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Blow Up: un regard anthropologique
Author : Pierre Eugène
Date : 31 août 2010
Dans cet excellent livre sur le cinéma et ses rapports avec l’anthropologie, foisonnant et
remarquablement intelligent, Thierry Roche développe une étude comparée de deux
disciplines. Plus qu’une étude cinématographique de Blow Up|critique du film Blow-Up
d’Antonioni, et plus qu’une analyse de films ethnologiques, ce livre est un véritable
manifeste pour une création cinématographique nouvelle.
Le projet de tirer le cinéma vers d’autres domaines des sciences humaines (psychanalyse,
sociologie, littérature, philosophie) n’est pas nouveau, mais il est rare de voir des études qui ne se
rabattent pas sur les spécificités même du cinéma, le réduisant au pire à un objet illustratif, au
mieux (et parfois brillamment) en examinant ses fondements psychologiques, sociologiques etc. à
l’œuvre. Mais sur ce que peut le cinéma, pour une discipline donnée, peu de penseurs se
penchent. Godard comparait le cinéma à un instrument scientifique : il y a le microscope (pour
l’infiniment petit, ou plutôt, le trop petit pour être vu), et le télescope (pour le trop grand ou le trop
lointain) ; à l’échelle humaine, nous avons le cinéma, qui permet aussi de voir, par le biais de son
appareil, la caméra, ce qui ne peut être vu à hauteur d’homme. C’est exactement ici le propos de
Thierry Roche : montrer ce que le cinéma peut apporter à l’anthropologie, dont il interroge (avec
Evans-Pritchard, dans la conclusion) la pertinence en tant qu’art (art/science de l’homme, d’où
ses liens avec le cinéma).
Le livre de Thierry Roche est double : à chaque chapitre d’étude de Blow Up|critique du film Blow-
Up répond un chapitre sur des films anthropologiques. L’auteur ne cherche jamais à fondre son
propos, et mettre tous les films sur le même plan. C’est au contraire par une analyse de détails
(un chapitre passionnant, p.79, s’attache d’ailleurs à cette notion de détail), que s’ébauche la
définition d’un cinéma anthropologique. Thierry Roche crée (avec l’aide de penseurs convoqués,
notamment Merleau-Ponty) des idées applicables dans sa discipline, pas des lignes directrices,
des choses à faire, mais des nuages de points pertinents. Ainsi se développent les analyses de
concepts : ceux de distance (trouver la bonne distance, rester à distance, distance de perception),
de fiction, de cadre et de hors-champ, de détails (dans leur mode de visibilité, dans leur rapport au
sens), d’intervalle (le vide, le creux, l’écart, le jeu).
Le propos est humaniste, et le cinéma comme l’anthropologie peuvent être définis comme des
humanités, un rapport à l’autre, qui est en fait une question plus générale de rapport au sens. Un
sens qui se construit, non sur le mode d’une scientificité soit disant objective, mais au contraire via
une expérience sensible, qui inclut le regard de tous les acteurs d’un film : « Le confort du
spectateur n’existe pas pour Vertov, le film et sa compréhension sont le fruit d’un travail construit
à plusieurs. Chacun est responsable de sa part, le réalisateur, le spectateur, les “acteurs” du film,
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