Le patient alcoolisé : un fléau oublié des urgences

Pourquoi viennent-ils
aux urgences ?
Les motifs d’admission sont
des plus variés. Le patient
peut être adressé par :
le médecin généraliste
qui est souvent en première
ligne ;
la police, suite à un scan-
dale, une violence, un état
d’agitation sur la voie
publique, chez des parti-
culiers ou à domicile :
“Dès qu’il y a violence,
c’est plutôt la police” ;
les pompiers, lorsque le
patient est étendu sur la
voie publique, ou lorsqu’il a une petite
plaie, suite à une chute ou une rixe :
“Dès que ça saigne, ce sont plutôt les
pompiers” ;
la famille ou les proches, débordés ou
excédés par une situation souvent diffi-
cile et complexe. Dans ces cas-là, le
patient n’est pas toujours coopérant ;
le patient peut venir de lui-même,
parce qu’il se sent mal ou parce que,
brutalement, il a décidé à 23 heures de
faire un sevrage en urgence !
Mais, dans de nombreux cas, l’alcoolisa-
tion aiguë n’est pas le premier diagnostic
retenu. Fréquemment, l’admission est
motivée par un traumatisme crânien (la
moitié d’entre-eux sont associés à une
prise d’alcool), une intoxication médica-
menteuse volontaire (l’alcoolémie est
positive dans la moitié des cas), un bilan
traumatique après une rixe, une agres-
sion (l’alcoolémie est positive dans 80 %
des cas), ou encore un malaise, une
chute, une sensation vertigineuse.
Quelles sont les attitudes
des soignants ?
L’attitude des soignants est en partie
dépendante de la place de la consomma-
tion de boissons alcooliques inscrite dans
la tradition culturelle française. Sa valeur
initiatique de convivialité, donc d’inté-
gration, fait en premier lieu de la prise
d’alcool un comportement social. Cette
image positive de l’alcool et de ses effets
rend difficile, pour les soignants comme
pour l’entourage familial et le patient lui-
même, la distinction entre l’usage social
adapté et une relation pathologique à l’al-
cool.
Le patient alcoolisé
arrivant aux urgences
n’est donc pas souvent
considéré comme souf-
frant, ni même comme
présentant un problème
médical. C’est seule-
ment quelqu’un qui a
trop bu, soit parce qu’il
faisait la fête – et dans
ce cas, l’ivresse est
souvent banalisée et le
retour à domicile ra-
pide –, soit parce que
c’est un “alcoolique”,
un “ivrogne”, un “habi-
tué des urgences”,
quelqu’un qui est res-
ponsable de son état et
qui vient perturber le
service, occuper un lit, voire qui coûte
de l’argent à la société. Bref, il faut s’en
débarrasser au plus vite.
Il faut reconnaître que la prise en charge
de ces patients ayant régulièrement des
troubles du comportement est souvent
problématique dans des locaux non
adaptés et par des équipes non formées.
L’attitude de rejet des équipes devant ces
patients bruyants et encombrants est
favorisée par des habitudes ou des tradi-
tions de pensée encore bien vivaces en
France à propos du traitement de l’al-
coolisme. Dans le grand public, comme
trop souvent encore dans les milieux
médicaux, la prise en charge thérapeu-
tique est considérée avec méfiance et
scepticisme, supposée vouée à l’échec (il
suffit de voir chez un même patient le
nombre d’hospitalisations à répétition
pour sevrage) et parfois même vécue
comme inutile et coûtant cher à la société.
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 10, décembre 2001 319
Le patient alcoolisé : un fléau oublié des urgences
F. Poncet* et A. Feral
* CHS Sainte-Marie, Clermont-Ferrand.
Tout médecin, tout généraliste, tout service d’urgences a
été confronté au cas du patient alcoolisé et aux pro-
blèmes que posent les troubles plus ou moins graves de la
conscience et du comportement induits par l’état d’ivresse.
L’ivresse éthylique aiguë est cliniquement retrouvée chez
environ 10 à 15 % des patients admis dans les services
d’accueil et d’urgences en France.
Ces chiffres sont éloquents sur l’ampleur du problème et le
peu de réponses que ces patients trouvent dans nos services
d’urgences (72 % ne sont pas hospitalisés et repartent sans
proposition d’aide ou de suivi). Rien d’étonnant à ce que
bon nombre d’entre eux passent en vain et reviennent
régulièrement, attendant peut-être une aide que nous n’avons
pas pu ou pas su leur apporter.
mise au point
Mise au point
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mise au point
Mise au point
L’attitude permissive ou complaisante vis-
à-vis de l’ivresse est également fréquem-
ment rencontrée, notamment chez les
patients jeunes. L’ivresse est alors consid-
érée comme synonyme de fête, et toute
éventuelle relation pathologique à l’alcool
est exclue.
Qu’est l’intoxication éthylique
aiguë (IEA) ?
Malgré le côté bien banal de cet état, le
bilan médical est important parce que,
même si on a tendance à l’oublier, l’al-
cool éthylique est un toxique. Les trou-
bles du comportement et de la vigilance
qui résultent de son ingestion aiguë se
traduisent dans le langage courant, mais
aussi dans le milieu médical, par le mot
“ivresse”. La banalisation de ce terme
expose au risque de n’induire aucune
démarche anamnestique, clinique et
thérapeutique, parce que le mot
“ivresse” n’a aucune signification de
gravité. Ce terme, trop populaire, voire
assimilé à un état plutôt agréable, devrait
être banni du langage médical.
L’ingestion aiguë d’alcool éthylique est
une intoxication aiguë. Elle devrait donc
être prise en charge et assimilée dans
l’esprit des soignants du service d’ur-
gences comme toute autre intoxication.
La désignation d’intoxication éthylique
aiguë (IEA) semble mieux convenir.
Critères diagnostiques et de gravité
de l’IEA
Le diagnostic est souvent simple.
Le DSM-IV décrit les signes de l’intoxi-
cation alcoolique – F 10.0x –
(tableau I).
Reconnaître la gravité actuelle ou poten-
tielle d’une intoxication éthylique aiguë,
est une étape indispensable qui condi-
tionne la prise en charge.
L’intoxication elle-même
Dans sa forme comateuse, le risque est
surtout celui de la survenue d’une insuff-
isance respiratoire aiguë.
Dans les formes compliquées : excito-
motrices, délirantes ou hallucinatoires, le
patient peut devenir dangereux pour lui-
même et pour les autres.
Une complication possible
Elle est toujours à rechercher. Le patient
alcoolisé est un patient à risque, car le
diagnostic des complications est rendu
difficile du fait même de l’état d’intoxi-
cation éthylique aiguë. L’examen et la
surveillance sont donc des étapes essen-
tielles, car le risque vital peut être en jeu.
Les complications les plus fréquentes à
rechercher lors de la prise en charge ini-
tiale sont les suivantes :
une inhalation ;
une crise convulsive généralisée. Si on
note une absence de réveil au bout de
30 minutes, il faut penser à une hémor-
ragie intracrânienne ;
une hypoglycémie. Bien que rare, elle est
classiquement décrite chez l’alcoolique
chronique et dénutri. Elle doit toujours être
éliminée par la glycémie capillaire ;
l’acidocétose alcoolique ;
les complications digestives, notam-
ment l’hépatite alcoolique aiguë ;
une rhabdomyolyse.
La ou les comorbidités somatiques
et/ou psychiatriques associées
Une autre affection est également à
rechercher en raison du pronostic vital
pouvant être en jeu et de sa fréquence :
50 à 60 % des intoxications éthyliques
aiguës admises dans un service d’ur-
gences sont associées à un autre état
pathologique. Il peut s’agir :
d’un traumatisme crânien. Sa recherche
sera faite à l’anamnèse (si besoin avec
l’aide des proches) et à l’examen cli-
nique : plaie du cuir chevelu, hématome
périorbitaire. La surveillance doit être
particulièrement étroite en raison du
risque de complication ;
d’un polytraumatisme ou d’un trauma-
tisme isolé, soit des membres, soit vis-
céral. Le taux d’accidents de la voie
publique chez les patients alcoolisés est
important, ainsi que les chutes ou les
accidents du travail ;
d’une autre intoxication. Les intoxica-
tions médicamenteuses volontaires sont
fréquemment associées à une prise d’alcool
qui potentialise les effets des toxiques ;
d’une infection. En cas de fièvre, on
recherchera en premier lieu une infec-
tion pulmonaire.
On ne soulignera jamais assez le con-
traste entre le rejet dont ces patients,
passant pour la énième fois, font trop
souvent l’objet dans nos services, qu’ils
perturbent, et le risque de méconnaître
une complication grave de leur état en
sous-estimant la situation.
Les formes psychiatriques
L’intoxication éthylique aiguë peut s’ac-
compagner d’aspects cliniques psychia-
triques.
Ils sont éventuellement différents selon
qu’ils sont observés chez un sujet non
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 10, décembre 2001
A. Ingestion récente d’alcool.
B. Changements inadaptés, comportementaux ou
psychologiques cliniquement significatifs – exem-
ple : comportement sexuel ou agressif inapproprié,
labilité de l’humeur, altération du fonctionnement
social ou professionnel qui se sont développés pen-
dant ou peu après l’ingestion d’alcool.
C. Au moins un des signes suivants, se développant
pendant ou peu après la consommation d’alcool :
1. Discours bredouillant.
2. Incoordination motrice.
3. Démarche ébrieuse.
4. Nystagmus.
5. Altération de l’attention ou de la mémoire.
6. Stupeur ou coma.
D. Les symptômes ne sont pas dus à une affection
médicale générale et ne sont pas mieux expliqués
par un autre trouble mental.
Tableau I.
buveur excessif, non alcoolo-dépendant
ou chez un sujet ayant une relation
pathologique à l’alcool.
L’IEA résulte de l’action d’une dose
importante d’alcool sur le système
nerveux avec un effet stimulant direct
qui précède un effet dépresseur, éven-
tuellement hypnotique.
Les manifestations liées à l’état
alcoolique sont très dépendantes de :
la dose d’alcool ingérée ;
la rapidité avec laquelle la dose a été
absorbée ;
la susceptibilité individuelle du sujet.
C’est la raison pour laquelle il est illu-
soire de faire une corrélation entre les
troubles cliniques observés et les taux
d’alcoolémie.
L’IEA simple
L’intoxication éthylique aiguë dite “sim-
ple” entraîne des modifications psy-
chologiques plus ou moins vives :
la phase d’excitation psychomotrice
s’accompagne d’une désinhibition, d’une
impression d’aisance, de brio, d’euphorie
avec une logorrhée et une incoordination
motrice. Ensuite, cette facilité de contact
et d’échanges peut laisser place à une
morosité, un spleen, une irritabilité ;
la phase dite d’“ébriété” entraîne un
état d’obnubilation intellectuelle : la
pensée s’embrouille, la mémoire est
imprécise, les propos sont incohérents. Il
s’agit d’un état confusionnel. La phase
d’ébriété s’accompagne fréquemment de
troubles des conduites instinctuelles,
émotionnelles : le sujet passe du rire aux
larmes, les sollicitations érotiques sont
fréquentes, ainsi que les attitudes provo-
cantes ou des mouvements de colère.
L’incoordination motrice est majeure.
Ces deux phases précèdent le coma qui
est un coma calme avec aréflexie et
hypoesthésie. L’odeur de l’haleine, car-
actéristique, est un guide précieux pour
le diagnostic.
Les IEA compliquées
À côté de l’IEA simple, on décrit clas-
siquement les IEA dites “pathologiques”.
Elles surviennent le plus souvent, mais
pas exclusivement, chez les sujets ayant
une relation pathologique avec l’alcool.
Il existe classiquement différentes formes :
les IEA excitomotrices : ces imprégna-
tions alcooliques aiguës sont des formes
agitées, avec impulsions verbales, motri-
ces, des décharges clastiques, une agres-
sivité qui ne trouve aucun frein, des gestes
destructeurs, saccageurs. Le passage à
l’acte va fréquemment jusqu’aux coups et
blessures, parfois jusqu’au meurtre :
l’alcool est un facteur criminogène ;
le Surmoi est soluble dans l’alcool ;
l’alcool facilite le passage à l’acte anti-
social.
On pense aux jeunes qui recherchent un
effet d’excitation dans l’alcool, qui
facilite leurs actions, leurs délits, surtout
en bande ; et, souvent, l’alcool est asso-
cié à d’autres toxiques (LSD, cocaïne,
héroïne, etc.).
Ces “ivresses” sont marquées par la vio-
lence et l’incidence médico-légale.
Les IEA avec troubles de l’humeur :
elles sont soit d’allure maniaque, soit
d’allure dépressive.
Aux symptômes d’intoxication alcoolique
aiguë peuvent s’ajouter soit une euphorie,
une logorrhée avec des idées de grandeur,
de toute-puissance, une agitation et un dis-
cours familier, soit des symptômes
dépressifs. Le risque de passage à l’acte
suicidaire est toujours à craindre.
Les IEA délirantes : elles se présentent
fréquemment sous la forme d’un état
délirant aigu à type de persécution, de
jalousie ou encore mégalomaniaque ou
d’autodépréciation délirante. Il ne faut
jamais minimiser la possibilité d’une
dangerosité vis-à-vis d’autrui ou d’un
passage à l’acte suicidaire.
L’IEA hallucinatoire : cette forme
pathologique est la plus rare. Elle com-
porte principalement des hallucinations
visuelles, le plus souvent terrifiantes,
allant de distorsions cauchemardesques
de la réalité à un véritable état hallucina-
toire. Ce tableau clinique est à dif-
férencier du delirium tremens.
Le danger de ces formes d’IEA, s’accom-
pagnant d’aspects cliniques psychia-
triques, réside donc principalement dans
la dangerosité du patient vis-à-vis de lui-
même et/ou vis-à-vis des autres. Ces
risques sont d’autant plus importants que
l’intoxication éthylique survient chez un
sujet ayant des troubles de la personnalité
ou une pathologie psychiatrique associée.
L’ alcoolisation aiguë peut venir révéler un
état dépressif constitué. L’action dépres-
siogène de l’alcool risque d’aggraver le
trouble de l’humeur préexistant et faciliter
un passage à l’acte suicidaire. Certains
patients déprimés prennent de l’alcool
pour se donner le “courage d’en finir”.
Dans les grandes séries de suicides
accomplis, on retrouve une alcoolisation
chronique dans 25 % des cas. Parmi les
causes de décès chez les alcooliques, le
suicide est retrouvé dans 5 à 25 % des cas.
Ainsi, le risque est grand que des patients
alcoolisés et/ou violents ne soient admis
au sein des urgences, et les médecins
sont de plus en plus confrontés à la prise
en charge de ces patients, ce d’autant
qu’il existe en outre, pour ces patients,
un contexte de crise, c’est-à-dire une sit-
uation interactive conflictuelle impli-
quant le sujet et son environnement. Ces
patients sont donc conduits à l’hôpital
dans une démarche autant sanitaire que
sécuritaire. Outre la dimension des soins,
avec la triple évaluation médico-psycho-
sociale, se pose la dimension plus
médico-légale, avec les aspects déon-
tologiques, législatifs, voire éthiques.
Après évaluation de la situation et en
tenant toujours compte du discours de la
famille, ces situations de violence peu-
vent nécessiter l’hospitalisation sous
contrainte, sous le mode de l’hospitalisa-
tion sur demande d’un tiers (HDT) ou de
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Mise au point
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mise au point
Mise au point
l’hospitalisation d’office (HO), qui a le
mérite de ne pas impliquer la famille
Les hospitalisations sous contrainte de
ces patients, initiées au domicile ou par
les urgences, sont croissantes. Cette psy-
chiatrisation de la dangerosité alcoolique
ne se fait pas sans poser de problèmes,
notamment quant à la demande de soins
et à l’adhésion du sujet, si nécessaire, au
projet thérapeutique. L’urgence, ici, n’est
pas alcoolique au sens du sevrage, mais
elle est d’ordre médical, psychiatrique,
social. Il s’agit de briser un cercle
vicieux, une évolution, d’entendre les
souffrances, les difficultés. Alors, l’art du
médecin consiste à profiter de ce passage,
de cette hospitalisation, même avec obli-
gation, pour susciter une prise de con-
science et aboutir à la démarche de soins.
Dans toute intoxication éthylique aiguë,
il est bien évidemment indispensable de
réaliser un examen clinique complet
ainsi qu’un bilan biologique :
Les examens biologiques : dans ce
cadre de gravité, c’est la glycémie qui
est l’examen complémentaire nécessaire.
L’ionogramme est également réalisé, et il
serait souhaitable pour le diagnostic et la
prise en charge ultérieure d’effectuer un
bilan hépatique avec transaminases,
gamma GT et CDT (Transferrine Carboxy
Deficient). Ce dosage devrait se dévelop-
per dans l’avenir si ses résultats promet-
teurs venaient à se confirmer (plus sensi-
ble et plus spécifıque que les gamma GT).
Ce bilan aidera au diagnostic éventuel
d’alcoolo-dépendance ou d’abus d’alcool.
Il pourra également être communiqué au
médecin traitant pour aider au diagnostic
et à la prise en charge dans le cas d’une
relation pathologique à l’alcool.
L’alcoolémie ou l’éthylométrie (qui n’in-
troduit pas de délai) sont habituellement
réalisées.
Les examens paracliniques : le scanner
cérébral reste l’examen essentiel et ses
indications en urgence à bien connaître si
l’on ne veut pas passer à côté d’une com-
plication neurologique, hémorragique, en
particulier à la suite d’un traumatisme
crânien récent ou semi-récent. Les prin-
cipales indications comportent les trou-
bles de la conscience durables, un signe
de localisation (déficit focalisé), des
crises partielles ou secondaires, un état
de mal, une lésion traumatique et des
signes infectieux associés.
Quelles sont les prises
en charge des aspects
psychiatriques de l’IEA ?
Les IEA avec troubles du comportement
et symptômes d’allure psychiatrique sont
celles qui perturbent particulièrement les
services d’urgences et sont de prise en
charge souvent difficile.
Examen médical complet
Nous n’insisterons jamais assez sur l’im-
portance de l’examen clinique, même
chez un patient venu aux urgences pour
les mêmes raisons le jour précédent.
Beaucoup de troubles attribués à l’alcooli-
sation aiguë peuvent être liés à une autre
cause ou à une complication (traumatique,
infectieuse, vasculaire, métabolique, etc.).
Règles de prudence
Pour un sujet alcoolisé conduit dans un
service d’urgences de gré ou de force, la
période d’observation doit se poursuivre
jusqu’à ce que soient dissipés les trou-
bles somato-psychiques. Les manifesta-
tions peuvent être différées, on ne con-
naît pas la tolérance individuelle (les
phases d’ébriété puis de paralysie et de
sommeil peuvent encore survenir).
Bien que sa réalisation ne soit pas toujours
aisée quand le patient est agité, non
coopérant, un bilan associant ionogramme,
glycémie et alcoolémie devrait toujours
être réalisé, ce qui n’est pas systématique-
ment le cas, notamment dans le cadre des
IPM (Ivresse publique manifeste).
Les prescriptions médicamenteuses
Dans tous les cas, le traitement préventif
du delirium tremens doit être débuté
sans délai.
La prise en charge et les critères de
choix thérapeutiques s’établiront en
référence aux conférences de consensus
(mars 1999 - mars 2001).
Il faut expliquer au patient l’importance
d’une hydratation maximale. La voie per
os est privilégiée, mais la voie intra-
veineuse est rapidement utilisée dès que
le sujet ne peut pas boire.
On mettra en place un traitement associant
vitaminothérapie (vitamines B1 et B6).
Dans l’IEA simple, le meilleur traite-
ment associe repos au calme et réhy-
dratation sous surveillance.
Dans les IEA pathologiques, il est néces-
saire de calmer l’agitation. Si une prise en
charge ferme, mais sécurisante et rassu-
rante dans le calme, ne suffit pas, un
traitement médicamenteux sera néces-
saire, si possible per os, sinon en intra-
musculaire.
Les benzodiazépines seront utilisées
par rapport à leur efficacité, notamment
dans la prévention des crises épilep-
tiques et du delirium et pour contrôler
les symptômes du manque (Séresta®50,
Tranxène®50).
Les neuroleptiques seront préférés en
cas de troubles sévères, notamment du
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 10, décembre 2001
Pour résumer...
Garder toujours une alcoolisation aiguë dès lors
qu’une des conditions suivantes est remplie :
fonction de relation perturbée ;
et/ou existence de complications ;
et/ou existence de lésions associées ;
–et/ou alcoolémie > 3 g/l ;
–et/ou absence de surveillance fiable à domicile
ou lieu d’habitation éloigné d’un centre hospita-
lier ;
et/ou toute EA pathologique ;
et/ou existence d’une pathologie psychiatrique
associée.
comportement ou d’hallucinations. On
choisira ceux à potentiel épileptogène le
moins important, seul ou en association
aux benzodiazépines (Loxapac®, Tiapri-
dal®per os ou en i.m.).
Pour éviter des complications parfois
graves, une surveillance dans des condi-
tions de calme et confort sera faite en asso-
ciation aux moyens pharmacologiques et à
une relation de proximité et de soutien.
La façon dont les soignants abordent le
patient détermine pour une part non
négligeable l’escalade ou l’apaisement
de la violence.
Le recours à l’isolement doit être excep-
tionnel, ainsi que la contention, qui peu-
vent majorer l’anxiété et l’agressivité.
Quelle mise en route
d’un traitement alcoologique ?
La situation de crise de l’ivresse peut
être le révélateur d’une alcoolo-
dépendance ou d’une consommation
abusive, qui doivent être repérées afin de
proposer une prise en charge adaptée. À
défaut d’un véritable problème d’alcool,
une ivresse doit être l’occasion d’une
prévention avec, notamment, une infor-
mation sur l’alcool et ses méfaits.
Le patient qui sort, ou pire, qui fugue
des urgences après (ou même avant)
avoir “décuité” dans un “coin du ser-
vice”, sans qu’il ait eu la moindre
écoute, sans évaluation de son rapport à
l’alcool, est un patient qui passe en vain
et qui risque fort de revenir.
L’observation du patient alcoolisé est un
moment important qui peut être décisif
dans l’adhérence ou non à une éventuelle
prise en charge. Cette situation de crise
place face à face un sujet alcoolisé,
presque toujours non demandeur de
soins, parfois agité, et un médecin auquel
il incombera de prendre rapidement des
décisions d’urgence, d’ordre médical ou
médico-légal.
L’admission du patient alcoolisé dans le
cadre de l’ivresse publique manifeste
(IPM), c’est-à-dire amené par la police
avec un départ rapide vers une chambre
de dégrisement, avec un certificat de
non-hospitalisation, est une situation par-
ticulièrement problématique car réalisée
dans des conditions difficiles (patient
souvent violent encadré de policiers).
Ces situations sont cause de nombreux
procès contre les médecins. Certains pro-
posent de terminer la rédaction du certi-
ficat par la formule suivante :
Toutefois, la survenue de modifications
inquiétantes de l’aspect de cette per-
sonne et, notamment, d’une détériora-
tion de l’état de conscience doit la faire
soumettre immédiatement à un nouvel
examen médical.
En plus des risques médicaux accentués
par des conditions de surveillance sou-
vent dramatiques, il est tout à fait regret-
table, par ailleurs, que ces sujets échap-
pent à toute filière de soins.
Dans tous les cas, le moment de l’hospi-
talisation d’une ivresse devrait être
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 10, décembre 2001 323
A. Mode d’utilisation inadéquat d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souf-
france cliniquement significative, caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au
cours d’une période de 12 mois :
1. Utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école,
ou à la maison (exemple : absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la sub-
stance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des tâches ménagères).
2. Utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela est physiquement dangereux (exemple : lors de
la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine, alors qu’on est sous l’influence d’une substance).
3. Problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (exemple : arrestations pour comportement
anormal en rapport avec l’utilisation de la substance).
4. Utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés
ou exacerbés par les effets de la substance (exemple : disputes avec le conjoint à propos des conséquences de
l’intoxication, bagarres).
B. Les symptômes n’ont jamais atteint, pour cette substance, les critères de la “dépendance à une substance”.
Tableau III. Abus d’une substance.
Mode d’utilisation inadaptée d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souf-
france, cliniquement significative, caractérisée par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes,
à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois :
1. Tolérance, définie par l’un des symptômes suivants :
a. besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré ;
b. effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de la substance.
2. Sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :
a. syndrome de sevrage caractéristique de la substance ;
b. la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage.
3. La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu.
4. Il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance.
5. Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance (exemple : consultation de
nombreux médecins ou déplacement sur de longues distances), à utiliser le produit (exemple : fumer sans dis-
continuer), ou à récupérer de ses effets.
6. Des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de
l’utilisation de la substance.
8. L’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique
persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance (exemple : poursuite de la prise de
boissons alcoolisées, bien que le sujet reconnaisse l’aggravation d’un ulcère du fait de la consommation d’alcool).
Tableau II. Dépendance à une substance.
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