Mesure autoréférencée du coefficient de gain Brillouin

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Effets non linéaires
A8.11
MESURE AUTO-REFERENCEE DU COEFFICIENT DE GAIN BRILLOUIN
DANS LES FIBRES OPTIQUES MONOMODES
Vincent Lanticq1, Shifeng Jiang2, Renaud Gabet 2, Yves Jaouën 2
Sylvie Delépine-Lesoille 3, Gautier Moreau1
1
2
EDF R&D, 6 quai Watier 78401 Chatou
TELECOM-Paristech, 46 rue Barrault 75013 Paris
3
LCPC, 58 boulevard Lefebvre 75015 Paris
[email protected]
RESUME
Cet article présente un procédé de mesure original du coefficient de gain Brillouin gB
d’une fibre optique. Cette méthode est auto-référencée et ne nécessite l’injection que
d’une seule source optique en une seule des extrémités de la fibre. Nous présentons les
résultats de mesure du gB d’une fibre bien connue : la SMF28 distribuée par CorningTM.
MOTS-CLEFS : Fibre ; caractérisation ; non-linéaire ; Brillouin.
1. INTRODUCTION
La diffusion Brillouin stimulée (ou DBS) dans les fibres optiques est un effet non-linéaire
étudié depuis de nombreuses années [1]. Pour de multiples applications, comme les
communications optiques ou les lasers à fibre, cet effet induit une limitation des puissances mises
en jeu. Il est cependant possible de tirer parti de la DBS pour d’autres applications comme la
lumière lente (en anglais « slow light »), les lasers Brillouin, ou encore les capteurs optiques
distribués. Il est alors nécessaire de connaître avec précision les paramètres de la diffusion Brillouin
dans la fibre utilisée, notamment le coefficient de gain Brillouin gB. Dans cet article, nous
présentons une nouvelle méthode de mesure de gB avec une précision inégalée à ce jour.
2. THEORIE DE LA DIFFUSION BRILLOUIN SPONTANEE AMPLIFIEE
Lorsqu’une onde incidente à la fréquence ν0 (appelée «onde pompe ») se propage à l’intérieur
d’une fibre optique relativement longue (plusieurs longueurs de battement de biréfringence) suivant
un axe z, les quantités de photons Stokes et anti-Stokes rétro-diffusés (NS et NAS) peuvent être
simplement exprimées par des fonctions du décalage de fréquence ν avec l’onde pompe (en
négligeant les pertes linéaires) :
Pp (z )
Pp (z )
dN S (ν 0 − ν ) 1
1
N S (ν 0 − ν ) + (1 + n ) ⋅ g (ν )
= ⋅ g (ν )
dz
A
A
2
2
Pp (z )
Pp (z )
dN AS (ν 0 + ν )
1
1
−
= − ⋅ g (ν )
N AS (ν 0 + ν ) + n ⋅ g (ν )
dz
2
A
2
A
−
(1)
dans laquelle g(ν) est le spectre de gain Brillouin, Pp est la puissance de pompe et n est le nombre
moyen de phonon thermique ( n ≈ 600 pour ν = 10 GHz). D’après [2], A n’est pas l’aire effective
du mode optique mais une aire de couplage acousto-optique (pouvant être calculée à partir de [3]).
Si l’on néglige la déplétion de pompe (Pp(z) = Pp0), ces équations conduisent respectivement à
l’expression des nombres de photons Stokes et anti-Stokes :
ª §1
ª
Pp 0 · º
Pp 0 · º
§ 1
N S (ν 0 − ν ) = (n + 1) «exp¨¨ g (ν )
L ¸¸ − 1» ; N AS (ν 0 + ν ) = n «1 − exp¨¨ − g (ν )
L ¸»
A ¹ »¼
A ¸¹ »¼
«¬ © 2
«¬
© 2
où L est la longueur totale de la fibre testée.
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(2)
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3. DISPOSITIF EXPERIMENTAL
La diffusion Brillouin spontanée amplifiée peut être simplement mesurée par une détection
auto-hétérodyne [4]. Le battement entre un oscillateur local (une partie de l’onde de pompe) et le
signal Brillouin sur un photodétecteur permet une mesure directe du spectre Brillouin dans le
domaine électrique. Malheureusement dans ce cas, les spectres des ondes Stokes et anti-Stokes sont
superposés (dans le domaine électrique). Puisque n >> 1 , on peut déterminer gB = g(νB) (valeur
maximale de g(ν)) à partir de la distribution spectrale de puissance électrique grâce à la relation :
Pp 0
ª1
º
PSDelec (ν ) = γ ⋅ [N s (ν 0 − ν ) + N As (ν 0 + ν )] ≅ 2γ ⋅ sinh « g (ν )
Leff »
(3)
A
¬2
¼
où γ est le gain de la fonction de transfert du dispositif expérimental (sensibilité du détecteur, pertes
optiques passives, etc.). La précision sur la valeur de gB est reliée à la connaissance de γ qui est
difficile à évaluer expérimentalement et de plus est susceptible de varier d’une mesure à l’autre.
Dans le but de séparer les composantes Stokes et anti-Stokes de l’onde rétro-diffusée, nous
proposons d’ajouter un modulateur acousto-optique pour réaliser un décalage de fréquence νa dans
un bras de la détection hétérodyne (Fig. 1), soit νa = 111MHz dans notre cas. Afin de stabiliser
encore plus la mesure, puisque la détection cohérente est dépendante de la polarisation, nous avons
ajouté un brouilleur de polarisation sur le bras de l’oscillateur local et un contrôleur de polarisation
sur l’autre bras pour s’assurer que la polarisation de l’onde pompe n’a pas d’effet sur le spectre
analysé.
FIG. 1: Dispositif expérimental de mesure du coefficient de gain Brillouin.
Les parties Stokes et anti-Stokes du spectre sont maintenant séparées d’une quantité :
2νa = 222 MHz. La largeur du spectre Brillouin étant de l’ordre de ΔνB = 40 MHz, on peut donc
considérer que ces deux parties sont totalement séparées. Il est alors possible d’évaluer séparément
les maxima des densités spectrales de puissances Stokes et anti-Stokes. Contrairement au cas
précédent qui conduisait à l’équation (3), le gain gB peut ici être exprimé simplement en fonction du
rapport de ces deux grandeurs, ne faisant pas intervenir γ :
Pp 0 ·
§1
PSDelec (ν B + ν a ) N s (ν 0 − ν B )
=
≅ exp¨¨ g B
L¸
(4)
PSDelec (ν B − ν a ) N As (ν 0 + ν B )
A ¸¹
©2
Il apparaît donc clairement que gB peut être mesuré indépendamment des conditions expérimentales.
4. VERIFICATION EXPERIEMNTALE : MESURE DU COEFFICIENT g B DE LA SMF-28
Afin de valider la méthode proposée, nous avons effectué une mesure du coefficient gB d’un
tronçon de 65 m de fibre SMF28 à 1560 nm. On peut remarquer sur la Fig. 2 (gauche) que les
spectres correspondant aux ondes Stokes et anti-Stokes sont bien séparés de 222 MHz. L’évolution
des profils des spectres Stokes et anti-Stokes avec la puissance de pompe est conforme à l’Eq. (2).
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A partir des courbes de la Fig. 2 (gauche), nous avons extrait les maxima des parties Stokes et
anti-Stokes pour chaque puissance de pompe (pour obtenir des résultats aussi précis que possible
nous avons utilisé les équations théoriques (2), et effectué l’hypothèse d’un profil lorentzien des
spectres g(ν)) afin d’évaluer un paramètre Y (tracé sur la Fig. 2 (droite)) directement proportionnel à
la puissance de pompe via le coefficient gB recherché (d’après l’Eq. (4)). Y est défini comme suit :
Y =2
A § PSDelec (ν B + ν a ) ·
¸
ln¨
L ¨© PSDelec (ν B − ν a ) ¸¹
(5)
FIG. 2: (gauche) Densité spectrale de puissance électrique mesurée dans une SMF-28 (L=65m) pour plusieurs
puissances de pompe. (droite) Variation du paramètre Y en fonction de la puissance de pompe.
Le coefficient de gain Brillouin de la SMF-28 a été évalué à gB = 1.68×10-11m.W-1. En
supposant que la longueur de la fibre L = 65m, et l’aire de couplage A = 87µm2 (à partir de [2]−[3]),
sont parfaitement connues, la précision obtenue sur la valeur de gB est 2%. On peut trouver dans la
littérature des résultats assez éloignés compris entre gB = 1.3×10-11m.W-1[5] et
gB = 2.6×10-11m.W-1[6], obtenus grâce à des méthodes différentes (dispositif pompe/sonde ou encore
évolution de la largeur du spectre Brillouin avec la puissance de pompe). L’avantage de la méthode
proposée est qu’elle ne requiert que l’utilisation successive de deux puissances de pompe dans un
rapport connu, ce qui est facilement réalisable avec un atténuateur et un coupleur.
CONCLUSION
Nous avons présenté une méthode de mesure auto-référencée du coefficient gB dans les fibres
optiques. Dans une fibre de type SMF-28, nous avons évalué la valeur de ce paramètre :
gB = 1.68×10-11m.W-1 à 2% près. Cette technique pourra être appliquée à la plupart des fibres
optiques monomodes, de longueur adaptée de façon à négliger déplétion de pompe et atténuation.
REFERENCES
[1] G. P. Agrawal, Non Linear Fiber Optics, Academic Press, 1989.
[2] A. Kobyakov, S. Kumar, D. Chowdhury, A. B. Ruffin, M. Sauer, S. Bickham and R. Mishra “Design
concept for optical fibers with enhanced SBS threshold”, Opt. Express, vol. 15, no. 14, p. 5338, 2005.
[3] V. Lanticq, R. Gabet, J.-L. Auguste, S. Delépine-Lesoille, S. Fortier and Y. Jaouën, “Spontaneous
Brillouin Scattering Modelling and Measurement in Various Axisymetric Optical Fibres”, Proceedings
ECOC 2007, Berlin, Germany, paper WeP004, 2007.
[4] A. Yeniay, J.-M. Delavaux and J. Toulouse, “Spontaneous and Stimulated Brillouin Scattering Gain
Spectra in Optical Fibers” J. Lightwave Technol, vol. 20, no. 8, p. 1425, 2002.
[5] C. Jáuregui Misas, P. Petropoulos and D. J. Richardson, “Slowing of Pulses to c/10 With Subwatt Power
Levels and Low Latency Using Brillouin Amplification in a Bismuth-Oxide Optical Fiber, J. Lightwave
Technol, vol. 25, no. 1, p. 216, 2007.
[6] M. Nikles, L. Thévenaz and P. A. Robert, “Brillouin Gain Spectrum Characterization in Single-Mode
Optical Fibers”, J. Lightwave Technol, vol. 15, no. 10, p. 1842, 1997.
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