CONFERENCE LABORATOIRE M2C - 10/03/2014 "La gouvernance internationale du climat : bilan et perspectives " Par Lucien Chabason, Institut du développement durable et des relations internationales, Sciences Po, Paris Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a été créé en 1988, à la demande des pays du G7, par deux organismes des Nations Unies : l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). L’idée était de créer un groupe d’experts indépendants traitant de la problématique climatique : le réchauffement climatique existe-t-il ? Quelles sont ses causes (dont celles naturelles)? Quels sont les risques induits? Et quelles réponses possibles ? La mise en place du GIEC s’inscrit dans un contexte où se développe la paléoclimatologie, science étudiant les variations climatiques passées (ex : à partir de la radioactivité présente dans les bulles d’air,…). L’étude de la physico-chimie de l’atmosphère monte également en puissance. A la fin des années 1980, les gouvernements doivent déjà faire face à deux grandes problématiques environnementales : le trou de la couche d’ozone et les pluies acides. En effet, il est constaté une forte baisse de l’ozone dans l’atmosphère au-dessus des pôles, dont l’émission des gaz chlorés et fluorés serait entre autres responsable (CFC). Le protocole de Montréal est alors signé en 1987 pour imposer la suppression de leur utilisation. Par ailleurs, en 1981, il est publié en couverture du magazine allemand Spiegel une image de forêts dépérissant, dont l’empoisonnement serait lié aux pluies acides, liées aux émissions de dioxyde de soufre (SO2) et d’oxydes d’azote (NOx). Des mesures sont alors entreprises : désulfuration de combustibles, installation de pots catalytiques,… Pour ces deux sujets, on peut noter les réactions des gouvernements, au nom du principe de précaution, et ce malgré l’absence de certitude démontrée sur les liens de cause à effet. A cette époque, est ressenti un certain optimisme sur les questions environnementales, qui s’explique par la grande réversibilité possible sur les deux situations précédentes : les actions entreprises ont un effet retour relativement rapide. Mais la question climatique qui émerge laisse entrevoir un phénomène plus complexe que les précédents et présentant une plus grande inertie : si on agit demain, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne sera pas visible à court terme. De plus, les solutions techniques efficaces ne sont pas encore connues. Le GIEC est alors créé pour aborder la question du réchauffement climatique. La question de la part de responsabilité de l’homme commence également à se poser. En 1990 paraît le livre « Gros temps sur la planète » (par J.C. Duplessy et P. Morel) qui s’intéresse aux impacts des émissions anthropiques sur le climat. Le GIEC fait état des questions à partir des travaux scientifiques existants mais n’a pas vocation à faire de la recherche. Il s’organise en trois groupes de travail : - Groupe 1 : il est chargé d’étudier les principes du changement climatique - Groupe 2 : il réalise les scénarios permettant de déterminer les impacts du changement climatique - Groupe 3 : il recherche les scénarios permettant d’atténuer le changement climatique et d’accéder aux états désirés. Quatre rapports ont été publiés en 1990, 1995, 2001 et 2007. Le cinquième est en cours (1er volume sorti à la fin septembre 2013). Le rapport précédent fut sujet à polémique en raison de la reprise d’éléments transmis par WWF, sans vérification, conduisant à la remise en cause de la fiabilité de l’état des lieux réalisé et à la montée en puissance des climato-sceptiques. Le 1er rapport avait en revanche été bien accueilli. Après sa publication en 1990, le PNUE eut l’idée de créer une convention qui aboutit au sommet de Rio en 1992. Juridiquement, les pays sont sur un même pied d’égalité dans les années 1990 et sont favorables à cette coopération internationale. Désormais l’optimisme n’est plus le même, en raison de la complexité et de l’inertie du phénomène constatées. Tout l’enjeu est de réussir à traiter la question globale du changement climatique à partir de niveaux de responsabilité historique différents : les pays industrialisés sont considérés comme responsables par les pays moins avancés, qui souhaitent conserver le droit de réaliser à leur tour leur propre révolution industrielle. La question d’équité est majeure mais difficile à aborder en raison des contextes politiques et financiers différents des pays. Présentation de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) Il s’agit d’un traité pouvant être complété au fil du temps par des annexes. Cette convention cadre comprend 26 articles. Les points à retenir de cette convention cadre sont les suivants : - En introduction : Les pays y reconnaissent la part de responsabilité de l’homme dans le réchauffement climatique. Plus largement, les motivations communes des différents pays sont listées. - Article 1 : Les pays conviennent de définitions communes pour pouvoir communiquer sur les mêmes notions - Article 2 : L’objectif de la convention est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau acceptable, c’est-à-dire tel que les effets sur le système climatique ne seraient plus dangereux. - Article 3 : • Est exposé le principe de responsabilité commune mais différenciée selon les pays : ils sont considérés juridiquement sur un pied d’égalité mais leur obligation reste en réalité différente selon leur niveau de responsabilité historique et leur capacité financière. A noter que pour réduire le trou de la couche d’ozone, les pays africains ont reçu des aides leur permettant entre autres de changer leurs technologies de réfrigération. Ils n’étaient pas en capacité de payer les substituts aux CFC • • - Le principe de précaution est également évoqué, avec une approche économique : la diversité des contextes socio-économiques doit être prise en compte. La convention ne doit pas imposer pour autant de mesures discriminatoires sur le plan du commerce international. Article 4 : Les engagements sont listés. Article 7 : La conférence des parties est décrite. Il s’agit de l’organe suprême de la Convention. Article 17 : Il est possible d’adopter des protocoles à la Convention, comme ce fut le cas du protocole de Kyoto. Zoom sur le protocole de Kyoto : Signé en 1997, il est entré en vigueur en 2005 avec la ratification par la Russie. L’objectif est la réduction de 5,2% sur la période 2008-2012 par rapport à 1990 des émissions des 40 pays les plus industrialisés. Il est différencié par pays. Au moment de son adoption, la Grèce, l’Espagne et l’Irlande ne sont pas encore aussi développées et restent autorisées à augmenter leurs émissions. L’objectif de la France est de stabiliser ses émissions. Pour l’Allemagne, une réduction est demandée. Des mécanismes se développent alors pour atteindre les engagements. L’idée est soit d’éviter la pollution, soit de payer le recours à la réparation. Un système de permis d’émissions est mis en place. Les pays de l’Annexe B du Protocole de Kyoto se voient attribuer des quotas d’émissions, comptabilisés en tonnes équivalent CO2 : chaque pays reçoit autant d’Unités de Quantité Attribuée (UQA) que son objectif d’émissions de gaz à effet de serre lui permet. Ces UQA peuvent être cédées d’un Etat à l’autre. Est également mis en œuvre le Mécanisme de Développement Propre (MDP) visant à favoriser les investissements dans les pays en développement : lorsqu’un pays de l’annexe B investit dans un projet de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans un pays situé hors annexe B, il reçoit en contrepartie des Unités de Réduction Certifiée d’Emissions (URCE), exprimées en équivalent CO2. Aujourd’hui le système a perdu de son efficacité en raison de la chute du prix du Carbone sur le marché (près de 3 dollars aujourd’hui contre 30 à 50 dollars par le passé). Le prix du carbone ne parvient effectivement plus à orienter les investissements. Pour conclure : La situation actuelle nous montre les difficultés de négociation sur un sujet aussi global et mondial. En 2009 était attendu de la conférence de Copenhague un second accord de type Kyoto. Mais les négociations ont échoué. En 2012, le Canada s’est même retiré du protocole de Kyoto. Quant aux Etats-Unis, ils ne l’ont toujours pas ratifié. La Chine, ayant à l’origine un statut de pays en développement dans le protocole, n’a pas de réduction d’émission imposée et ne s’est aujourd’hui pas encore engagée dans des objectifs de réduction d’émissions, bien que le pays soit devenu le plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Un accord universel est attendu en 2015 pour la 21ème Conférence des Parties. Il nécessitera la prise de nouveaux engagements plus contraignants pour réussir à limiter la hausse de la température mondiale à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. A lire ! la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique le Protocole de Kyoto téléchargeable sur internet via le lien http://unfccc.int/resource/docs/convkp/ convfr.pdf téléchargeable sur internet via le lien http://unfccc.int/resource/docs/convkp/ kpfrench.pdf Gros temps sur la planète par Jean-Claude Duplessy et Pierre Morel, 1990, éditions Odile Jacob Repères - Chiffres clefs du climat - France et Monde, édition 2014 par le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie et l’équipe recherche de CDC Climat http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rep__Chiffres_cle_climat_2014.pdf