UNITE ET DIVERSITE DES SUDS.
Introduction : Presque le quart de la population mondiale vit avec moins d’un dollar par jour. La quasi-totalité
réside dans les pays du Sud. Cependant, au-delà de leurs traits communs, les pays en développement (PED)
connaissent une grande diversité de situations : si la majorité des pays africains reste en marge du développement,
de nombreux pays latino-américains et asiatiques progressent. Les politiques de développement choisies par les
Etats du sud expliquent en partie cette diversité. L’inégal développement se retrouve à l’échelle des pays et des
villes.
Qu’est ce que le Sud ? Comment les formes de développement différencient t-elles les Sud ?
I- Un sud, des sud.
1) Une unité liée au sous-développement.
L’unité du Sud tient d’abord à son retard économique. L’agriculture, qui occupe la majorité des actifs, est globalement
peu productive. Le secteur informel est important. L’industrie oppose un secteur traditionnel à un secteur moderne
dépendant des investissements de Nord. Les PED (pays en développement) fournissent des produits manufacturés à
faible valeur ajoutée. S’étant fortement endettés auprès d’organismes internationaux, beaucoup de pays du Sud sont
dans une situation de dépendance majeure.
Les Etats du Sud ont des caractéristiques démographiques et sociales proches. Beaucoup possèdent de fort taux
d’accroissement naturel du fait d’une transition démographique inachevé (fécondité encore élevée). Si le taux de
mortalité a diminué, la mortalité infantile reste forte. L’espérance de vie augmente mais reste faible par rapport au
Nord. La sous-nutrition chronique concerne prés de 800 millions de personnes. Cependant les famines se raréfient et
sont principalement liées à des facteurs politiques (guerre civile par exemple). Les sociétés du Sud sont souvent
marquées par l’analphabétisme.
Les inégalités sociales, mais aussi régionales, sont fortes. Si la population rurale reste souvent majoritaire, la
croissance urbaine due à l’exode rural et à l’accroissement partout très rapide, posant des problèmes d’infrastructures
(précarité des logements et bidonvilles, sous-équipement sanitaire, engorgement des transports…).
2) Les sud : Une grande diversité.
Cette grande diversité est parfois le reflet de conditions historiques et naturelles différentes mais surtout le résultat de
politique de développement diverses. Certains semblent en mesure de sortir du sous-développement alors que
d’autres s’enlisent dans la pauvreté économique et la précarité sociale.
Les écarts sociaux sont importants : dans certains de nombreux Etats africains, moins d’1/3 de la population est
alphabétisée contre 96% en Argentine.
On peut subdiviser le Sud en plusieurs catégories en fonction du niveau de développement :
- Les PMA (pays les moins avancés) mais les pays intermédiaires sont ceux qui connaissent les plus graves
difficultés.
- Les pays pétroliers à haut revenu, les NPI (nouveaux pays industrialisés) et les pays émergents connaissent une
croissance économique forte.
- Les deux géants démographiques (Inde et Chine) connaissent une forte croissance économique (plus forte en
Chine). Regroupant plus de deux milliards d’hommes, ils sont obligés de tenir compte de la pression
démographique et de mener des politiques antinatalistes.
II- La diversité des politiques de développement.
1) A la recherche du développement.
De 1945 aux années 1990, quelques Etats ont favorisé l’agriculture vivrière (Chine de Mao). D’autres ont soutenu une
agriculture d’exportation (café, bois). Si on a d’abord parlé de miracle ivoirien ou sénégalais, la chute des cours à la fin
des accords préférentiels ont révélé la fragilité de ce modèle.
Des Etats ont donné la priorité à l’industrie par un développement autocentré sur les ressources du pays qui
privilégiaient les industries lourdes (exemple de l’Algérie des années 1960) ou dont le but était de diminuer les
importations par la production dans le pays de produits manufacturés (l’Amérique latine des années 1970). Ce modèle
a été mis à mal par la mondialisation du fait de la faible compétitivité de ces pays.
Certains états comme les NPI ont adopté une politique de promotion d’exportation. Misant sur leur main d’œuvre bon
marché, ils exportent vers le Nord des produits à bas prix. Débutants par des produits à faible technologie (textile), ils
entreprennent ensuite une remontée de filière passant à la production de biens plus élaborés (informatique). Ils sont
très intégrés dans le processus de mondialisation. La crise asiatique de 1997 a cependant montré les limites de ce
modèle.
2) L’adaptation actuelle a la mondialisation.
Depuis les années 1990, de nouvelles politiques d’inspiration libérale s’imposent peu à peu : les politiques
d’ajustement structurel (PAS). Ces plans d’austérité sont impulsés par la Banque mondiale et veulent répondre à 4
objectifs :
- La réduction du déficit budgétaire (exemple : gel des salaires des fonctionnaires).
- Dévaluation des monnaies et rigueur monétaire.
- Incitations au secteur privé au détriment des investissements publics.
- Une plus grande ouverture à la mondialisation (réduction du protectionnisme, appel aux investissements
étrangers).
Ces PAS ont eu des répercussions économiques positives (malgré l’échec en Afrique) : reprise de la croissance, des
exportations agricoles, arrivée d’investissements étrangers, octroi de nouveaux prêts du FMI. Mais le coût social est
lourd : paupérisation d’une partie de la population, accroissement des inégalités, recul des services publics (éducation,
santé). De plus, les PAS ne règlent pas le problème de la dette, les nouveaux prêts servant surtout à rembourser les
anciens.
La plupart des Etats considèrent la mondialisation comme un danger chec des discussions de l’OMC (organisation
mondiale du commerce) à Cancun en 2003) même si certains exportateurs agricoles la perçoivent comme une chance
(Brésil, Inde). Cependant, un consensus entre pays du Sud s’établit peu à peu sur la nécessité de supprimer la dette, de
préserver l’aide publique au développement (APD) et de s’organiser politiquement afin de pouvoir négocier en
position de force. Mais ces objectifs se heurtent à la position du Nord.
III- Typologie des Etats du sud
Comment expliquer le sous-développement dans certains Etats du Sud ?
1) Les Etats en grande difficul
a) Les PMA sont les états les plus pauvres du monde.
Trois critères : PIB (produit intérieur brut) par habitant par an inférieur à 500 dollars, taux d’alphabétisation inférieur à
moins de 20%, part de l’industrie dans le PIB inférieur à 10%. Dont souvent également caractérisés par le début de la
transition démographique, peu d’urbanisation, prédominance d’une agriculture traditionnelle.
On compte 49 PMA surtout en Afrique subsaharienne mais aussi en Aise (Laos, Afghanistan, Népal) et en Amérique
(Haïti).
Ces pays sont faiblement intégrés à l’économie mondiale, leur potentiel industriel stagne, leurs exportations sont
faibles (1,8% du commerce mondial), la dette ne baisse pas. Ils sont marqués par la carence des services publics, le
suivi scolaire et social est très insuffisant, nombreuses maladies endémiques (paludisme, dysenterie) et par le SIDA qui
diminue encore l’espérance de vie.
Autres problèmes : l’exode rural, forte croissance urbaine (bidonvilles), fort taux de fécondité, instabilité politique.
Par rapport à la dette, le G8 (regroupement des 8 plus grandes puissances du monde) promet régulièrement de ré
échelonner les dettes des pays pauvres très endettés (PPTE). Certains PMA s’organisent politiquement, par exemple
dans le cadre du NEPAD (nouveau partenariat pour le développement en Afrique) et réclament l’annulation pure et
simple de leur dette ou des aides pour attirer les investisseurs étrangers.
b) Les états intermédiaires sont les plus nombreux.
La situation est moins critique que les PMA, mais ils n’ont pas réellement connu de décollage économique. Il y a une
intégration souvent incomplète à la mondialisation et ont des rapports de dépendance plus que de concurrence avec
les pays du Nord.
Ils exportent des matières premières agricoles (côte d’Ivoire), minières (Pérou) ou énergétiques (Gabon, Nigeria). Les
investisseurs étrangers sont sélectifs, ils se font dans des secteurs liés à l’exportation (Total en Afrique).
L’Amérique latine comprend de plus en plus de pays dont l’intégration dans la mondialisation est croissante.
2) Les états du sud émergents.
a) Les NPI et pays émergents.
Au départ NPI désignait les quatre dragons d’Asie (rattachés au nord désormais), il s’applique maintenant aux bébés
tigres d’Asie du sud-est (Indonésie, Thaïlande) au Brésil, au Mexique et aux « jaguars » latino-américains (Chili).
L’Afrique ne compte aucun NPI sauf l’Ile Maurice.
Des pays émergents (Turquie, Afrique du Sud) sont proches des NPI mais manque d’ouverture sur l’extérieur, de
stabilité ou de croissance économique. Ces pays s’intègrent rapidement à l’économie mondiale et parviennent dans
certains secteurs à concurrencer le Nord. La situation sociale s’améliore : situation alimentaire, conditions sanitaire et
niveau d’éducation, parmi les plus hauts du Sud. La situation est moins favorable en Amérique du Sud du à l’hyper-
inflation et au poids écrasant de la dette. Ces pays restent dépendants des Etats-Unis. L’Argentine dont la monnaie
était liée au dollar, s’est enfoncée dans la crise depuis 2001, ce qui a des effets induits sur tout le MERCOSUR (marché
commun du sud de l’Amérique).
b) Les pays pétroliers à hauts revenus : un cas particulier.
Les pays pétroliers du golfe persique (Qatar, Bahreïn, Koweït, Oman) forment un groupe à part. Ils font partie des 50
premiers pays selon l’IDH (indicateur de développement humain) ce qui les placent devant certains pays européens.
Pourtant leur situation globale les maintient dans le Sud ce qui montre que la limite Nord/Sud est discutable.
Ils ont profité des deux chocs pétroliers et de la manne pétrolière pour s’équiper (routes, ports, universités) et
s’industrialiser. Certains ont mené une politique sociale (alphabétisation, santé publique). Ils cherchent à diversifier
leur économie (tourisme par exemple) car leur avenir est incertain (réserves, cours du baril).
Ces Etats possèdent des caractéristiques de sous-développement : forte fécondité, espérance de vie parfois moyenne,
persistances d’inégalités sociales, assujettissement des femmes.
c) L’union indienne et la Chine : les deux géants.
Poids démographique et puissance ; la population est une chance par sa jeunesse ou « une hypothèque
démographique » ? D’où des politiques antinatalistes.
La Chine est le premier pays industriel du Sud grâce à la très forte croissance de ses provinces littorales (intégrées à
l’Asie orientale). L’Inde possède une industrie diversifiée avec des secteurs de pointe (aérospatiale et informatique) et
est une puissance nucléaire.
Quelques critères de sous-développement : Inde 6éme RNB (revenu national brut) mais 104éme IDH (indicateur de
développement humain) ; Chine 12éme RNB et 81éme IDH : la croissance économique n’est donc pas forcément
synonyme de développement.
Conclusion : avec l’inégal développement à l’échelle mondiale, il n’est plus possible de regrouper les pays non issus
des premières révolutions indues sous la seule appellation de tiers monde. Cette notion est aujourd’hui dépassée par
le fait que des pays ont rejoint le Nord et que les autres pays du Sud ont des niveaux de développement et des
caractéristiques socio-économiques trop différents (PMA, émergents, etc.). Ce processus de croissance qui ne profite
pas à tous et renforcent les inégalités socio-spatiales est aussi appelé mal-développement.
Le Brésil : un pays du sud aux fortes disparités.
« Le brésil n’est pas un pays pauvre mais un pays avec beaucoup de pauvres ! ». Le Brésil compte 180 millions
d’habitants (5éme mondiale) sur une superficie de 8 512 000km² et a une population très jeune ( la moitié des
Brésiliens ont moins de 23 ans ) quivit majoritairement dans les villes ( 81,5% de la population est citadine ).
I Les régions motrices du développement brésilien.
1) Les grandes régions agricoles.
Les Etats du Sud et le Sudeste (désigne la région Sud Est du Brésil) permettent au Brésil de bien se situer au niveau
mondial (1er pour le café ; 2éme pour la canne à sucre, le soja et les bovins ; 3éme pour le maïs). Il s’agit souvent d’une
agriculture intégrée dans des filières agroalimentaires dominées par les firmes multinationales des pays du Nord.
L’Etat stimule les cultures commerciales et encourage la diversification (blé, riz, soja). L’Etat de Sao Paulo est un grand
état agricole (85% des oranges brésiliennes ; le Brésil est le 1er producteur de jus d’orange pour l’exportation). Ce
dynamisme marque des inégalités sociales : aux latifundios (grandes exploitations) s’opposent les minifundios et
microfundios (petites et très petites exploitations). De nombreux paysans sans terre vivent dans la misère (les « boias
frias » = les « gamelles froides).
2) Le Sudeste : le cœur industriel et financier du pays.
Les 3 Etats du Sudeste constituent la plus grande région industrielle d’Amérique latine. Plusieurs facteurs expliquent
cette hégémonie :
- Les mines de fer, le potentiel hydroélectrique (exemple : le barrage d’Itaipu sur le Paraná)
- Implantation depuis les années 1930 de grandes sociétés publiques dans les secteurs stratégiques (exemple :
Petrobras dans l’énergie)
- Modèle économique ou coexiste en interdépendance l’Etat, les entreprises brésiliennes et les FMN ( firmes
multinationales ) ; malgré les privatisations des années 1990, l’Etat reste présent dans les secteurs
stratégiques : aéronautique (Embraer), armement énergie (Petrobras) ; les FMN sont dans les secteurs les plus
rentables : auto, raffinage, industries pharmaceutique, alimentation (Carrefour)
- Une main d’œuvre bon marché (miracle brésilien après 1964).
La région de Sao Paulo est celle où la concentration de l’appareil productif (1/3 des emplois indus) et financier est le
plus fort. Le port de Santos (à proximité) est le premier du pays pour les conteneurs (¼ du commerce extérieur
brésilien). La littoralisation de l’industrie profite à tout le sud-est du pays.
II Les régions périphériques du Brésil.
1) Le nordeste en retard de développement.
Cet ensemble regroupe 15% du territoire et 30% de la population. A un littoral fertile et urbanisé (65%) s’oppose une
vaste steppe intérieure semi-aride (le sertao) touchée par des périodes de grande sécheresse (la secas). C’est la région
la plus pauvre du Brésil.
Il y a des problèmes de terres malgré de nombreuses réformes agraires (conflits grands propriétaire contre paysans
qui occupent de force les terres). Le nouveau président élu en 2002, Lula Da Silva, a promis une réforme agraire.
Le Nordeste est une région d’immigration qui alimente les fronts pionniers d’Amazonie et les favelas des villes du Sud
(28% de la population contre 41% en 1960).
Des îlots de prospérité se détachent cependant : le littoral est dynamisé par l’exploitation pétrolière et le tourisme ;
l’intérieur du Sao Francisco et du Acu cultivent pour l’exportation (fruits tropicaux).
2) Un Brésil intérieur pionnier.
Le centre-Ouest, le nord et l’Amazonie forment à l’intérieur du pays un espace très vaste (64% de la superficie). Cet
ensemble est sous-peuplé (13% de la population) et les habitants sont concentrés dans les villes le long des axes de
pénétration. Le potentiel est important du fait des réserves de terres et des ressources naturelles.
Les fronts pionniers ont pris de l’ampleur au début des années 1970 (lots de 100 hectares distribués par l’Etat aux
colons venus du Nordeste). Les objectifs de ces fronts pionniers sont au départ géopolitiques (occuper un espace
convoité) puis socioéconomiques (décongestionner le Sud, développer l’exploitation des ressources, trouver une
solution au problème de la terre dans le Nordeste) ont conduit à un bilan mitigé. Si le Sud de ce front pionnier est en
cours d’intégration aux régions motrices, les conflits sociaux et l’inégalité des structures agraires se sont renforcées. Le
sort des Amérindiens s’est aggravé et la forêt recule du fait des défrichements anarchiques : le développement
durable n’est pas assuré.
Le défi majeur de l’Amazonie reste celui d’assurer un développement durable.
III Des clivages intra-urbains.
1) Des villes attractives et une forte urbanisation.
Le Brésil est un des pays les plus urbanisé au monde avec un taux d’urbanisation de 81,5%. Il y a des disparités avec un
Sudeste à plus de 90% et des Etats d’Amazonie comme le Maranhao avec 33%. Les villes sont partout attractives, y
compris dans les régions périphériques où elles attirent des ruraux en quête d’emploi et dans les zones pionnières où
elles voient s’installer des colons déçus de leur expérience agricole.
L’armature urbaine du Brésil est marquée par l’existence de très grandes villes et de plusieurs mégapoles (plusieurs
millions d’habitants) comme Belo Horizonté (4 millions d’habitants), Rio de Janeiro (10,6 millions d’habitants) et Sao
Paulo (17,4 millions d’habitants). Capitale économique du Brésil, Sao Paulo est la plus grande ville d’Amérique du Sud.
Sa population continue de s’accroître par l’effet combiné de l’exode rural et d’un accroissement interne important.
2) Des villes qui concentrent les richesses dans effacer les inégalités.
Les villes sont marquées par d’importants contrastes et une forte ségrégation sociale. Les quartiers centraux, riches et
bien équipés, aux maisons individuelles entourés d’arbres et de murs élevés qui sont souvent gardés par des vigiles. A
l’opposé se trouvent les périphéries défavorisées : manque d’infrastructures, égouts, adductions d’eau, santé,
éducation. Exemple de Sao Paulo où dans les quartiers défavorisés : 28% des personnes ont l’eau courante contre 88%
pour l’agglomération ; 7% sont reliés à l’égout contre 40% pour l’agglomération.
La zonation sociale est très forte au Brésil : les favelas (sorte de bidonvilles) se développent partout : le long des axes
de communication, dans les zones à risques (près des foyers indus, zones de glissement de terrain) et même au cœur
des villes-centres dans les corticos (ruches), c’est à dire d’anciens immeubles taudifiés occupés aujourd’hui par des
familles très pauvres. Prés de 2 millions d’habitants de Sao Paulo vivent dans ce type d’immeuble surpeuplé. Les villes
brésiliennes sont donc en cours de précarisation par leur périphérie mais également par certaines parties de leurs
centres.
Les pouvoirs publics tentent parfois de mieux maîtriser l’extension des villes, d’améliorer comme à Curitiba ou Porto
Alegre les transports ou la collecte des déchets urbains. Mais, le plus souvent, l’urbanisation se fait sans urbanisme et
alors que les centres affichent leur richesse, les périphéries se « tiers-mondisent » et leurs habitants se marginalisent.
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