Traitement personnalise´ du cancer : va-t

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É ditorial
Traitement personnalisé
du cancer : va-t-on y
arriver un jour ?
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Tailored treatment for
cancer: shall we
manage?
Christophe Le Tourneau, Emmanuel
Mitry
Institut Curie,
d
epartement d’oncologie medicale,
Paris-Saint-Cloud,
France
e-mail : <[email protected]>
l’on ne parle du traitement
as une conf
erence, pas un congr
es ou
personnalis
e du cancer. Cette fameuse « m
edecine personnalis
ee »
cens
ee ^
etre r
evolutionnaire et qui, dans l’esprit de beaucoup de gens, est
associ
ee a l’espoir qu’elle permettra de gu
erir le cancer. Mais qu’en est-il et ou
en sommes-nous exactement ?
Selon la d
efinition du National Cancer Institute, la m
edecine personnalis
ee se
d
efinit par « toute forme de m
edecine qui utilise l’information des g
enes, des
prot
eines et de l’environnement des personnes pour pr
evenir, diagnostiquer
et traiter les maladies ». En canc
erologie, ce terme n’est malgr
e tout que
d’apparition r
ecente et c’est r
eellement avec l’
emergence des th
erapies dites
« cibl
ees » que l’on a commenc
e
a parler de m
edecine personnalis
ee. En effet,
a la diff
erence des agents de chimioth
erapie cytotoxique qui detruisent
grossi
erement toutes les cellules en division en s’attaquant a l’ADN ou a la
machine de division cellulaire, les th
erapies cibl
ees sont d
efinies comme etant des
eculaire cens
ee ^
etre cruciale pour la
m
edicaments qui ciblent une anomalie mol
prolif
eration cellulaire, l’angiog
en
ese, la diss
emination m
etastatique, etc. Alors
que les agents de chimioth
erapie cytotoxique sont habituellement issus du
screening de mol
ecules provenant des milieux naturels, les th
erapies ciblees sont
typiquement synth
etis
ees de novo afin de bloquer sp
ecifiquement une anomalie
mol
eculaire identifi
ee au pr
ealable, le plus souvent des anomalies g
enetiques a
type de mutation ou amplification, ou surexpression prot
eique. Les th
erapies
cibl
ees ne sont cens
ees ^
etre efficaces qu’en pr
esence de leur(s) cible(s).
Le terme de th
erapie cibl
ee est parfois utilis
e
a mauvais escient. Alors qu’il ne
devrait s’appliquer que si l’anomalie mol
eculaire cible n’est pas pr
esente dans
tous les cas, il s’av
ere que pour un certain nombre de th
erapies cibl
ees (antiantiangiog
eniques ou inhibiteurs de mTOR par exemple), aucune s
election
n’existe sur la pr
esence ou l’absence d’une anomalie mol
eculaire pr
edictive de
r
eponse. Un autre exemple est celui des inhibiteurs de polo-like kinase et des
es comme des th
erapies cibl
ees alors que
inhibiteurs de PARP qui sont consid
er
leurs cibles sont des mol
ecules ubiquitaires impliqu
ees dans la division cellulaire.
P
‘‘
Thérapie ciblée et médecine personnalisée sont deux choses
différentes
’’
Pour citer cet article : Le Tourneau C, Mitry E. Traitement personnalise du cancer : va-t-on y
arriver un jour ? Hepato Gastro 2012 ; 19 : 804-806. doi : 10.1684/hpg.2012.0804
804
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n8 10, d
ecembre 2012
doi: 10.1684/hpg.2012.0804
e » ne veut pas dire « m
Mais « th
erapie cible
edecine personnalisee ». En
effet, ce que l’on entend par m
edecine personnalis
ee, c’est la prescription
d’une th
erapie cibl
ee fond
ee sur le profil mol
eculaire de la tumeur, et ce,
ind
ependamment du type tumoral. Et en pratique, nous n’y sommes pas encore
Editorial
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
puisque les th
erapies cibl
ees, a l’instar des agents de chimioth
erapie cytotoxique,
ont et
e d
evelopp
ees et sont approuv
ees dans des types tumoraux bien
particuliers, m^
eme si la pr
esence ou l’absence d’une anomalie mol
eculaire est
parfois un pr
erequis pour leur prescription.
ce jour, le premier niveau de d
A
ecision pour l’administration d’une th
erapie
ciblee demeure la localisation tumorale et le type histologique, certains
biomarqueurs n’
etant analys
es que dans un second temps pour d
ecider d’une
th
erapie cibl
ee.
‘‘
Profil moléculaire versus localisation tumorale
‘‘
Des programmes de médecine personnalisée
’’
Peut-on envisager dans un futur proche que le choix des modalit
es
th
erapeutiques d’un cancer repose non plus sur la localisation tumorale
primitive mais sur les caract
eristiques mol
eculaires de la tumeur ? L’utilisation
d’une therapie cibl
ee (seule ou une association eventuellement) peut-elle ^
etre
guid
ee par la r
ealisation du profil mol
eculaire tumoral permettant d’identifier
une voie de signalisation essentielle a l’origine de la prolif
eration tumorale (et
ainsi augmenter le taux de gu
erison des cancers) ? La r
ealisation d’un profil
mol
eculaire exhaustif qui consiste a
etudier de multiples anomalies mol
eculaires
d’une tumeur en une seule fois, est aujourd’hui quelque chose d’envisageable
gr^
ace aux nouvelles technologies de haut d
ebit.
’’
De nombreuses institutions se sont lanc
ees dans des programmes de medecine
personnalis
ee, avec essentiellement des etudes qui consistent a r
ealiser le profil
mol
eculaire de la tumeur de patients m
etastatiques afin de les orienter vers des
essais cliniques. Le recrutement de l’
etude SAFIR01 coordonn
ee par Fabrice
Andr
e de l’IGR est termin
e. Cette etude consistait a r
ealiser un profil CGH a la
recherche d’amplifications ainsi que l’
etude des mutations de PI3K et d’AKT chez
des patientes atteintes d’un cancer du sein m
etastatique. L’
etude MOSCATO
coordonn
ee par Jean-Charles Soria a l’IGR consiste a r
ealiser un profil moleculaire
chez des patients candidats pour un essai de phase I afin de les orienter vers
l’essai le plus pertinent. Des programmes similaires a ce dernier sont d
ej
a en cours
au MD Anderson Cancer Center (Houston, Texas). Les Pays-Bas, le Canada et
l’Angleterre (The Stratified Medicine Program) ont initi
e des programmes qui
consistent a r
ealiser un profil mol
eculaire chez tout patient qui pr
esente un
cancer. Plus r
ecemment, des essais cliniques se sont mis en place. L’essai SHIVA,
coordonn
e par Christophe Le Tourneau, a ouvert d
ebut octobre 2012 a l’Institut
Curie. Six autres centres de lutte contre le cancer en partenariat avec Unicancer
ouvriront prochainement (Lyon, Nantes, Toulouse, Nancy, Dijon, Marseille).
SHIVA est un essai de phase II randomis
e de preuve de concept qui vise a
comparer l’efficacit
e (en termes de survie sans progression) d’un traitement
fond
e sur le profil mol
eculaire de la tumeur a celle d’un traitement conventionnel
par chimioth
erapie chez des patients atteints d’un cancer r
efractaire, et ce,
quelle que soit la localisation tumorale. Seules des th
erapies cibl
ees d
ej
a
approuvees seront utilis
ees dans cet essai, en fonction d’un algorithme bien
pr
ecis fond
e sur les anomalies mol
eculaires d
etect
ees. Les patients randomis
es
dans le bras standard pourront recevoir le traitement exp
erimental en cas de
progression. Le consortium WIN doit lancer egalement un essai non randomis
e
toutes tumeurs en 2013. Cet essai aura lieu a l’IGR, au MD Anderson, a Val
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n8 10, d
ecembre 2012
805
d’Hebron a Barcelone et en Isra€
el. L’efficacit
e sera evalu
ee en calculant le rapport
des temps jusqu’
a progression durant la derni
ere ligne de traitement et durant la
th
erapie cibl
ee fond
ee sur le profil mol
eculaire de la tumeur.
Ces essais sont associ
es a de nombreux d
efis :
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– Technologiques : Quels outils utiliser ? Comment les valider ? Comment
^le qualit
assurer le contro
e?
– Logistiques : n
ecessit
e d’une biopsie de la m
etastase avec les risques que cela
comprend, n
ecessit
e d’avoir les r
esultats du profil mol
eculaire en temps r
eel.
^ts : technologies cou
^teuses, qui doit payer si l’approche se d
– Cou
emocratise ?
– Acc
es aux m
edicaments d
ej
a sur le march
e et/ou en d
eveloppement ?
– Ethiques : n
ecessit
e de pr
elever l’ADN constitutionnel avec toutes les
informations qu’il comporte en cas de s
equençage de l’exome ou du g
enome.
Au final, il n’est pas impossible que le paradigme de traitement des cancers
e sur la biologie, et non
change dans les ann
ees a venir, avec un traitement fond
plus uniquement sur la localisation tumorale et le type histologique, et ce, d
es les
stades pr
ecoces. Cependant, la route semble encore longue. . . et parsem
ee
^ches !
d’embu
re
^ts : aucun
Conflits d’inte
806
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n8 10, d
ecembre 2012
&
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