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A
«socialiste» Rocard: «on ne peut pas
accueillir toute la misère du monde».
A Paris, la première évaluation est
faite par la PAOMIE, que l’ASE sous-
traite au prestataire France Terre
d’Asile (FTDA), lequel n’a d’associa-
tion que le statut juridique, son ob-
jectif réel n’étant pas d’aider les MIE
mais de faire reconnaître le plus de
jeunes comme majeurs, conformé-
ment à la commande... Les délais
d’attente pour un entretien y sont
longs, pouvant durer plusieurs mois.
Normalement, il faut appliquer au
jeune une présomption de minorité
qui permet une mise à l’abri d’ur-
gence en attendant l’entretien. Sauf
que cette année, le nombre de mises
à l’abri d’urgence a été bien inférieur
au nombre de MIE présents, toute
une partie se retrouvant à la rue et
sans ressources en attendant l’entre-
tien. De plus, une très grande majori-
té des jeunes, après avoir attendu, se
retrouve le plus souvent reconnue
comme majeure.
A l’aide d’associations, les jeunes
font alors des recours contre la PAO-
MIE au tribunal. Cependant, les juges
peuvent être également complices de
la machine à exclure. Les deux prin-
cipales méthodes de vérification de
la minorité auxquelles ils ont recours
sont : les tests osseux, élaborés nor-
malement pour détecter et traiter les
retards de croissance et utilisés ici à
contre-emploi, et dont le caractère
arbitraire a été dénoncé en 2005 par
le défenseur des Droits ; les exper-
tises documentaires, demandant aux
MIE de s’échiner pour récupérer des
pièces d’identité, actes de naissance,
certificats de scolarité d’eux-mêmes
et de leurs parents, pour qu’on leur
rétorque à chaque fois que ceux-ci
sont peut-être des faux ! Le résultat
de la machine à exclure est que des
centaines de MIE à Paris (et des mil-
liers dans toute la France) se re-
trouvent à la rue, soit en attendant
leur entretien PAOMIE soit en attente
de recours ou jugés majeurs, et dans
le dénuement le plus complet.
Dominique Versini (ex-RPR, ex-UMP,
ex-MODEM, maintenant au PRG...),
adjointe à la Solidarité de la maire PS
de Paris Anne Hidalgo, promet une
« refonte » de ce système. Mais on
voit mal comment cela pourrait
l’améliorer, le but étant toujours le
même... Lors des rendez-vous obte-
nus par le «collectif du 127» avec des
représentants de la Mairie (dont ceux
l’Anticapitaliste
N°65 MAI
de Ian Brossat, adjoint PCF au loge-
ment), leur communication, bien
huilée, est toujours la même : « La
Mairie de Paris s’occupe parfaitement
bien des mineurs, quant aux majeurs ils
relèvent de la compétence de l’Etat».
Prenons pourtant un cas très parlant
de « dysfonctionnement », un « cas
isolé » selon la Mairie : celui d’Ah-
med. Forcé par sa famille à travailler
dans le bâtiment, il refuse et reçoit
un coup dans l’œil. Après son arrivée
en France, il fréquente la PAOMIE du-
rant deux mois, avec un bandage de
fortune recouvrant une plaie puru-
lente ; les rapports de la PAOMIE ne
portent pourtant aucune mention de
son état de santé, considéré donc
comme « satisfaisant » ; croisé par
une militante du collectif, celle-ci
l’emmène à l’hôpital où il subit une
ablation de l’œil gauche...
LA CONSTITUTION ET L’ACTIVITÉ
DU COLLECTIF
C’est en remarquant des attroupe-
ments de jeunes jour et nuit, dans le
froid glacial, devant la PAOMIE (au
127 boulevard de la Villette, Paris 10e)
que des militants ont décidé de
constituer le collectif en décembre,
avec pour but de parer aux besoins
les plus pressants des jeunes mais
également de dénoncer l’hypocrisie
de la Mairie de Paris et de l’Etat et
d’exiger que ceux-ci prennent leurs
responsabilités.
D’un côté, il a fallu mettre en place
une série de solutions temporaires
nécessaires à la survie quotidienne
des MIE, et qui ont rendu tout simple-
ment possible la lutte. Dès le début,
les associations (comme le « 115 du
particulier »), soutenues financière-
ment par le collectif, ont mis en place
devant la PAOMIE une distribution
de repas le midi puis celle d’un goû-
ter, tous les jours dès fin décembre.
Suite à une première occupation d’un
gymnase quai de Jemmapes et aux
premiers rassemblements organisés
tous les dimanches devant la PAO-
MIE après la réunion du collectif, la
Ville de Paris a débloqué des places
en gymnase pour les MIE, mais cer-
tains des jeunes dirigés vers ces
gymnases trouvaient porte close et
on leur opposait leur sur-occupation.
Les militants ont donc accompagné
drait étudier l’hôtellerie-restaura-
tion et Massoud être ingénieur. Mo-
hamed, plus jeune, n’a pas forcément
une idée précise, mais il veut étudier,
c’est pour cela qu’il a risqué sa vie.
Pourquoi ne pas être partis plus tard,
une fois adultes ? Les problèmes fa-
miliaux (décès des parents, rema-
riages, conflits familiaux) y ont été
pour beaucoup. Ken est congolais,
son père s’est remarié et sa belle-
mère l’a tout simplement mis dehors
à 16 ans. Ces jeunes sans ressources
et sans liens familiaux en France
vont devoir faire face à tout le poids
d’un système dont le seul but est de
nier leur droit à une existence digne.
Lorsque les MIE arrivent en France,
ils doivent être dirigés vers les ser-
vices de l’ASE, qui s’occupent de la
prise en charge. Cependant, l’ASE est
devenue une véritable machine à ex-
clure les jeunes en les considérant
comme majeurs, ne relevant dès lors
plus de ses compétences, dans un
contexte à la fois de politiques austé-
ritaires, où le social n’est qu’une va-
riable d’ajustement, et d’une poli-
tique de contrôle des flux migratoires
justifiée par la vieille rengaine du