1 Mars 2017
Le durcissement monétaire de la FED en 2017
impactera tous les pays
A l’exception du FED et de la banque du Canada, toutes les autres
principales banques centrales ont assoupli leur politique monétaire en
2016. Elles ont soit abaissé les taux directeurs, soit gonflé leur bilan.
Cette divergence de politique monétaire aura des implications écono-
miques sur toutes les économies et surtout sur les pays en dévelop-
pement endettés en dollars.
Les Etats Unis
Depuis la crise financière de 2008, le Fed a injecté plus de 2.500 mil-
liards de dollars et a adopté une politique de taux d’intérêt à zéro dans
le but de relancer l’économie américaine. Selon les données statis-
tiques de Cepremap, Global Projection Model (GPM forecasts 7-12-
2016), le taux de chômage autour de 5% (proche du taux de plein em-
ploi) contre 10% en 2009, le taux de croissance du PIB de 1.9%, le taux
d’inflation positif de 0.4% et le taux d’inflation sous-jacente de 2% au
quatrième trimestre 2015 ont encouragé le FED a augmenté le taux
directeur pour la première fois en décembre 2015. La borne inférieure
du taux des fonds fédéraux passe à 0.25% et la limite supérieure passe
à 0.5%.
2017 SERA LANNEE DE TOUTES LES DIVERGENCES DES POLITIQUES MONETAIRES
Par Ghazi Boulila
- Professeur en Sciences Economiques à l’Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis
- Administrateur à la Société Tunisienne de Banque (STB)
- Directeur de l’Unité de recherche: Developpement Financier et Innovation (DEFI)
- Membre du bureau de l’ASECTU
- Membre de l’Association des Anciens de l’Institut de Défense Nationale (AAIDN)
- Président de l’Association pour la Réflexion sur le Développement Economique et Social» (ARDES)
BILLET ECONOMIQUE N°32
Les enjeux de la politique monétaire
Durant les années 2017-2019, les enjeux de la politique monétaire
feront l’objet de toutes les attentions et le rôle des banques centrales
restera un sujet controversé. En effet, les crises financières mondiales,
la baisse de la croissance et le risque de déflation des années 2000, ont
poussé les banques centrales des pays avancés à faire baisser leurs
taux directeurs à un niveau proche de zéro (trappe à la liquidité) pour
tenter de relancer l’activité économique. Cependant, l’inefficacité de
cette politique a ramené les principales banques centrales (Réserve Fé-
dérale –FED-, la Banque Centrale Européenne –BCE-, la Bank of Japan
–BOJ- et la Bank of England –BOE-) à assouplir leur politique moné-
taire en adoptant des mesures non conventionnelles, comme les achats
d’actifs à grande échelle dans le cadre de programmes d’assouplisse-
ment quantitatif (Quantitative Easing -QE-). Toutefois, à partir de 2015,
les Etats Unis commencent de sortir de la crise : la croissance démarre
et l’inflation augmente. Cette conjoncture positive a poussé le FED de
retourner vers la politique monétaire conventionnelle en augmentant de
nouveau son instrument le taux directeur au dessus de zéro pour éviter
une surchauffe et la formation d’une nouvelle bulle spéculative. Subsé-
quemment, la crise dans les autres pays persiste pour quelques années
et les banques centrales (BC) sont condamnées à maintenir la même
politique monétaire non conventionnelle et des taux directeurs proches
de zéro. Dans ce contexte contrasté, on assistera à une divergence des
politiques monétaires durant les années à venir qui impactera le reste
de l’économie mondiale notamment les pays émergents.
MARS 2017
MAC SA Intermédiaire en Bourse
Département Recherches
Tableau 1 : Projection des indicateurs des USA.
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Taux de croissance du PIB % 1.6 2.2 2.5 2.6
Taux d’inflation IPC % 1.2 2.4 2.3 2.4
Taux d’inflation sous-jacente % 2.2 2.1 2.4 2.6
Taux d’intérêt % 0.4 1.0 2.0 2.6
Output gap % -0.6 -0.3 0.0 0.2
Le FED a par la suite suivi cette tendance positive de l’économie
pour relever encore une fois ce taux d’un quart de point le mercredi
14 décembre 2016 le ramenant entre 0.5% et 0.75%. Elle prévoit
trois hausses pour 2017 suivies de trois autres en 2018 puis en
2019, ce qui ramènerait le taux directeur proche d’un taux jugé nor-
mal de 3.5%. Cette décision a été prise suite à la reprise de l’activité
économique et la hausse de l’inflation comme le montre le tableau.
L’écart de production ou l’output gap qui représente l’écart entre
le niveau réel du PIB et son niveau potentiel augmente et devient
positif à partir de 2018, ce qui signifie que l’économie américaine
est en phase d’expansion et l’inflation augmente.
Cette hausse du taux directeur aura des effets négatifs sur la dette
des ménages à long terme. Ces derniers verront les taux de crédits
de consommation et immobiliers augmenter réduisant leur pou-
voir d’achat. Les entreprises multinationales opérant à l’extérieur,
qui sont en grande majorité endettées en dollars sur les marchés
financiers vont voir leurs dettes augmenter. Cependant, cette
hausse rend les placements plus intéressants aux États-Unis.
Source : GPM forecasts 7-12-2016
2 Mars 2017
2
L’Union Européenne
Les décisions récentes des gouverneurs de la BCE sont prises pour le
maintien du QE durant l’année 2017 , c’est-à-dire la continuation du
programme d’achat des titres avec de la monnaie nouvellement créé
et le maintien du taux directeur proche de zéro. La performance des
indicateurs macroéconomiques était insuffisante pour s’engager
réellement dans un resserrement monétaire à l’instar du FED. Selon
les statistiques de « GPM forecasts 7-12-2016 », le taux de crois-
sance du PIB et le taux d’inflation étaient respectivement de 1.6% et
de 0.2% en 2016 et la tendance future va se maintenir jusqu’à la fin
de l’année 2018. L’output gap est négatif montrant que l’économie
européenne est en périodes de récession. Dans ce contexte, la BCE
n’optera pas pour un « tapering » jugé à risque car une hausse du
taux directeur n’augmentera pas la demande intérieure. La consoli-
dation de la croissance aux États-Unis, le risque de déflation en Eu-
rope et la persistance de la récession dans certains pays européens
contribuent à la dépréciation de l’euro face au dollar américain.
Tableau 2 : Projection des indicateurs de l’UE.
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Taux de croissance du PIB % 1.6 1.8 1.6 1.4
Taux d’inflation IPC % 0.2 1.5 1.6 1.8
Taux d’inflation sous-jacente % 0.9 1.3 1.7 1.8
Taux d’intérêt % 0.0 0.0 0.1 0.5
Output gap % -1.5 -0.7 -0.2 -0.0
Le Japon
L’inflation japonaise reste faible et même négative. En 2016, le Japon
a connu une déflation avec un taux de -0.2% et le taux de croissance
reste faible proche de 0.7% comme le montre le tableau. La hausse
de l’inflation et la reprise économique au cours des années 2017 et
2018 reste peu probable. L’économie européenne est en périodes
de récession puisque l’output gap est négatif. Dans ce contexte, la
BOJ n’a aucun argument pour resserrer sa politique monétaire et va
continuer à adopter le QE.
Tableau 3 : Projection des indicateurs du Japon.
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Taux de croissance du PIB % 0.7 1.0 0.9 0.8
Taux d’inflation IPC % -0.2 1.2 1.3 1.4
Taux d’inflation sous-jacente % 0.4 0.7 1.2 1.3
Taux d’intérêt % -0.1 -0.1 -0.1 -0.1
Output gap % -0.9 -0.5 -0.2 -0.1
Les pays émergents
La majorité des pays émergents ont tiré profit des politiques moné-
taires non conventionnelles et des taux d’intérêt faibles des pays
avancés pour financer leurs économies et attirer les investisseurs
étrangers, mais récemment que les taux remontent, la plupart d’entre
eux craignent des sorties de capitaux importants . Cette hausse rend
les placements plus intéressants aux Etats-Unis. En général, les
pays émergents sont contraints de relever leurs taux pour maintenir
une certaine stabilité de leur monnaie et limiter le risque d’accentuer
ces sorties de capitaux. Toutefois, comme la plupart d’entre eux est
dans une situation de ralentissement économique et de récession
comme le montre l’output gap, il faudrait plutôt faire l’inverse et faire
baisser les taux pour favoriser la reprise de la croissance.
Les pays Arabe du Golfe (l’Arabie saoudite, le Koweït et Bahreïn),
dont la monnaie est totalement alignée sur le dollar américain ont
relevé leur taux pour éviter un affaiblissement de leur monnaie dans
une situation où le baril de pétrole est à son bas prix, ce qui les pri-
veraient à leur tour d’un outil monétaire pour relancer la croissance.
Tableau 4 : Projection des indicateurs de l’Amérique
Latine.
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Taux de croissance du PIB % -0.5 1.1 2.3 2.7
Taux d’inflation IPC % 6.2 4.5 3.6 3.3
Taux d’inflation sous-jacente % 5.2 4.2 3.5 3.2
Taux d’intérêt % 9.0 8.2 6.4 6.1
Output gap % -4.7 -4.9 -4.1 -3.4
En outre, l’appréciation du dollar qui provient à la fois de la hausse
des taux américains et de la fuite des capitaux des pays émergents
vers le marché américain risquent de réduire la croissance mondiale,
d’accroitre les déficits budgétaires (hausse du prix des hydrocar-
bures en dollars) et d’accroitre le coût de la dette en dollars des éco-
nomies fortement dépendantes du financement étranger.
Quant à la Chine, elle a intériorisé la hausse des taux du FED en
changeant la fixation du taux de change de leur monnaie (yuan) du
dollar à un panel de devises. Cet assouplissement donnerait en prin-
cipe plus de liberté pour agir sur la demande intérieure et même pour
faire baisser les taux d’intérêt dans l’objectif de hausser la demande
de crédit des entreprises et des ménages. Les perspectives de crois-
sance de la Chine reste proche de 6% et l’inflation de l’ordre de 2.2%.
L’output gap est positif, ce qui montre que la phase d’expansion de
l’économie chinoise est persistante.
Tableau 5 : Projection des indicateurs de la Chine.
Indicateurs 2016 2017 2018 2019 : T1
Taux de croissance du PIB % 6.7 6.3 6.1 6.1
Taux d’inflation IPC % 2.1 2.0 2.2 2.4
Taux d’inflation sous-jacente % 1.7 2.3 2.4 2.5
Taux d’intérêt % 4.3 4.2 4.0 4.0
Output gap % 0.1 0.1 0.1 0.1
Source : GPM forecasts 7-12-2016
Source : GPM forecasts 7-12-2016 Source : GPM forecasts 7-12-2016
Source : GPM forecasts 7-12-2016
3 Mars 2017
Les Etats-Unis ont renoué avec la croissance et l’inflation depuis 2015, quand à la zone euro a demeuré dans
le bas du cycle. Ce constat prouve que les cycles économiques en Europe et aux Etats-Unis ne sont pas syn-
chronisés (retard de 2 à 4 années). Cette solidité relative de l’économie américaine donne des arguments au
FED pour remonter ses taux pour les années à venir entrainant une attractivité du dollar et son appréciation.
L’Europe devient plus compétitive c’est-à-dire la production et les exportations augmentent. A l’inverse, les
importations du pétrole seront plus chères car les règlements se font en dollar. Les pays émergents seront
en difficulté car lorsque les taux américains étaient proches de zéro, ces pays ont attiré des capitaux du fait
que les obligations américaines étaient moins rentables. L’évolution future des taux de la FED entrainera un
reflux des investisseurs vers les Etats-Unis. En outre, l’appréciation du dollar risque d’augmenter les déficits
budgétaires suite à la hausse du prix des matières premières et des hydrocarbures, de grever davantage le
déficit de la balance des paiements et d’accroitre le coût de la dette en dollars.
Conclusion
La Tunisie
La BCT est confrontée à un dilemme. Soit relever son taux pour
maintenir la stabilité du dinar, ce qui augmente le coût du crédit des
ménages et des entreprises soit le diminuer pour favoriser la reprise
éventuelle de l’investissement et la croissance économique.
Néanmoins, l’appréciation du dollar suite à la hausse récente du taux
d’intérêt directeur américain aura principalement deux effets:
• Un accroissement de la dette en dollars: En effet, on estime que
pour chaque appréciation du dollar face au dinar de dix millimes cor-
respond à un coût additionnel du service de la dette de 20 millions
de dinars du fait que le tiers de l’encours est libellé en dollars amé-
ricains.
• Un accroissement des subventions et du déficit budgétaire: Les
experts prévoient une hausse du prix des matières premières et des
hydrocarbures en 2017. Le prix moyen du baril de pétrole dépas-
sera celui adopté par la loi de finance 50 dollars. On estime que pour
chaque hausse d’un dollar du prix du baril, le budget consacrera 48
millions de dinars, ce qui est l’équivalent de 8% de la facture des
subventions dédiées aux hydrocarbures
Il est à signaler que globalement notre économie sera moins impac-
tée que les pays dont la monnaie est rattachée directement au dollar.
Les prévisions de la BCT postulent que croissance économique
suivra une trajectoire ascendante. La progression du PIB, aux prix
constants de 2010 sera de 2,2% en 2017 et 2,8% en 2018. La crois-
sance hors agriculture s’établirait autour de 2,2% en 2017 et 2,6% en
2018. Cette faiblesse attendue s’explique par l’instabilité politique et
la baisse de la récolte des olives en 2017. Les prévisions de l’inflation
poursuivront une tendance haussière pour atteindre une moyenne
annuelle de 5,0% en 2017 et de 4,2% en 2018. Cette tendance est
expliquée par la persistance des pressions sur le taux de change et la
hausse des prix mondiaux des matières premières. L’inflation sous-
jacente reste élevée.
Tableau 6 : Projection des indicateurs de la Tunisie.
Taux de croissance du PIB
(aux prix constants de l’année
2010) %
1.0 1.4 2.2 2.8
Taux de croissance du PIB hors
agriculture (aux prix constants de
l’année 2010) %
0.3 1.8 2.2 2 ;6
Taux d’inflation 4.9 3.8 5.0 4.2
Taux d’inflation sous-jacente (hors
produits alimentaires frais et
administrés)
5.3 5.1 5.0 4.6
Taux d’intérêt % 9.0 8.2 6.4 6.1
Output gap % -4.7 -4.9 -4.1 -3.4
Source : BCT (novembre 2016 page 10 et 11)
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