• Règles de prudence
Pour un sujet alcoolisé conduit dans un
service d’urgences de gré ou de force, la
période d’observation doit se poursuivre
jusqu’à ce que soient dissipés les troubles
somato-psychiques. Les manifestations
peuvent être différées, on ne connaît pas la
tolérance individuelle (les phases d’ébriété
puis de paralysie et de sommeil peuvent
encore survenir).
Bien que sa réalisation ne soit pas toujours
aisée quand le patient est agité, non
coopérant, un bilan associant ionogramme,
glycémie et alcoolémie devrait toujours être
effectué, ce qui n’est pas systématiquement
le cas, notamment dans le cadre des IPM
(ivresse publique manifeste).
• Prescriptions médicamenteuses
Dans tous les cas, le traitement préventif du
delirium tremens doit être débuté sans délai.
La prise en charge et les critères de choix
thérapeutiques s’établiront en référence
aux conférences de consensus (mars 1999-
mars 2001).
Il faut expliquer au patient l’importance
d’une hydratation maximale. La voie per
os est privilégiée, mais la voie intra-
veineuse est rapidement utilisée dès que le
sujet ne peut pas boire.
On mettra en place un traitement associant
vitaminothérapie (vitamines B1 et B6).
Dans l’IEA simple, le meilleur traitement
associe repos au calme et réhydratation
sous surveillance.
Dans les IEA pathologiques, il est nécessaire
de calmer l’agitation. Si une prise en charge
ferme, mais sécurisante et rassurante dans le
calme, ne suffit pas, un traitement médica-
menteux sera nécessaire, si possible per os,
sinon en intramusculaire.
•
•Les benzodiazépines seront utilisées par
rapport à leur efficacité, notamment dans
la prévention des crises épileptiques et du
delirium et pour contrôler les symptômes
du manque (Séresta®50, Tranxène®50).
•
•Les neuroleptiques seront préférés en cas de
troubles sévères, notamment du comporte-
ment ou d’hallucinations. On choisira ceux à
potentiel épileptogène le moins important,
seul ou en association aux benzodiazépines
(Loxapac®, Tiapridal®per os ou en I.M.).
Pour éviter des complications parfois graves,
une surveillance dans des conditions de
calme et confort sera assurée en association
aux moyens pharmacologiques et à une rela-
tion de proximité et de soutien.
La façon dont les soignants abordent le
patient détermine pour une part non
négligeable l’escalade ou l’apaisement de
la violence.
Le recours à l’isolement doit être excep-
tionnel, ainsi que la contention, qui peu-
vent majorer l’anxiété et l’agressivité.
La mise en route
d’un traitement alcoologique
La situation de crise de l’ivresse peut être
le révélateur d’une alcoolo-dépendance ou
d’une consommation abusive, qui doivent
être repérées afin de proposer une prise en
charge adaptée. À défaut d’un véritable
problème d’alcool, une ivresse doit être
l’occasion d’une prévention avec, notam-
ment, une information sur l’alcool et ses
méfaits.
Le patient qui sort, ou pire, qui fugue des
urgences après (ou même avant) avoir
“décuité” dans un “coin du service”, sans
avoir eu la moindre écoute, sans évaluation
de son rapport à l’alcool, est un patient qui
passe en vain et risque fort de revenir.
L’observation du patient alcoolisé est un
moment important qui peut être décisif
dans l’adhérence ou non à une éventuelle
prise en charge. Cette situation de crise
place face à face un sujet alcoolisé, presque
toujours non demandeur de soins, parfois
agité, et un médecin à qui il incombera de
prendre rapidement des décisions d’ur-
gence, d’ordre médical ou médico-légal.
L’admission du patient alcoolisé dans le
cadre de l’ivresse publique manifeste
(IPM), c’est-à-dire amené par la police
avec un départ rapide vers une chambre de
dégrisement, avec un certificat de non-
hospitalisation, est une situation parti-
culièrement problématique car réalisée
dans des conditions difficiles (patient sou-
vent violent encadré de policiers). Ces si-
tuations sont à l’origine de nombreux
procès contre les médecins. Certains pro-
posent de terminer la rédaction du certifi-
cat par la formule suivante : “Toutefois, la
survenue de modifications inquiétantes de
l’aspect de cette personne et, notamment,
d’une détérioration de l’état de conscience
doit la faire soumettre immédiatement à un
nouvel examen médical.”
En plus des risques médicaux accentués
par des conditions de surveillance souvent
dramatiques, il est tout à fait regrettable,
par ailleurs, que ces sujets échappent à
toute filière de soins.
Le développement des “réseaux
alcool” est essentiel
Dans tous les cas, le moment de l’hospitali-
sation d’une ivresse devrait être l’occasion
d’une rencontre utile. C’est pourquoi le
médecin doit avoir des compétences de
rapidité et d’efficacité et parfaitement con-
naître la structure de l’accueil et les filières
de soins spécialisées en alcoologie pour une
bonne cohérence du système. La création de
réseaux d’alcoologie et leur bonne connais-
sance par les intervenants des urgences sont
des éléments primordiaux si l’on veut
apporter une aide efficace à ces patients.
Premier maillon d’une prise en charge au
long cours, il s’agit d’éviter que cette rencon-
tre ne soit source d’un malentendu initial.
Cette rencontre fugace place le médecin face
à un patient qu’il ne connaît pas, en état de
souffrance aiguë, et qui ne sait pas la plupart
du temps exprimer une demande. Pourtant
l’écoute (et l’accompagnement) de ces
patients est primordiale, l’urgence d’un
coma éthylique, d’un delirium tremens est
reconnue par tous, mais l’urgence subjec-
tive, elle, est souvent niée.
Le rejet de patients qui souffrent, dont
l’ivresse, voire la violence, sont les seuls
modes d’expression pendant ce moment de
crise, ne fait qu’accentuer leur désespoir.
Même s’ils perturbent le service d’ur-
gences, le but des soignants ne doit pas
être avant tout de les faire sortir rapide-
ment, mais bien de pratiquer une clinique
humaine et savoir que cet état d’urgence
n’est qu’un temps cloisonné dans l’histoire
du patient.
L’ i vresse doit être en priorité l’occasion
d’une surveillance médicale, mais aussi,
afin d’éviter qu’ils ne passent et repassent
en vain, l’occasion pour les patients d’un
bilan psychosocial complet et surtout d’un
moment d’écoute.
Il faut souvent répondre à un patient qui
appelle au secours explicitement ou
implicitement : c’est aussi une urgence. Sa
demande peut recouvrir une dépression,
annoncer une alcoolisation prochaine,
révéler une relation pathologique à l’al-
cool.
La période d’observation est suivie d’une
phase d’évaluation où l’intoxication
Le Courrier des addictions (4), n° 4, octobre/novembre/décembre 2002