redéployer les dépenses en faveur de publics cibles peut susciter des effets de seuil, à
l’instar de la modulation des allocations familiales dans le cadre de la mise sous
conditions de ressources qu’avait initiée en 1997 le Gouvernement Jospin pour
finalement l’abandonner l’année suivante. Au risque de menacer « l’égalité des citoyens
devant les charges qui résultent des calamités nationales » énoncée par le Préambule de
la Constitution du 27 octobre 1946, la réorientation des dépenses ne peut être le seul
volet actionné mais doit être complété par une diversification des ressources.
L’émergence de nouvelles demandes sociales liées aux évolutions sociétales a mis en
exergue les limites du redéploiement des dépenses et la nécessité de disposer de
ressources, diversifiées depuis les années 1980 au regard de la problématique du coût du
travail dans le cadre d’une économie ouverte et soumise à la concurrence internationale.
Avec une progression de l’ordre de 60 % de la proportion de personnes de plus de 65 ans
d’ici 2060, la dépendance est devenue un enjeu majeur dont les financements ne sont
pas à la hauteur, à l’instar de l’abandon en 2011 des Etats généraux de la dépendance et
des groupes de travail animés par M.A. Montchamp et R. Bachelot. Face au vieillissement
de la population et à l’asphyxie financière des départements confrontés à une montée en
charge nette totale des dépenses d’action sociale de 11 % pour la seule année 2011
(4,95 milliards d’euros) liée aux transferts de compétences organisés par la loi du
13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le rapport Gisserot (2005)
recommandait de poursuivre le processus de diversification des ressources de la
protection sociale.
Institué par le décret du 20 septembre 2012, le Haut Conseil pour le financement de la
protection sociale (HCFiPS) a été chargé par le Premier ministre de réfléchir à la
clarification et à la diversification des ressources de la protection sociale dont les travaux
ont été publiés par un rapport de synthèse (octobre 2012) puis par un rapport d’étape
(mai 2013). Le Haut Conseil recommande de poursuivre la taxation du patrimoine,
opérée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui créé la constitution
additionnelle de solidarité autonomie (CASA) à partir de 2014. Prélevée à hauteur de
0,3 % sur les revenus de remplacement et du patrimoine, elle s’ajoutera à la contribution
de solidarité autonomie prélevée sur les revenus d’activité depuis sa création par la loi du
30 juin 2004 de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées. De
plus, une fois le rattrapage achevé sur la fiscalité du patrimoine (et afin d’éviter l’évasion
fiscale au sein d’un espace européen peu harmonisé), les économistes Henri Sterdyniak
et Jacques Le Cacheux –à l’instar du HCFiPS- se sont prononcés en faveur de la fiscalité
environnementale (dont le double dividende permet de réduire le coût du travail et la
dette sociale), et comportementale, dans une logique incitative qui vise à infléchir
durablement les comportements de consommation. En revanche, le financement de la
protection sociale par le consommateur n’est pas souhaitable (TVA sociale, Contribution
sur la valeur ajoutée, d’autant plus dans le contexte actuel de crise qui fragilise la
demande intérieure (Rapport Lagarde – Besson 2007). Par ailleurs, l’impact positif en
termes de création d’emplois (qui soulageraient les dépenses sociales) ne s’est pas
statistiquement vérifié suite à son expérimentation dans les DOM-TOM par la loi du
24 juillet 1994 tendant à améliorer l’emploi et les activités économiques.
Cependant, si la diversification des ressources a permis de dégager de nouvelles recettes
pour financer des dépenses sociales incompressibles, la tendance naturelle à la hausse
des dépenses de santé, la progression inquiétante des maladies professionnelles et
l’asphyxie financière des départements pose la question de la sortie du "care" au profit du
développement social, qui s’inscrit davantage dans une logique préventive et incitative.
B. Dépasser la logique du "care" au profit du développement sociale.
Si la diversification des ressources de la protection sociale est souhaitable et
envisageable, elle se heurte néanmoins au contexte actuel de crise et au poids des