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Dispute de l'unité sur la Réforme 1517-2017
La dispute de l'unité est cette année un peu spéciale car en 2017, nous célébrons le 500e anniversaire de la
réforme de Luther. Ma première question sera : que signifie "réforme" pour un ou une catholique ?
Ma recherche est d'abord déçue : "Réforme" est un terme à peu près introuvable dans les textes officiels,
ceux du magistère. Au moins jusqu'au décret sur l'œcuménisme du concile Vatican II (Unitatis redintegratio
chap 2).
Mais était-il plus fréquent dans la Bible ? On pourrait le penser car il y a des réformes célèbres comme celle
de Josias (2Rois chap 22et 23) ou celle d'Esdras et Néhémie (cf livres d'Esdras et de Néhémie) et les
prophètes appellent chacun, à commencer par les rois, à réformer sa conduite.
Eh bien, non ! Les traductions peuvent varier mais, au moins dans la T.O.B, le mot "réforme" n'apparaît
qu'une fois en Actes 24,2 et il s'agit de réformes politiques, une fois aussi seulement le verbe "réformer"
dans la bouche des amis de Job, pour lui dire que cela ne sert à rien (job 22,3)
Ainsi, l'absence du terme n'empêche pas que dans la réalité il y ait des réformes;
De même, dans l'Église catholique, la chose existe, quand aux termes ils s'y trouvent mais ailleurs :
Réformer, se réformer et des termes proches comme renouvellement, rénovation, conversion, changement,
appartiennent aux auteurs spirituels et mystiques.
Que réforme-t-on ? Les mœurs, les attitudes, les façons de penser, de comprendre, de lire l'Écriture … cela
peut concerner un domaine, un ordre religieux ou toute l'Église.
Depuis les origines et l'Église "indivise" des premiers siècles
À l'assemblée de Jérusalem : on permet aux non juifs d'adhérer à la "Voie" sans passer par les exigences de
la Torah. (Ac 15)
D'autres réformes ont suivi mais …nous n'allons pas raconter toute l'histoire des conciles
L'Église d'orient et celle d'Occident, avant d'être officiellement séparées ont opéré des changements, des
réformes, parfois de détail mais chacune de son côté. Elles ont fini par devenir étrangère l'une à l'autre
jusqu'à la rupture.
A la rupture de 1054, le sac de Constantinople, ajoutera l'horreur du massacre et du pillage, on pourrait
parler plutôt d'une "non-réforme" du comportement des croisés qui s'était bien dégradé et avait bien oublié
l'esprit chevaleresque!
La Réforme dont nous célébrons l'anniversaire cette année, celle de Luther a été un traumatisme pour
l'Église catholique et le fait que nous célébrions ensemble cet anniversaire n'était pas prévisible au
début du siècle dernier, et il est encore considéré par certains non comme une réforme mais comme
une révolution.
Quelques notes sur l'histoire : Quand Luther (ou un de ses étudiants) affiche ses 95 thèses sur la porte de
l'église de Wittenberg, il ne s'agit pas du tout d'un acte agressif comme des tags ! Il les a envoyées à
l'archevêque-électeur Albrecht de Brandebourg, il agit comme un universitaire et un clerc qu'il est. La
coutume de faire connaître ses thèses et de les proposer à la discussion par affichage était commune (le
papier était rare) ce n'était pas destiné au grand public, c'était en latin et surtout, en dehors des clercs, les
gens ne savaient ni lire ni écrire ni même signer leur nom.
Il s'agissait de thèses de théologie, il s'agissait de la grâce de Dieu et de notre salut, pas seulement des
indulgences, mais leur commerce avait été le déclencheur.
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Qu'est-ce qu'une indulgence ? De façon très simplifiée, qui risque d'être simpliste. Le pécheur qui demande
le pardon montre sa sincérité en changeant de conduite envers Dieu et envers les autres, en dédommageant
ceux à qui il a fait du tort, ce n'est pas toujours possible, ou cela peut être très long, pendant ce temps, le
pécheur a l'assurance du pardon de Dieu mais il n'est pas réintégré dans la communauté que son péché a
blessée, on peut y substituer d'autres marques de pénitence : secours des plus démunis, mais aussi dons
pour des fondations d'hôtels Dieu, c'est-à-dire d'hôpitaux ou contribution à ce que nous appellerions l'action
humanitaire et que l'on nommait "œuvres de pénitence". Ce ne sont en aucun cas ces dons qui obtiennent le
pardon de Dieu ! Ils permettent "par indulgence" de raccourcir le temps d'attente pour être réadmis dans la
communauté.
C'est là que tout se complique ! Tous le savaient "on ne peut servir à la fois Dieu et l'argent" (Lc 16,13) et
pourtant il se produit un amalgame entre appel aux dons (pour construire St Pierre de Rome) et œuvres de
pénitence.
La notion d'indulgence qui n'est déjà pas simple, est très vite mal comprise, mêlée de superstition dans la
piété populaire. Au lieu d'y remédier, certains prédicateurs provoquent et entretiennent eux-mêmes cette
confusion pour faire rentrer l'argent. Certains jouent sur la peur de l'enfer très présente à cette époque.
Ce commerce est scandaleux et Luther n'est ni le premier ni le seul à s'indigner de ces pratiques, mais
sans doute est-il un des seuls à avoir à la fois les connaissances théologiques et la notoriété (comme
professeur de théologie à l'université, comme et moine et prêtre connu pour sa rigueur et sa ferveur) à
pouvoir le faire.
Car sa réforme est d'abord théologique et consiste à affirmer que le salut n'est pas à vendre, il nous est
offert par grâce. C'est un rappel, pas une théorie nouvelle, Saint Paul ne dit pas autre chose "C'est par grâce
que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, vous n'y êtes pour rien, c'est le don de Dieu. Cela ne vient pas
des œuvres afin que nul n'en tire orgueil" Eph. 2,8-9, (c'est loin d'être le seul texte sur le sujet mais il est
très beau et il faut lire d'affilée les 2 premiers chapitres de la lettre aux Éphésiens pour goûter
l'émerveillement de Paul devant cette découverte de l'amour de Dieu).
Ce thème était très cher à Luther, même si c'est dans la lettre de Paul aux Romains qu'il avait d'abord trouvé
l'apaisement, quand, moine fervent mais inquiet, il vivait dans l'angoisse du salut.
Malheureusement, devant lui, il a trouvé beaucoup plus des politiques que des théologiens.
La hiérarchie catholique ne pouvait pas approuver toutes les affirmations de Luther, c'était discutable et
destiné par Luther lui-même à être discuté. Si elle a réagi aussi violemment c'est en bonne partie pour des
raisons politiques et économiques,: mais aussi sans doute parce que Luther pouvait être considéré comme
un modèle du "bon chrétien catholique", un des "enfants de l'Église" parmi les plus fervents, les plus
brillants, les plus sérieux et un des meilleurs théologiens, elle se sentait trahie.
Ses étudiants, les paroissiens de Wittenberg et bien d'autres suivaient Luther, ils ont quitté l'Église
catholique quand il en a été exclu. Elle se mit à les persécuter pour de multiples raisons auxquelles les
princes n'étaient pas étrangers.
Ensuite on assiste à un durcissement de part et d'autre, du besoin de se différencier. Les textes du concile de
Trente (que pourtant Luther avait appelé de ses vœux) et autres textes catholiques de l'époque sont marqués
par cette raideur, ce besoin de se démarquer et de préserver son identité.
La politique y ayant une grande part, cela déclencha les guerres de religion.
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Pourtant, il y a eu une réforme de l'Église catholique avec le concile de Trente. Réforme des mœurs de la
société et du clergé. Elle venait trop tard.
Ses rigidités, une prudence qui confine à la méfiance, un attachement aux habitudes, pas seulement dans la
hiérarchie mais aussi chez les fidèles ont conduit à nommer ce mouvement "contre réforme" moins à cause
de son contenu qu'en raison de son style,
Ce n'est pas la seule réforme, l'Église catholique n'en a pas manqué.
Pour n'en citer que quelques unes : D'abord celles des ordres religieux, celle des bénédictins avec Bernard de
Clairvaux, du Carmel avec Jean de la Croix et Thérèse d'Avila (non sans difficultés, Jean de la Croix a
même été emprisonné par ses propres frères et Thérèse d'Avila redoutait l'inquisition qui la surveillait.
Les réformes de la vie chrétienne qui ont donné lieu à la fondation d'ordres : Saint François d'Assise et la
pauvreté évangélique vécue radicalement, saint Dominique qui a fondé il y a 800 ans l'ordre des prêcheurs
car il se désolait de voir que l'Évangile n'était pas suffisamment prêché, Saint Ignace de Loyola qui voulut
d'abord aider chacun à "amender et réformer sa propre vie" par des "exercices". Les termes ont pu faire
croire à une démarche volontariste, alors qu'Ignace propose de "se disposer à accueillir la grâce" et que ces
"exercices" comportent surtout une façon de contempler des scènes bibliques, surtout dans les évangiles, en
s'y rendant présent par l'imagination, en s'efforçant de les vivre.
Il ne faut pas oublier les Réformes de la théologie, principalement celle de saint Thomas d'Aquin, très mal
reçue au début, avec son incitation à approfondir la connaissance de la foi, tout en cherchant des catégories
de pensée dans la philosophie grecque païenne, avec la confiance dans la raison et l'affirmation de la
conscience personnelle comme ultime critère de jugement.
Mais surtout réforme personnelle. À laquelle nous sommes tous appelés
Réforme de toute l'Église avec le concile Vatican II. Cette fois, il ne s'agit pas de corriger des abus ni de
définir des dogmes mais de revenir à l'essentiel. Le décret sur l'œcuménisme précise "toute rénovation de
l'Église consiste en une fidélité plus grande à sa vocation" (U.R, 6) Une des rares fois où le terme même de
Réforme est employé dans un texte officiel c'est pour dire que " (U.R 6) l'Église est appelée par le Christ à
une réforme permanente dont elle a continuellement besoin"
Dans les réformes, la rénovation souhaitée peut venir de l'un ou l'autre membre de l'Église, celle de Vatican
II vient du pape jean XXIII lui-même (et le décret sur l'œcuménisme est signé par Paul VI.
Mais aucune réforme ne peut être seulement structurelle, théologique ou dogmatique : rien n'est possible
sans la conversion du cœur, encore moins que toute autre la conversion qui tend à l'Unité car elle est
fondamentale "afin que le monde croie"(Jean 17) Il appartient à chaque chrétien d'être "attentif à conserver
l'unité de l'Esprit par le lien de la paix" (Eph 4, 1-3)
Ce même décret qui a une tonalité très positive en général ne manque pas cependant de porter un jugement
des plus sévères sur les fautes contre l'unité. Voici ce qu'il en dit : "Aux fautes contre l'unité peut aussi
s'appliquer le témoignage de St Jean "si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous faisons de Dieu un
menteur et sa parole n'est pas en nous" (1 jn1-10).
Or l'Esprit d'unité demande de chacun de nous une réforme des façons de penser et d'agir, une conversion
permanente. Malheureusement, qu'il s'agisse d'unité avec les chrétiens d'autres Églises ou avec ceux qui
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nous sont les plus proches, chacun craint pour son identité personnelle, familiale, groupale, paroissiale ou
ecclésiale, même entre groupes d'une même confession.
C'est tous les jours et en toutes circonstances qu'il nous faut être attentifs. Il y a des manières d'opposer
"eux" et "nous" qui au lieu de se réjouir de la diversité, comme Paul dans la lettre aux Éphésiens, en font un
objet de rivalité, jalousie, opposition, critiques, voire calomnies, elles cèdent à l'esprit de division, celui que
les grecs ont nommé "diviseur" diabolos.
Cet esprit est le même que celui qui œuvre contre la foi, contre la confiance, en jetant la suspicion sur ce
que disent les autres et Dieu même, c'est inséparable, et ceci depuis l'origine c'est "l'accusateur" (en Hébreu
le Satan) celui qui accuse Dieu mais aussi celui " qui accuse nos frères jour et nuit" jusqu'à ce qu'il soit
rejeté" (cf. Apoc 12, 10)
Ce qui est ainsi figuré, ce n'est pas une sorte de mythologie, il s'agit de choses très concrètes : refuser les
attitudes de soupçon, dénigrement, rivalité, aussi bien à l'intérieur qu'entre nos Églises car elles
appartiennent à ce même esprit d'accusation et de division qui œuvre contre la foi et contre l'amour.
Cela peut être difficile. C''est un luthérien, Dietrich Bonhoeffer, qui parle de " la grâce qui coûte". Cette foi,
cet amour sont même impossible aux hommes, nul n'est sans péché ni même sans ce péché-.
Pourtant la foi, la confiance, l'Amour sont plus forts, c'est une catholique cette fois, une sainte normande qui
dit "quand j'aurais commis tous les péchés du monde je garderais confiance, je les jette dans la fournaise de
l'Amour" "et encore "je n'ai pas d'œuvres" et "ma vocation c'est l'amour", était-ce conforme à la pensée
catholique ? Ses supérieures en ont douté au point d'édulcorer sérieusement ses écrits avant publication.
Pourtant elle a opéré une réforme discrète mais profonde au point d'être reconnue "docteur de l'Église"
Nous avons toujours à réformer nos mentalités pour rejeter tout dénigrement et nous ouvrir à plus de
confiance, de bienveillance, d'intérêt pour la façon de penser et d'agir de chacun, sans jamais oublier que
chacun (pas seulement chaque Église) a été créé comme un être unique et irremplaçable, qu'on ne peut
mépriser sans blesser le Corps du Christ que nous formons,
Et qu'il est bon de nous le rappeler et, aussi de le redire à quiconque ne se croit pas aimé.
Que le seigneur nous apprenne à le louer pour chaque être humain que nous rencontrons. Qu'il nous libère de
la peur, car le contraire de la foi, ce n'est pas le doute, c'est la peur.
Qu'il nous donne de croire à l'Amour et d'en vivre car c'est notre vocation à tous et notre joie. Amen
Note : introduction de Luther aux 95 thèses ou plus précisément à la "Dispute sur la vertu des indulgences"
Par amour pour la vérité et dans le but de la préciser, les thèses suivantes seront soutenues à Wittenberg,
sous la présidence du Révérend Père Martin Luther, ermite augustin, maître es Arts, docteur et lecteur de la
Sainte Théologie. Celui-ci prie ceux qui, étant absents, ne pourraient discuter avec lui, de vouloir bien le
faire par lettres.
Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ
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