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UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DE SCIENCES SOCIALES
DE PARIS
PARIS II
GERMAN BERNACER,
économiste espagnol (l883-1965)
UNE THÉORIE GÉNÉRALE DE L'EMPLOI, DE LA RENTE
ET DE LA THÉSAURISATION
THÈSE
pour le Doctorat ès-Sciences Economiques
présentée et soutenue publiquement
par
Henri SAVALL
SEPTEMBRE 1973
Jury
Président Mme Colette NEME professeur
M. André PIETTRE professeur
Suffragants M. Luc SOURCIER DE CARBON professeur
M. Maurice BERNADET professeur
M. Pierre DOCKES maître de conférences agrégé
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A-222 - NOTRE TRADUCTION DE L'ARTICLE PUBLIÉ DANS LA REVUE
REVISTA NACIONAL DE ECONOMIA
BARCELONA 1922
La Théorie des disponibilités comme interprétation des crises économiques et du
problème social
Le terme "disponibilité" est familier aux financiers. Cependant, il reste à en
faire un concept précis de la science économique.
Les hommes d'affaire savent très bien qu'il est parfois facile de se procurer
des fonds pour la spéculation, que les émissions de valeurs industrielles ou
publiques trouvent un accueil favorable sur le marché, alors que d'autres fois, il est
bien plus difficile de lancer des emprunts ou de se procurer de l'argent pour les
besoins du commerce. Il est fréquent de traduire ces phénomènes par les
expressions telles que "les disponibilités sont rares ou abondantes sur le marché".
Quel est le concept scientifique qui correspond à cette notion intuitive chez les
praticiens des affaires ? C'est là le sujet que je me propose de développer dans les
paragraphes qui suivent.
Il est évident que ce concept a quelque chose de commun avec celui de
capital et aussi avec ce que nous appelons la monnaie ; mais il n'en demeure pas
moins que ce concept ne se confond pas exactement avec aucune de ces deux
choses. II y a des capitaux que personne ne confondrait avec les disponibilités, au
sens financier du terme : une maison, une usine, une marchandise ; et il existe aussi
des disponibilités que nul ne pourrait considérer comme capitaux, tel que, par
exemple, le solde créditeur d'un compte courant à vue. La monnaie n'est pas
toujours une disponibilité. Ainsi, celle que l'on destine à une dépense ou à un
paiement péremptoire, de même qu'il existe des disponibilités qui ne sont pas de la
monnaie, telle qu'une ouverture de crédit, par exemple.
L'introduction de ce concept dans la théorie économique apparut pour la
première fois dans mon ouvrage " SOCIÉTÉ ET BONHEUR ". Le caractère
accidentel sous lequel se présentait ce concept m'empêcha de développer tout à fait
ce sujet ; seule une analyse préalable du mécanisme monétaire permet de lui donner
une assise rigoureuse ; ce sera l'objet de mon prochain ouvrage " LA DYNAMIQUE
DE LA RICHESSE ". Je pense qu'il serait utile, pour les lecteurs de cette revue, de
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leur donner un premier aperçu des grandes lignes d'une recherche qui se propose de
pénétrer dans un domaine peu exploré de la physiologie de notre régime
économique mais qui peut apporter un singulier éclaircissement à certains
phénomènes fondamentaux de notre ordre social ; les fluctuations des affaires, le
chômage, la pauvreté, etc. ...
l - LE CONCEPT DE DISPONIBILITÉS
1 -Le concept général
On ne peut disposer, dans l'acception juridique du terme, que de ce sur quoi on a
une propriété totale ; et il est évident que tout bien économique dont on jouit en
pleine et en libre propriété est une disponibilité, dans ce sens. Son propriétaire peut
l'affecter, par elle-même, ou virtuellement au moyen de son équivalent sur le marché,
à satisfaire ses besoins ou ceux d'autrui suivant sa volonté, à réaliser ses desseins,
en somme, dans le cadre des possibilités économiques que contient sa valeur. Toute
propriété de notre patrimoine ayant une valeur, toute chose appréciée des hommes
et qu'il nous est possible de transférer, nous permet d'obtenir en échange les objets,
les services, les avantages que les autres sujets sont en mesure de nous fournir par
leur travail. Cependant, toutes les propriétés ne sont pas indifférentes, de ce point de
vue ; il ne nous sera pas aussi facile de trouver quelqu'un qui nous donne ce que
nous pouvons souhaiter en échange d'un diamant ou d'une maison, qu'en échange
de blé ou de laine. Il est notoire que certaines marchandises trouvent plus facilement
un débouché que d'autres, car elles répondent à des besoins plus habituels et plus
courants.
2 - La première restriction au concept général
Parmi les marchandises qui ont un débouché facile, il n'y en a aucune qui soit
supérieure à la monnaie. La monnaie, et c'est là sa qualité caractéristique et
essentielle, est ce que chacun est le plus disposé à accepter en échange de ses
marchandises ou d'objets de valeur. Qu'il s’agisse d'une matière utile ou d'un simple
signe fiduciaire qui en tienne lieu, c'est une marchandise spécifique qui, n'étant pas
en principe différente des autres, de la même espèce - métal ou titre de crédit
remboursable - a acquis une très singulière propriété, en vertu de l'usage suivant
lequel chacun l'accepte, avec la plus grande garantie de ce que le marché lui
fournira, au moment où il le désirera, la juste équivalence de ce qu'il a aliéné en
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échange de ce signe. Cette qualité est consubstantielle avec celle qui consiste à
constituer la disponibilité par excellence, au sens économique.
Si l'objet dont nous voudrions disposer, pour réaliser nos fins économiques,
n'est pas de la monnaie, mais une propriété, un bijou, une marchandise ou un titre de
la dette publique, il nous faut l'évaluer en monnaie, rechercher la personne qui a
besoin de cet objet particulier, en discuter le prix et, enfin, l'échanger contre de
l'argent, toutes choses qui ne sont pas très faciles à réaliser. De là le fait que parmi
tout ce que chacun possède, seule la monnaie est généralement considérée comme
disponibilité ; à l'exception de tous les autres objets, quelle que soit leur valeur, quel
que soit leur prix, voire même si elles ont une valeur supérieure à celle de la
monnaie elle-même.
Un homme d'affaire, sans avoir moins de capital qu'auparavant, peut se
trouver dans une situation difficile, voire acculé à la banqueroute, si du fait de la
paralysie de ses ventes, ses disponibilités ne se reforment pas, ceci dans toute la
mesure où la monnaie représente, comme toujours, le symbole de toute richesse,
bien qu'en vérité, elle n'ait pas davantage, mais, plutôt moins, de valeur qu'un autre
objet.
La monnaie, quelle que soit la forme qu'elle revête, est essentiellement un
signe de crédit sur la société, le symbole et la mesure du droit de revendiquer sur le
patrimoine social les biens que le marché considère équivalents à cette somme de
monnaie. En effet, la possession de cet argent est en soi, la preuve effective, que
l'on a apporté, au fonds de biens sociaux, une valeur ou un effort qui a été évalué et
rétribué par cette somme, son propriétaire peut donc, lorsqu'il le désire, réclamer sa
juste récompense sous forme de son équivalent en marchandise.
Apporter des marchandises sur le marché, c'est augmenter l'offre. Apporter de
la monnaie, c'est accroître la demande ; en ce sens, la monnaie et les autres
marchandises sont des termes antinomiques. Ce que l'on accepte comme monnaie
acquiert, en vertu de ce principe, le pouvoir d’inciter, à travers le marché, les forces
économiques à produire ce que son propriétaire demande. Celui qui possède cet
objet, dans la mesure où il le possède, dirige l’application des énergies productives ;
si ces désirs et ces desseins se modifient, le changement se traduit, par la suite, en
un déplacement des activités de production, tout comme les variations d'un courant
électrique proche modifient l'orientation d'une aiguille aimantée.
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3 -La deuxième restriction au concept général
Mais peut-on considérer toute la monnaie au même titre et dans la même
mesure comme une disponibilité ?
Considérons le capital monétaire possédé par un individu. La portion requise
pour faire face aux besoins péremptoires, en attendant de nouveaux revenus, est
une somme dont on ne peut pas, à juste titre, disposer à d'autres fins. Même si
l'occasion se présente de lui donner une autre affectation, ou même de l'investir dans
une affaire avantageuse, la prudence la plus élémentaire empêche que l'on en face
usage, car il n'y a pour personne d'affaire plus importante que celle de sa propre
subsistance. Certains autres besoins peuvent facilement attendre, et une très légère
instigation nous induit à différer leur satisfaction ou à la compenser par d'autres
satisfactions moins copieuses ; mais toujours est-il que, même pour les fins les plus
superflues, nous avons toujours quelque chose à dépenser.
Le degré maximum de disponibilité est représenté par la monnaie dont nous
sommes disposés à renoncer à l'emploi, car nous espérons que l'on tirera, à l'avenir,
de son usage ou de sa possession, un profit ou des avantages qui ne seraient pas
suffisamment compensés par leur placement immédiat actuel. Cette monnaie, que
rien pour l'instant n'incite à employer, qu'aucun besoin impérieux n'invite à dépenser,
constitue ce qui est disponible avec le maximum de liberté, en vue d'investissements
à n'importe quel instant dans une forme de placement qui nous paraît opportune ou
dans une affaire qui nous apparaît comme lucrative.
La vraie disponibilité, dans l'acception qui lui donnent les financiers, est en
principe de l'argent soustrait à la dépense courante, argent dont on n'a pas besoin
pour faire face aux engagements inéluctables, et qui reste, par conséquent, en
réserve, apte à n'importe quel emploi que l'on pourra lui donner. Il n'existe pas une
délimitation précise entre l'argent absolument disponible et le reste ; d'un côté, il y a
ce qu'il serait totalement superflu de dépenser, et de l'autre ce qui est strictement
indispensable. Il y a toujours une zone intermédiaire de possibilités que l'on est plus
ou moins enclin à destiner à la consommation et qui, selon les circonstances, seront
consommées ou au contraire réservées, épargnées.
4 - La troisième restriction au concept général
Il faut encore établir une distinction, à l’intérieur de la monnaie que l'on ne
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