Sélection génétique/génomique des animaux d'élevage Pascal Croiseau MA-BLUP Genomic evaluation in France Pourquoi sélectionner les animaux reproducteurs ? • Pourquoi ? : mettre à disposition des animaux adaptés aux besoins des éleveurs • Objectif global Améliorer le revenu des éleveurs, diminuer la pénibilité du travail, … • Objectifs opérationnels Augmenter la production laitière, diminuer la fréquence de mammites,… H. Leclerc 2 Principe de la sélection Evolution de la population Sans sélection Avec sélection La sélection modifie le niveau moyen de la population H. Leclerc 3 La sélection génétique • La sélection génétique est rendue possible car il existe une variabilité des caractères et qu’une partie de cette variabilité est d’origine génétique : C’est l’héritabilité. • La fraction d’origine génétique se transmet à la génération suivante ainsi: La sélection sur le phénotype induit une réponse génétique à la génération suivante. Vg h² = Vg + Vr (D. Boichard) 4 Des héritabilités très variables suivant les caractères Ex: bovins laitier Résistance aux mammites Comptage cellulaire Fertilité 0% IVV 10% 20% Longévité Conditions de vêlage Morpho capacité 30% 40% TP TB 50% 60% 70% 80% 90% 100% Lait Morpho mamelle Si h² faible: • on a besoin de beaucoup d’informations pour connaître les différences génétiques • Les effets de la sélection seront moins visibles H. Leclerc 5 La variabilité génétique Y a-t-il beaucoup d’écart entre les extrêmes? Variabilité génétique = amplitude des différences d’origine génétique Candidats Valeur génétique Valeur génétique 31g/kg 40g/kg TB 49g/kg 27g/kg 32g/kg 37g/kg TP Dans une même population : un même effort de sélection aboutit à un progrès (en g/kg) 2 fois plus élevé pour le TB par rapport au TP H. Leclerc Crédits photos : Brune Génétique Service Exemple de 2 caractères de même héritabilité: TB : 3 g/kg, soit environ 8% TP : 1,5 g/kg, soit environ 5% 6 Les briques nécessaires à la sélection • Définir un objectif de sélection : quels caractères sélectionner ? (production, reproduction, résistance aux maladies, robustesse, qualité des produits…) • Identifier les animaux, pour les suivre dans leur carrière, les associer à leurs performances • Mesurer les performances des caractères à sélectionner • Connaitre les généalogies (D. Boichard) (D. Boichard) 7 Les briques nécessaires à la sélection • Classer les candidats à la sélection = estimer leur valeur génétique transmissible à leurs descendants, à partir de leurs performances et celles de leurs apparentés P=G+E • Sélectionner = ne retenir que la fraction la meilleure sur la base de l’objectif défini • Diffuser ces reproducteurs sélectionnés (D. Boichard) 8 Extrait du catalogue de l’entreprise Evolution en race Normande La sélection génétique • Parallèlement à la sélection génétique: le testage sur descendance • Pour tester un mâle: • Un certain nombre d’inséminations artificielles sont réalisés afin d’obtenir un nombre suffisamment important de filles de testage • Une partie de ces filles entreront en contrôle de performance • Ce sont ces filles qui définiront la valeur génétique estimée de l’animal testé. 10 L’exemple des bovins laitier Accouplement raisonné Station de contrôle individuel X Père à taureaux Mère à taureaux Croissance 11 mois Fonction 15 mois conformation sexuelle efficacité alimentaire 15 jours 5 mois testage année n+2 Jeune taureau année n X service année n+5/6 année n+5 Analyse lait, Agrément du taureau morpho, cell, fert, lgf, facilités de naissance 50 à 120 filles en première lactation 120 à 150 filles de testage nées 11 Les limites de la sélection génétique « classique » • Elle est compliquée quand le caractère n’est pas mesurable chez le candidat Production laitière non mesurable chez le taureau… Longévité inconnue chez l’animal jeune… Qualité de la viande chez l’animal vivant… • Elle est peu efficace pour les caractères à héritabilité faible Car les différences de performances reflètent alors surtout le milieu • En fonction de l’espèce, il y a une grande variabilité de cout lié au testage sur descendance dû essentiellement : À la prolificité À l’intervalle de génération Chez les bovins, cela représentait 40K€ par taureau testé! • Les résultats ne s’observent qu’à moyen-long terme (D. Boichard) 12 Les limites de la sélection génétique « classique » • Sélectionner un noyau de sélection est difficile Dans un modèle polygénique, on explique le phénotype par un effet de l’individu auteur des performances L’effet génétique individuel est la somme d’effets faibles d’allèles à une infinité de gènes Ces gènes sont transmis pour moitié à leur descendance, donc, en espérance, on estime que la valeur génétique se transmet pour moitié à la descendance. Ainsi, les pleins frères ont tous, en espérance, la même valeur génétique Impossible de prendre en compte l’aléa de méiose (F. Guillaume) 13 Comment faire mieux? • QTL Une région chromosomique dont les variations ont un effet sur un phénotype, expliquant donc potentiellement des différences! • Valeur additionnelle de la Sélection Assistée par Marqueurs La SAM tient compte de la transmission aléatoire des allèles aux QTL au sein de la descendance (F. Guillaume) 14 La sélection génomique: une extension de la SAM • Les candidats sont évalués à partir de la lecture de leur génome A partir d’un échantillon de l’individu (sang, cartilage, sperme, poil…) • Typage de plusieurs dizaines/centaines de milliers de sites variables du génome 1 2 ..GAATCTTATGCTATACATAATTATATACTAATCGGGTATTGTTCTTAT.. ..GAATCTTATGCTATACATAATTATATACTAATAGGGTATTGTTCTTAT.. polymorphisme (D. Boichard) 15 Principe d’une évaluation génomique Etape 1 : Faire le lien entre génotypes et performances en élevage Population de référence performances (index) • Les calculs s’appuient sur une population de référence, représentative de l’ensemble de la population = ensemble d’animaux génotypés avec performances, pour établir une équation de prédiction. génotypes équation de prédiction H. Leclerc 16 Principe d’une évaluation génomique Etape 2 : Appliquer sur les jeunes animaux sans performance candidats Prélèvement sang ou poils Population de référence équation de prédiction Index génomiques Génotypes • On applique l’équation de prédiction aux génotypes des candidats pour calculer leurs index (potentiel génétique). H. Leclerc Dès la naissance 17 Les méthodes d’évaluation génomique MA-BLUP Genomic evaluation in France Le GBLUP • C’est le modèle de sélection génomique le plus simple. • Le modèle est le suivant: = + + =1 + yi= performance de l’animal µ= moyenne ui= effet polygénique (optionnel) SNPij= genotype du SNP j pour l’animal i βj= effet du SNP j ei= résiduelle • Ce modèle assume que la variance due aux marqueurs est la même pour tous les marqueurs. • Cette approximation se rapproche plus de la réalité dans le cas d’un caractère très polygénique que pour un caractère à gène(s) majeur(s). 19 Les méthodes Bayesiennes • L’idée est de complexifier le GBLUP en proposant une estimation des composantes de la variances (au moins VARA). • VARA (variance due au SNP) • VARG (variance génétique restante) • VARE (variance résiduelle) • L’alphabet Bayesien s’est ensuite enrichie en proposant des modèles plus ou moins complexes et plus ou moins chronophage. • Bayes A • Bayes B • Bayes C • Bayes Cπ • Bayes R • … 20 Bayes A • Il s’agit du modèle le plus complexe car dans ce modèle Tous les SNP ont un effet estimé (comme pour le GBLUP) Chaque SNP à une variance qui lui est propre • Le problème p>>>n est encore accentué • Pour limiter l’impact du p>>>n le Bayes B a été proposé Bayes B • A chaque itération, ce modèle considère qu’une proportion π des SNP n’a pas d’effet sur le caractère d’intérêt, leur effet peut donc être mis à 0. Pour chaque SNP retenu dans le modèle, une variance propre est estimée. On rend le ration p/n plus acceptable. Cela se paye en temps de calcul (méthode la plus couteuse). La proportion π est fixée par l’utilisateur. • Les résultats sont plutôt bons. 21 Le Bayes C • Si on part du modèle Bayes B et qu’on veut limiter le temps de calcul, il faut accepter de simplifier le modèle. Une possibilité est de ne plus estimer une variance par SNP. C’est ce que propose le Bayes C. une même variance pour tous les SNP retenus. temps de calcul beaucoup plus raisonnable que le Bayes B. Le Bayes C est une des méthodes de référence aujourd’hui. Le Bayes Cπ • La difficulté du Bayes C est de bien définir la valeur du π. • L’idée du Bayes Cπ est de proposer une estimation du π optimal. Cette méthode est également très utilisée mais il peut y avoir des problèmes de convergence liés au trop grand nombre de paramètre à estimer. Cela à un coût en temps de calcul. 22 Le single step • Pour toutes les méthodes qui estiment à la fois une composante polygénique et une composante génomique (GBLUP, BAYESA,B,C), ces deux effets sont estimés successivement. • L’objectif du single-step est d’utiliser une matrice de parenté qui combine l’information pedigree et l’information génomique pour estimer l’impact de ces deux sources d’informations sur le phénotype en une seule étape Permet d’intégrer toutes les performances disponibles (femelles, …) Se rapproche du BLUP classique • Cette méthode a déjà été testée chez les petits ruminants Evaluation génomique officielle en ovin laitier basée sur le Single Step. • Difficile à mettre en place en bovin laitier Population de référence trop importante En cours de tests 23 La SAMg • Chez les bovins laitiers, une extension de la SAM à une liste considérablement élargie de QTL est proposée: Les QTL sont identifiés par sélection génomique (BayesCπ) Les SNP sont regroupés en haplotypes puis introduit dans un BLUP-QTL Les SNP de la puce 10K sont utilisés pour construire la matrice de parenté génomique • Cette SAMg a quelques avantages intéressants pour la routine: Temps de calcul moins long (10 fois moins long qu’un BayesCπ) L’évaluation génomique d’un animal est relativement stable dans le temps tant que la liste de QTL ne change pas modèle relativement souple qui nous permet d’inclure d’autres effets dans le modèle tels que des mutations causales un effet race 24 Précision de la sélection génomique • Dépend du nombre d’animaux phénotypés et génotypés (D. Boichard) 25 Proprieté de la sélection génomique • Prédiction directe de la valeur génétique des animaux Evaluation précoce (T) • Précision (R) potentiellement élevée Si la population de référence est de taille suffisante! • Intensité de sélection (i) Forte si typage peu coûteux ∆G = i.R.σ g T (D. Boichard) 26 Les avantages de la sélection génomique • Un progrès génétique élevé X2 pour les bovins laitier • Une meilleure gestion des ressources génétiques (-20% de consanguinité) Si on y prend garde! Arrêt complet du testage et du star système • • • • Possibilité de sélectionner des caractères difficiles Un objectif de sélection plus équilibré Vers la prise en compte de nouveaux caractères Une moindre dépendance vis-à-vis des phénotypes Ce qui ne veut pas dire arrêt du contrôle de performance! (D. Boichard) 27 Intérêt du contrôle de performances • L’évaluation génomique n’est possible que sur des caractères mesurés sur la population de référence. • Facteurs clés de la réussite : – – – – – La taille de la population de référence Le nombre de performances collectées La qualité des performances collectées La qualité des génotypes collectés La représentativité de la population de référence par rapport à l’ensemble de la population Le contrôle de performance restera toujours d’actualité, notamment pour MAJ des équations de prédictions 28 Un contexte taillé sur mesure pour les bovins! • d’un coté: • Intervalle de génération élevé • Faible prolificité • Cout du testage très important • D’autre part: • Volume de génotypage important prix des puces relativement faible • Mutualisation des données (consortium eurogenomics pour la Holstein ; Intergenomics pour la Brune) Toutes les conditions étaient réunies pour une mise en place dès 2010 de la sélection génomique 29 Conséquence sur la précision (CD) des index des taureaux Sélection classique CD lait 30 (h²=0,30) CD fert. 20 (h²=0,02) Testage 75 Service 45 95 95 âge du 2ans 0an Sélection CD lait génomique CD fert. 60 50 1ère diffusion 5ans 95 95 8ans taureau Service Génotypage NB: la valeur génomique initiale est complétée par la connaissance des performances, au fur et à mesure qu’elles sont connues H. Leclerc 30 En pratique, est ce que ça marche? Evolution des index morpho en Holstein Evolution des ISU de 277 taureaux Holstein sans fille en juin 2011 et avec plus de 20 filles en juin 2013 S Fritz, 2013 31 Conséquences et utilisation • Si on diffuse/utilise trop largement un jeune taureau à ISU=170 pts : – L’arrivée des filles du taureau va permettre à son indexation de gagner en précision, le CD va évoluer vers 0.95. – L’index du taureau va donc évoluer vers le niveau génétique vrai du taureau pour chaque caractère et pour l’ISU • 5% de chances >190 pts • 45% de chances entre 170 et 190 pts • 45% de chances entre 150 et 170 pts • 5% de chances <170 pts • Miser uniquement sur un jeune taureau correspond à une prise de risque élevée ! – L’utilisation de lot de taureaux est conseillée • Tenir compte des CD pour diffuser/utiliser les jeunes taureaux est indispensable ! Conséquences et utilisation • Le niveau génétique moyen d’un lot est d’autant plus fiable (CD ↑) que le nombre de jeunes taureaux du lot est élevé. – Il est impossible de dire quel est finalement le meilleur taureau du lot… – On ne peut pas prédire les évolutions d’index à venir… – Mais en utilisant ces 5 taureaux de façon homogène, on peut génèrer un progrès génétique conséquent ! Conséquences et utilisation • Fin du « Star System » : – La « star », c’est le lot de taureaux diffusés ! – Aucun des jeunes taureaux ne doit être élevé au rang de star !!! – Il est préférable d’utiliser 5 taureaux différents au sein d’un élevage, plutôt que 5 fois le même. • En acceptant de mettre fin au « star system » et donc d’utiliser un grand nombre de jeunes taureaux de façon relativement homogène, il est possible de se passer du testage sur descendance et de doubler le progrès génétique annuel du schéma ou de son élevage. et sur la précision (CD) des index femelles Sélection classique CD lait 30 génisse CD fert. 20 35 vache - 45 âge de la 2ans 0an Sélection CD lait 60 génomique CD fert. 50 Génotypage génisse 65 55 3ans vache femelle 70 56 Précisions équivalentes entre génisses, vaches et … jeunes taureaux! Précisions non négligeables sur les fonctionnels Pas de traitement préférentiel ! H. Leclerc 35 Evolution du nombre d’animaux génotypés >100 000 en 2015 (D. Boichard) 36 Application dans 12 races Holstein Montbéliarde Normande Brune Abondance Tarentaise Charolaise Limousine Blonde d’Aquitaine Pie Rouge Vosgienne Simmental (D. Boichard) 37 Et pour les autres espèces? • L’intérêt est plus difficile à évaluer car • Prolificité plus importante Ovins/caprins/porc/poule • Intervalle de génération plus faible qu’en bovin Poule: 1 an Porc: 2-3 ans Ovin/Caprin: 4-5 ans Augmentation du progrès génétique potentiellement trop faible au regard du coût de la mise en place de la Sélection Génomique ∆G = i.R.σ g T 38 Les puces • Les espèces d’élevage disposent aujourd’hui d’un bon nombre de puces à ADN • La puce moyenne densité (50-60K) est clairement la plus répandue : bovin/ovin/caprin/porc/poule/cheval • La puce haute densité est présente en Porc, poule et cheval (600K) Bovin (777K) Ovins (800K) • Les puces basse densité sont essentiellement bovines : Bovin: 3K, 7K, 10K Ovin: 12K • Données de séquence: Bovin (>1700 séquences pour 27 races bovines) Poule (environ 150 séquences ; différentes races/lignées) 39 Le cas des petits ruminants laitier • Sélection Génomique mise en place et officielle depuis 2015 en ovin laitier, race lacaune 40 Le cas des petits ruminants laitier • Sélection Génomique mise en place et officielle depuis 2015 en ovin laitier, race lacaune Ovin laitier: Lacaune Pop apprentissage : 1593 Pop validation : 600 0,6 0,5 0,4 BLUP polygénique GBLUP 0,3 BCPi (estimated) sPLS 0,2 0,1 Gain modéré de la sélection génomique : de 5 à 7 % en Lacaune 0 Lait TB TP CCS 41 Le cas des petits ruminants laitier • Sélection Génomique en test pour les caprins laitier (mise en place prévue en 2018) 42 Le cas des petits ruminants laitier • Sélection Génomique en test pour les caprins laitier (mise en place prévue en 2018) Caprin laitier: Alpine + Saanen Pop apprentissage : 430 Pop validation : 247 0,6 0,5 0,4 BLUP Polygénique GBLUP 0,3 BCPi (estimated) Bayesian Lasso 0,2 Gain modéré de la sélection génomique : de 2 à 7 % 0,1 0 Lait TB TP CCS PLA ORT 43 Pour les autres espèces • Rien d’officiel prévu pour le moment • Porc et poule : Pas de source d’économie importante identifiée dans les programmes d’amélioration porcins actuels (cf arrêt du testage sur descendance chez les bovins) la mise en place d’évaluations génomiques génèrera nécessairement un surcoût par rapport aux programmes de sélection actuels 44 Avec la génomique, une sélection plus efficace Plus rapide Tous les index dès la naissance Mâle et femelle même précision Plus précis Plus de caractères Index fertilité, longévité sur les femelles L’éleveur peut faire des choix « éclairés »! 45