Les révoltes dans les camps d'extermination
Elles concernent des groupes de prisonniers juifs employés dans des opérations liées à
l'extermination. Elles se sont produites dans la phase finale du génocide. Ce fut le plus souvent la
connaissance de la liquidation imminente du complexe dans lequel les Juifs étaient asservis qui mit le feu
aux poudres même si, dans le cas de Auschwitz-Birkenau, la possibilité d'un soulèvement général du
camp à coordonner avec une aide extérieure avait été mise au point par la résistance interne. L'activité
clandestine fut rendue possible par les relatives bonnes conditions physiques dans lesquelles se trouvaient
les Juifs participant aux équipes des différents lieux de «travail» de ces camps. Certains d'entre eux
réussirent à constituer des noyaux clandestins qui se donnèrent pour objectif d'ouvrir un passage à travers
les clôtures pour permettre la fuite des prisonniers.
Entre août et octobre 1943, il y eut deux épisodes d'évasion massive, à Treblinka et à Sobibor.
→ A Treblinka, le comité clandestin, constitué début 43, avait fixé au 2 août la date de
l'insurrection. Les Juifs des Kommandos avaient informé ce comité, composé
essentiellement de Juifs polonais, que la liquidation du camp était proche, Heinrich
Himmler l'ayant clairement annoncé à l'équipe SS du camp lors de sa visite en février 1943.
La révolte prévoyait l'acquisition d'armes, l'attaque des gardiens, le sabotage des
principales infrastructures (à commencer par les chambres à gaz) et l'évasion massive des
détenus qui impliquait de chercher un abri dans les forêts limitrophes. Les rebelles purent
s'emparer d'armes à feu avec lesquelles ils assaillirent les gardiens, pénétrèrent dans le
secteur occupé par les SS, en mettant le feu et en faisant exploser les réserves de
carburant. Dans le chaos de la révolte, les prisonniers se jetèrent en masse contre les
clôture pour tenter de fuir le camp. Les pertes furent nombreuses et bien peu des 850 Juifs
présents dans le camp survécurent. Près de 500 furent tués ou capturés aux alentours du
camp et la majeure partie de ceux qui réussirent à atteindre la forêt furent capturés et
fusillés quelques heures plus tard. Sur la centaine de fugitifs qui réussirent à échapper aux
recherches, environ une moitié d'entre eux était encore vivante à la fin de la guerre.
→ Sobibor vit aussi l'émergence durant l'été 43 d'un comité clandestin sous le commandement de Leon
Feldhendler, président du Judenrat du ghetto de Zolkiew, et qui était secondé par un lieutenant soviétique de
confession juive, Alexander Pechersky (dit Sacha), capturé par les Allemands en Biélorussie en septembre
43. C'est ce comité qui fut à l'origine d'une tentative d'évasion massive du camp, le 14 octobre. Vers 16 h 00,
un groupe de Juifs armés de hachettes assaillit les quelques SS présents à ce moment-là dans le camp.
Attirés dans les différents « laboratoires » sous divers prétextes, les Allemands furent rapidement dépassés.
Pendant ce temps, les lignes électriques et téléphoniques avaient été coupées. A 17 heures, les
responsables de la rébellion informèrent les Juifs rassemblés pour l'appel quotidien de ce qui s'était passé,
en les incitant à fuir en masse. Après avoir dépassé les clôtures en barbelé, les Juifs se dirigèrent en
courant vers la forêt à travers le champ miné qui entourait le camp. Des 400 hommes et femmes qui
participèrent à cette fuite, 250 périrent sous les balles des Trawniki-Männer (auxiliaires des SS dans les
camps de concentration et d'extermination, recrutés dans les pays de l'Est, notamment en Ukraine) ou sous
l'explosion des mines et seuls 53 des 150 qui ne furent pas repris survécurent à la guerre. 20 gardiens SS
ou ukrainiens furent tués.
A Treblinka comme à Sobibor, les installations de mise à mort ne furent pas sérieusement endommagées.
→ Le soir du 19 novembre 1943, dans la banlieue de Lwow (Lviv) en Ukraine, une dizaine de prisonniers
juifs réussirent à s'évader du camp de Janowska. Ils appartenaient pour la plupart au Sonderkommando
1005 utilisé pour l'exhumation et la crémation des corps des Juifs assassinés.
→ Le Sonderkommando (lire sur le site l'article consacré au Sonderkommando d'Auschwitz) de Birkenau se
révolta à son tour le 7 octobre 1944.
→ La conscience d'être promis à une fin imminente poussa à la dernière des révoltes qui eurent lieu dans
les camps d'extermination, même si dans ce cas il s'agit d'un acte de résistance improvisé. A Chelmno, le
premier camp d'extermination à fonctionner en décembre 1941, il ne restait en 1945 qu'une cinquantaine de
Juifs en vie, qui faisaient partie des équipes de travail. L'intention des nazis de les éliminer provoqua dans la
nuit du 17 au 18 janvier une rébellion désespérée à laquelle seuls deux d'entre eux purent survivre.
Ces révoltes n'ont en aucun cas modifié le processus d'extermination, mais au même titre que les actes de
résistance et les soulèvements qui se sont produits dans la plupart des ghettos, elles ont porté un coup dur
au stéréotype du Juif passif et résigné.