SBT I SCIB I SPINTEC I SPRAM I SPSMS I SP2M SOMMAIRE N°585 CONSOLIDER LES BOIS ARCHÉOLOGIQUES : LA RMN PORTE CONSEIL DOTRIACONTAPOLE, OU L’ORDRE CACHÉ DE URu 2 Si 2 RÉVÉLÉ PAYSAGES DU GOÛT distinction Aurélie Lefrançois, doctorante au laboratoire d’électronique moléculaire, organique et hybride du SPrAM, fait partie des 25 lauréates de la session 2012 des bourses L’OréalUnesco pour les femmes et la science. Cette distinction récompense ses travaux sur la synthèse de nouveaux nanocristaux semi-conducteurs sans métaux toxiques (cuivre-indium-soufre) destinés notamment à absorber les photons solaires et conduire les électrons dans des cellules solaires. Le laboratoire étudie depuis plusieurs années des matériaux hybrides (mélanges organique-inorganique) pour la conversion photovoltaïque par des dispositifs en couches minces, faciles à mettre en œuvre et flexibles. La bourse de 15 000 euros a été remise à A. Lefrançois le 8 octobre 2012 au Palais de la Découverte. Dès le lendemain, elle partait pour un mois dans un laboratoire de Hong-Kong dans le cadre d’une collaboration avec son laboratoire. Ces bourses constituent le volet français du programme international « For Women in Science », fondé en 1998 et décliné dans près de 50 pays. Le programme national soutenu par la Commission française pour l’Unesco et l’Académie des sciences, et sous le patronage de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, a pour objectif premier de promouvoir et de soutenir l’accession des femmes aux carrières scientifiques et aux postes les plus élevés. Unités associées à ressources INAC a obtenu un beau succès lors des appels à projets européens 2012 : 9 nouveaux projets ont été sélectionnés dont 3 en coordination (NEST, SPOT et MOSAIC). Ces projets sont financés à 75% du coût complet. Ils permettent de renforcer nos liens avec nos partenaires européens privilégiés, dont le Centro de Investigación en Nanociencia y Nanotecnología (CIN2, Barcelone), et le Karlsruher Institut für Technologie (KIT, Karlsruhe). fête de la science Les stands INAC présents sur le Parvis des Sciences à Minatec n’ont pas désemplis samedi 13 octobre. La supraconductivité expliquée par Charlène Tonnoir et Benoît Roche, du SPSMS, et la chimie des métaux pour l’énergie et la santé, présentée par le SCIB sous la coordination de Christelle Gateau et Yves Chenavier, ont retenu l’attention d’une grande partie des 1200 visiteurs de la journée, accueillis dans un espace scénographié par le CCSTI. Le SCIB était également présent le vendredi pour l’accueil des collégiens et lycéens (600 visiteurs), et animait sous la coordination de Christine Saint-Pierre un autre stand jeudi et vendredi pour les scolaires sur l’interface chimie-biologie à l’IBS. FEUILLE ROUGE LA octobre 2012 N° 586 SBT I SCIB I SPINTEC I SPRAM I SPSMS I SP2M inac.cea.fr résonances magnétiques CONSOLIDER LES BOIS ARCHÉOLOGIQUES : LA RMN PORTE CONSEIL Contact : Michel Bardet – SCIB – [email protected] Nous avons utilisé la RMN solide du 13C à haute résolution pour comprendre et optimiser le processus de consolidation des bois archéologiques gorgés d’eau par imprégnation de polyéthylène glycol (PEG). Nous avons montré que le PEG crée dans un premier temps des interactions moléculaires fortes avec les polymères lignocellulosiques résiduels, restaurant ainsi la tenue du bois. Mais du PEG en excès, non stabilisé par ces interactions, est finalement néfaste pour l’objet restauré. L’étude des bois archéologiques a démarré il y a plus de dix ans en collaboration avec ARC-Nucléart. Les bois ayant longtemps séjourné dans l’eau présentent des dégradations sélectives : les hémicelluloses sont dégradées en premier puis les celluloses de manière plus ou moins importante alors que les lignines demeurent très résistantes. La technique utilisée est la mesure du temps de relaxation des protons T1ρH, à partir des spectres RMN du 13C enregistrés en phase solide. T1ρH peut être considéré comme caractéristique d’un ensemble de protons appartenant à un même système de spins en couplage dipolaire fort. Ainsi pour un mélange de deux polymères on retrouve les T1ρH de chaque polymère analysé séparément ; en revanche s’ils forment un alliage moléculaire on mesure un T1ρH spécifique. C’est ainsi que nous avons montré pour la première fois que le PEG interagit au niveau moléculaire avec les fibrilles de cellulose, « rempla- Morphologies de bois archéologiques imprégnés par des solutions de PEG 4000 de concentration croissante (% massique). De fortes exsudations blanches de PEG sont clairement visibles aux plus hautes concentrations çant » les hémicelluloses et rétablissant ainsi les propriétés dynamiques du réseau moléculaire endommagé de la paroi cellulaire. Ensuite, les imprégnations successives augmentent la concentration en PEG dans le bois. Plus éloigné des polymères résiduels du bois, ce PEG est moins bien retenu. Par ailleurs, compte tenu de son affinité pour l’eau (humidité ambiante), il peut être exsudé du matériau archéologique, même longtemps après la restauration des objets. Ceci est extrêmement dommageable pour une présentation dans un musée. Nous concluons qu’il est inutile d’utiliser des solutions d’imprégnation en PEG de concentration supérieure à 10 % dans le cas de bois archéologiques peu dégradés. fermions lourds DOTRIACONTAPOLE, OU L’ORDRE CACHÉ DE URu 2 Si 2 RÉVÉLÉ Contact : Eric Ressouche -- SPSMS -- [email protected] Le composé URu2Si2 fait l’objet de nombreuses études car la nature de sa transition de phase à T0 = 17,5 K demeure mystérieuse malgré plus de 20 années d’intenses recherches. Nos mesures effectuées par diffraction de neutrons montrent qu’elle implique des moments multipolaires. Le composé intermétallique à électrons fortement corrélés URu2Si2 est l’un des composés d’uranium supraconducteurs. Outre la transition supraconductrice observée à 1,2 K, une seconde transition est présente à T0. Cette dernière est facilement mise en évidence par des techniques expérimentales macroscopiques variées comme les mesures de chaleur spécifique, résistivité électrique, dilatation thermique, susceptibilité magnétique…, mais aucune signature de cette transition n’est détectée par des techniques microscopiques comme la diffraction des rayons X ou des neutrons. Certains modèles théoriques suggèrent que cette transition est associée à un ordre multipolaire de rang élevé. Rappelons qu’une transition magnétique usuelle correspond à un ordre de moments dipolaires, c’est-à-dire multipolaires de rang 1. En collaboration avec l’Institut Néel, nous avons mesuré, par diffraction de neutrons polarisés à l’ILL, la densité d’aimantation d’un échantillon monocristallin de ce composé soumis à un fort champ magnétique appliqué suivant l’axe c de la structure tétragonale. La répartition de Projection selon l’axe cristallin c de la densité d’aimantation induite par un champ Bext = 9,6 T parallèle à c de part et d’autre de T0. Pour référence la position des atomes d’uranium (vert) et de ruthénium (rouge) est indiquée. l’aimantation change au voisinage des atomes d’uranium: en dessus de T0, elle est allongée suivant les axes a et b, alors qu’en dessous elle est étirée à 45° de ces axes (Fig.). La rotation de la densité d’aimantation au passage de T0 s’explique par l’action d’un opérateur sur la fonction d’onde de l’état fondamental de champ électrique cristallin de l’ion uranium. Cet opérateur, appelé dotriacontapole, est le produit de 5 opérateurs de spin. Nous donnons ainsi la première preuve expérimentale que l’ordre caché est associé à des moments multipolaires de rang 5. biocapteurs PAYSAGES DU GOÛT Contact :Yanxia Hou-Broutin - SPrAM - [email protected] De la même façon que les nez électroniques sont capables d’analyser des gaz (odeurs), les langues électroniques sont dédiées à l’analyse des liquides et trouvent de plus en plus d’applications dans l’agroalimentaire, l’environnement et la santé. Ces dispositifs s’inspirent des processus physiologiques du goût, à partir de capteurs intégrant différents composés, souvent longs à fabriquer. Avec l’IBS et l’Université Paris-Sud, nous avons mis au point une méthode novatrice qui simplifie grandement la conception de ces langues électroniques, en nous inspirant de la façon dont des protéines sont reconnues par les héparanes sulfates (sucres complexes naturels) présents à la surface des cellules. Nous utilisons une méthode combinatoire évitant la préparation de nombreuses molécules différentes comme il est fait classiquement pour les langues électroniques. Nous utilisons seulement deux petites molécules (Fig. 1), que nous mélangeons avec des proportions variables. Imaginons par exemple que l’on fabrique onze de ces mélanges (typiquement le premier avec 10% de molécule 1 et 90% de molécule 2, etc.) Des gouttes de chacune de ces onze solutions sont déposées sur un substrat. Elles créent ainsi un réseau de plots ou capteurs par auto-assemblage des molécules en monocouche. Profils et paysages Les récepteurs combinatoires ne sont pas spécifiques d’une cible particulière (au contraire des biopuces classiques à ADN). La langue artificielle produit en contact avec un liquide à « goûter », un ensemble de onze signaux qui constitue la signature (le goût) du produit testé. On obtient ainsi un « profil 2D ou 3D » caractéristique (Fig. 2). Par exemple, nous Fig. 1 : Les 2 briques de base BB1 et BB2 sont des disaccharides. avons pu avec cette langue et ses onze plots distinguer des chimiokines de structures très voisines. Si plusieurs protéines sont présentes simultanément dans le produit à tester, le «goût» du mélange peut être décomposé en ses composantes individuelles et chaque protéine reconnue. Pour l’instant nous avons obtenu avec succès la signature du vin, du lait, de la bière. Nous avons aussi suivi le vieillissement de certains produits comme le lait. Nous avons vu que deux molécules produisent onze récepteurs combinatoires pour onze signaux. En passant de 2 à 3 molécules différentes dans la composition des plots, on multiplie par 6 le nombre de récepteurs Fig. 3 : Schéma du système de détection de la langue électronique. La solution contenant les protéines est apportée par la cellule microfluidique au voisinage des différents plots de la langue (Fig. 2). Les molécules adsorbées modifient les conditions d’absorption de la lumière produisant, en temps réel, une image SPR. combinatoires distincts et on affine d’autant la sensibilité de la langue pour reconnaitre des protéines très similaires. Détection La détection du signal est réalisée par une technique déjà connue mais jamais utilisée dans ce domaine, l’imagerie par résonance de plasmons de surface (SPRi) ; le substrat est un prisme optique recouvert d’une fine couche d’or dans laquelle les mouvements collectifs des électrons (plasmons) sont modifiés chaque fois qu’une protéine s’adsorbe sur l’un des capteurs. Cette modification est mesurée optiquement. Les avantages de cette technique sont nombreux : pas besoin de marqueur fluorescent ou radioactif, lecture en parallèle et en temps réel de tous les plots (Fig. 3). Fig. 2 : Profil et paysage du goût. Un profil continu (en bas à droite) de la chimiokine CXCL12-a est construit par l’évolution de la réflectivité mesurée par SPRi en fonction du % relatif des deux briques de base constituant les plots. Grâce à la faculté de mesure en temps réel de la technique SPRi, on peut également construire un paysage 3D (en haut à droite) qui reflète les cinétiques d’adsorption et de désorption protéine/plot. Ceci fournit un élément de discrimination supplémentaire, utile notamment pour l’analyse des mélanges. Grâce à sa simplicité, cette nouvelle approche pourrait conduire au développement de langues artificielles fiables et peu onéreuses, pour l’agroalimentaire, l’analyse de l’environnement ou le domaine de la santé. LA FEUILLE ROUGE - N° 586 octobre 2012 - inac.cea.fr/feuille_rouge Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès, H. Ulmer-Tuffigo (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), L. Dubois (SCIB), N. Luchier (SBT), S. Lyonnard (SPRAM), G. Prenat (SPINTEC), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33 INSTITUT NANOSCIENCES ET CRYOGÉNIE Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives - Direction des Sciences de la Matière - Centre de Grenoble