Fiche 9. Questions sur `Agriculture, énergie et

publicité
Fiches de Pax Christi France
- ENVIRONNEMENT & MODES DE VIE -
Fiche rédigée par Jean-Claude Gall, François Barthélémy, Jean-Pierre Chaussade et Jean-Yves Dupré,
relue par le groupe de travail Transition énergétique de Pax Christi France.
9
QUESTIONS SUR AGRICULTURE, ALIMENTATION,
ENERGIE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
► 1. Quelle est la contribution de l’agriculture et de l’alimentation à la consommation
d’énergie et à l’effet de serre ?
Le secteur agricole présente une particularité importante qui est de pouvoir être selon les cas producteur
ou consommateur d’énergie, émetteur de gaz carbonique ou puits de carbone. Il émet également d’autres
gaz à effet de serre tels que le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) lié aux engrais. Enfin, il
concerne un très grand nombre d’acteurs.
L’énergie primaire utilisée en agriculture ne représente que 10 millions de tonnes équivalent pétrole (en
consommation directe : carburants pour les tracteurs, électricité, gaz naturel, et indirecte : engrais,
aliments importés,...), soit seulement 4% de la consommation d’énergie primaire en France. Mais, en ce qui
concerne les émissions de gaz à effet de serre, la proportion est beaucoup plus importante, à cause du
méthane et du protoxyde d’azote (composé azoté lié à l’utilisation des engrais d’origine chimique ou
animale) soit environ 28% (ou 108 Mteq CO2) des émissions nationales nettes.
De plus, si l’on considère toute la filière alimentaire (production, distribution, conservation des produits),
celle-ci représente 25% des consommations d’énergie et 40% des émissions de gaz à effet de serre
françaises.
► 2. Quels sont les principaux enjeux auxquels l’agriculture va être confrontée au regard
des questions d’énergie et de changement climatique ?
L’agriculture est (avec la forêt) le secteur le plus sensible aux variations du climat. On peut s’attendre à ce
que le changement climatique ait, compte tenu de l’élévation de la température, quelques effets positifs
sur la croissance des plantes, le risque de gel et le raccourcissement des cycles culturaux, mais les risques
sont très élevés en ce qui concerne les conséquences possibles de la sécheresse ou de vents violents, le
développement de certaines maladies des plantes ou le déplacement vers le Nord de certains parasites.
On peut affirmer que l’agriculture est l’un des secteurs les plus exposés de l’économie nationale.
La concurrence entre les usages et la réduction des superficies agricoles
La satisfaction des besoins de notre société implique la consommation d’aliments (Food), de fourrages
(Feed), de fibres (Fiber) et de carburants ou combustibles (Fuel). Il y a donc concurrence au niveau des
usages du sol entre ces 4 F. Il est donc logique de fixer des priorités pour les usages du sol, à la fois au
niveau local, national et international (pas nécessairement les mêmes car il peut y avoir une spécialisation
des régions pour optimiser l’usage des ressources naturelles : sol, eau et soleil).
De plus, la France perd chaque année environ 80 000 hectares de surface agricole, soit l’équivalent d’un
département français tous les dix ans, ce qui renforce la contrainte foncière.
Pax Christi France - 5, rue Morère 75014 Paris - [email protected] - 01 44 49 06 36
www.paxchristi.cef.fr paxchristifrance PaxChristiFR
FICHE TRANSITION ENERGETIQUE N°9 - Janvier 2015
La sensibilité de l’agriculture au changement climatique
FICHE TRANSITION ENERGETIQUE N°9
La répartition entre productions végétales et productions animales
Outre les glucides (sucre, céréales) et les lipides (huiles alimentaires, beurre), l’homme a besoin de
protéines qui peuvent venir, soit des animaux, soit des végétaux (lentilles, graines, protéines végétales
telles que le soja). Il faut savoir que, pour fournir la même quantité de protéines, le passage par les
filières animales nécessite beaucoup plus de surfaces que la consommation directe de protéines
végétales (3 fois plus pour les volailles et le porc, 5 fois plus pour les bovins). De plus les ruminants
(bovins, caprins) émettent beaucoup de méthane qui est un gaz fortement contributeur à l’effet de
serre. Enfin, il n’est pas neutre de souligner que, dans nos pays, la consommation de protéines et de
sucres est sensiblement plus élevée que les apports nutritionnels recommandés (+70% pour les
protéines, +40% pour les sucres courts).
La réduction, déjà largement entamée, de la consommation de viande et notamment de viande
bovine est donc un enjeu important.
La réduction des pertes et des gaspillages
Sur l’ingestion de 900 kg en moyenne de nourriture par personne et par an, les pertes évitables
représentent environ 20% soit 190 kg/personne. Il y a donc beaucoup à faire dans ce domaine.
La couverture des besoins alimentaires mondiaux
Mais l’enjeu principal reste bien sûr l’alimentation de 9 milliards d’habitants en quantité et en qualité.
Globalement dans le monde, 1,7 milliards d’hectares seulement sont cultivés sur 4,2 milliards qui,
d’après les caractéristiques du sol et du climat, sont considérés comme techniquement « cultivables ».
Ce qui manque aux agriculteurs des pays en voie de développement, ce sont des politiques agricoles
et foncières adaptées, une formation et des moyens financiers suffisants.
Les modèles de développement qui ont été ceux des pays développés ne doivent pas certainement
être transposés tels quels dans ces pays. Il apparaît possible de nourrir la population mondiale, mais
faut à la fois modifier les pratiques de production, réduire les pertes et mieux consommer, pour permettre la satisfaction des besoins alimentaires de tous et la lutte contre l’effet de serre.
► 3. Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer le bilan énergie et le bilan effet de
serre des exploitations agricoles et des filières alimentaires ?
Au niveau des exploitations agricoles, le premier point est d’établir un « bilan énergie-effet de serre »
de la ferme. Il existe des méthodes de diagnostic permettant de faire un tel bilan1. Elles font apparaître la situation de départ (une exploitation à dominante végétale est une sorte de machine à produire
de l’énergie, tandis qu’une exploitation à dominante animale, dès lors qu’elle utilise des aliments
concentrés, consomme de l’énergie).
____________________
1. Telle que le bilan Planète de SOLAGRO
2
¯¯
Elles permettent également d’identifier de nombreuses possibilités d’amélioration qui peuvent
concerner :
• La gestion des sols (préservation de la matière organique) ;
• les consommations de carburant (puissance des machines, nombre de passages), de combustibles
(chauffage) et surtout d’engrais (optimisation des apports) ;
• la possibilité de produire et utiliser des énergies renouvelables (chaudière bois, photovoltaïque,
solaire thermique, éolien,…) ;
• la possibilité de valoriser la biomasse pour produire de l’énergie, utilisée sur la ferme ou à
l’extérieur (par exemple biogaz pour la production d’électricité et de chaleur, ou projets à base de
plaquettes de bois issues de haies ou de forêts paysannes,…)
• la possibilité de réduire les émissions de méthane des ruminants (alimentation avec des graines de
lin par exemple).
Au niveau des industries alimentaires, les méthodes sont les méthodes classiques de l’industrie :
diagnostic thermique des bureaux et des usines, bilan carbone, analyses du cycle de vie des produits, y
compris les emballages. Elles peuvent là encore déboucher sur des améliorations à tous les niveaux
(usines, emballages, logistique). Mais l’impact environnemental est généralement plus faible au niveau
industriel qu’au niveau agricole.
Un cas particulier est celui des filières de biocarburants (éthanol et biodiesel) qui est traité dans une
autre fiche2. Il est important aussi éliminer la déforestation indirecte liée au développement de
certaines filières (soja en Amérique du Sud, palme en Asie ou Afrique). La « certification » des filières
peut y contribuer.
► 4. Quelles sont les politiques publiques menées dans ce domaine ?
Malgré l’importance des enjeux, le secteur agricole est rarement jugé comme prioritaire dans les
politiques de lutte contre l’effet de serre. Il est vrai qu’il est difficile d’intervenir dans ce secteur parce
qu’on se situe dans une matière vivante et avec de très nombreux acteurs.
Cependant la situation est en train d’évoluer avec la prise de conscience du poids de ces filières et du
fait que la lutte contre l’effet de serre la plus efficace à moyen terme passe par une réduction des
émissions de méthane et d’oxydes d’azote. Le Plan de Performance Energétique des Exploitations
2009-2013 visait une proportion de 30% d’exploitations « à faible dépendance énergétique » en 2013,
mais il n’a pas été doté de moyens suffisants. Aujourd’hui le biogaz fait l’objet d’un certain engouement, d’autant plus que la Loi de Transition Energétique a prévu d’aider 1000 projets de méthanisation
mais il n’est pas sur que les conditions prévues (aides, tarifs de rachat de l’électricité, réglementation)
aboutissent un développement massif de la méthanisation agricole, comme c’est le cas en Allemagne.
____________________
2. Fiche Transition énergétique n°11 sur le développement des biocarburants
3
¯¯
FICHE TRANSITION ENERGETIQUE N°9
► 5. Y a-t-il d’autres modèles de développement possibles ?
L’association SOLAGRO a étudié le scénario Afterres 2050 sur l’agriculture et la forêt pour concilier
l’alimentation, la production de matériaux et d’énergie, la réduction des gaz à effet de serre et le
stockage de carbone. Elle arrive à la conclusion qu’en réduisant l’artificialisation des terres, en
augmentant la surface forestière, en maintenant les prairies naturelles, en développant l’agriculture
« intégrée »3 et l’agriculture biologique ainsi que la méthanisation, on peut aboutir à une production
végétale légèrement inférieure au niveau actuel, tout en assurant une alimentation équilibrée et une
division par 2 ou 3 des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que des consommations d’énergie,
d’eau et d’azote chimique.
► 6. Quels sont les principaux enjeux éthiques ?
Les enjeux autour de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt sont forts dans notre pays. Outre
l’amélioration des bilans énergie et effet de serre, il s’agit de préserver les terres que le créateur nous
a confiées et de permettre l’accès de tous à une alimentation de qualité à un prix raisonnable. Il faut
aussi permettre le développement agricole des pays pauvres.
La réduction du gaspillage et la récupération des produits sur le point d’être périmés sont une
nécessité à laquelle s’attachent les banques alimentaires (souvent initiées par des chrétiens).
► 7. Qu’est ce que chacun peut faire à son niveau ?
Il existe de nombreuses possibilités de s’engager, soit comme agriculteur, soit comme consommateur,
soit comme citoyen ou investisseur.
Des initiatives comme les AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) ont
beaucoup de sens en développant une agriculture solidaire de proximité. Il existe environ 1600 AMAP
concernant 80 000 familles et 6000 paysans. La consommation des produits de l’agriculture biologique
a bien sur une place privilégiée, mais il faut savoir qu’elle n’est pas a priori garante d’une moindre
émission de gaz à effet de serre et que son coût reste plus élevé que l’agriculture conventionnelle
dans certaines filières.
Des associations comme Terre de Liens permettent également d’aider les jeunes agriculteurs à
s’installer. Des projets collectifs de production ou de transformation agricoles peuvent bénéficier de
financement de particuliers motivés pour soutenir ce secteur dans sa transition.
Pour approfondir ces questions :
- http://www.agriculture.gouv.fr
- http://www.solagro.org/
- http://www.amap.fr
- http//www.terredeliens.org
____________________
3. Pratiques agricoles menant à des aliments de qualité en utilisant des moyens naturels et des mécanismes régulateurs proches de
ceux qui existent dans la nature, pour remplacer les apports (intrants) polluants et coûteux, et pour assurer une agriculture
visant le développement durable.
4
¯¯
Téléchargement