Qu'est-ce qu'une indulgence ? De façon très simplifiée, qui risque d'être simpliste. Le pécheur qui demande
le pardon montre sa sincérité en changeant de conduite envers Dieu et envers les autres, en dédommageant
ceux à qui il a fait du tort, ce n'est pas toujours possible, ou cela peut être très long, pendant ce temps, le
pécheur a l'assurance du pardon de Dieu mais il n'est pas réintégré dans la communauté que son péché a
blessée, on peut y substituer d'autres marques de pénitence : secours des plus démunis, mais aussi dons
pour des fondations d'hôtels Dieu, c'est-à-dire d'hôpitaux ou contribution à ce que nous appellerions l'action
humanitaire et que l'on nommait "œuvres de pénitence". Ce ne sont en aucun cas ces dons qui obtiennent le
pardon de Dieu ! Ils permettent "par indulgence" de raccourcir le temps d'attente pour être réadmis dans la
communauté.
C'est là que tout se complique ! Tous le savaient "on ne peut servir à la fois Dieu et l'argent" (Lc 16,13) et
pourtant il se produit un amalgame entre appel aux dons (pour construire St Pierre de Rome) et œuvres de
pénitence.
La notion d'indulgence qui n'est déjà pas simple, est très vite mal comprise, mêlée de superstition dans la
piété populaire. Au lieu d'y remédier, certains prédicateurs provoquent et entretiennent eux-mêmes cette
confusion pour faire rentrer l'argent. Certains jouent sur la peur de l'enfer très présente à cette époque.
Ce commerce est scandaleux et Luther n'est ni le premier ni le seul à s'indigner de ces pratiques, mais
sans doute est-il un des seuls à avoir à la fois les connaissances théologiques et la notoriété (comme
professeur de théologie à l'université, comme et moine et prêtre connu pour sa rigueur et sa ferveur) à
pouvoir le faire.
Car sa réforme est d'abord théologique et consiste à affirmer que le salut n'est pas à vendre, il nous est
offert par grâce. C'est un rappel, pas une théorie nouvelle, Saint Paul ne dit pas autre chose "C'est par grâce
que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, vous n'y êtes pour rien, c'est le don de Dieu. Cela ne vient pas
des œuvres afin que nul n'en tire orgueil" Eph. 2,8-9, (c'est loin d'être le seul texte sur le sujet mais il est
très beau et il faut lire d'affilée les 2 premiers chapitres de la lettre aux Éphésiens pour goûter
l'émerveillement de Paul devant cette découverte de l'amour de Dieu).
Ce thème était très cher à Luther, même si c'est dans la lettre de Paul aux Romains qu'il avait d'abord trouvé
l'apaisement, quand, moine fervent mais inquiet, il vivait dans l'angoisse du salut.
Malheureusement, devant lui, il a trouvé beaucoup plus des politiques que des théologiens.
La hiérarchie catholique ne pouvait pas approuver toutes les affirmations de Luther, c'était discutable et
destiné par Luther lui-même à être discuté. Si elle a réagi aussi violemment c'est en bonne partie pour des
raisons politiques et économiques,: mais aussi sans doute parce que Luther pouvait être considéré comme
un modèle du "bon chrétien catholique", un des "enfants de l'Église" parmi les plus fervents, les plus
brillants, les plus sérieux et un des meilleurs théologiens, elle se sentait trahie.
Ses étudiants, les paroissiens de Wittenberg et bien d'autres suivaient Luther, ils ont quitté l'Église
catholique quand il en a été exclu. Elle se mit à les persécuter pour de multiples raisons auxquelles les
princes n'étaient pas étrangers.
Ensuite on assiste à un durcissement de part et d'autre, du besoin de se différencier. Les textes du concile de
Trente (que pourtant Luther avait appelé de ses vœux) et autres textes catholiques de l'époque sont marqués
par cette raideur, ce besoin de se démarquer et de préserver son identité.
La politique y ayant une grande part, cela déclencha les guerres de religion.