es farces constituent un pan essentiel de l’Histoire du théâtre. Elles ont enchanté Rabelais et inspiré Molière. Elles offrent aujourd’hui un
formidable témoignage sur la société médiévale et ses travers. Dans les farces que nous présentons, se joue l’affrontement sans cesse renouvelé
des nigauds et des roublards, des filous et des nigauds, des naïfs et des cyniques, où les rôles s’échangent et se renversent brutalement, car
« à trompeur, trompeur et demi ».
Apparue sous l’Antiquité, la farce est un genre théâtral à part entière qui s’épanouit en France entre le XVe et le XVIIe siècle. Intimement liée au
Carnaval au cours duquel les interdits sont temporairement levés, la farce puise ses racines et sa force comique dans le péché de chair et celui de
gourmandise. Des têtes couronnées au paysan, du bourgeois au marchand, nul n’est épargné et nul ne reste insensible à ces facéties joyeuses tournant
en dérision les travers d’une société sur laquelle pèse la religion avec sa cohorte d’interdits et d’obligations.
Ces farces étaient interprétées lors des foires et des fêtes populaires, en plein air sur des tréteaux, comme en témoignent ces deux représentations :
Cortège d'une noce campagnarde
, Brueghel l’Ancien, vers 1489
Recueil d’airs profanes et sacrés
, anonyme, vers 1542
« On verra s’ébattre ou s’affronter les couples d’autrefois, de l’accorte ménagère rudoyant son soûlaud de mari à la douce jouvencelle cajolant son
barbon. Curés paillards, amants trouillards, nobliaux vantards et sergents gueulards, c’est tout un monde qui ressurgit devant nous avec une verve
comique d’une surprenante modernité »
nous apprend Bernard Faivre, auteur de la préface d’un recueil de farces médiévales.
« La structure de base de la farce, c’est de parvenir à tromper l’autre, rappelle Michel Corvin dans son dictionnaire encyclopédique du Théâtre. La
farce est un univers de trompeurs et de trompés : maris perpétuellement dupes des manèges de la femme et de son amant ; boutiquiers victimes des
ruses des mauvais payeurs ; valets qui se vengent d’une humiliation ; matamores se faisant mutuellement peur ; badins demeurés qui croient le
premier hâbleur venu ».
En somme, c’est toute la société médiévale qui se retrouve chamboulée : le bas domine le haut, la femme dompte l’homme, l’homme d’Eglise devient
paillard, le seigneur se fait rosser par le valet, etc. Comme le mentionne Michel Corvin, « parenthèse festive, la farce est la revanche des instincts et
des pulsions sur les préceptes éthiques. D’où son amoralisme tranquille : jamais un scrupule, rarement un remords. Sa seule morale, c’est qu’il est
juste de tromper un trompeur ».
[ Sources : Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du Théâtre, aux éditions Larousse-Bordas, 1998 / Bernard Faivre, Les farces - Moyen Âge et Renaissance, aux éditions de l’Imprimerie
Nationale, 1997 / Charles Mazouer, Le Théâtre français au Moyen Âge, aux éditions Sedes, 1998 / Agnès Pierron, Dictionnaire de la langue du Théâtre, aux éditions Le Robert, 2002 ]