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Quand l’Afrique crée sa chance
Synthèse de la journée de la Conférence de Rabat
sur le Développement Durable (13 avril 2016)
Résumé analytique - Executive summary
Transformer les fragilités de l’Afrique en opportunité pour construire la mutation verte du
continent. Tel a été le message délivré par la Conférence de Rabat sur le développement
durable présidée par Albert Mallet et organisée, le 13 avril, par Ahmed Baroudi, le
directeur général de la SIE, dans les locaux de l’hôtel La Tour Hassan de Rabat en présence
de Madame la Ministre de l’Environnement et envoyée spéciale pour le climat de Sa
Majesté le Roi Mohammed VI. « La bonne nouvelle, c’est que nous avons du retard » a ainsi
annoncé Hakima El Haité, la Ministre de l’Environnement du Maroc « Et que nous allons
intégrer directement la croissance verte dans nos politiques économiques et tous nos projets de
développement pour qu’ils soient durables. Le retard africain peut devenir la chance de l’Afrique ». Ce
message a été relayé par la quasi-totalité des intervenants présents qui ont d’abord fait le
constat des risques climatiques majeurs qu’encourt l’Afrique puis des espoirs suscités par
les changements constatés tant dans la façon dont les pays africains abordent leur destinée,
en particulier dans la négociation sur le climat, que dans la mutation verte engagée par
certains pionniers, comme le Maroc.
L’immensité du chantier à engager est proportionnelle aux fragilités du continent.
Car l’Afrique subit de plein fouet le changement climatique alors qu’il ne représente que
4% des émissions de C02 mondiales, en particulier le Nord et le Sud vont s’intensifier
les évènements climatiques extrêmes. 344 millions de personnes n’avaient pas accès à l’eau
potable en 2011. En Afrique, la température a déjà augmenté de 0,5°C en 50 ans. Et le
GIEC annonce + 2°C à l’horizon 2050 alors que pour le reste du monde, cette perspective
ne doit se produire qu’à la fin du siècle. En 2020, la migration climatique touchera près de
60 millions de subsahariens qui vont aller vers l’Afrique du Nord et l’Europe. Une hausse
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de 2°C de la température telle qu’elle est prévue par le GIEC génèrera une baisse de 10%
de la production agricole avec les risques alimentaires qui l’accompagnent.
Mais l’Afrique, c’est aussi une dynamique forte. Avec ses trésors cachés, comme ses 600
millions d’hectares de terres arables non cultivées, soit la moitié des terres fertiles
exploitées à l’échelle mondiale. Et une croissance économique à deux chiffres depuis dix
ans, de 5% en 2015. En bref, un creuset d’opportunités qui va bénéficier des acquis de
l’année 2015, la double chance évoquée par la Ministre. Cette année a en effet été marquée
par deux évènements mondiaux : d’abord, tous les Etats du monde ont adopté 17 objectifs
communs de développement durable. Ensuite l’Accord de Paris a posé un objectif partagé
par tous les pays de diminuer la température à 2°C. Ce qui implique de changer de modèle
de développement en allant vers les technologies sobres en carbone et les énergies
renouvelables... De nombreux canismes financiers de soutien au veloppement
durable doivent naître de l’Accord de Paris. On estime ainsi à 500 milliards de dollars par
an nos besoins pour l’adaptation. Les 100 milliards promis depuis Copenhague sont
devenus un plancher. Sur ces fonds, il y a des financements de court terme avec 10
milliards de dollars déjà disponibles. C’est donc pour les Africains le moment de faire
naître des projets. Il y a de l’argent. Une nouvelle phase commence.
Cette chance, l’Afrique se l’est créée en devenant un acteur majeur de la négociation climat
et en se forgeant une expertise commune dans un système pendant longtemps les pays
du Nord ont été les seuls à détenir l’information. Cette expertise a permis d’introduire
dans la négociation les préoccupations du continent, ce d’autant que le groupe africain
présidait le G77, le groupe des Pays les moins avancés dont la moitié sont en Afrique mais
aussi le Comité permanent des finances. Le résultat ? Un meilleur équilibre entre
l’atténuation et l’adaptation. Et la réussite du post-2020 conditionnée à une ambition pré
2020 renforcée.
La Banque africaine de développement jouera un rôle majeur dans le développement de
cette finance climatique. Fonds dédiés au climat, accompagnement de projets pour le Fonds
Vert, partenariats privés et publics pour échanger les expériences, transferts de
technologie... Le financement de la formation est également à son programme pour former
des négociateurs pour le climat et des spécialistes capables par la connaissance des marchés
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financiers de mobiliser l’investissement privé. Enfin, sa méthode d’évaluation des projets
durables est en place. Pour les projets d’infrastructures, lorsque la banque finance un
projet, elle a mis au point un cadre d’indicateurs sur son impact social et environnemental
qui permet dès sa conception même d’évaluer et de limiter sa consommation carbone.
Au-delà de la gouvernance financière, il est essentiel que les chefs d’entreprise se
mobilisent pour construire ce nouveau modèle de développement durable. Un mouvement
engagé.
Depuis les 3 dernières COPS, ces sujets sont aussi débattus par les acteurs non étatiques. Ils
imposent leur point de vue et parfois le rythme des négociations. Auparavant ils étaient à la
marge, maintenant ils rentrent dans les gociations, que ce soit des collectivités
territoriales, des ONG, des entreprises et la finance. Tous sont devenus importants car les
Etats édictent les règles mais ce sont eux qui mettent en œuvre.
Pour mettre en œuvre un développement durable en Afrique, la coopération est une clé
essentielle, notamment l’axe Sud-Sud, privilégié par le Maroc. Dans le sillage du discours
d’avril 2009 de Sa Majesté le Roi Mohammed IV qui a pocomme objectif que 42% de la
capacité de production électrique du Maroc soit issue des énergies renouvelables en 2020,
désormais fixé à 52% en 2030, le pays a mis les bouchées doubles en matière de transition
verte. Trois projets de 2 Gigawatt chacun ont été lancés pour atteindre cet objectif,
notamment la plus grande centrale solaire au monde à Ouarzazate, qui donne au Maroc une
visibilité au plan mondial. Programmes privés dans toutes les régions, pour des petites
capacités, valorisation énergétique des déchets, bâtiment durable, avec le programme sur
les 15 000 mosquées, le plan national est multiforme. La recherche innovante est
également dynamique. Le Maroc expérimente l’agrivoltaïque, un procédé qui permet de
fournir de l’ombre aux plantes avec des panneaux solaires et d’augmenter la productivité
de chaque plante de 30%. Autre innovation pour laquelle le Maroc s’est associé avec la
France et la Chine : le projet Flying Whales. Des dirigeables qui peuvent transporter à des
prix low cost jusqu’à 60 tonnes de fret à 120 Km/heure, ce qui permet d’exploiter des
ressources sans attendre la construction d’infrastructures lourdes pour les atteindre, qu’il
s’agisse de bois ou d’autres produits.
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En matière de développement durable, la mutualisation des moyens et des idées permet de
gagner ce temps si précieux dont ne dispose plus l’Afrique face au réchauffement. Comme
au Gabon, avec l’agence de l’observation spatiale des forêts d’Afrique centrale qui couvre
23 pays du continent. Elle peut faire de l’anticipation des effets climatiques sur les forêts,
mesurer les avancées de l’exploitation et les conséquences sur le climat.
Dans les transports, le réseau africain SITRAS rassemble 11 équipes africaines et travaille
avec les équipes françaises de IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des
Transports, de lAménagement et des Réseaux) et du LAET (Laboratoire Aménagement
Economie Transport - Lyon). Ensemble, ils ont pu constater que l’Afrique avait les coûts
de transports les plus élevés du monde et réfléchir avec les bonnes données sur la mutation
d’un secteur très émetteur de CO2. A Dakar, le gouverneur de la ville a demandé aux
propriétaires des transports urbains de se regrouper en GIE pour avoir accès à un
financement bonifié de la Banque mondiale et du gouvernement, et a réorganisé le secteur.
Jamais l’Afrique n’a eu autant de cartes en main pour s’engager dans le développement
durable en misant sur la rentabilité et la compétitivité de ses projets plutôt que de rester
dans une position de victime. Elle n’a d’ailleurs pas le choix car l’aide publique est en
régression. Et comme l’ont rappelé les jeunes élèves de terminale du lycée André Malraux
de Rabat qui avaient travaillé avec leurs professeurs d’économie, d’histoire-géographie et
de mathématiques à la préparation de cette journée, « la transition écologique est une
opportunité d’innover, de créer une économie plus respectueuse de l’environnement et plus égalitaire ».
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Quand l’Afrique crée sa chance
Synthèse de la journée de la conférence de Rabat
sur le développement durable (13 avril 2016)
(Synthèse détaillée)
Transformer les fragilités de l’Afrique en opportunité pour construire la mutation verte du
continent. Tel a été le message délivré par la Conférence de Rabat sur le développement
durable présidée par Albert Mallet et organisée, le 13 avril, par Ahmed Baroudi, le
directeur général de la SIE, dans les locaux de l’hôtel La Tour Hassan de Rabat en présence
de Madame la Ministre de l’Environnement et envoyée spéciale pour le climat de Sa
Majesté le Roi Mohammed VI. « La bonne nouvelle, c’est que nous avons du retard » a ainsi
annoncé Hakima El Haité, la Ministre de l’Environnement du Maroc. « Et que nous allons
intégrer directement la croissance verte dans nos politiques économiques et tous nos projets de
développement pour qu’ils soient durables. Le retard africain peut devenir la chance de l’Afrique ». Ce
message à la fois tonique et paradoxal sur fond de préparation de la COP 22 en novembre à
Marrakech a été relayé par la quasi-totalité des intervenants qui ont d’abord fait le constat
des risques climatiques majeurs qu’encourt l’Afrique puis des espoirs suscités par les
changements constatés tant dans la façon dont les pays africains abordent leur destinée, en
particulier dans la négociation sur le climat, que dans la mutation verte engagée parmi eux
par certains pionniers, comme le Maroc ou l’Afrique du Sud.
I Le diagnostic
L’immensité du chantier à engager est proportionnelle aux fragilités du continent. Comme
l’a expliqué M. Taoufik Mouline, Directeur de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques,
« l’Afrique subit de plein fouet le changement climatique alors qu’il ne représente que 4% des
émissions de C02 mondiales, en particulier le Nord et le Sud où vont s’intensifier les évènements
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