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Cette prise de conscience internationale de la nécessité d’une réflexion éthique pour toute
expérimentation sur l’homme donne lieu à la création de premières règles d’éthique médicale.
A partir des années 60, le développement de l’industrie pharmaceutique suscite l’apparition
des premiers comités d’éthique. L’éthique prend une dimension politique, elle devient affaire
de gouvernements. La Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique crée en
1975 une commission qui a pour mission d’encadrer le développement du génie génétique.
Des commissions spécialisées apparaissent aux USA, en Grande-Bretagne, en Suède. Les
termes du débat éthique sont posés : comment concilier les apports considérables que les
sciences biologiques et médicales offrent à la société avec le respect de la dignité de l’être
humain, celui de son corps et de ses libertés individuelles ?
En France, le président de la république, François Mitterrand, crée le 23 Février 1983, une
nouvelle institution nationale qui répondra à ces interrogations : le Comité Consultatif
National d’éthique pour les Sciences de la vie et de la santé. Jean Bernard prend part très
activement à sa mise en place. Ce comité en quelque sorte complète le Conseil de l’Ordre des
médecins créé sous Vichy mais « double » le Comité d’éthique médicale de l’INSERM créé
en 1974 et dont le président est déjà Jean Bernard.
Le ministre de la recherche, Jean-Pierre Chevènement, charge alors Jean Bernard, avec le
concours du Directeur Général de l’INSERM, Philippe Lazar, d’élargir et de remodeler le
Comité d’éthique médicale de l’INSERM. Celui-ci avait pour fonction d’étudier
l’acceptabilité des projets de recherche clinique ; le Comité devenu « national » a désormais
sa mission « étendue » aux « problèmes moraux soulevés par la recherche dans les domaines
de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l’homme, les
groupes sociaux ou la société toute entière ».
L’horizon s’élargit à l’ensemble de la recherche dans les sciences biologiques et médicales. Il
s’élève aux problèmes de société, non seulement en France mais dans le monde.
Le Comité donne des avis ; il est une force de proposition ; il n’est pas une instance de
décision. La seule arme dont il dispose, c’est la persuasion fondée sur l’autorité des membres
qui le composent et la qualité de ses réflexions. Il s’en servira pour éclairer le citoyen et lui
faire jouer son rôle dans la conscience collective de la nation.
Jean Bernard par son autorité morale, avec le concours de Pierre Laroque, qui mit en œuvre la
Sécurité Sociale après la seconde guerre mondiale, et de Jean Dausset, prix Nobel,
insufflèrent à l’institution une conscience éthique du plus haut niveau qui définira le style du
comité.
La composition du Comité reflète, me semble-t-il, la double exigence de médecin et de
chercheur de Jean Bernard :
pluralité des opinions, tout homme, ou femme, quelles que soient ses origines, mérite
l’attention du médecin. Jean Bernard sera toujours attentif à rester en quelque sorte « laïque »,
sans jamais révéler ses convictions personnelles.
pluridisciplinarité, Jean Bernard en a fait l’expérience avec ses recherches sur les leucémies.
Il souhaitait qu’aucune catégorie ne l’emporte sur les autres : philosophe ou théologien,
chercheur ou médecin. Cela se manifestera par la composition des membres du comité
Le Comité devait compter initialement 30 membres (ils seront 40 en Février 1993, répartis en
3 collèges). Un premier collège se compose de « cinq personnalités appartenant aux
principales familles philosophiques et spirituelles (ou religieuses) » désignées par le Président
de la République ; un autre comprend 19 « personnalités qualifiées » n’appartenant pas au
monde de la recherche mais « choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les
problèmes d’éthique », désignées par le Parlement, le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et
plusieurs ministres ; le 3ème collège est formé de 15 personnalités appartenant au secteur de la
recherche.