Introduction à la pensée économique de l`Islam du VIlle au XVe siècle

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Introduction
à la pensée économique
du VIlle au XVe siècle
de l'Islam
Histoire et Perspectives Méditerranéennes
Collection dirigée par Jean-Paul Chagnollaud
Dans le cadre de cette collection, créée en 1985, les éditions
L'Harmattan se proposent de publier un ensemble de travaux concernant le
monde méditerranéen des origines à nos jours.
Déjà parus
Mohammed MOUAQIT, L'idéal égalitaire féminin à l'œuvre au Maroc,
2009.
Naaman KESSOUS, Christine MARGERRISON, Andy STAFFORD,
Guy DUGAS (dir.), Algérie: vers le cinquantenaire de l'Indépendance.
Regards critiques, 2009.
Philippe GAILLARD, L'Alliance. La guerre d'Algérie du général
Bellounis (1957-1958), 2009.
Jean LÉVÊQUE, Unereddition en Algérie 1845, 2009.
Chihab Mohammed HIMEUR, Le paradoxe de l'islamisation et de la
sécularisation dans le Maroc contemporain, 2008.
Najib MOUHT ADI, Pouvoir et communication au Maroc. Monarchie,
médias et acteurs politiques (1956-1999), 2008.
Ahmed KHANEBOUBI, Les institutions gouvernementales sous les
Mérinides (1258-1465),2008.
Yamina BENMA YOUF, Renouvellement
social, renouvellement
langagier dans l'Algérie d'aujourd'hui, 2008.
Marcel BAUDIN Hommes voilés etfemmes libres: les Touareg, 2008.
Belaïd ABANE, L'Algérie en guerre. Abane Ramdane et les fusils de la
rébellion, 2008.
Rabah NABLI, Les entrepreneurs tunisiens, 2008.
Jilali CHABIH, Lesfinances de l'Etat au Maroc, 2007.
Mustapha HOGGA, Souveraineté, concept et conflit en Occident, 2007.
Mimoun HILLALI, La politique du tourisme au Maroc, 2007.
Martin EVANS, Mémoires de la guerre d'Algérie, 2007.
Tarik ZAIR, La gestion décentralisée du développement économique au
Maroc,2007.
Lahcen ACHY et Khalid SEKKAT, L'économie marocaine en questions:
1956-2006,2007.
Jacqueline SUDAKA-BENAZERAF, D'un temps révolu: voix juives
d'Algérie,2007.
Valérie ESCLANGON-MORIN, Les rapatriés d'Afrique du Nord de 1956
à nos jours, 2007.
Ramon Verrier
Introduction
à la pensée économique
du VIIr au XVe siècle
Préface de Omar Akalay
L'Harmattan
de l'Islam
@ L'Harmattan,
2009
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion. [email protected]
harmattan [email protected]
ISBN: 978-2-296-09077-4
EAN : 9782296090774
A mon épouse
Le va et vient à la recherche du savoir
est préférable pour Dieu au combat sur la voie de Dieu.
Hadîth (Dârimi, Sunan)
Remerciements
Je remercie les économistes de l'équipe de recherche du GERCIE
(Groupe d'Etudes et de Recherches sur la Coopération Internationale et
l'Europe) de l'UFR Droit, Economie et Sciences Sociales de Tours pour
leurs remarques sur une première version de la première partie du livre, et
notamment Saïd Souam pour ses commentaires et sa patience à toute
épreuve lors de la lecture de la totalité du texte.
Mes remerciements vont aussi, et tout particulièrement, à Omar
Akalay, l'auteur de l'ouvrage « Une brève histoire de la pensée économique
en Islam du 8ème au 12ème siècle », pour le temps qu'il a bien voulu me
consacrer, ses commentaires avisés, et surtout pour m'avoir donné l'envie de
prospecter un domaine de l'histoire de la pensée qui ne m'était pas familier
et qui s'est révélé passionnant. Je ne saurai oublier également Mohamed
Diouri, directeur de l'IGA du Maroc, pour les encouragements qu'il n'a
cessé de me prodiguer afin de mener à bien ce livre. Je remercie enfin
Pascale Garcia pour l'aide précieuse qu'elle m'a apportée lors de la mise en
forme de cet ouvrage.
Les erreurs
responsabilité.
et
omlsslOns
éventuelles
restent
de
ma
seule
SOMMAIRE
PREFACE DE OMAR AKALA y
Il
INTR 0 DUCTI ON GENERALE
15
PREMIERE PARTIE:
19
CHAPITRE
1.
2.
3.
I RETOUR SUR LE "GRAND VIDE"
21
Le maillo n ign 0ré
Le détou r in utile
Les contributions sur l'histoire de la pensée islamique
CHAPITRE
1.
2.
UNE PENSEE ENCORE MECONNUE
II LES SOURCES DE LA PENSEE
ECONOMIQUE DE L'ISLAM
41
Les sources traditionnelles
Les sources littéraires
DEUXIEME PARTIE:
CHAPITRE
42
51
LES AUTEURS ET LEURS PENSEES
I LES PRECURSEURS
22
26
35
(VIIr-IXj
57
61
62
1. Ibn AI-Muqaffa ou comment s'enrichir
2. Abu Yousuf ou « trop d'impôt tue l'impôt»
67
3. AI-Jâhiz ou comment conserver sa fortune et redistribuer les
4.
5.
ri chesses?
Ibn Hanbal ou les idées d'un théologien - jurisconsulte
AI-DimashqÎ ou les mérites du commerce
CHAPITRE
1.
2.
3.
4.
(Xe_XIIe)
81
AI-FârâbÎ ou solidarité et spécialisation dans la cité
Ibn Sînâ / Avicenne ou comment gérer sa vie domestique
Miskawayh ou la recherche du juste milieu
AI-Birûni ou un autre précurseur de Malthus
84
86
89
95
II
ENRICHISSEMENT
ET SOCIETE
70
73
74
5.
6.
7.
AI-Mawardi ou comment soutenir le califat et l'activité
éco nom iq ue
Ibn Hazm ou "à chacun selon son travail"
Kay Kavus ou conseils d'économie domestique
CHAPITRE
1.
2.
3.
4.
5.
6.
2.
3.
ET PRATICIENS DES PRIX
AI-Ghazâlî ou Ordre Naturel et ordre économique et social.
AI-Turtûshi ou pas de prospérité sans justice ni sécurité
Ibn Rushd / Averroès ou économie de marché et théologie...
Les muhtasibs andalous ou les praticiens du marché
Ibn Taymiya ou économie de marché et rôle de l'Etat
Ibn AI-Qayyim ou le vulgarisateur d'Ibn Taymiya
CHAPITRE
1.
III THEORICIENS
(XIIe-XIIIe)
98
102
105
IV ECONOMIE ET DYNAMISME DES SOCIETES
(XIve-XV)
109
111
125
130
136
141
150
155
Ibn Khaldûn ou l'économie, facteur et résultante de l'évolution
des sociétés
.157
Al- Tilimsani ou la mauvaise monnaie et l'inflation
206
AI-Maqrîzî ou la mauvaise monnaie chasse la bonne
209
CON CL USI ON GENERALE
223
Préface
L'étude de la pensée économique en Islam n'a pas intéressé les
enseignants chercheurs de par le monde. Pourtant les pays et territoires
acquis à la nouvelle religion étaient plus étendus que l'empire romain. Leurs
habitants ont été confrontés aux problèmes posés par l'essor commercial.
Plusieurs penseurs ont écrit sur les nouveaux défis économiques qui se
posaient à ce gigantesque ensemble.
Il est vrai que pendant ce temps qui va du Vnème au Xnème siècle, il ne
s'écrivait pas grand chose en Europe sur ce sujet. C'est pourquoi l'histoire
de la pensée économique s'arrêtait à Tacite (55 ans après J. C.) et reprenait
avec saint Thomas d'Aquin au Xnème siècle.
Cependant François Perroux, économiste français du XXèmesiècle, a
pressenti ce rôle. Sa thèse de doctorat d'Etat qu'il a présentée en 1926,
s'ouvre sur un verset coranique mis en exergue: «Malheur à ceux qui
pèsent à faux poids ». Placé dans son contexte coranique ce verset signifie
qu'en matière de transactions, l'honnêteté de comportement est le principe
fondateur général.
Les économistes musulmans ont essayé de définir l'honnêteté et
d'élaborer ses règles d'application théoriques et pratiques.
L'élaboration des règles pratiques a donné naissance à un savoir
nouveau, celui des économistes de terrain. Ce sont essentiellement des juges
qui ont eu à connaître des litiges issus des transactions commerciales. Ils ont
une longue expérience de toutes les fraudes possibles sur la quantité et la
qualité des marchandises ainsi que sur leur prix; ils distinguent le prix
apparent du prix réel et mettent à jour les profits tirés de la corruption. Ils ont
publié le récit de leurs expériences afin d'informer les consommateurs et les
producteurs qui interviennent dans le marché. Voici pour l'approche
pragmatique de l'économie.
12
INTRODUCTION
A LA PENSEE ECONOMIQUE
DE L'ISLAM
Les règles théoriques ont été élaborées par les exégètes religieux et les
philosophes. Ces règles font partie de la morale pour les premiers et de
l'éthique pour les seconds.
Exégètes et philosophes qui se disputaient sur tout, faisaient preuve
d'une étonnante unité de vue dès lors qu'il s'agissait de l'économie de
marché. Ils se sont efforcés de répondre à la question: comment faire
fonctionner l'économie de marché au plus grand profit de tous?
Ceux de l'an 1000 ont répondu à cette question en énonçant les règles
de la liberté en matière d'information, de concurrence, de circulation et des
prix. Ces règles supposent une monétarisation croissante de l'économie.
Fidèles en cela à la pensée d'Aristote, les économistes musulmans font de la
monnaie l'instrument de l'égalité et de la justice en matière de transactions.
Et pour cela, ils dénoncent le troc comme contraire à l'égalité.
Cette égalité désirée des conditions des intervenants sur le marché va
loin: elle ne tient pas compte des inégalités juridiques entre l'homme et la
femme prévues par la loi. En matière de transactions, l'égalité et la liberté
sont assurées. L'impressionnante convergence de vue entre exégètes et
philosophes ne va pas sans quelques nuances: Miskawayh (932-1009),
philosophe, avance l'idée que le marché ne crée pas toujours l'égalité entre
les riches et les pauvres. Il préconise un transfert de revenus des riches vers
les pauvres. Exégète religieux, Mawardi (974-1058) fait interdiction aux
pouvoirs publics de créer un déficit budgétaire.
Ces règles théoriques avaient cependant vieilli. Au Xnème siècle,
Ghazali (1058-1111), exégète religieux, entend les renouveler. C'est ainsi,
par exemple, qu'il supprime théoriquement l'esclavage et le travail gratuit. Il
ajoute de nouvelles catégories relevant du marché; elles concernent le
transport et le stockage. Il crée ainsi la notion, inexistante alors, des services
marchands.
Par contre Ibn Rushd (Averroès, 1126-1198) s'est contenté de relever
le vieillissement et l'inadéquation des règles théoriques de l'économie. Il n'a
pas cru, à l'inverse de Ghazali, à leur possible régénération.
Préface
13
Deux siècles plus tard, Ibn Khaldoun (1332-1406), formé à la
discipline d'Ibn Rushd, tranche le lien entre la religion et l'économie; il fait
de celle-ci une science humaine et invente la sociologie économique.
Le livre « Introduction à la pensée économique de l'Islam du VIT/me
au dme siècle» de Ramon Verrier, a le mérite de défricher ce terrain revenu
à l'état sauvage. Les nombreux penseurs qu'il évoque dans cet ouvrage ont
conforté, par leurs écrits, l'économie de marché qui avait totalement disparu
de l'empire romain défunt. Ces exégètes religieux, ces philosophes, ces
économistes de terrain dont Ramon Verrier exhume la pensée économique,
ont connu en leur temps, un grand succès de librairie quand l'imprimerie
n'existait pas. Ils sont, pour la plupart d'entre eux, totalement oubliés.
L'essai de Ramon Verrier les ressuscite en quelque sorte. C'est une
démarche scientifique appréciable.
Omar AKALA Y
Casablanca, le Il août 2003
INTRODUCTION
Qu'en est-il de la réflexion de l'Islam dans le domaine économique au
cours des siècles qui ont suivi son avènement? Cette réflexion a-t-elle même
existé?
Le lecteur intéressé par ce sujet risque d'être fort déçu et embarrassé
s'il cherche de quoi satisfaire rapidement sa curiosité. Rares sont les
ouvrages d'économie politique ou même d'histoire de la pensée économique
qui traitent ou font référence à ce thème, suivant en cela la "tradition" dite de
1.A. Schumpeterl. Son « Histoire de l'analyse économique2» fait en effet
état d'un "grand vide" de la pensée économique au cours de la période
s'étendant de l'antiquité grecque jusqu'au Moyen Age de saint Thomas
d'Aquin. Or, plus personne aujourd'hui ne met en doute ce que les
musulmans de cette période ont apporté à la civilisation en matière
d'astronomie, de mathématiques, de physique, de chimie, de médecine, de
philosophie, de lettres, d'histoire ou de géographie. N'y aurait-il donc qu'en
économie où leur contribution aurait été à ce point insignifiante pour être
passée sous silence? La question mérite bien d'être posée et examinée.
Dans les années 1950, la redécouverte par l'Occident de l'œuvre d'Ibn
Khaldûn (1332-1406) a fait prendre conscience à la communauté scientifique
qu'il n'était peut-être pas le seul auteur arabo-musulman à s'être intéressé à
des problèmes économiques et sociaux. L'examen des textes arabes de
l'Islam montre, par exemple, que la loi de l'offre et de la demande n'avait
plus de secrets, ou presque, pour un Ibn Taymiya (1263-1328) ou un AlTilimsani (XIye_Xye), que la "mauvaise monnaie chassait la bonne" disait
déjà Al-Maqrîzi (1364-1442), ou encore que nombre d'auteurs, comme AlMuqaffa (720-756/757), Abu Yousuf (731-798), Al-Mâwardi (974-1058), et
16
INTRODUCTION
A LA PENSEE ECONOMIQUE
DE L'ISLAM
bien d'autres d'ailleurs, avaient constaté que "trop d'impôt tuait l'impôt" par
exemple. Pourtant, au jour d'aujourd'hui encore, on peut dire avec
F. Oualalou3 que « peu de penseurs arabes ont eu le privilège de trouver leur
place dans les manuels de l 'histoire de la pensée économique ».
Dès le VIlle siècle de l'ère chrétienne4, le monde musulman a connu
de grands penseurs pour lesquels l'économie, à défaut d'être au centre de
leurs préoccupations, n'était cependant pas totalement étrangère à leur
réflexion. Même après le tournant du XIIIe siècle, lorsque l'innovation
intellectuelle était de plus en plus mal acceptée, l'économie fut
magistralement abordée par des auteurs comme Ibn Khaldûn ou Al-Maqrîzi.
Qui étaient donc les hommes qui, du VIlle au XVe siècle, ont traité de sujets
économiques? Quelles pouvaient bien être leurs idées, voire leurs théories
dans ce domaine? Tel est l'objet de cette étude qui propose surtout un
premier recensement, non exhaustif, des principaux auteurs arabomusulmans, et de leurs idées économiques.
Toutefois, la connaissance de la pensée économique de l'Islam n'est
pas une entreprise aisée pour au moins deux raisons: l'une est l'obstacle de
la langue, l'autre relève de la spécificité même de la pensée arabomusulmane. En ce qui concerne l'obstacle de la langue, celui-ci peut être
surmonté grâce aux traductions des textes des principaux auteurs réalisées
jusqu'à ce jour. Il n'en demeure pas moins que l'économiste non arabisant
verra son travail limité, d'abord quantitativement par l'existence des
traductions, et qualitativement ensuite par l'exactitude de celles-ci qui
parfois, de l'avis des spécialistes, rendent difficilement compte du contenu
du texte original. Cependant, la spécificité de la pensée musulmane est le
problème le plus important. En effet, la pensée de l'Islam ne dissocie pas les
différentes composantes de la vie humaine. Temporel, spirituel et religieux
ne font qu'un. Les sciences, et l'économie entre autres, ne sauraient être
interprétées sans références aux valeurs religieuses et éthiques des auteurs.
Un découpage isolant les aspects économiques d'une œuvre risque donc de
faire perdre le sens de l'ensemble, et de livrer une interprétation quelque peu
tronquée de l'auteur. Mais traiter le problème dans sa globalité, revient à
réserver la tâche à un économiste arabisant, islamologue, féru de philosophie
et également spécialiste de théologie et de civilisations anciennes,
s'adressant essentiellement à des lecteurs culturellement identiques pour
l'apprécier... A défaut de ces qualités, faut-il pour autant renoncer d'emblée
à une "lecture économique" de quelques uns des textes des plus grands
penseurs de l'Islam? Quand bien même l'éclairage théologique et religieux
viendrait à nuancer certaines interprétations, il n'en demeure pas moins que
la connaissance de l'autre commence par ce que l'on peut comprendre de ses
Introduction
17
écrits ou de son message. Le lui faire savoir serait évidemment le
complément idéal de cette démarche. Mais l'histoire de la pensée
économique n'est-elle pas, après tout, « intrinsèquement interprétative»
comme l'expriment S.M. Ghazanfar et A.A. Islahi5? Alors, pourquoi,
renoncer à un premier pas dans la connaissance des auteurs arabomusulmans qui se sont penchés sur l'économie, en dépit du fossé culturel et
temporel nous séparant de leurs œuvres? C'est la raison pour laquelle, à
défaut d'une petite histoire de la pensée économique, ce livre propose une
simple initiation à la pensée économique de l'Islam du VIlle au XVe siècle.
A cette fin,
.
.
la première partie reviendra sur la méconnaissance de la pensée
économiquede l'Islam,
la deuxième partie traitera des auteurs arabo-musulmans et de leurs
idées économiques.
Première partie
UNE PENSEE
ENCORE MECONNUE
Malgré les efforts entrepris par quelques auteurs depuis les années
soixante, la pensée économique de l'Islam demeure encore de nos jours
relativement, pour ne pas dire largement, méconnue. La langue française
accorde au terme de "méconnaissance" plusieurs significations parfaitement
applicables au problème qui nous occupe.
La méconnaissance de la pensée économique de l'Islam peut d'abord
résulter d'un défaut de connaissance, c'est-à-dire d'une absence de
renseignements sur l'existence de cette pensée. Dans cette acception du
terme, le pourquoi et le comment sont très liés puisqu'ils mettent en cause
les mécanismes concrets de transmission de la pensée au cours du temps.
Mais par ailleurs, méconnaître c'est aussi "ne pas tenir compte". Le
problème est alors plus grave, car il peut mener à un jugement de valeur
toujours critiquable. Certes, des raisons d'ordre pratique peuvent conduire à
laisser de côté certains domaines de la connaissance. Mais au-delà, on est en
droit de se demander si la pensée économique de l'Islam n'a pas été
mésestimée, autrement dit, non appréciée à sa valeur? C'est pourquoi, il ne
semble pas tout à fait inutile de revenir sur la thèse du "grand vide".
20
INTRODUCTION
A LA PENSEE ECONOMIQUE
DE L'ISLAM
Panni les obstacles possibles à la connaissance de la pensée de
l'Islam, il convient peut-être de tenir compte de l'investissement dans un
mode de pensée qui n'est pas familier à l'économiste non arabisant, même si
la période scolastique européenne pennet d'en donner un premier aperçu. De
plus, au delà de la doctrine et de la religion, il existe une pluralité de sources,
culturelles, traditionnelles, littéraires, dont la connaissance semble également
préalable à un examen, fut-il bref, de la pensée économique de l'Islam.
Cette première partie, introductive à l'examen de la pensée des
auteurs, revient donc sur les deux points suivants:
.
.
un retour sur la thèse du "grand vide" (chapitre 1),
les sources de la pensée économique de l'Islam (chapitre 2).
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