démocratique, avec des effets
économiques. Sa formation a eu un rôle international actif avec le passage du G 8 au G 20 (et au
sein du G 77). L’interdépendance accrue entre les BRICS explique l’impact du ralentissement
chinois sur le Brésil (moins d’importation de fer et de soja). Une banque de développement sera instituée en avril 2016 Shanghai
avec un président indien. Une réserve de change commune a été envisagée. La banque est dotée de 100 milliards de dollars,
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dont 41 versés par la Chine, 18 par l'Inde, le Brésil et la Russie, et 5 par l'Afrique du Sud. Faut-il y voir un système alternatif au
FMI et à la BM ? C’est aussi un facteur, mineur, d’internationalisation du renminbi.
Enfin des Etats sont candidats et intéressés à ce forum non dominé par les occidentaux.
Les pays émergents, du point de vue économique, ne sont pas un « tout ». Pour l’investisseur, il convient de préciser la
liste pour ne pas perdre des opportunités de développement. Les BRICS comptent pour 30% de l’activité des grands groupes
internationaux (dont 1/3 en Chine).
L’Inde, la dernière des BRIC ?
Depuis la création du sigle et de la classe d’actifs éponyme en 2001 par Jim O’Neil, alors économiste en chef pour les
économies émergentes de la banque d’investissement Goldman Sachs, l’Inde a alisé une croissance très supérieure au
traditionnel Hindu rate of growth, meilleure que celle du Brésil et de la Russie mais que la performance de la Chine a quelque
peu éclipsée. Aujourd’hui, alors que la Russie et le Brésil sont en récession, que l’économie chinoise ralentit et fait douter d’elle,
l’Inde semble échapper aux maux qui frappent ses partenaires pour apparaître comme la dernière des BRIC.
La promotion de l’Inde doit en partie au discrédit qui a terni le charme des BRIC, discrédit attesté par nul autre que
Goldman Sachs prenant la décision, début novembre 2015, de clore ses fonds BRIC. Les effets des deux crises originaires des
puissances économiques établies, la grande crise financière (2008-2009) puis la crise de l’euro (2011-2012), sur les performances
économiques et financières des économies émergentes et des BRIC en particulier, ont démenti les promesses d’essor irrésistible
et autonome investies dans les BRIC. Au cours des deux dernières années, une fois épuisé l‘impact stimulant des puissantes
mesures de soutien mises en œuvre par la Chine et ses partenaires, et devenu manifeste l’impact négatif de leurs corollaires
(endettement, surcapacités, mauvaise orientation de l’investissement, chute de la profitabilité), le modèle de croissance des
BRIC s’est finalement révélé pour ce qu’il est, excessivement dépendant d’un environnement économique et financier
international favorable, lui-même déterminé par la conjoncture et les politiques économiques des puissances économiques
établies.
Pour autant, le report sur l’économie de l’Inde d’une partie des espoirs portés naguère par les BRIC doit principalement
aux mérites propres à ce pays. Elle a décollé au début des années 1980, à peine plus tard que la Chine, à laquelle elle est souvent
comparée et à laquelle elle se mesure. La croissance du Pib est restée certes moins vigoureuse, près de 10% l’an de 1980 à 2015
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pour la Chine, 6.3% pour l’Inde, de sorte que le poids de la Chine dans l’économie mondiale (15,5% en USD, 17% en PPA)
devance nettement celui de l’Inde (3% en USD, 8.5% en
PPA). Le niveau de vie a également progressé plus vite
en Chine (+8.7% l’an sur la même période) qu’en Inde
(+4.4%) dépassant 8 000 dollars courants en 2015 (soit
15% du Pib par tête américain, 25% en PPA) contre 1
700 dollars courants en inde (soit du 3% Pib par tête
américain, 11% en PPA). L’inde est classée par la Banque
mondiale parmi les pays à revenu moyen inférieur,
comme l’Indonésie, alors que la Chine fait partie des pays à revenu moyen supérieur, comme le Brésil ou l’Afrique du Sud.
Surtout, depuis la grande crise financière, la croissance de l’Inde s’est montrée plus résiliente que celle des autres BRIC
et que de nombreux pays émergents. Elle est restée positive au pire moment de la récession (2009) et elle entrée dans une
phase de reprise dès 2013, alors que la croissance des autres BRIC se dérobait, ralentissant fortement en Chine, faisant place à
des récessions marquées au Brésil et en Russie.
L’Inde n’a pas commis les mêmes erreurs que ses partenaires. En particulier, l’endettement total y est resté stable, en
part de Pib entre 2001 et 2014. Au cours des deux dernières années, elle a entrepris des réformes qui lui ont permis de maîtriser
le déficit des comptes publics, de renforcer la crédibilité anti-inflationniste de la politique monétaire et de capitaliser sur la
baisse des prix du pétrole en abaissant les taux d’intérêt directeurs et, plus généralement, de rétablir la confiance des
entreprises et des ménages. Selon l’indice Nielsen, le consommateur indien est actuellement le plus optimiste au niveau
mondial. D’autres réformes sont à l’agenda du gouvernement indien, notamment la création d’une taxe sur les biens et services,
dont l’instauration lèvera un obstacle à l’existence d’un marché national intégré. L’adoption de la mesure constituera un test
sur les capacités du pouvoir à réaliser les réformes qu’il a annoncé.
A court-moyen terme, les perspectives de croissance de l’Inde sont nettement plus favorables que celles de ses
partenaires : la plupart des prévisions créditent l’Inde d’une croissance de 7% ou plus pour 2016, supérieure à celle de la Chine
et des autres BRIC, et celles d’autres grands émergents, comme la Turquie ou le Mexique. Comme celle de ses partenaires, la
croissance indienne est confrontée à une demande extérieure mal orientée, mais elle est soutenue par une demande intérieure
robuste, tirée par la consommation, notamment en services, et une amorce de redressement de d’investissement, public et
privé. La prévision d’une croissance robuste soutient la valorisation des actifs indiens dont le PER moyen anticipé à 12 mois (plus
de 17, début novembre 2015) est parmi les plus élevés des marchés émergents et est orienté à la hausse.
A plus long terme, l’Inde bénéficie d’atouts qui devraient lui assurer une croissance soutenue à condition qu’elle
surmonte des facteurs de vulnérabilité récurrents. Son principal atout est d’ordre démographique : seule parmi celles des
principales économies, la population active indienne est promise à augmenter fortement : près de 20% d’ici 2030, près de 30%
d’ici 2050, alors que la population en âge de travailler baissera ailleurs, en Chine, en Russie, en Europe, et ne progressera que
modérément aux Etats-Unis et au Brésil. Selon les projections de l’ONU, la population indienne dépassera la population de la
Chine dès 2022, pour atteindre 1.5 milliard en 2030 puis 1.7 milliard en 2050. La croissance potentielle de l’Inde devrait
demeurer soutenue, à plus de 5% d’ici 2030, compte tenu de la croissance de la population en âge de travailler (+1.5% l’an) et de
la productivité du travail (qui devrait au moins égaler les 3.5% l’an réalisés en moyenne sur la période 1981-2014). Mais l’Inde
devra accélérer la formation de sa population, dont plus de la moitié n’a qu’un niveau de formation inférieur ou égal au 2ème
cycle de l’enseignement secondaire. L’Inde bénéficie d’un atout singulier, celui d’un secteur des services particulièrement
développé et productif, ce qui lui donne un avantage comparatif vis-vis de ses partenaires émergents et développés.
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Pour réaliser son potentiel, l’Inde devra sans tarder affronter plusieurs facteurs de vulnérabilités récurrents qui
pourraient sinon être des obstacles à une croissance soutenue dans le futur comme ils l’ont été dans le passé. La principale
source de vulnérabilité est une insuffisance de l’épargne par rapport à l’investissement, dont la contrepartie est la nécessité
d’un recours aux capitaux extérieurs, pour financer la croissance, en particulier les investissements en infrastructures, goulet
d’étranglement traditionnel. Attirant, relativement à ses besoins, insuffisamment d’IDE et n’ouvrant que timidement ses
marchés obligataires, d’ailleurs de profondeur limitée (5.5% du Pib) aux investisseurs étrangers, l’économie indienne est
exposée à la volatilité des capitaux flottants et à des chocs de balance de paiements, que les autorités indiennes devront
prévenir dans le futur, en stimulant l’épargne domestique, les entrées d’IDE et le développement de marchés financiers
libéralisés et ouverts. Ce qui amène à une autre source de vulnérabilité : l’emprise de la bureaucratie sur l’économie indienne.
Les indicateurs usuels à cet égard tendent à montrer que l’Inde continue d’imposer à son économie, au détriment de
l’entreprise comme des consommateurs, des règlementations strictes. L’Inde occupe le 130ème rang sur 189 dans le
classement Doing Business 2016 de la Banque mondiale (un progrès de 4 places par rapport à 2015).
Selon l’Ocde, l’Inde a l’économie la plus bridée des pays examinés par cette organisation et n’a que peu assoupli ses
règles au cours des dernières années. La corruption (perçue comme très élevée mais moins qu’en Chine), souvent analysée
comme un mécanisme occulte de taxation, ajoute aux contraintes pesant sur les affaires. En outre, elle aggrave un autre défi
pour l’Inde, celui des inégalités. Inégalités sociales, dans un pays où le revenu des plus riches se compare à celui des Américains
les plus riches tandis que celui des plus pauvres les situe parmi les plus pauvres à l’échelle mondiale. Inégalités entre Etats,
l’écart se creusant entre les Etats à forte croissance (Gujarat, Haryana, Mahārāshtra, Tamil Nadu) et ceux qui sont restés à la
traîne (Bengale occidental, Uttar Pradesh, Jammu et Kashmir, Orissa). Inégalités souvent doublées de discriminations de castes
ou de religion. En Inde comme en Chine, l’enjeu des formes déborde largement de la sphère économique et conditionne la
stabilité politique. Mais, en Inde, il en va de la survivance de la plus grande démocratie du monde.
L’Inde et son environnement géopolitique
L’Asie du Sud est affectée de problèmes géopolitiques récurrents : hostilité entre Inde et Pakistan
depuis 1947, alliance entre Pékin et Islamabad contre New Delhi, implantations chinoises au Népal, au Sri Lanka, aux
Maldives et au Bangla Desh. L’Inde de Narenda Modi entend faire pièce à la montée en puissance de la Chine tant en
Asie que dans l’Océan Indien, où New Delhi défend un approche « Indo-pacifique », ensemble incluant l’Australie, le
Vietnam, l’Indonésie et Singapour ainsi que l’Afrique de l’est les diasporas indiennes relaient les investissements
de l’Inde. Vu de New Delhi, deux puissances comptent, la Chine et les Etats-Unis. Face à la première, elle a des
atouts: la démographie, l’usage de la langue anglaise, un taux de croissance supérieur à 7% (malgré ses faiblesses :
infrastructures, éducation, mases rurales paupérisées, « red tape »). Avec la deuxième, la culture du non alignement
demeure et si les Etats-Unis sont un partenaire indispensable, ce n’est pas sans prudence, car l’Inde ne veut pas
jouer le rôle de contrepoids à la Chine que les Etats-Unis lui assignent depuis G.W.Bush. L’Inde a des relations
étroites avec l’Iran et des diasporas dans le Golfe persique, dont elle dépend pour son énergie et les remises des
migrants.
Du 26/10 au 30/10 s’est tenu à New Delhi le 3 sommet Inde Afrique, en présence de 40 Chefs d’Etat sur une
base de « partenariat de développement » (25000 étudiants, 140 instituts de formation, technologies de
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l’information, réseau de télécoms sur 40 Etats: télémédecine et enseignement à distance; « grande alliance
solaire »). Les échanges Inde Afrique se montent à 70 Mds$ en 2014 (X 20 en 15 ans), soit le tiers de ceux entre le
continent africain et la Chine). L’Inde importe pétrole d’Angola et or du Ghana et exporte céréales, véhicules,
pharmacie, produits raffinés. Elle marque un intérêt stratégique pour les riverains de l’Océan Indien et un intérêt
commercial avec les firmes Godrej, Ranbaxy, Bharti (agroalimentaire, pharmacie, télécoms, auto). Elle compte sur
une diaspora de 2,7 millions et entend offrir un relais indien de croissance face au ralentissement chinois. L’intérêt
pour l’Afrique du sud est ancien et celui de l’Afrique du sud pour l’Inde plus récent (notamment dans la sphère
financière). Les autres diasporas sont dans la Silicon Valley, Toronto et Londres. Leur appui au programme de
modernisation de Narenda Modi est précieux.
Pour la France, l’Inde est un marché essentiel : Capgemini a 50% de ses effectifs en Inde ; Alstom et Areva
sont très présents, ainsi que Dassault Aviation.
Michel Foucher
Ancien Ambassadeur
Patrick Allard
Economiste
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