La formation de la nation française

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NATION FRANÇAISE
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La formation de la nation française
Extraits du livre de Germaine et Claude Willard
La féodalité et la formation des éléments nationaux jusqu’au début du XIVème siècle
842 - Serment de Strasbourg, premier document en langue romane
843 - Partage de Verdun. Charles le Chauve reçoit la partie occidentale de l’ancien empire de Charlemagne.
911 - Installation des Normands en Normandie
1096 - Première croisade
Philippe Auguste (1180-1223)
Culture littéraire
cours synthétiques
théâtre
auteurs
oeuvres
poésie
antiquité
1200 - Le chœur et la nef de Notre-Dame de Paris sont achevés.
Fondation de l’Université de Paris
1203 - Philippe Auguste rattache au domaine royal de Normandie l’Anjou, le Maine et la Touraine
1214 - Bouvines
Louis VIII (1223-1226)
1224 - Louis VIII rattache le Poitou et la Saintonge
Louis IX – Saint Louis (1226-1270)
1229 - Rattachement d’une partie du Midi après la croisade des Albigeaois
Philippe IV le Bel (1285-1314)
1302 - Philippe IV réunit les premiers états généraux
La nation française est une communauté d’hommes qui s’est constitué au cours du développement historique. On considère que le traité de Verdun de 843
marque les débuts de la nation. Ce traité partage l’Empire de Charlemagne, vaste conglomérat de tribus et de peuples menant leur vie propre, ayant leur
langue particulière : conglomérat éphémère. Des éléments de la nation commencent à apparaître : la différenciation des langues entre les royaumes est
nette. Dès le IXe siècle, on peut reconnaître à l’état embryonnaire certains des éléments constitutifs de la nation. Mais pour que la nation devienne une
réalité, il faut que ces éléments se développent et se stabilisent, donc que s’établisse entrez les différentes parties de la future nation une liaison économique
continue qui les soude en un tout unique.
a. Le mode de production féodal et son rôle dans la formation des éléments nationaux
Le mode de production féodal domine la France à partir des IXe-Xe siècles. La propriété féodale du seigneur coexiste avec l’exploitation individuelle
du producteur (le serf).
Les rapports sociaux sont des rapports de dépendance étroite entre la paysan et le seigneur. Le seigneur exploite le paysan, qui lui paye des redevances et
des contributions. Les paysans, qui ne sont pas libres, peuvent être achetés ou vendus. Ils ne peuvent accomplir les actes de la vie (mariage…) sans
l’autorisation payante. Le seigneur, menacé par les guerres, le brigandage, doit avoir un fort appareil de répression. Les paysans ne peuvent guère se
défendre. D’autre part, ils souffrent des caprices de la nature (disette, famine), qui les conduisent à ne manger que de l’herbe, voire de la chaire humaine.
Aux souffrances physiques s’ajoute l’humiliation : méprisés, ils sont des êtres mineurs.
Cette inégalité fondamentale est érigée en loi. Il y a trois ordres mais deux classes : d’un côté les nobles qui combattent et les clercs qui prient ; de l’autre
les serfs qui doivent « fournir à tous l’or, la nourriture et le vêtement ». Telle sera, jusqu’à la Révolution française, la base juridique de la société.
L’écrasante emprise de l’Eglise vient justifier cette exploitation. Le paysan ne peut espérer d’aide que de l’Eglise et de sa charité. Il s’imprègne de cette
religion qui leur fait espérer une vie meilleure. L’Eglise est la seule influence intellectuelle.
La France est le pays où s’est constitué le plus tôt et le plus complètement le régime féodal. La lutte des classes est ainsi précoce, et explique la force des
traditions révolutionnaires françaises.
Cependant, la féodalité est une étape nécessaire et positive dans le développement de la société. Le paysan est directement intéressé à la production qui lui
revient, une fois payés les droits seigneuriaux. Il recherche dons des améliorations dans son outillage et fait ainsi progresser les forces productives. Le
morcellement féodal lui-même en une multitude de seigneuries repliées sur elles-mêmes jouent à l’origine un rôle progressif. Le cadre restreint de la
seigneurie permet, mieux que de grands Etats, d’ordonner une économie fondée sur des forces productives mesquines. Le seigneur organise la vie
économique, il impose la diffusion de certaines pratiques, le rythme des travaux.
b. L’essor de la société féodale et le développement de la bourgeoisie
Les progrès agricoles se traduisent par de « grands défrichements », qui permettent d’agrandir les revenus des seigneurs. En même temps, l’outillage et les
opérations industrielles se compliquent et se spécialisent. La production industrielle, simple annexe de la production agricole exige maintenant des
artisans spécialisés, qui s’installent dans les anciennes villes. Les serfs, fuyant le domaine seigneurial, dans l’espoir de meilleures conditions de vie, vont
grossir cette population urbaine et en former la masse essentielle. Avec la croissance des centres spécialisés d’industrie et de commerce, s’opère dans la
société féodale la première grande division du travail : entre le métier et l’agriculture, entre la ville et la campagne.
Cette division du travail permet d’élargir les liens économiques. La ville conserve cependant son aspect campagnard. Sa production ne ravitaille
qu’une région rurale très limitée : le petit marché urbain est le cadre, extrêmement médiocre, où se nouent les premiers liens commerciaux permanents de
la ville et de la compagne.
Paris, au centre d’une région riche, aux cultures variées, utilise sa bonne situation géographique avec la Seine et les routes. A la fin du XIIIe siècle, elle
compte 60.000 habitants, et s’accroît de nouveaux quartiers sur la rive droite, devenue le centre les affaires autour des Halles que Philippe Auguste fait
construire à la fin du XIIe siècle.
Des liens s’organisent aussi à l’échelle internationale. En Normandie, la ville de Rouen fait un commerce actif en mer du Nord. La Champagne connaît
une activité commerciale débordante (les foires célèbres de Troyes, Provins, Lagny où se rencontrent les marchands d’Italie et de Flandres, d’Allemagne
d’Angleterre et de Catalogne).
La croissance des liens économiques rompt très tôt dans les régions les plus favorisées de la France du nord, l’extrême morcellement féodal. Une certaine
unification s’y dessine. Elle se marque par l’établissement d’un dialecte unique et de grands Etats féodaux, entre les régions les plus
économiquement liées : Duché de Normandie, comté de Champagne, domaine royal d’Ile de France. C’est la première étape de l’unification
territoriale.
c. Les luttes paysannes
L’essor économique et la division du travail entre le métier et l’agriculture entraînent une différenciation capitale au sein de la société féodale : une
nouvelle couche sociale naît, origine de la bourgeoisie, dont l’importance primordiale apparaît immédiatement : les artisans et les commerçants.
La ville doit alors engager la lutte contre la domination seigneuriale, contre le morcellement féodal qui entravent son développement. Dès le XIe siècle, se
constituent les premières corporations qui fournissent le cadre de lutte contre le seigneur. Les rapports féodaux gênent l’essor de la ville : la majorité de
ses habitants sont des serfs.
Au XIe siècle éclate « le mouvement communal », première apparition de la bourgeoisie sure la scène historique. Les villes tentent d’arracher aux
seigneurs des chartes qui accordent la liberté personnelle aux habitants, la limitation et la fixation des droits seigneuriaux, une certaine autonomie.
Le seigneur accepte parfois la charte proposée, mais souvent la lutte armée est nécessaire. Le mouvement communal connaît son apogée au XIIe siècle.
La lutte paysanne prend, elle aussi, un grand essor.
Le renforcement des liens économiques rend plus faciles l’organisation d’ententes entre villages et villes. Le développement économique, le mouvement
communal et l’affaiblissement de la puissance seigneuriale favorisent l’action paysanne.
Les croisades, entreprises par les féodaux dans l’espoir de conquérir des terres nouvelles, d’amasser un riche butin pour remédier à leurs difficultés, vont
souvent fournir une issue aux mouvements paysans. En 1212, 30.000 pauvres parmi lesquels un nombre considérable d’enfants, partent vers la
Palestine. Une mort certaine attend tous ces croisés populaires, très mal armés et sans organisation. La foi, l’ignorance des difficultés ne peuvent, à elles
seules, expliquer ce suicide collectif. Les paysans partent, avant tout, pour fuir, la lourde exploitation seigneuriale et l’atroce misère qu’elle engendre.
En 1251, à la prédication pour la VIIe Croisade répond un vaste soulèvement paysan, la Révolte des « Pastoureaux » : des prédicateurs populaires
expliquent que Jérusalem sera sauvée non par des féodaux, égoïstes et vaniteux, mais par les pauvres qu’ils méprisent. Du Nord, les masses paysannes
marchent vers Paris où elles entrent, puis continuent vers le Sud. Elles exécutent des membres du Clergé, s’emparent de leurs richesses ; partout, le peuple
les accueille et les soutient. Mais leur détachement est facilement écrasé par les armées royales.
Pressés par la résistance quotidienne des paysans, séduits par les avantages des chartes, les seigneurs commencent à affranchir les serfs. Au XIIIe siècle,
ce mouvement connaît son plein épanouissement. La disparition, précoce du servage en France explique en partie pourquoi le développement
capitaliste s’y est fait plus vite que dans les autres pays d’Europe, où le servage domine jusqu’au XVIIIe siècle, voire jusqu’au XIXe siècle. La
disparition, du servage, la limitation des droits seigneuriaux donnent à la petite exploitation de l’artisan et du paysan une indépendance plus grande. Ce qui
encourage les efforts des producteurs davantage intéressés à leur travail et favorise ainsi l’essor économique de la société au XIIe et XIIIe siècles.
Le rôle de l’Etat monarchique dans la consolidation des éléments nationaux.
Toutes ces transformations entraînent aux XIIe et XIIIe siècles un accroissement du pouvoir monarchique. Le roi n’est à l’origine qu’un seigneur mais qui
embrasse un pays riche (l’île de France) à l’essor économique rapide. Les revenus royaux augmentent, permettant au roi d’accroître ses forces militaires.
Chef de la hiérarchie féodale, le roi est appelé à freiner la résistance de la paysannerie exploitée. Il est à la tête de la défense extérieure du royaume.
Les villes vont appuyer l’Etat royal car ils ont les mêmes adversaires : les grands féodaux. La ville donne au roi de l’argent et des forces militaires
(les milices) ; le roi garantit aux villes des chartes de franchise, assure leur sécurité.
Le signe extérieur qui marque le renforcement de l’Etat monarchique est l’agrandissement rapide du domaine royal, notamment sous les règnes des grands
rois capétiens Philippe Auguste (1180-1223), Louis IX ou Saint Louis (1226-1270) et Philippe le Bel (1285-1314).
Au début du XIVe siècle, le domaine royal recouvre la plus grande partie de la France : il débouche sur la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée,
atteint la Meuse ; les seules grandes formations féodales qui demeurent hors de son domaine sont la Bretagne, la Bourgogne, la Flandre et l’Aquitaine.
Dans l’extension de sa puissance, le roi se heurte aux grands féodaux indépendants. Pour lutter contre eux, il utilise les armes que lui donne la société
moderne en développement, l’appui des villes notamment, mais aussi ses pouvoirs de roi féodal, chef de la hiérarchie seigneuriale. Cette lutte s’explique
aussi par l’existence de deux peuples sur le territoire français.
La France du sud, dont le comté de Toulouse est l’unité politique essentielle, constitue à l’époque un peuple distinct. Le sud a sa propre langue (langue
d’oc), son droit, sa culture. Sa structure économique et politique est très originale. Les villes riches forment des républiques marchandes qui empêchent la
féodalité de s’établir solidement.
Au début du XIIIe siècle, le Nord profite de l’hérésie albigeoise de Toulouse pour tenter de rattacher le sud au nord. Une croisade s’organise à l’appel du
pape : elle écrase l’hérésie et permet de rattacher le comté de Toulouse au domaine royal.
Il y a dans le domaine royal une même organisation administrative : Philippe Auguste institue des fonctionnaires réguliers, les baillis, qui exercent des
fonctions fiscales judiciaires et militaires. Le roi fait, pénétrer de son autorité à l’intérieur même des seigneuries indépendantes grâce à sa justice et à sa
monnaie. Cette première centralisation monarchique augmente la cohésion sociale du royaume, facilite les liens économiques et culturels.
Le rôle important de l’Etat monarchique dans la consolidation des éléments nationaux explique pourquoi, pendant longtemps, le sentiment
national s’identifie au sentiment monarchique. L’importance économique et politique de Paris ne cesse de grandir, et c’est le francien qui fournit la
base essentielle de la langue unique.
Les débuts de la culture nationale
La culture nationale est une culture de classe : les premières grandes œuvres littéraires sont les chansons de gestes (Xe-XIIIe siècles) qui exaltent le
dynamisme, la grandeur de la classe féodale.
La religion catholique marque profondément cette culture. La foi anime les classes populaires inspire des chefs-d’œuvre. Dans les cathédrales
gothiques de Paris, Chartres, Amiens, Reims, à la foi profonde s’unissent l’esprit satirique du peuple (saints et gargouilles). Les épisodes religieux servent
souvent de prétexte à la représentation de scènes de la vie courante.
Des caractères analogues se retrouvent dans le théâtre. Il naît aux Xe-XIe siècles à l’intérieur même de l’Eglise ; au cours de l’office, des répliques en
latin puis en langage courant sont échangées entre le prêtre et le chœur. Le théâtre sort de l’édifice culturel : les drames religieux sont joués sur le parvis
de l’église par des artistes spécialisés ; au XIIIe siècle, les « miracles » sont des spectacles grandioses où au récit des saints s’ajoutent des tableaux de
mœurs.
L’importance croissante des éléments laïcs dans les œuvres religieuses montre que l’Eglise perd dès le XIIe siècle le monopole de la culture.
Un facteur décisif de la formation de la culture nationale est le développement de la culture urbaine. Cette culture s’élabore comme une arme de
lutte pour soutenir idéologiquement la pratique anti-féodale de la bourgeoisie et des classes exploitées. Elle est nourrie par les traditions populaires.
- La culture urbaine met au premier plan les méthodes de pensée rationaliste. Les écoles privées, que la bourgeoisie crée pour ses propres besoins, dès le
XIIe siècle, échappe à la tutelle de l’Eglise. Au programme : des auteurs antiques (Aristote), des doctrines philosophiques, qui s’opposent à la théologie.
Les universités se créent au XIIIe siècle et en subissent l’influence.
L’Eglise revendique son monopole culturel et attaque les écoles libres. Elle s’efforce de dominer l’université. Et utilise les modes de raisonnement et les
auteurs introduits par l’enseignement libre (Thomas d’Aquin soumet la raison et la science à la religion). Les méthodes de pensée rationaliste sont
détournées de leur but par l’Eglise et servent en définitive à la renforcer.
- La deuxième arme de la culture urbaine est la satire. La bourgeoisie introduit le comique dans la littérature française. Les œuvres les plus
caractéristiques sont les fabliaux ; ils glorifient l’ingéniosité, le bon sens populaire. La cupidité du clergé est dénoncée.
Le roman de Renart, épopée satirique et parodique, a un immense succès au XIIIe siècle. Il dépeint sous les traits d’animaux, les principaux personnages
de la société féodale. Dans cette littérature urbaine qui exprime les sentiments anti-féodaux des masses populaires, apparaissent déjà les signes de
différenciation sociale à l’intérieur de la ville. Renart, représentant des couches dirigeantes de la ville, triomphe des féodaux et de leur force brutale par
son intelligence. Mais il pille et persécute les petites gens.
- Troisième caractère de la culture urbaine : l’amour de la vie et des biens matériels , opposés à l’ascétisme prêché par l’Eglise, artistes et écrivains
peignent avec réalisme la vie quotidienne. Danses populaires, fêtes campagnardes tiennent une large place dans le théâtre urbain naissant
o-O-o
La crise de la guerre de cent ans
(XIVe et XVe siècles)
Philippe VI de Valois (1328-1350)
1346 - Crécy, premier grand désastre français de la guerre
Jean Le Bon (1350-1364)
1356 - Nouveau désastre à Poitiers. Le roi Jean le Bon est fait prisonnier
1357-58 - Révolte d’Etienne Marcel. Grande Jacquerie
Charles V le Sage (1364-1380)
1370-80 - Succès de Du Guesclin. Les Anglais sont presque entièrement chassés de France
Charles VI (1380-1422)
1420 - Par le traité de Troyes, Charles VI livre le royaume aux Anglais
Charles VII (1422-1461)
1429-31 Epopée de Jeanne d’Arc
1453 - Fin de la guerre de Cent Ans. Les Anglais ne gardent en France que Calais
1456-61 - Petit Testament et Grand Testament de Villon
Louis XI (1461-1483)
1470 - Premier atelier d’imprimerie à Paris
1480 - Louis XI obtient la Provence. Marseille, ville française
1482 - Rattachement définitif de la Bourgogne et de la Picardie
Charles VII (1483-1498)
1491 - Rattachement de la Bretagne
a- La décadence de la féodalité
Au début du XIVe siècle, les revenus de la seigneurie ne satisfont pas les besoins grandissants du propriétaire. La féodalité cherche naturellement à faire
retomber sur les autres classes de la société la crise qu’elle subit. Les chartes sont interprétées ou cyniquement violées : le seigneur essaie de réserver les
communaux à son propre usage.
Certains féodaux s’efforcent de mettre la main sur l’Etat monarchique. Les guerres sont impatiemment attendues par les seigneurs (rançons, pillages).
Or la guerre de Cent Ans (1337-1453) contre l’Angleterre va démontrer la décadence de la féodalité.
1) d’abord sur le plan militaire.
La guerre s’ouvre par des désastres. L’armée anglaise n’est plus de type féodal. C’est une solide infanterie de paysans libres, disciplinés. L’armée
française est formée de féodaux, lourdement armés, combattant à cheval, individuellement, refusant de se plier à une discipline d’ensemble. L’armée
anglaise est supérieure : ils gagent à Crécy (1346), Calais (1347) et Poitiers (1356)
2) La féodalité va être incapable, de par sa nature de classe, de comprendre et d’incarner les liens nationaux.
Le seigneur ne connaît que son fief. Son souci est de la conserver et de l’agrandir.
b- Les luttes de classes pendant la guerre de cent ans
Cette attitude rend insupportable la situation des masses paysannes. La colère gronde contre les féodaux, plus exigeants et incapables de remplir leurs
propres fonctions. La bourgeoisie est aussi gênée par la désorganisation et le pillage du royaume, par l’anarchie féodale qui bat en brèche le pouvoir
royal. Deux révoltes éclatent :
1) un soulèvement parisien conduit par la bourgeoisie
Aux états généraux de 1357, elle exige le renvoi des « mauvais serviteurs du roi ». La bourgeoisie conduite par Etienne Marcel (drapier et prévôt de
marchand de Paris), tente d’imposer à la monarchie la collaboration et le contrôle des états généraux. Elle essaie de limiter le désordre intérieur. Pour faire
pression sur le gouvernement, Etienne Marcel fait appel au peuple de Paris.
Le 22 février 1358, 3.000 artisans armés se portent au Palais Royal et exécutent sous les yeux du dauphin deux maréchaux « faux, mauvais et traitres ».
Le dauphin quitte Paris pour diriger la répression et fait appel aux nobles.
2) La Jacquerie
Elle va considérablement élargir la lutte. Les paysans ont commencé à s’armer et à s’organiser contre les pillards : ils s’en prennent aux féodaux.
Commencé en Mai 1358, dans le Beauvaisis, le soulèvement recouvre rapidement l’Ile-de-France, la Champagne, et la Picardie. Les Jacques ont à leur
tête Guillaume Carle. Les paysans agissent en petits détachements, détruisent les châteaux, et surtout les chartes où sont inscrites les redevances féodales.
Les paysans et la bourgeoisie parisienne luttant contre le même ennemi féodal, leur alliance paraît aller de soi. Mais la méfiance de la haute bourgeoisie à
l’égard des classes travailleuses est déjà forte.
Face à la Jacquerie, l’union se rétablit rapidement entre les féodaux. Autour de Charles le Mauvais, se rassemblent les seigneurs du parti du dauphin. Les
nobles appellent les Anglais à leur secours. En pleine guerre, féodaux français et anglais alliés en juin 1358, écrasent leur commun ennemi de classe. La
répression est féroce : « Mort aux vilains ! » Les nobles massacrent les paysans en masse, ils les pendent devant leur maison, les brûlent par centaines, les
noient. Ceux qui sont épargnés doivent payer de terribles amendes.
L’écrasement de la Jacquerie sonne le gals du soulèvement parisien. L’armée du dauphin met le siège devant Paris. Déçus de n’avoir obtenu aucune
amélioration de leur sort, les artisans se détachent du gouvernement d’Etienne Marcel. Celui-ci sera d’ailleurs tué par les partisans du dauphin. Le dauphin
rentre alors dans la capitale.
L’échec de ces mouvements était inévitable :
- le mouvement paysan manque d’idéologie (par sa petite tenure individuelle, il n’est pas lié à l’économie d’avenir) et d’organisation (ils vivent isolés). Le
mouvement paysan dispose du soutien des masses pauvres des villes. Mais liés à la petite production, celles-ci n’apportent pas de perspectives nouvelles ;
- la riche bourgeoisie participe à la lutte des classes, mais il n’existe pas encore de forces productives nouvelles, imposant l’abolition des rapports de
production féodaux. La bourgeoisie ne s’est développée que dans certaines régions. Elle est déjà en conflit avec les couches urbaines les plus pauvres,
dont les compagnons.
Ces luttes des classes ébranlent fortement les rapports de production féodaux,
c- La croissance du sentiment patriotique pendant la guerre de Cent Ans
La lutte populaire va se révéler décisive pour l’existence du « peuple » français.
Le peuple hait la guerre comme le dénonce le poète Eustache Deschamps ou encore Charles d’Orléans (neveu de Charles VI). Les féodaux sont
incapables d’assurer la sauvegarde du royaume et de faire cesser la guerre. Leurs intérêts égoïstes voire leur lâcheté, font qu’ils n’empêchent pas les
Anglais de mettre le pays à feu et à sang, d’occuper les provinces entières. Le peuple oppose une résistance décidée à la domination anglaise. Les paysans
mènent parfois une véritable guérilla. Réfugiés dans les bois, ils attaquent les garnisons anglaises, harcèlent les détachements ennemis et n’épargnent pas
les « français reniés ».
L’état d’esprit patriotique permet de remporter plusieurs victoire sous le règne de Charles V dans les années 1369-1380. Mais la situation reste
dramatique. Profitant d’une guerre entre deux cliques féodales (Armagnacs et Bourguignons), les Anglais remportent des succès considérables.
En 1415, ils infligent à l’armée féodale française une terrible défaite à Azincourt. En 1420, le traité de Troyes signé par Charles VI proclame
héritier de la couronne de France Henri V, roi d’Angleterre. Les Anglais agrandissent leurs conquêtes (le Nord, le Centre, le Midi, la Loire). La
paysannerie, ruinée, accentue la résistance. Mais les représailles sont atroces (des femmes qui ravitaillaient les détachements ont été enterrées vivantes).
C’est à cette époque qu’apparaît Jeanne d’Arc. Alors que la foi catholique baigne profondément les masses populaires, l’enthousiasme de Jeanne
emprunte naturellement des formes religieuses : faire cesser la guerre, délivrer le royaume sont à ses yeux des tâches sacrées, dictées par Dieu. L’esprit
patriotique se confond avec la foi en Dieu. D’autre part, le sentiment monarchique et le sentiment patriotique s’identifient ; le rétablissement de
l’autorité royale, symbolisée par le sacre traditionnel est pour Jeanne d’Arc la condition indispensable au salut de son pays. Jeanne est accueillie par le
peuple car elle incarne des sentiments profonds. Elle va encourager les soldats, alors plus combatifs. Les Anglais reculent. Mais les féodaux conseillers de
Charles VII intriguent contre cette paysanne ; Jeanne, par trahison, tombe aux mains de l’ennemi. Pour les Anglais, cela permet de détruire le sentiment
patriotique et pour calmer les craintes de leurs soldats. Jeanne est alors dénoncée comme une envoyée du diable. Condamnée en tant que sorcière, elle sera
brûlée vive à Rouen le 30 mai 1431.
Malgré cette perte, le peuple se bat toujours. De plus, le peuple anglais manifeste contre cette guerre, qui lui coûte cher.
Le maintien des féodaux anglais en France est désormais impossible. Ils sont progressivement chassés de toutes les régions occupées.
En 1453, à la fin de la guerre, seul Calais reste en leur possession.
d- Les débuts de la désagrégation des rapports de production féodaux
Les ruines accumulées par la guerre accentuent les difficultés des classes liées à une économie féodale dans laquelle les forces productives ne progressent
plus.
1) A la campagne
- le grand propriétaire féodal doit, avec des revenus sensiblement fixés, faire face à des dépenses croissantes. Il veut jouir de tous les avantages que les
relations avec les pays étrangers et les progrès économiques mettent à sa disposition. La noblesse commence à connaître des difficultés pécuniaires.
- les masses paysannes supportent l’essentiel de la crise. L’Etat augmente sans cesse les impôts royaux, les produits se vendent peu, la liberté coûte cher.
Le paysan doit alors emprunter au bourgeois de la ville, au paysan aisé. Il s’endette à perpétuité. Certains se louent aux propriétaires ou fermiers plus
aisés, comme journaliers.
Ainsi, des rapports de production nouveaux se glissent sous formes embryonnaires mais multiples dans les rapports de production féodaux. Le paysan
commence à avoir des rapports de dépendance, comme salarié, avec la bourgeoisie paysanne ou urbaine.
2) A la ville
De nouveaux rapports de dépendance naissent aussi. La bourgeoisie riche accumule, grâce au commerce et à l’usure de grosses sommes d’argent ; elle
tend à se subordonner les petits producteurs. Les maîtres des corporations marchandes tiennent souvent en étroite dépendance les autres corporations
(merciers et drapiers exploitent les filateurs, foulons, teinturiers). Ils étendent leur aire de domination dans les faubourgs et à la campagne. Le producteur,
tombé sous la coupe du marchand, tend à devenir un salarié dans la dépendance étroite de son employeur.
Les rapports féodaux commencent ainsi à se désagréger. L’argent, capital commercial et usuraire, s’accumule dans les mains de la bourgeoisie ;
d’autre part, le sort des producteurs liés à leur économie individuelle, s’aggrave. Ils commencent à entrer dans les nouveaux rapports de production
capitaliste ; l’isolement est brisé.
e- Le développement d’un Etat national au XVe siècle
L’appareil d’Etat, sous Charles VII (1422-1461) et Louis XI (1461-1483) se perfectionne. Les organes de gouvernement se développent. Le nombre de
baillis s’accroît, un service de courrier se crée. L’armée royale se renforce. Les impôts grandissent et se transforment en impôts permanents : les aides, la
gabelle, la taille. Le roi, qui dispose de moyens d’actions déjà imposants, semble planer au-dessus des classes. Il fait plier la féodalité qui veut être
indépendante, et la bourgeoisie.
La fonction primordiale de l’Etat reste de maintenir en sujétion les classes exploitées, et avant tout les masses paysannes.
L’Etat commence à fournir des ressources militaires à la noblesse, sous formes de pensions, de charges militaires, de guerres, de pillages. C’est un Etat
essentiellement féodal.
Mais cette monarchie en marche vers l’absolutisme, a un rôle et des caractères assez complexes. Elle travaille aussi en faveur de la bourgeoisie : elle fait
progresser la formation territoriale de la nation : les états généraux de Tours, réunis en 1484, accueillent pour la première fois des délégués de toutes les
régions de France. L’essor économique, la croissance des liens bourgeois, donc des liens nationaux, en sont naturellement accentués.
Le roi utilise les compétences, l’influence et les richesses de la bourgeoisie afin de mieux asseoir son pouvoir de roi féodal. Il encourage le
développement économique : il favorise l’installation d’ateliers de soierie à Lyon, d’imprimeries à Paris, accorde des privilèges aux foires, notamment à
Lyon, qui prennent une importance européenne.
Les bourgeois participent de plus en plus activement à l’administration, par la vénalité des charges et les emprunts. L’Etat emprunte et utilise à ses propres
fins l’argent accumulé par les banquiers et les marchands qui s’ingèrent dans les affaires du royal débiteur, souvent insolvable. Ils acquièrent la perception
de certains impôts.
La vente des offices (charges publiques) qui fournit des ressources à l’Etat, profite également à la bourgeoisie ; en achetant des charges de finances et de
justice, la bourgeoisie entre dans l’appareil bureaucratique de l’Etat. Cela leur permet de monter dans la hiérarchie sociale, voire d’acquérir des titres de
noblesse.
f- Les progrès de la culture nationale
Le développement de la langue française atteste et consolide les progrès de l’unité nationale. C’est la langue administrative, et littéraire.
Le contenu de la culture française reflète la complexité des problèmes de l’époque.
L’Eglise et son enseignement sont fortement attaqués. A l’esprit d’autorité s’oppose toujours plus le rationalisme. Ceci se voit nettement dans la création
populaire, dans les chansons, et dans les genres qu’elle influence profondément, surtout le théâtre, qui reste la distraction la plus populaire. Dans les
« mystères », le thème central des souffrances du Christ est noyé un spectacle à grande mise en scène, coupé d’intermèdes familiers ou humoristiques. Le
théâtre comique traduit encore mieux les sentiments populaires : les farces continuent les traditions des fabliaux par leur réalisme et leur esprit satirique.
Les couches supérieures de la population urbaine cherchent à élaborer une culture propre. Elles s’écartent du peuple et répudient de plus en plus
l’enseignement de l’Eglise. La curiosité grandit à l’égard de l’Antiquité, qui apporte une philosophie bien différente de celle de l’Eglise. Pour retrouver
par-delà les épurations de l’Eglise, le texte véritable, on recherche les sources, les manuscrits. Le grec commence à être enseigné.
Le poète François Villon est le plus grand écrivain de ce temps. Etudiant pauvre, il mène une vie difficile et vagabonde. Il se moque des moines, des
seigneurs, des riches bourgeois. Toute sa poésie est une protestation contre la morale ascétique de l’Eglise ; L’amour de la vie éclate : il exalte le vin,
l’amour avec réalisme, cynisme parfois. Mais il est encore marqué de l’empreinte religieuse (la fragilité humaine, la mort inévitable…). Villon, qui n’est
pas encore de la Renaissance, mais n’est déjà plus du Moyen-Age, traduit par ses propres contradictions celles de son époque.
o-O-o
Introduction au XVIe° siècle
L’aube du capitalisme
1492 - Premier voyage de Christophe Colomb en Amérique
Louis XII (1498-1515)
1494-1516 - Guerre d’Italie
François Ier (1515-1547)
1516 - Concordat de Bologne entre François Ier et le Pape Léon X plaçant l’Eglise de France sous l’autorité royale
1517 - La Réforme en Allemagne (Luther)
1534 - Gargantua
1536 - L’institution chrétiennede Calvin
1539 - Ordonnance de Villers Cotterets - Emploi du français dans les tribunaux et actes officiels
- Grande grève des imprimeurs de Lyon
Pendant le règne : Bourbonnais auvergne, Marche et Beaujolais rattachés au domaine royal
Henri II (1547-1559)
1559 - Traité du Cambrésis – Occupation des trois évêchés de Metz, Tours, Verdun
Charles IX (1560-1574)
1552-1598 – Guerre de religion
1572 - Massacre de la Saint Barthélemy
Henri III(1574-1589)
1580 - Les deux premiers livres des essais de Montaigne
Henri IV(1589-1610)
1598 - Edit de Nantes
A. Le sens de l’évolution historique.
Le XVIe° siècle est dans tous les domaines un siècle de rupture ou s’accentue brusquement la désagrégation du mode de production féodale conduisant à
la formation de l’unité nationale en même temps qu’à la constitution d’un État monarchique.
I. La première moitié du siècle : l’évolution économique et la tendance à la formation d’un marché national.
a. Les grandes découvertes de la fin du XV° et du début du VI jouent un rôle prépondérant dans cette évolution :
- 1492 : C. Colomb découvre l’Amérique
-1497-1499 : Vasco de Gama contourne l’Afrique vers l’extrême Orient
-1519-1522 : Magellan accomplit le premier tour du monde
La France profite de ces découvertes par le développement de son commerce non seulement pour des raisons géographiques ( ouverture sur trois mers
)mais à cause de la richesse relative de son économie agricole et industrielle et principalement en raison de l’existence d’une bourgeoisie déjà active, dont
nous avons vu la formation au siècle précédent : développement des ports de Dieppe, St Malo, Nantes, la Rochelle, Bordeaux.
b. Conséquences :
- Ce commerce international entraîne un progrès des échanges et une production accrue à l’intérieur du royaume qui concourt à la fissuration des
rapports féodaux.
- Cette évolution économique entraîne le développement et l’enrichissement de la bourgeoisie ( commerçants, négociants ).
- Un bouleversement monétaire accentue le phénomène de désagrégation des rapports féodaux et d’enrichisse »ment de la bourgeoisie : afflux d’or et
d’argent découvert en Amérique, obtenu à bas prix ( pillage, travail des esclaves ).
c. Conclusion :
Au plan économique cette période peut être considérée à bon droit, selon l’expression de Marx, comme celle de « l’accumulation primitive », c’est à dire
l’accumulation entre les mains d’une classe sociale, la bourgeoisie, d’une richesse qui va permettre a terme l’instauration de rapports capitalistes en
concentrant dans les mains de cette classe les moyens de production.
II. Les classes sociales
L’afflux d’or et d’argent entraîne une hausse générale des prix qui aggrave la situation des trois groupes sociaux qui constituaient la société féodale,
pendant que se développe une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie.
Les trois groupes sociaux :
a. La noblesse voit s’accroître la disproportion entre ses revenus ( issus de l’exploitation des paysans ) et ses dépenses qui croissent en même temps que
l’évolution de la richesse sociale.
La propriété féodale, fondée sur l’exploitation du travail agricole se trouve ébranlée. Cette situation incline les féodaux à se tourner vers le Roi pour
compenser la dégradation de sa situation.
b. Les masses paysannes voient leur misère s’accroître en raison de la pression fiscale exercée par l’État monarchique et les féodaux : le montant de la
taille est multiplié par trente en dix ans alors que le paysans ne peut augmenter sensiblement sa production.
Conséquence : la petite exploitation paysanne se désagrège.
c. Les artisans, pourtant protégés par le système des corporations, subissent l’augmentation des matières premières et l’évolution du coût de la vie.
Jusque là indépendants ils tombent sous la domination des marchants intermédiaires.
La bourgeoisie :
Dans une région donnée les marchands s‘emparent de la production : ils fournissent aux artisans des faubourgs et des campagnes à la fois leurs outils et
leur matière première ; et ils vendent, à leurs prix, les produits ainsi fabriqués, tirant toute la plus-value du travail des artisans.
Telle est la première forme de l’exploitation capitaliste qu’on appelle « la manufacture dispersée », -étant entendu que, comme l’explique Marx, la
production capitaliste ne commence en fait à s’établir qu là où un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois, là où le procès de travail est exécuté
sur
une grande échelle.
Conclusion : la bourgeoisie française est une classe en pleine ascension qui accumule de grosses sommes d’argent, mais dont les principales formes
d’enrichissement viennent non pas de la production mais de la circulation des marchandises ( commerce ) et du crédit ( usure ).
Le développement des liens bourgeois entraîne de nouveaux progrès de la centralisation politique. La monarchie se renforce sous les règne de François
Ier ( 1515-1547 ) et Henri II ( 1547-1559 ) :
Création des « généralités », circonscriptions nouvelles qui se superposent aux divisons féodales.
- Emploi obligatoire du français dans les documents officiels
- Clergé sous l’autorité directe du roi qui nomme aux hautes charges ecclésiastiques.
Une guerre de 1521 à 1559 contre « la Maison d’Autriche » ( famille des Hasbourg ), qui veut étendre sa domination à l’Europe occidentale où les
français remportent de nombreuses victoires, témoigne déjà d’une conscience nationale.
IV. La deuxième moitié du siècle
La royauté dont l’Église catholique sanctionne par le sacre le caractère divin, -s’il est vrai qu’elle profite du développement de la bourgeoisie pour étendre
le pouvoir monarchique sur les féodaux, ne peut accepter que ce développement mette en cause le mode de production féodal sur lequel repose sa
souveraineté et son autorité.
La lutte de la bourgeoisie, qui, si elle veut poursuivre son développement, doit mettre en cause le système féodal, prend une forme religieuse : elle
s’attaque à l’Église catholique qui se présente comme la consécration de la royauté et du système. C’est le grand mouvement de la Réforme initié par la
doctrine de Calvin qui oppose à l’Église catholique des croyances une Église mieux adaptée au monde nouveau qui se forme.
La doctrine de Calvin fait reposer la morale sur la réflexion personnelle du chrétien : c’est à l’individu et non à la hiérarchie qu’elle remet le soin de juger
ses propres actes. Elle répond ainsi au souci de la bourgeoisie de se rendre maîtresse de son développement et propose aux individus l’organisation d’une
Église « démocratique ».
Le point primordial du dogme des calvinistes, la prédestination, -doctrine selon laquelle les individus sont d’avance élus ou réprouvés par Dieu-, vient
justifier le fait que ceux qui réussissent dans le monde commercial ( loin de pouvoir être condamnés pour quelques raisons morales ) sont pour ainsi dire
élus.
C’est ici déjà l’expression religieuse du fait que dans le monde de la concurrence, la réussite ou l’échec sont soumis à ce que l’on appelle aujourd’hui la
loi du marché. Le sociologue Max Weber a pu ainsi montrer le rôle ( idéologique ) décisif joué par le protestantisme dans le développement du
capitalisme.
On comprend dès lors pourquoi la bourgeoisie se rallie en masse à la doctrine de Calvin.
On comprend également pourquoi le coup d’arrêt, que la royauté veut mettre aux ambitions de la bourgeoisie, se traduit par une lutte contre le
protestantisme : dès le règne de François Ier, potences et bûchers sont dressés contre les calvinistes et tous les non-catholiques. En 1557 un édit décrète la
peine de mort contre les hérétiques.
Cette réaction de la royauté se transforme en une véritable guerre de religion de la façon suivante :
- La noblesse, après 1560, utilise le conflit religieux pour essayer de reconquérir contre l’État monarchique ses privilèges : des cliques féodales se rallient
au protestantisme, et transforment leurs domaines en foyers de résistance.
En face de ces féodaux, ralliés au protestantisme, les « Guises » montent un puissant parti catholique, « la Sainte Ligue » qui prône le retour au
morcellement féodal.
- De son côté le peuple, souvent, notamment dans les pays du Sud de la France, région encore mal assimilée, se joint au protestantisme pour lutter contre
l’État monarchique et ses impôts.
C’est ainsi que la France est divisée en zones ennemies ; le pays est dévasté. Aux ruines matérielles s’ajoutent les assassinats et les massacres collectifs
dont le plus connu est celui des protestants à Paris : la nuit de la Saint Barthélemy.
Le grand poète protestant Agrippa D’Aubigné compose une véritable épopée de la France dévastée dans « Les Tragiques » :
O France désolée… O terre sanguinaire
Non pas terre, mais cendres…
Conclusion :
A la fin du XVIe°siècle,
- Huit nobles sur dix sont ruinés : ils ont dû vendre partiellement ou hypothéquer leurs terres.
- Les masses populaires, écrasées par les impôts, privées de leur métier par la ruine des villes ou par le saccage de leurs champs sont réduites à la plus
extrême misère. A la fin du siècle des Jacqueries éclatent, tels les Gautiers de Normandie ou les Croquants du Périgord.
C’est Henri IV qui par l’édit de Nantes met fin aux guerres de religion.
Le catholicisme, pilier de la société féodale, reste la religion principale : la noblesse garde sa position de classe dominante dans la société. L’échec des
tentatives révolutionnaires de la bourgeoisie est ainsi consommé. Mais l’hérésie protestante est reconnue et tolérée ; ainsi se marque la montée irrésistible
de la bourgeoisie. C’est précisément sur cette situation sociale, sur cette sorte d’équilibre momentané entre noblesse et bourgeoisie, qui va, au
XVIIe°siècle, s’ériger, dans toute sa perfection, l’absolutisme.
B. Le mouvement idéologique
La lutte de la bourgeoisie pour son développement doit se dérouler sur le plan idéologique :
a. Elle doit s’attaquer à l’enveloppe religieuse qui protège et consacre l’ordre établi.
b. Elle doit célébrer une nouvelle idée de l’homme contre tout ce qui asservit la personnalité humaine, promouvoir contre l’obscurantisme et le
dogmatisme de l’Église et de la société féodale une nouvelle conception de la vie, conquérante, progressive, où se reflète l’espérance de son avenir.
C’est le grand mouvement de la Renaissance.
a. Contre l’obscurantisme et le dogmatisme du Moyen-Age, les hommes de la Renaissance cherchent modèles et armes dans l’étude de la culture antique ;
ils y trouvent une conception plus humaine de la vie et de l’homme. Ils ressuscitent cette culture mutilée, vidée de son contenu par l’Église : c’est la chasse
aux manuscrits, que les imprimeurs éditent avec un soin remarquable ; des érudits tel, Guillaume Budé, rétablissent et interprètent les textes anciens. A son
instigation François Ier vers 1530 crée le Collège de France, véritable citadelle de l’enseignement humaniste face à la vieille Sorbonne : on y apprend le
latin le grec, l’hébreu, la philosophie, mais aussi les mathématiques, la géographie et la médecine.
b. Les penseurs de la Renaissance opposent à l’esprit d’autorité et de soumission l’esprit de recherche. Une vraie fringale de connaissance s’empare des
chercheurs qui s’efforcent d’être des savants universels : Bernard Palissy, à la fois céramiste, chimiste, géologue, naturaliste.
Rabelais va exprimer totalement cette fièvre de la Renaissance :
- Il fustige les féodaux ( Picrochole et son entourage ) les gens d’Église, les sorbonnagres, tel maître Janotus de Bragmardo, qui fait discuter ses élèves de
« l’ombre d’un âne couillard » ou « la fumée des lanternes ».
- Il assigne à son géant Gargantua un programme de connaissance sans limite, une éducation qui doit faire de l’homme un géant.
- Enfin, il exalte l’amour de la vie, célébrant la « Dive bouteille », imaginant avec l’abbaye de Thélème une communauté d’hommes joyeux et libres.
Conclusion :
Cet humanisme conquérant de la Renaissance, qui trouve son expression dans l’œuvre de Rabelais et où s’exprime l’optimisme de la Bourgeoisie, va faire
place dans la seconde partie du siècle à la réflexion philosophique de Montaigne : un art de vivre où se reflète déjà l’autre face de cet humanisme de la
bourgeoisie : l’individualisme dont elle est porteuse.
o-O-o
LE XVII°SIÈCLE
La période de la monarchie absolue
1610 - Assassinat d’Henri IV
Louis XIII (1610-1643)
1604 - Richelieu principal ministre de Louis XIII
1636 - Le cid
1637 - Le discours de la méthode
Louis XIV (1643-1715)
1648 - traité de Westphalie : annexion par la France de l’Alsace
1648-1652 - La Fronde
1659 - traité des Pyrénées – La France obtient le Roussillon et l’Artois
1659-1673 - Oeuvres de Molière
1678 - Traité de Nimègue- La France obtient le Franche-Comté et plusieurs villes du Nord
Le XVIIe° siècle est le siècle où l’appareil d’Etat monarchique atteint sa perfection. Une bureaucratie nombreuse remplit des fonctions toujours plus
complexes : Richelieu, « principal ministre » de 1624 à 1642, fait progresser l’organisation policière ; l’armée permanente se renforce sans cesse : les
réformes de Louvois (ministre de 1677 à 1691) la portent à près de 300.000 hommes. Par-dessus les divisions féodales, multiples et enchevêtrées,
l’autorité royale est de plus en plus régulièrement représentée, dans chaque généralité, par « un intendant de justice, police et finances », véritable « roi
présent en la province ». La centralisation monarchique atteint ainsi son plus haut degré.
Cette politique du pouvoir royal qui aboutit en même temps à l’instauration d’une monarchie absolue et à la formation d’une Nation française n’est
possible qu’en raison des mutations économiques que nous avons observées au XVIe°siècle, aboutissant à la formation et au développement d’une
nouvelle classe sociale : la bourgeoisie.
I. Les transformations historiques
1) Le pouvoir royal et le développement de la bourgeoisie
Pour mettre en oeuvre cette politique, le pouvoir royal doit en premier lieu s’appuyer sur le développement de la bourgeoisie : en effet plus s’accroît la
richesse commerciale et industrielle du pays, plus l’or afflux et plus l’Etat s’enrichit, prélevant sur la richesse de la Nation les moyens de sa domination.
a. Le développement du grand commerce extérieur
Colbert, ministre de 1661 à 1683, est le plus ardant défenseur d’une théorie mercantiliste préconisant le développement du grand commerce. Le fait
nouveau est la création d’un empire colonial français. Des comptoirs des Indes (Chandernagor, Pondichéry) partent soieries, thé, bois de teinture ; de la
« Nouvelle France » (Canada) arrivent bois et fourrures. Les Antilles deviennent, dans la deuxième moitié du XVIIe°siècle, la source des plus hauts
revenus, grâce à leurs plantations de tabac, de coton et surtout de canne à sucre. La main d’œuvre est formée de Noirs que les riches armateurs négriers,
de Nantes ou de Bordeaux, raflent au Sénégal et revendent cher aux planteurs antillais.
Les produits coloniaux, fabriqués par une main d’œuvre presque gratuite, sont vendus en Europe à des prix exorbitants, avec quel bénéfice ! Ainsi, la
spoliation rapide et sanglante des peuples coloniaux permet le rapide enrichissement de la
grande bourgeoisie commerçante.
Les compagnies de commerce, chargées de ce trafic, sont protégées par le roi : des « privilèges » leur donnent le monopole d’un secteur géographique
déterminé ; de hauts tarifs douaniers écartent les rivaux hollandais et anglais ; des subventions d’Etat les soutiennent. Le roi met sa puissance militaire à
leur service, pour la conquête de nouveaux territoires, pour la répression des révoltes ( tel le premier soulèvement d’esclaves à Saint-Domingue en 1674 ),
pour écraser leurs concurrents ; contre la Hollande, alors leur plus grande puissance commerciale, Louis XIV mène une guerre de 1672 à 1678 qui a,
entre autres des objectifs économiques ; et la guerre de Succession d’Espagne à la fin du règne a, partiellement, pour cause, le désir de mettre la main sur
l’empire colonial espagnol.
b. Le développement des manufactures.
Ce capital commercial accumulé s’investit dans la production. La « manufacture dispersée » devient la règle dans les régions commercialement
développées. Dans le Nord, notamment dans la région textile lilloise, les intendants parlent de marchands qui font travailler jusqu’à 1200 ouvriers.
Evolution identique dans la région rouennaise, en contact avec les Antilles, où les marchands exportent draps et toiles. L’industrie textile de la région
parisienne revêt les mêmes caractères. A Paris, les contemporains comptent plus de 200 très riches marchands-entrepreneurs, qui dominent notamment la
production du luxe. L’industrie lyonnaise de la soie, avec ses 18000 métiers, est entièrement sous la dépendance des très gros négociants en soie,
étroitement liés aux banques lyonnaises.
c. Apparition de formes capitalistes.
L’Etat intervient directement en autorisant « les manufacture réunies » qui permettent un développement de la production et, par voie de conséquence une
concentration de la main d’œuvre en dehors du cadre traditionnel des corporations.
Par exemple, la manufacture de draps de Van Robais créée en 1868 à Abbeville comprend 100 métiers et près de 1700 ouvriers. Elle est entourée de
murs et de fossés abritant non seulement les ateliers, mais aussi les habitations des ouvriers.
C’est à la bourgeoisie que l’Etat confère « les privilèges » permettant d’ouvrir les manufactures attirant ainsi une partie des capitaux accumulés par cette
nouvelle classe sociale.
d. Développement financier
Les dépenses de L’Etat sont financées par des emprunts qu’il contracte par l’intermédiaire de banquiers -de financiers- avec la bourgeoisie : source de
profit énorme tant pour les gens de finances que pour la bourgeoisie.
C’est grâce à cette politique qui s’appuie sur le développement de la bourgeoisie que le pouvoir royal peut en même temps maintenir en place les classes
privilégiées ( la noblesse mais aussi le clergé ).
2) La situation de la noblesse
Le développement économique de la bourgeoisie ne peut qu’entraîner l’appauvrissement de la noblesse, qui ne peut participer à cette nouvelle économie,
sans « déroger ».
a. La noblesse appauvrie
Dans la plupart des régions il ne reste qu’une grande famille noble possédant encore une grande richesse foncière tandis qu’à côté d’elle vivent quantité de
petits seigneurs qui se cramponnent à leurs privilèges mais ne vivent guère mieux que leurs métayers.
b. La noblesse de cour
La noblesse de cour grandit au XVIIe°siècle jusqu’à devenir sous Louis XIV un véritable organisme : 6000 courtisans à Versailles, autour du « Roi
Soleil » qui vivent dans une atmosphère de fête, de jeu, de luxe. Ils sont entretenus par le pouvoir royal qui leur octroi les charges rémunératrices de ces
maisons « militaires et civiles », en même temps que des pensions.
C’est ainsi que le pouvoir royal maintient artificiellement la situation de la noblesse et sa position de classe.
Conclusion
Ce développement de l’Etat monarchique a transformé la bourgeoisie en classe privilégiée et la noblesse -classe privilégiée-, en classe parasitaire.
Le caractère original de l’Etat monarchique tel qu’il se constitue au XVIIe°siècle consiste à établir un équilibre entre deux classes : la noblesse féodale et
la bourgeoisie.
« Ne pourrait-on voir ainsi, écrit l’historien, dans la monarchie absolue un deuxième stade de la société féodale qui, tout en conservant les rapports
féodaux permet et soutient le développement de l’économie bourgeoise. »
Cet équilibre historique repose sur un double compromis : d’un côté la noblesse ne maintient sa position de classe privilégiée qu’en acceptant d’être
stipendiée par le pouvoir royal ; d’un autre coté, la bourgeoisie joue le rôle de soutien du pouvoir royal parce qu’elle a conscience que c’est la
centralisation de l’Etat monarchique qui lui permet d’assurer au mieux son développement.
Le pouvoir royal offre à la noblesse la possibilité de maintenir sa situation en la transformant en classe parasitaire ; mais il ouvre en même temps à la
haute bourgeoisie non seulement la possibilité de s’enrichir mais aussi, en accédant aux charges politiques et administratives, la possibilité de s’anoblir.
B. Les conséquences idéologiques.
1) Une mise en doute philosophique
Avec le développement économique de la bourgeoisie, ce sont bien de nouveaux rapports sociaux qui sont entrain de naître ; et cela au sein même du
système féodal dans le cadre d’un équilibre instauré par la monarchie absolue que l’analyse historique nous a permis de comprendre comme un
compromis entre les classes sociales. L’Etat apparaît alors comme un arbitre et comme un pouvoir au-dessus des classes.
Dans ces conditions, en ce siècle, le mouvement idéologique ne peut en aucun cas se développer comme une critique sociale, encore moins comme une
mise en cause politique du système. ( comme nous l’étudierons dans la comédie, notamment dans le Misanthrope, la critique sociale se limite à une critique
des mœurs qui revêt une portée morale )
La novation au plan des idées trouve son origine dans la conscience que les individus prennent d’eux-mêmes : alors que l’individu s’appréhendait luimême en fonction de sa place dans la hiérarchie féodale et s’identifiait à son rang et son rôle social, il est maintenant, - quelque soit la classe à laquelle il
appartient un « sujet » du roi.
Alors que l’homme se définissait par sa place dans l’échelle des êtres constituant l’univers crée par dieu, il doit maintenant découvrir quelle est sa nature
propre : une nature humaine, commune à tous, et comme le bon sens également partagé présent tout entier en chacun.
Toute la démarche philosophique de Descartes consiste à élaborer de nouveaux concepts de l'homme et de la nature :
-Une nouvelle idée de l'homme compris non plus comme un animal raisonnable que Dieu a situé dans l’univers de sa création entre la bête et l’ange mais
qui tient toute sa dignité de l'exercice de la raison et du libre examen de toute idée et de toutes choses.
-Une nouvelle idée du monde qui ne peut plus être compris comme un univers des choses et des êtres créé par Dieu, mus par la force ou l'âme dont Dieu
les a d'avance pourvus, mais se révèle, à la lumière de la science nouvelle (la physique mathématique) comme une nature, entièrement dénuée d'âmes ou
de forces, dont le mouvement s'explique par ses lois propres, obéissant au principe d'inertie et à la mécanique du choc des corps.
L'homme n'est plus membre de la hiérarchie de l'univers parce qu'il peut comprendre et maîtriser le monde comme une nature. Et la nature est
une réalité indépendante de l'homme et de l'image qu'il s'en fait, parce qu'elle obéit à des lois rationnelles. ( celles de la physique mathématique
mise en œuvre par Descartes et les savants de son temps )
Comme nous l’étudierons, la portée véritable du « doute hyperbolique » de Descartes, récusant toutes croyances jusqu’ici tenues pour vraies, c’est la mise
en cause de la conception scolastique du monde, -idéologie du système féodal.
La portée première du Cogito, avant d’être la découverte de l’homme comme sujet pensant, apparaît comme l’exigence née des transformations
économiques et sociales, de penser à nouveau, sans préjugés, le rapport de l’homme (compris comme sujet pensant) et du monde (compris comme une
nature entièrement perméable à la raison).
Dans cette démarche, « la révolution » cartésienne n’a pas d’autre portée que de mettre en œuvre une nouvelle représentation du monde : Il s’agit avant
tout pour lui de substituer à l'idéologie du système féodal, un nouveau système de valeurs, exigé par le progrès des techniques et des sciences et par le
développement des échanges économiques.
Il ne s’agit en aucune façon d’exprimer un quelconque idéal de la vie humaine ou sociale : Demande-t-on à Descartes, ce qu'il en est pour l'homme de la
conduite de sa vie? - Nul besoin, répond-il, de réformer l'homme ou la société ; il nous suffit d'une « morale provisoire ».
C’est Dieu -la véracité divine- qui, a la fin du compte pour Descartes, garantit l’adéquation de la pensée et du réel, le rapport de l’homme à la nature à
travers la mystérieuse union de l’âme et du corps.
Ainsi au XVIIe° siècle s’il est vrai que l’individu s’apparaît à lui-même comme homme indépendamment de son rang social, en raison du compromis
historique que nous avons analysé, aucune contradiction n’apparaît entre l’individu et la société.
Les conditions historiques de cette contradiction ne sont pas encore développées: Pour qu'elles se manifestent, il faudra que la progression économique et
sociale de la bourgeoisie fasse apparaître le pouvoir royal non plus comme le « deus ex machina » du système : la garantie pour les uns de leurs privilèges
et pour les autres de leur ascension sociale, mais bien comme l'obstacle, le dernier rempart, déjà ruiné, d'un système condamné : alors pourra éclater la
critique sociale.
Pour que la contradiction apparaisse entre la société devenue l'obstacle politique à la transformation des choses et l'homme, il faudra que naisse une autre
idée, un nouvel idéal de l'homme : celle de l'individu, isolé, dont le XVIIIème Siècle cherchera l'image dans l'état de nature, qui peut refaire, de lui-même,
en souscrivant un nouveau contrat avec les autres, ce que l'histoire a mal fait : Une nouvelle société fondée sur l'égalité en droits des hommes.
C'est alors que la critique ne sera plus morale, mais politique : il ne s'agira plus, de conforter l'homme dans l'idée qu'il se fait de lui-même, mais de le
réformer en réformant la société.
2) Une mutation dans l’art : le théâtre comme représentation
Descartes nous a mis sur le chemin.
De même qu’il ne peut s’agir pour le philosophe que de mettre en œuvre une nouvelle représentation de l’homme et du monde, de même il ne peut s’agir
pour l’art de promouvoir un quelconque idéal de l’homme ou de la société, mais seulement de représenter sous une forme symbolique les contradictions
latentes de la société et l’image que l’homme se fait de lui-même.
-Dans la mesure où l’équilibre historique réalisé par la monarchie absolue maintient en suspens les contradictions entre les classes sociales dominantes, que
peut-être, en ce siècle, la forme privilégiée de la littérature sinon le théâtre, c’est à dire la représentation de ces contradictions comme inhérentes au destin
l’homme, sous la forme de la tragédie (nécessité du choix ou fatalité de la passion) ?
-Dans la mesure également où les contradictions historiques n’ont pas encore donné naissance à une nouvelle réalité sociale, exigée par le développement
de la bourgeoisie, que peut-être encore une fois la forme privilégiée de la littérature sinon sous la forme de la comédie : la critique des mœurs éclairant les
vices de la nature humaine ?
-Dans la mesure enfin où les nouveaux rapports sociaux exigés par le développement de la bourgeoisie n’ont pas accouché d’un homme nouveau qui sera
celui du XVIIIe°siècle, comment la représentation de l’homme par le théâtre peut-elle être autre chose que l’image de l’« honnête homme », c’est à dire
l’homme du compromis, dont le personnage de Philinte dans le Misanthrope dessine le profil ?
Avec le XVIIe° siècle, le théâtre acquiert ses lettres de noblesse, ou mieux : révèle son essence, qui est d’être la représentation symbolique par une société
de ses contradictions latentes ( qui lui restent dissimulées parce que rien ne permet de prévoir leur résolution ) et l’image déguisée de la fausse conscience
que l’individu prend de lui-même au cœur des contradictions sociales qui le motivent.
3) L’évolution du siècle : Un pessimisme latent
a. Au début du siècle, la volonté politique de la royauté d’unifier le royaume pour établir son pouvoir absolu, -en s’appuyant sur le développement de la
bourgeoisie- se manifeste d’abord par une lutte contre l’insubordination des féodaux. Richelieu, en particulier, s’efforce d’enlever à la noblesse toutes
possibilités de soulèvement militaire : il fait raser les fortifications de nombreux châteaux et puni les rebelles de façon exemplaire.
Ainsi, en cette première phase de l’instauration de la monarchie absolue, il y a bien une contradiction puisque, dès ses origines, le pouvoir royal repose
sur le système féodal qui semble mis en cause par la lutte de l’absolutisme contre la hiérarchie des privilèges. Mais, en même temps, parce que la royauté
est le couronnement du système, cette contradiction comporte, ou mieux : exige une « résolution » qui dépend de « la volonté » des parties, notamment de
la décision de la noblesse de se soumettre au pouvoir absolu.
C’est ce conflit et sa résolution qui s’expriment dans le théâtre cornélien : le héros cornélien doit « choisir », mais ce choix, qui relève sa volonté, est
défini par une alternative (que le héros met en scène dans le monologue d’une délibération : les stances du Cid). C’est à un sacrifice qu’il doit consentir :
s’il veut préserver son honneur, son rang et ses privilèges, il doit prendre conscience qu’une seule voie s’offre à lui : reconnaître, -au détriment de ses
penchants, de son individualité, de la tradition dont il est porteur-, la valeur absolue du pouvoir.
Le théâtre cornélien convertit en un idéal (la gloire du héros) ce qui est la capitulation de la noblesse devant le pouvoir royal (le Cid condamne la vieille
conception de l’honneur féodal et le héros trouve la réalisation de soi au service du Pouvoir ; Cinna condamne la révolte en magnifiant le rôle d’arbitre du
Souverain).
b. Il en va tout autrement au cours de l’évolution historique, notamment à partir du milieu du siècle, où la mise au pas de la noblesse par la royauté se
révèle avoir pour corollaire (et pour instrument) le soutien du Roi Soleil au développement de la bourgeoisie. La contradiction entre l’autorité royale et les
privilèges féodaux de la noblesse cesse d’être au premier plan, d’une part parce que le roi a restauré le privilège de la noblesse en la stipendiant, mais
surtout parce que la politique du pouvoir royal a fait naître une contradiction plus profonde : entre les deux classes dominantes, la noblesse et la
bourgeoisie.
Mais, parce que la royauté, -comme nous l’avons vu-, maintient artificiellement, « arbitrairement » l’équilibre (en compromettant l’une et l’autre), cette
nouvelle contradiction reste latente, inaperçue de ces classes entre lesquelles l’antagonisme n’est pas encore né.
Aux yeux des hommes, -qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre classe-, cette contradiction apparaît sous la forme déguisée d’un pouvoir qui s’impose à
l’individu comme une nécessité.
Les hommes ne peuvent plus choisir, comme dans la première moitié du siècle, entre les deux voies d’une alternative ; ils ne peuvent que subir leur destin,
comme s’ils devaient consentir à sacrifier leur individualité et leur vie à un absolu qui les dépasse.
Il n’est qu’une seule façon pour l’homme de cette seconde moitié du siècle de représenter idéalement ce conflit latent que le pouvoir lui impose, c’est
d’intérioriser la contradiction sous la forme de la fatalité de la passion.
Tel est l’acte naissance de la tragédie racinienne.
Au plan des idées, comme dans sa vie, Racine rejoint les « Solitaires » de Port royal. Il y a sans doute une parenté profonde entre la représentation par la
tragédie racinienne du destin humain sous la forme de la fatalité de la passion, et la doctrine janséniste de la prédestination.
Au travers de cette contradiction imposée par le pouvoir aux hommes de ce temps comme une nécessité qu’ils ne peuvent comprendre, ce que l’individu
découvre, c’est sa solitude face à la présence absolue d’un Dieu absent (Deus abscunditus).
4) Au cours du siècle, la manifestation permanente du rire
Ce qui apparaît au premier plan, tout au long du siècle, dans une société où les deux classes dominantes -la noblesse et la bourgeoisie-, sont obligées de se
compromettre avec le pouvoir, l’une pour restaurer ses privilèges, l’autre pour accroître sa richesse et obtenir une reconnaissance sociale, ce sont les
déguisements, les travers, les exagérations, les ridicules qui éclatent dans les mœurs d’un monde où chacun (quelle que soit la couche sociale à laquelle il
appartienne) est mal dans sa peau. Chaque homme de cette époque se trouve pour ainsi dire contraint de jouer un personnage, de revêtir un rôle, qu’il
endosse malaisément parce qu’il n’est pas le sien (tel le bourgeois gentilhomme) ou cyniquement pour servir ses intérêts ou ses intriques (tels Tartuffe ou
Dom Juan).
Chaque comédie de Molière prend pour cible l’un ou l’autre de ces personnages, -appartenant à tel ou tel couche sociale-, qui sont les paradigmes de tel
ou tel travers, de telle ou telle déformation et de tous les traits de cette comédie sociale.
Parce que cette critique des mœurs ne saurait à ce stade du développement historique se transformer en critique sociale, Molière se trouve pour ainsi dire
contraint de convertir les défauts et les travers des mœurs en vices de la nature humaine.
S’il y a une philosophie de Molière, elle est tout entière, comme nous le montrerons dans le Misanthrope, dans une crise morale de cette société, où
l’insincérité est de règle, où « l’honnête homme » est obligé de se compromettre.
Parvenu à ce point, dans les comédies les plus profondes de Molière, le rire ne dissimule t-il pas un pessimisme que seules les mutations sociales du siècle
suivant permettront de surmonter ?
Conclusion : La vertu du théâtre
Sur la base d’une contradiction historique que nous avons analysée, c’est bien un drame intérieur à chaque « honnête homme » de ce siècle qu’il faut
représenter et pour ainsi dire extérioriser. Et le théâtre est le mode privilégié de cette extériorisation.
Ce que l’on décrit en général dans la comédie, comme une mise en scène des traits de la nature humaine, et, dans la tragédie, comme un processus de
purification ( catharsis ) des passions, est en réalité un véritable processus social par lequel les hommes, vivant à cette époque, convertissent,-grâce à la
représentation-, une contradiction de la réalité, vécue comme un conflit intérieur en un drame inhérent aux rapports humains ou immanent au destin de
l’homme.
o-O-o
Le XVIII° siècle
A. L’évolution historique
I. ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE LA FRANCE AU XVIIIÈME SIÈCLE.
1) La propriété foncière.
Originalité de la France : le monde rural.
C'est le régime de la propriété foncière qui donne à la France du XVIIIème siècle sa physionomie particulière. Après la Révolution Française, il donnera
à la Société Française son caractère original, influençant toute son évolution historique.
La comparaison avec l'Angleterre permet de comprendre la situation et l'évolution originale de la France :
En Grande-Bretagne, le progrès du machinisme et de l'industrie lainière incitent l'aristocratie des Lords à réduire les "tenures" paysannes qui ne leur
rapportent que de faibles revenus, à transformer les terres de culture en pâturages, à accroître leur domaine proche par le moyen des "enclosures" : la
prise du pouvoir politique à la suite des révolutions du XVIIème siècle leur laisse les mains libres pour s'emparer de l'ensemble des terres.
L'évolution agraire conduit ainsi en Angleterre à la disparition de la petite propriété paysanne.
La France ne connaît rien de semblable. Le développement plus tardif du capitalisme commercial et surtout du capitalisme industriel, entraîne le maintien
du système féodal : les Seigneurs ont intérêt à profiter de leurs droits seigneuriaux, souvent lucratifs et à tenter de les accroître ; ils ont intérêt à maintenir
le régime des tenures paysannes, dépendant de leurs fiefs.
C'est au maintien du régime seigneurial que la petite propriété paysanne doit en France sa persistance et son progrès. Lorsque la Révolution de 1789
supprime les droits féodaux, la propriété paysanne deviendra autonome, constituant une structure de base de la Société française.
En 1787, sur une population globale de la France estimée à 23 millions, la population totale des villes ne dépasse pas 2 millions.
La ville la plus importante de province : Lyon compte 135.000 habitants : c'est la seule ville de province comptant plus de 100.000 habitants.
Viennent ensuite les grands ports : Marseille, Bordeaux, Nantes, Rouen.
Les centres urbains, y compris des capitales de province comme Dijon ou Grenoble, n'ont guère plus de 20.000 habitants.
2. La répartition de la propriété foncière.
La noblesse possède une part importante du sol, plus faible cependant qu'on ne le croit généralement, très variable suivant les régions, ne dépassant pas
15% dans les régions pauvres (tel le Quercy) ou les régions de montagne (tel le Dauphiné), beaucoup plus étendue dans l'Ouest de la France (HauteBretagne ou Normandie), atteignant 40% dans l'Orléanais, jouant un rôle important dans les environs de Paris et à proximité de Versailles.
Le clergé, s’il atteint des pourcentages importants dans quelques régions privilégiées (40% dans le Hainaut et le Cambresis, 1/4 de territoire en Artois) ne
détient en moyenne que 6% des terres.
Il faut noter qu'une grande partie des biens nobles ou ecclésiastiques consiste en bois et forêts, en propriétés morcelées qui excluent toute grande
exploitation agricole.
La plus grande partie des terres est donc propriété paysanne. Le régime des "tenures" paysannes en fait de véritables propriétés héréditaires puisqu'elles
passaient aux héritiers du tenancier et pouvaient être cédées par lui.
Les paysans constituant 90% du nombre des propriétaires, le fait marquant, c'est l'immense morcellement de la propriété paysanne.
Si l'on considère qu'il faut un minimum de cinq hectares pour assurer la subsistance d'une famille paysanne, cela signifie que la plupart des paysans (qui
ne possèdent pas cinq hectares, et souvent moins d'un hectare) devront s'occuper comme fermiers (s'ils ont quelque avance) ou comme travailleurs
agricoles
Il y a donc au XVIIIème siècle un véritable prolétariat rural que le chômage et la disette condamnent à la misère et qui sont la grande source de la
mendicité et du vagabondage.
Les propriétaires aisés et les gros fermiers ne constituent qu'une petite minorité des populations rurales : c'est cette classe sociale qui bénéficiera de
l'abolition du régime seigneurial et de la vente des biens nationaux
Il faut noter, enfin, que la bourgeoisie possède une portion non négligeable du sol, notamment dans les environs de Paris et des grandes villes, pouvant
atteindre 16 à 20%.
Les biens fonciers constituent un placement sûr et honorable. Le bourgeois exploite rarement lui-même ; il donne sa terre en fermage ou en métayage.
Souvent, dans une moindre mesure que pour l'industrie cependant, le bourgeois propriétaire s'intéresse aux formes nouvelles de production. S'inspirant
des exemples flamand et anglais, quelques grands propriétaires bourgeois aussi bien que nobles, suppriment les jachères, les remplacent par des prairies
artificielles ou des cultures fourragères, améliorent le cheptel, augmentent l'emploi des engrais.
Ainsi se développe une grande culture et s'introduisent dans les campagnes des modes nouveaux de production : l'agriculture capitaliste commence sa
carrière.
Les Physiocrates, véritables créateurs de l'économie politique, comme l'a dit MARX, sont les théoriciens de cette agriculture nouvelle, dont ils posèrent
avec éclat les revendications dans l'Encyclopédie.
Considérant la terre comme la source essentielle de richesse, ils réclament l'abolition des contraintes féodales qui pèsent sur l'agriculture et le commerce
des produits agricoles.
Sans doute s'intéressent-ils peu à la masse des journaliers, métayers et petits propriétaires (vingt millions de personnes environ), qui pratiquent dans une
misère souvent profonde l'agriculture traditionnelle: leurs revendications n'en portent pas moins atteinte à la société d'Ancien Régime.
3. Les couches sociales paysannes
Régime juridique
a. Les mainmortables
Ce sont les successeurs des serfs du Moyen Age : leur nombre ne dépasse pas un million qui se situent en particulier dans le Nord-Est (Franche-Comté, et
Lorraine) et dans quelques régions du Centre (Berry, Nivernais, Auvergne).
Ils ont "main-morte" pour transmettre leurs biens à leurs enfants si ceux-ci n'habitent pas avec leurs parents.
b. Les "laboureurs"
Pleinement affranchis, ils ont la pleine propriété de leurs terres : ils constituent une sorte d'aristocratie paysanne, plus ou moins aisée selon la quantité de
terre qu'ils détiennent.
Ce sont eux qui profitent des défrichements du XVIIIème siècle et qui bénéficieront de la vente des biens nationaux.
c. Les autres paysans ont en "tenure" les propriétés que possèdent les classes privilégiées (nobles, clergé et grande bourgeoisie).
Le métayage ou bail à moitié fruits est la location de terres au paysan, y compris les avances de semence ou de cheptel, moyennant une redevance en
nature ou en argent égale à la moitié de la récolte.
Le fermage, plus favorable que le métayage, mais réservé à ceux qui peuvent faire les avances, est un bail de trois, six ou neuf ans, qui donne une terre en
location moyennant une redevance fixe en argent, à laquelle peuvent s'ajouter des redevances en nature et des corvées (charrois et même labours des
terres exploitées directement par le seigneur).
Les journaliers -travailleurs agricoles-, qui constituent une population importante, même si elle n'est pas comparable au prolétariat rural qui s'est
développé en Angleterre.
C'est cette population qui sera atteinte par les crises, les disettes, les épidémies, souvent réduite au vagabondage et à la mendicité.
Les domestiques, employés surtout dans les fermes importantes, sont logés et nourris et reçoivent des gains annuels.
Régime seigneurial
Les corvées au XVIIIème siècle se sont transformées en redevances pécuniaires ou ne représentent plus que quelques journées de travail par an.
Les redevances qui se sont maintenues, sont des redevances "réelles" (portant sur la terre) perçues soit en argent (le cens) soit en nature (rentes) :
la dévaluation de l'argent rend les premières supportables. Les rentes en nature (le champart) représentent une charge appréciable.
S'ajoutent les droits de succession ou de mutation (en cas de transmission de la tenure.
S'ajoutent les "banalités" charges dues pour l'utilisation du moulin, du four, du pressoir.
Enfin les droits de péages, de marchés et de foires qui entravent la vente des denrées agricoles.
Le XVIIIème siècle connaît une "réaction féodale" : les seigneurs ayant de plus en plus besoin d'argent :
-essaient de rétablir des droits en désuétude (réfection des terriers)
-portent atteinte aux droits d'usage des paysans : jouissance collective de bois, landes et terres vagues, indispensables pour tous ceux qui n'exploitent qu'un
ou quelques hectares.
-élèvent arbitrairement les droits existants, "la solidarité des rentes" obligeant les tenanciers à payer la quote-part des insolvables.
La fiscalité royale s'ajoute au poids du régime seigneurial. Ce sont les paysans qui paiement la taille et les nouveaux impôts (capitation et vingtièmes).
On estime que, variable selon les régions, la totalité des charges supportées par les paysans représente en moyenne entre un quart et un tiers de leur
revenu.
CONCLUSION
1- Incurie des grands propriétaires ; inertie des paysans découragés par les charges et les injustices ; insuffisance des voies de communication ; entraves au
commerce des denrées agricoles, autant de raisons qui expliquent le faible développement de l'agriculture et sa faible productivité.
Traits caractéristiques :
- Prédominance des petites exploitations
- Grande quantité de terres incultes et de landes qui jouent un rôle économique essentiel, permettant aux paysans les plus pauvres de faire paître leur bétail
et d'assurer leur litière...
- Instruments de culture qui restent ceux du Moyen Age
- Procédés de culture soumis à la jachère : le repos de la terre un an sur trois est porté dans certaines régions à un sur deux, voire deux ans sur trois.
2- CEPENDANT
-Le maintien par le régime seigneurial d'une propriété paysanne et l'existence d'une couche sociale de paysans aisés que la Révolution Française va libérer
du régime seigneurial et dont elle va permettre le développement, constituent la base de l'évolution originale de la Société Française au XIXème siècle.
-Dès le milieu du XVIIIème siècle, l'importance du monde rural et de la petite propriété constitue la base d'une idéologie, caractéristique de la "mentalité"
française dont la petite et moyenne bourgeoisie, issue du monde rural, restera longtemps porteuse : l'idéal de la petite propriété personnelle, fondement du
bonheur individuel.
II- Le parasitisme des classes privilégiées et la crise du pouvoir monarchique.
1. Le clergé
- Le Clergé est le premier des trois ordres qui composent la Monarchie Très Chrétienne. Sur 23 à 25 millions de Français, le clergé comprend 130.000
membres dont 70.000 réguliers et 60.000 séculiers.
- Frappante est l'étendue de sa richesse :
A Paris, les "réguliers" possèdent le quart des immeubles.
Le Clergé, de façon très variable, suivant les régions, est propriétaire d'un cinquième du sol.
On considère qu'avec son domaine immobilier (issu de dons et de legs.) constitué de palais épiscopaux, couvents, collèges, hôpitaux, etc. y compris les
terres et forêts, l'Eglise est en 1789, le premier propriétaire du royaume, avec un patrimoine estimé à trois milliards de livres.
-Ses ressources sont représentées par la dîme, rémunération due par tous les fidèles qu'elle est autorisée par l'Etat à lever sur les produits de la terre. Cette
dîme représente 1/18 en moyenne des revenus de la terre : Soit 80 millions de livres.
Son domaine immobilier lui rapporte 85 millions de livres.
Son revenu atteint, en ajoutant 15 millions de recettes diverses, 180 millions de livres.
Elle est exemptée des impôts directs et ne paie ni taille, ni capitation, ni vingtième.
Elle a pour seule obligation de verser à l'Etat, un Don gratuit qui représente annuellement 10 millions de livres.
-Ses charges sont constituées :
- par l'assistance en matière de santé et de charité. Elle gère ainsi 2.200 hôpitaux dont le budget est de 30 Millions de livres, et dans les petites villes et
campagnes, des fonds de charité.
- par l'instruction publique, dont l'Etat ne s'occupe pas,
- soit 600 collèges éduquant 75.000 élèves
- soit 25.000 paroisses (sur 37.000) possédant une école primaire
- et 13 à 14.000 religieuses ayant en charge l'éducation des filles.
La gestion des ressources s'effectue par le système des "bénéfices", issu de la féodalité :
Le principe consiste à attribuer au titulaire d'une fonction, les revenus des propriétés et les dîmes rattachées à la charge qu'il doit assurer :
Par exemple : Un évêque reçoit les bénéfices correspondant à son "diocèse".
Sont dits :
"bénéfices majeurs" : ceux attachés aux évêchés, abbayes et canonicats
"bénéfices mineurs" : ceux attachés aux prieurés et aux cures.
Les "titulaires" des bénéfices sont nommés par le Roi quand il s'agit des évêchés et des abbayes, et par les évêques quand il s'agit des bénéfices mineurs
. Les "patrons" (ceux qui nomment les titulaires des bénéfices) ne disposent que du pouvoir temporel, c'est-à-dire de l'administration des biens ; le
spirituel - le droit d'exercer les fonctions religieuses - est exercé par le Pape et, pour les évêchés et certaines abbayes, par les évêques pour les autres
fonctions.
En pratique, les titulaires des bénéfices ont le droit de "commendater" un prieur (pour les abbayes) ou un vicaire (pour les cures) pour exercer à leur
place leurs fonctions, en échange d'une somme qu'on appelle "la portion congrue".
De plus, le "commendataire" peut être titulaire de plusieurs fonctions, par exemple plusieurs abbayes.
(4/5 des abbayes en 1781 sont attribuées à des abbés commendataires).
Ainsi, l'institution ecclésiastique est ainsi pratiquement détournée de sa fonction religieuse pour devenir une fonction ouvrant droit à une situation
sociale.
Dès le XVIIIème siècle, les "bénéfices" ecclésiastiques sont réservés à la Noblesse, pour qu'elle puisse sans "déroger" (s'adonner au commerce et à
l'industrie) tenir son rang.
A la veille de la Révolution : " Les membres du Haut Clergé" se recrutent presque exclusivement parmi elle : ils sont 3.000 prélats, vicaires généraux,
chanoines d'églises cathédrales et quelques milliers de chanoines d'églises collégiales, pourvus de la plupart des bénéfices importants.
Dès 1750, l'épiscopat est uniquement recruté dans la bonne noblesse ; le dernier évêque bourgeois meurt en 1793.
Les évêques de 1789 s'appellent : Montmorency-Laval, Clermont-Tonnerre, Polignac, Breteuil etc...
Ils doivent leur situation prépondérante autant à leur richesse qu'à leur fonction :le Diocèse de Paris rapporte 600.000 livres de rentes ; celui de Cambrai
200.000 livres; celui de Toulouse 100.000 livres;
A ces revenus , il faut ajouter ceux des abbayes dont ils sont "commendataires", qui les doublent ou les triplent.
Mode de vie du Haut-Clergé
Un assez grand nombre d'évêques et d'archevêques mènent un grand train, tiennent table ouverte, ont hôtel à Paris, fastueuse maison de
campagne.
C'est en grand seigneur que vivait le cardinal de Brienne, dans son domaine de Brienne ; Dillon, à Hautefontaine, en Picardie, menait une vie beaucoup
plus amusante qu'épiscopale ; on y chassait trois fois par semaine, on y jouait la comédie. A Saverne, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, donnait
des fêtes magnifiques, recevant souvent des centaines d'hôtes.
Sans doute, un faste aussi considérable est plutôt exceptionnel. Mais beaucoup de prélats ne s'acquittent que d'une façon fort tiède de leurs fonctions. Ils
résident souvent plutôt à Paris que dans leurs diocèses ; en 1764, on constate dans la capitale la présence de plus de quarante évêques, et il n'est guère de
moment où on n'en compte une vingtaine.
Les mieux rentés ont palais dans leur ville épiscopale, château à la campagne, hôtel à Paris, et mènent partout un train fastueux ; à Châlons, ClermontTonnerre se rend à sa cathédrale dans une voiture attelée de quatre chevaux blancs, piquier de chaque côté, un officier à cheval en avant portant l'épée
nue en mémoire de l'ancien droit de vie et de mort possédé par l'évêque-comte.
2. La noblesse
a. Évolution
Au XVIIIème siècle, l'ancienne noblesse militaire, puis la noblesse administrative du XVème siècle ont en grande partie disparu.
Si en théorie, on est "noble" de naissance, quand on peut faire remonter sa noblesse à quatre quartiers (quatre générations), la noblesse comprend en
réalité une proportion considérable d'anoblis.
Cette nouvelle noblesse est le résultat d'une évolution historique au cours de laquelle s'est développé le phénomène de l'anoblissement.
Dès le XVIème siècle, les "Lettres de noblesse" peuvent s'acheter à prix d'argent.
Sous Louis XIV, le prix à payer est peu onéreux = 5.000 livres.
Voltaire peut écrire dans l'Essai sur les Moeurs :
“Un
nombre prodigieux de citoyens, banquiers, chirurgiens, marchands, domestiques de prince ont obtenu des lettres de noblesse.”
Un certain nombre des charges de l'Etat confèrent la noblesse héréditaire : chancelier, garde des sceaux, gouverneur, présidents de cour.
Puis les offices de la haut magistrature ont également conféré la noblesse à leur titulaire, donnant naissance à ce qu'on a appelé la noblesse de robe.
Certains offices municipaux conférèrent également des titres de noblesse à leurs titulaires, donnant naissance à ce qu'on appela : la noblesse de cloche.
Enfin, on put dès le XVIème siècle (bien qu'un édit de 1579 voulut l'interdire) devenir noble en se portant acquéreur d'une seigneurie : d'une terre noble.
C'est ainsi que des roturiers marchands mais aussi parfois de riches artisans ou paysans purent acquérir des titres de noblesse.
Le résultat de cette évolution, c'est que " tous les hommes qui sont parvenus à une notable richesse réussissent à pénétrer dans les rangs de la
noblesse ".
En 1776, TURGOT pourra écrire que le corps des nobles comprend tout le corps des riches, ajoutant :
“ La
cause des privilégiés est devenue la cause du riche contre le pauvre ”
b. La Noblesse en tant que classe sociale
Que signifie la formule de TURGOT ?
Non pas, certes, que la noblesse est la classe prédominante dans la nation parce qu'elle est la classe la plus riche, mais bien au contraire que la noblesse
n'existe plus en tant que classe que comme minorité parasitaire, vivant, grâce aux privilèges, de la richesse de la nation (générée, aux yeux de TURGOT
lui-même, par l'agriculture et le commerce).
On peut considérer qu'au milieu du siècle, la noblesse comprend environ 80.000 familles, soit 400.000 individus. Mais, loin de constituer une classe
homogène, toute l'évolution historique a fait apparaître une minorité privilégiée : noblesse de cour et noblesse parlementaire, qui se caractérise par sa
richesse et son mode de vie.
La base économique de cette classe sociale reste la propriété foncière :
les droits seigneuriaux permettent aux nobles, possesseurs de fiefs, de prélever sur les tenures paysannes, une rente foncière.
La condition économique des nobles qui vivent uniquement de leurs domaines, varie selon l'étendue de leurs fiefs et selon les régions.
Certaines seigneuries peuvent générer un revenu important :
- le Marquisat de Chateaugiron : 124.000 livres
- la baronnie de Tiercen : 42.000 livres
_mais bien plus nombreuses sont les seigneuries dont les revenus sont inférieurs à 10.000 livres ; enfin beaucoup de petites seigneuries produisent à peine
1.000 livres.
Parmi les nobles qui vivent de leurs terres, on rencontre toutes les conditions de vie, jusqu'à une noblesse pauvre dont la condition ne diffère guère de
celle de leurs paysans.
Pour tous les nobles, s'ajoutent au revenu foncier, le privilège d'exemption fiscale : ils sont dispensés de la taille, de la corvée des grands chemins, du
logement des gens de guerre.
Quand sont créés de nouveaux impôts comme la capitation ou les vingtièmes, ils figurent sur un rôle spécial et ne sont pas taxés à proportion de leurs
revenus.
C'est "la présentation à la Cour" qui va donner naissance à une minorité privilégiée, environ 4.000 familles, représentant 20.000 personnes.
La présentation à la cour constitue non pas tant un honneur que l'octroi d'avantages économiques considérables : une véritable redistribution des
richesses par la Monarchie absolue au profit d'une minorité. C'est le système des bénéfices et des pensions
Voici quelques fortunes :
- Duc d'Orléans : 3.000.000 livres de revenus
- Maion de Condé : 1.500.000 livres de revenus
- Prince de Condé : 600.000 livres de revenus
- Duc de Chevreuse : 400.000 livres de revenus
Les fortunes de 100.000 à 150.000 livres de rentes sont fréquentes. Les pensions en général s'ajoutent à ces revenus : le Prince de Condé reçoit une
pension de 160.000 livres de rente par an, en sus de revenus.
c. Mode de vie de la Noblesse de Cour
Les membres de la haute noblesse mènent un train de vie fastueux qui les ruine. Les mémoires du temps nous montrent le luxe des habits et des robes,
car les vêtements des hommes rivalisent avec ceux des femmes en ornements coûteux. On pense ce que peuvent valoir des habits de drap d'argent et d'or,
garnis de point d'Espagne. Des robes de bal sont payées fréquemment 1.500, 2.000 livres.
Et que dire des trousseaux des mariées ?
- Celui de Melle de la Briffe, fille du premier président au Parlement de Bretagne, est estimé plus de 21.000 livres en 1781 ;
- Celui de Melle Billon, 45.000 livres, en 1787 ;
- Celui de Melle de Mondragon, 100.000 livres, en 1784.
Les nobles de la Cour tiennent à honneur d'avoir les plus beaux chevaux, les carrosses les plus élégants, souvent tapissés de velours et décorés de
panneaux peints. Le luxe de la table est surtout l'apanage des magistrats et des financiers. Il faut aussi une domesticité énorme : il n'est pas rare de trouver,
dans une maison noble, 30 ou 40 valets, sans compter les femmes de chambre, les maîtres d'hôtel. Enfin, il est de bon ton d'entretenir des maîtresses, à qui
l'on donne des pensions fastueuses, sans compter les cadeaux :
“ Le
prince de Soubise, dit l'acteur Fleury, ne se contentait pas de jeter l'or à pleines mains sous les pas des reines de boudoir, -elles étaient une douzaine- ;
comme il donnait à chacune le même état de maison, la même livrée, et un équipage en quelque sorte uniforme, on disait, quand on voyait passer les
voitures de ses maîtresses : voila la maison Soubise ! ”
Quand le président de Rieux, en 1743, congédie la Camargo, il lui fait don de 120.000 livres.
Les réceptions de la vie mondaine n'entraînent pas moins de dépenses, qu'il s'agisse de dîners, de bals ou de représentations théâtrales, de chasses. Un
souper où le prince de Soubise invite le Roi, à Saint-Ouen, en 1749, ne coûte pas moins de 200.000 livres. Choiseul, à Paris, puis dans sa retraite de
Chanteloup, tient table ouverte ; il reçoit tous les soirs, donne des soupers et des concerts ; son train de vie est tel que ses 800.000 livres de rente ne lui
suffisent pas. A Chantilly, dans l'admirable domaine des Condé, ce sont, à tout instant, des fêtes splendides.
La vie de château est, en effet, tout aussi dispendieuse que l'existence parisienne. On a souvent décrit les splendeurs du château de Sceaux, résidence de la
duchesse du Maine, de Chambord, qui appartint au maréchal de Saxe, du château de Pontchartrain, où Maurepas réunit une véritable cour, de
Chanteloup. Non moins splendide est le château de Brienne, où le comte de Brienne et son frère, l'archevêque, donnent des fêtes splendides :
“ On
arrivait au château de Brienne, nous dit M. Henri Carré, par une longue avenue bordée de tilleuls, de lilas et de gazons. Au rez-de-chaussée étaient
les pièces d'apparat, salle à manger pour quatre-vingts personnes, grand salon donnant sur l'avenue et les jardins, salle de billard, bibliothèque à galeries
circulaires, cabinet d'histoire naturelle, cabinet de physique expérimentale, salle de spectacle pouvant se transformer en salle de bal, si l'on mettait la scène
au niveau du parterre ; dans un souterrain, au-dessous, salle de bal pour la domesticité. Au rez-de-chaussée, encore, appartement de la comtesse. En avant
du château, du côté de la cour d'honneur, deux grands pavillons, divisés en appartements.”
A Brunoy, près de Paris, le financier Pâris de Montmartel a dépensé 10 millions ; à Méréville, en Beauce, le banquier de la Borde, pour faire un parc "à
l'anglaise", a englouti 14 millions.
III. Le Développement du commerce : capitalisme commercial et débuts de l’industrie.
1. Le développement du commerce
a. Le fait le plus marquant de l'évolution économique au XVIIIème siècle, c'est le développement du commerce extérieur qui a quadruplé en 1716 et
1789.
Au début du règne de Louis XVI, les exportations s'élevaient à 122 millions de francs, les importations s'élevaient à 93 millions de francs.
En 1789,les exportations s'élevaient à 438 millions de francs, les importations s'élevaient à 634 millions de franc (dont 250 millions provenant des
colonies).
-avec les Pays d'Europe
. avec l'Espagne, malgré une décadence dans la seconde moitié du siècle,
. avec l'Angleterre, faiblement jusqu'au traité de 1786,
. avec les Pays Hanséatiques, la Russie, les Pays Scandinaves.
-avec le Levant :
Marseille, port franc, conservant le monopole des transactions entre le Levant et la France, occupe toujours (comme au XVIIème siècle) le premier rang
dans ce commerce : 5 à 600 bâtiments sont occupés à ce trafic.
Colbert avait créé des compagnies privilégiées pour leur confier le monopole du Commerce, qui recevaient des subventions de l'Etat : ce commerce était
protégé de la concurrence étrangère par des droits de douane frappant les navires étrangers entrant dans nos ports :
- Compagnies du Nord,
- du Levant,
- des Indes Orientales,
- des Indes Occidentales, etc ...
Law fusionne toutes ces compagnies dans la "Compagnie des Indes" qui fut entraînée dans la faillite du système.
Reconstituée dès 1725, la Compagnie des Indes contribue à l'extension du Commerce colonial, avec la Louisiane d'abord, puis avec les possessions
françaises de l'Inde où Dupleix crée un véritable empire.
Dans la seconde moitié du siècle, c'est avec les Antilles -nos îles d'Amérique- que se fait le commerce colonial le plus important.
A la veille de la Révolution, elles envoyaient en France 185 millions de marchandises (sucre, café, coton, indigo, cacao, gingembre) et importaient de la
métropole 78 millions de produits manufacturés.
La Traite des nègres, annexe à ce commerce, enrichit de nombreux armateurs de Bordeaux, de Nantes et du Havre.
- Les ports sont les places de commerce les plus importantes :
- BORDEAUX : dont le commerce passe de 40 millions à 250 millions
- NANTES : où 150 vaisseaux partent pour les Amériques
- LE HAVRE : qui fait de grands progrès après la Guerre de Sept ans
- MARSEILLE: qui a le monopole du commerce avec le Levant
Une industrie née du commerce colonial se développe dans les ports : raffineries, distilleries, manufactures d'indiennes.
Ce sont les armateurs des principaux ports qui constituent le principal contingent des négociants qui occupent la place la plus haute dans la bourgeoisie.
b. Le commerce intérieur se développe au XVIIIème siècle, mais de façon bien moins spectaculaire que le commerce extérieur.
Il est entravé d'une part par les droits intérieurs (péages, etc...), d'autre part par l'insuffisance des voies de communication et des moyens de transport.
Ce n'est qu'à partir de 1750, que sous l'influence des économistes Vincent de Gournay (Intendant de commerce de 1750 à 1758), de Trudaine, de l'Ecole
des Physiocrates, mais surtout de TURGOT et CONDILLAC, qu'on se préoccupe de la liberté du commerce.
Ce n'est qu'en 1763, qu'un édit royal autorise le libre transport des grains d'une province à l'autre.
Les voies de communication se développent :
En 1788, on compte 12.000 lieux de routes construites et 12.000 lieux de routes tracées ou en construction.
Les routes royales rayonnent de Paris vers les grands centres provinciaux (comme le fera le tracé des chemins de fer).
Il y a peu de routes est-ouest et de routes transversales.
Le principal effort est porté, après 1770, sur les voies de navigation intérieure par la constructions de canaux : en 1789, un réseau est achevé dans le
Nord, mais les travaux du canal du Centre, de Bourgogne et du Rhône au Rhin ne font que commencer.
Les moyens de transport sont insuffisants, rudimentaires et lents.
-Le transport des voyageurs est confié à des Messageries et assuré par des fourgons, carrosses et diligences :
- de Paris à Lyon : 5 jours (au lieu de 10 jours au XVIIème siècle)
- de Paris à Bordeaux : 6 jours
- de Paris à Lille : 3 jours
- de Paris à Marseille : 11 jours
-Le transports des marchandises est assuré par le routage réservé à des entrepreneurs particuliers. Il double environ le prix des marchandises.
-C'est la Poste qui assure le transport des paquets de moins de 50 livres : le bail de la Poste est multiplié par huit au XVIIIème siècle, preuve de
l'accroissement des relations intérieures.
-Enfin les provinces maritimes assurent le commerce entre elles par le cabotage, souvent par des barques de 50 à 100 tonneaux.
Conclusion
Ce sont les capitaux accumulés par le commerce, et notamment par le commerce maritime et colonial qui vont commencer à s'investir dans des entreprises
industrielles.
2. Les débuts de l’industrie
a. Le développement des manufactures dans la 1ère moitié du siècle
- Dans la première moitié du XVIIIème siècle, on voit se développer les manufactures, qui sont des manufactures d'Etat, telles qu'elles étaient organisées
au XVIIème siècle, à l'époque de Colbert, souvent créées par l'Etat, étroitement contrôlées par l'Administration Royale.
L'exemple en est : la Manufacture de draps fins des Van Robais, fondée à Abbeville en 1665, par un protestant hollandais appelé par Colbert, dont le
privilège (-ou le monopole-) sera renouvelé jusqu'à la Révolution Française.
Plus minutieusement encore qu'à l'époque de Colbert, les règlements déterminent la nature et la qualité des matières premières, la nature de l'outillage, les
procédés à employer, la nature et la qualité des produits.
Le Conseil du Commerce, créé par Colbert, joue un rôle actif. Les inspecteurs des manufactures se maintiennent jusqu'à la Révolution. On établit
même des inspecteurs généraux dont certains, dans la seconde moitié du siècle seront des hommes de grande valeur, tel Dupont de Nemours.
- En dehors des manufactures d'Etat, on crée un bien plus grand nombre de manufactures royales (pour lesquelles il faut une autorisation).
On constate dans la première moitié du siècle de sérieux progrès industriels, entre 1715 et 1750 et surtout après 1730.
Ainsi, la fabrication de la soie, des étoffes d'or et d'argent se répand à Paris et dans le Midi ; en Languedoc, l'industrie drapière semble assez florissante
; dans l'Est et en Normandie, l'industrie cotonnière s'est beaucoup développée ; fabrication nouvelle, en France comme en Angleterre, elle échappe plus
que les autres industries à la réglementation.
Puis ce sont de nouvelles manufactures de fer-blanc, et, en Dauphiné, de nouvelles aciéries ; en Dauphiné et surtout en Angoumois, de nouvelles
papeteries.
Les mines de houille, jusqu'alors peu et mal exploitées, sont mises en valeur avec plus de méthode, dans le Nord et dans le bassin de Saint-Etienne ; les
mines d'Anzin et de Carmaux deviennent actives, et l'arrêt de 1744 va donner un nouvel essor à l'industrie houillère.
b. L'extension de l'industrie rurale et l'Empire du capitalisme commercial.
L'on assiste au XVIIIème siècle au développement de l'industrie rurale, mais le fait caractéristique, c'est l'emprise du capitalisme commercial qui
concourt à ce développement et le domine.
On distingue nettement deux types d'industrie rurale :
- Le premier s'applique aux régions dont les ressources agricoles sont insuffisantes et où la vie urbaine est peu active, comme la Bretagne et le Bas-Maine.
Dans ces contrées, l'industrie campagnarde de la toile ne fait nullement concurrence aux métiers urbains, peu nombreux.
Les marchands se livrent exclusivement à des transactions commerciales, ne dirigent pas la production, ne distribuent pas la matière première, que le
paysan récolte sur place ; tout au plus s'occupent-ils de faire opérer le blanchiment et le finissage des toiles ; c'est tout à fait par exception qu'ils deviennent
entrepreneurs de manufactures.
En Bretagne et dans le Bas-Maine, l'industrie rurale ne donnera pas naissance à l'industrie capitaliste ; quand elle tombera en décadence à la fin du
XVIIIème siècle et au XIXème siècle, ces provinces deviendront presque exclusivement agricoles.
- Au contraire, dans des pays comme la Flandre, la Picardie, la Haute-Normandie, où l'agriculture est prospère, où l'industrie urbaine a essaimé dans les
campagnes environnantes, où l'industrie rurale s'est développée surtout parce que nombre de paysans sont dépourvus de propriété, l'artisan rural dépend
souvent de véritables manufacturiers, qui lui font des commandes et donnent des directions à son travail.
En tout cas, les négociants distribuent aux travailleurs de la campagne la matière première, leur fournissent même les métiers. Ce sont eux qui
soutiennent la fabrication rurale au point de ruiner les métiers urbains, comme s'en plaignent les maîtres et compagnons de Troyes ; ce sont eux qui, à la
fin de l'Ancien Régime, dans la bonneterie et dans la filature du coton, introduisent les métiers mécaniques, ce qui rend plus désastreuse encore pour
l'industrie urbaine la concurrence des campagnes.
Il suffira que les métiers soient concentrés dans des usines pour que naisse la grande industrie, pour que le négociant-entrepreneur se transforme en patron
industriel.
c. L'Empire du capitalisme commercial sur l'industrie
Dans les métiers urbains de l'industrie textile, on voit souvent s'exercer la même emprise du capitalisme commercial, qui a pour effet de faire tomber
les artisans, autrefois indépendants, au rang de salariés.
-L'exemple le plus frappant nous est fourni par l'industrie lyonnaise de la soie. Déjà, au XVIIème siècle, la distinction s'était faite en maîtres marchands et
maîtres ouvriers, comme le montre le règlement de 1667. Le règlement de 1744 consacre la dépendance économique des maîtres ouvriers, qui deviennent
les salariés des marchands. Leur dépendance est d'autant plus grande que le marchand fournit la matière première, ainsi que les dessins, et leur avance
souvent les sommes nécessaires pour l'achat de l'outillage. Enfin, le prix de la façon est fixé par le marchand ; le salaire n'est établi que quand l'ouvrage est
terminé.
-Dans l'industrie drapière, on perçoit une évolution analogue, mais moins générale. L'emprise du capitalisme commercial sur le travail s'explique surtout
par des raisons techniques, par la multiplicité des opérations auxquelles donne lieu la fabrication.
La laine doit être lavée et dégraissée. On la soumet au battage, au cardage ou au peignage, puis on la remet aux fileurs ou fileuses. Après le filage, c'est le
dévidage, le bobinage et l'ourdissage. Ensuite, la pièce passe à la teinture et, s'il s'agit d'une laine cardée, au feutrage. Enfin, ce sont les derniers apprêts :
le lainage, le tondage et le ratissage.
On s'explique ainsi l'intervention du marchand qui se charge de diriger tout le "processus" de la fabrication.
Là où la concentration commerciale est parfaite, elle entraîne parfois la concentration industrielle. C'est qu'en effet, les marchands-entrepreneurs ont
intérêt à grouper les ouvriers sous le même toit pour surveiller leur travail et éviter les frais de transport.
Tel est le cas d'un certain nombre de manufactures drapières du Midi, comme celles de la Trivalle, près Carcassonne, de Villeneuve, près Clermont ; à
Montauban, un manufacturier fait construire un bâtiment qui lui coûte 125.000 livres. A Reims, près de la moitié des métiers sont groupés dans de
grandes manufactures. A Louviers, la concentration est plus forte encore : quinze entrepreneurs groupent des milliers d'ouvriers ; l'un d'eux fait
construire, pour 200.000 livres, une énorme manufacture, abritant cinq ateliers.
-Dans l'impression sur toile, la concentration industrielle s'opère de bonne heure sur une vaste échelle, bien avant l'introduction du machinisme. On
se l'explique si l'on considère que, comme le dit Ch.Ballot :
“ les
conditions techniques de la fabrication nécessitaient l'immobilisation d'importants capitaux, la réunion des ouvriers en ateliers et la division du travail
entre eux. ”
Il faut des terrains étendus pour le blanchiment des toiles, de vastes bâtiments pour les ateliers, de grandes pièces pour le séchage. L'outillage est
compliqué et coûteux, et l'on a besoin de stocks importants de matières premières.
En outre, la diversité des manipulations exige la division du travail entre de nombreuses catégories d'ouvriers spécialisés, et qui doivent travailler dans le
même établissement. Rien d'étonnant que, vers la fin de l'Ancien Régime, cette industrie comprenne plus d'une centaine de manufactures, produisant pour
plus de 12 millions de livresde toilespeintes.
La plupart appartiennent à des compagnies d'associés et surtout à des sociétés par actions, fort riches : la société d'Oberkampf, à Jouy, en 1789, a un
capital social de près de 9 millions.
d. Les débuts du capitalisme industriel
Toutefois, la concentration ouvrière et industrielle, condition nécessaire de la grande industrie capitaliste, ne pouvait devenir un phénomène vraiment
général que grâce au triomphe du machinisme.
Progrès limité du machinisme en France :
Or, au XVIIIème siècle, le machinisme en France, ne s'introduit que dans quelques industries :
-C'est d'abord dans le moulinage de la soie, où on le voit apparaître dès la première moitié du siècle, puis se développer grâce aux inventions de
Vaucanson ; aussi cette industrie donne-t-elle lieu à la fondation de grands établissements, comme ceux des Jubié à la Sône.
-Mais, c'est dans l'industrie cotonnière, -fabrication nouvelle-, que le machinisme se développe de la façon la plus intense.
Comme les inventions techniques ont vu le jour en Angleterre, où l'invention de la navette volante, de John Kay, a suscité tant de perfectionnements, nous
devons emprunter à nos voisins ouvriers et machines :
- la spinning jenny (inventée en 1765),
- le water-frame, d'Arkwright, qui date de 1767,
- la mule-jenny, de Crompton.
La spinning jenny, étant un petit métier à bras, ne nuit nullement à l'industrie rurale et dispersée ; au contraire, les mule-jennys favorisent la concentration.
Déjà Holker, avant 1760, avait préconisé l'introduction de machines anglaises. Mais ensuite c'est surtout Milne -un autre Anglais- qui joue un grand rôle
en fabriquant, à la Muette, des métiers employés dans son pays.
C'est surtout à partir de 1775-1780 que l'on introduit en France les inventions d'Arkwright et de Cartwright. D'importantes manufactures
"concentrées" sont créées dans la filature du coton, comme celles de Lecler, à Brives, de Martin et Flesselles, à Amiens, du duc d'Orléans -ce grand
homme d'affaires- à Orléans et à Montargis.
Il est vrai que le France n'emploie encore que 900 jennys , tandis qu'il en existe 20.000 en Angleterre. Ce n'est donc qu'un début. N'empêche qu'en
1789 on voit se dessiner les progrès du machinisme, qui se développera surtout au siècle suivant.
-Dans quelques papeteries, notamment à Annonay, on substitue l'industrie mécanique au travail à la main. Mais la plupart de ces établissements sont
dotés d'un outillage sommaire et n'emploient que quelques ouvriers.
Dans l'industrie métallurgique, on commence à remplacer la fonte au bois par la fonte au coke, comme on le fait déjà à Montcenis sur une grande
échelle, et, en 1787, est fondée la Société par actions du Creusot, qui, comprenant 4.000 actions de 2.500 livres chacune, dispose d'un capital suffisant
pour employer des machines à vapeur, des marteaux-pilons, un outillage perfectionné et coûteux.
Les établissements sidérurgiques sont encore de très modestes exploitations à outillage rudimentaire et n'employant que huit à dix ouvriers. Les
forges sont éparpillées sur tout le territoire, tout au moins dans les régions forestières, car elles n'usent encore que de charbon de bois.
Les mines de houille, grandes exploitations capitalistes :
Ce sont les mines de houille qui annoncent le plus fortement le triomphe futur de la grande industrie capitaliste.
A la suite de l'arrêt de 1744, établissant qu'aucune mine ne pourrait être exploitée qu'en vertu d'une concession-royale, de grandes compagnies
accaparent toute l'exploitation houillère aux dépens des propriétaires ou des anciens entrepreneurs.
Seules, en effet, elles sont capables d'accomplir les perfectionnements techniques nécessaires : les sondages, l'ouverture des galeries et des puits, l'aérage,
l'épuisement de l'eau ; seules, elles peuvent employer des "pompes à feu" , c'est-à-dire des machines à vapeur.
C'est que ces compagnies -Alais, Carmaux, Anzin surtout- sociétés par actions, menées par des hommes d'affaires énergiques et intelligents, soutenues
aussi par quelques gentilshommes entreprenants, comme le Prince de Croy et le Chevalier de Solages, ont l'aspect de grandes entreprises capitalistes.
L a Compagnie d'Anzin, en 1789 compte 4.000 ouvriers et 600 chevaux ; elle emploie 12 machines à vapeur ; l'extraction du charbon produit
3.750.000 quintaux ; ses bénéfices s'élèvent à 1.200.000 livres,bien que le prix du charbon ait sensiblement diminué.
Ainsi, exploitation scientifique, concentration de nombreux ouvriers, emploi de capitaux considérables : voilà déjà tous les caractères de la grande
industrie capitaliste qui se manifestent dans l'industrie houillère avant la fin de l'Ancien Régime.
L’industrie du luxe :
L’ampleur de « l’accumulation primitive » ( grâce au commerce et à l’usure ) permet des investissements dans l’industrie, comme nous l’avons vu dans
l’industrie cotonnière et l’industrie métallurgique mais aussi dans cette industrie qui répond aux nouveaux besoins de ceux qui constituent une nouvelle
classe sociale : celle des riches ( noblesse de cour et bourgeoisie enrichit ).
La France est célèbre pour ses produits de luxe : glace, verrerie, draperie fine, soierie, tapisserie, meuble. En 1759 est autorisée la fabrication des toiles
peintes qui acquiert rapidement une grande importance ( manufacture d’Oberkampf ).
Voilà qui explique l’idée de J.J Rousseau selon laquelle, les progrès des arts et des métiers génèrent un luxe scandaleux et corrupteur des mœurs.
Conclusion :
En 1789, le machinisme et la concentration industrielle n'en sont encore qu'à leur début. Le régime prédominant, dans toute la France, c'est celui des
petites entreprises, n'occupant que quelques ouvriers.
Voici, par exemple, la généralité d'Orléans, que nous décrit l'Inspecteur Tribert, en 1790 :
- On trouve bien à Orléans une grande filature de coton et il s'en monte une autre à Montargis.
- Mais la fabrication des bas s'opère dans 55 ateliers, employant 2.287 ouvriers, dispersés dans la ville et sa banlieue ;
- la bonneterie au tricot est une industrie rurale qui emploie en Beauce 12.000 personnes ;
- les étoffes de laine et les teintures sont aux mains de fabricants peu aisés ;
- la ganterie est fabriquée par 21 maîtres, qui font travailler 900 ouvriers.
Sans doute, en France, à la veille de la Révolution, le capitalisme commercial commence à exercer une grande action sur l'industrie. Mais l'évolution
y est plus tardive et plus lente qu'en Angleterre ; on ne perçoit encore que les symptômes d'une "révolution industrielle", qui ne s'achèvera qu'un demisiècle plus tard.
e. La "Classe" bourgeoise.
Diversité des conditions :
Parmi les "Corporations" marchandes, on trouve une grande diversité de conditions :
-Les plus riches sont celles des apothicaires, des imprimeurs et libraires, des orfèvres, des marchands de draps et de toile.
-Plus diverse est la condition des "épiciers".
-Enfin : un grand nombre de petits commerçants
Dans la bourgeoisie commerçante, la place la plus haute est tenue par les négociants en gros, qui échappent à l'organisation corporative.
On a déjà vu le rôle qu'ils jouent, comment, dans l'industrie textile surtout, ils commencent à imposer leur domination économique aux artisans. Ils ouvrent
directement la voie à la classe des grands patrons industriels.
Dans les ports comme Nantes, Bordeaux, Marseille, ce sont les armateurs qui constituent le principal contingent de la classe des négociants et jouent un
rôle prépondérant.
C'est dans la même classe qu'il faut ranger les directeurs de manufactures, qui nous apparaissent parfois comme de grands capitalistes, ainsi que les
concessionnaires de mines ; tels les Mathieu, les Tubeuf, gros entrepreneurs qui se trouvent à la tête de puissantes sociétés capitalistes.
Mode de vie :
Une grande diversité entre le mode de vie des marchands et des grands négociants :
- Les marchands, même aisés, vivent très simplement ; ils n'ont pas de salon ; ils mangent dans leur cuisine.
- Au contraire, les négociants ont un train de vie souvent plus luxueux que les nobles. Les armateurs de Nantes, ceux de Bordeaux et de Saint-Malo se font
construire de splendides demeures, et ils connaissent tous les raffinements du luxe.
Dans la seconde moitié du siècle, on constate encore un nouveau progrès du luxe et du confort.
B. LE SENS DE L’ÉVOLUTION CONDUISANT À LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
I. L’obstacle des rapports féodaux.
1. Dans l’agriculture
-Les pratiques collectives liées à l’assolement triennal, les divers droits d’usage, notamment les communaux ( permettent aux paysans de compléter leur
production ) interdisent la clôture des champs, l’introduction de nouvelles cultures et le développement de prairies artificielles.
On voit se développer au XVIII° siècle des sociétés régionales d’agriculture qui réussissent à installer de grandes fermes, augmentent le rendement en
supprimant la jachère et la remplaçant par la culture de plantes à racine, en substituant les prairies artificielles aux prairies naturelles, en pratiquant
également la sélection des races dans l’élevage. Dès lors, l’organisation féodale apparaît bien comme un obstacle.
-La masse de la population française ( environ 80% ) est toujours composée de paysans dont la vie devient de plus en plus pénible mais qui restent alors
cramponnés à leurs « tenures ».
C’est ainsi que la libération de la main d’œuvre nécessaire au développement de l’industrie se trouve bloquée.
2. Dans l’industrie
Le développement économique est également bloqué, notamment par le système des corporations qui réglemente le travail artisanal ( nombre et salaires
des compagnons, outillages, quantité et qualité des produits ).
Là aussi, comme dans l’agriculture, la manufacture ouvre une brèche dans le système, mais encore limitée puisque toute manufacture va obtenir du Roi un
« privilège ».
3. Dans le commerce
Point de liberté non plus. Le développement du commerce extérieur est freiné par la spécialisation des ports et le monopole accordé aux compagnies en
fonction des destinations (Compagnie des Indes ).
A l’intérieur le développement du commerce est freiné par le caractère archaïque des moyens de transports, le grand nombre de péages et de douanes
intérieurs, la variété des poids et mesures, les différences des coutumes et juridictions.
II. La réaction de l’État monarchique et des féodaux aux progrès du développement économique et de la bourgeoisie
Au XVII° siècle, l’équilibre entre les deux classes -noblesse et bourgeoisie- permet à l’Etat d’apparaître comme un sorte d’arbitre : d’un côté il favorise le
développement de la bourgeoisie pour accroître les richesses dont il est le principal bénéficiaire. D’un autre côté il transforme la noblesse en classe
parasitaire pour sauvegarder ses privilèges, parce qu’elle est base du système féodal sur lequel repose son autorité.
C’est ainsi que toutes les réformes proposées par des ministres gagnés aux idées nouvelles ( Turgot ), sont refusées ou rapidement abolies.
L’État monarchique apparaît de plus en plus, notamment à la bourgeoisie, comme un obstacle à son développement et aux progrès de la société.
III. Le rôle de l’Église.
L’Église catholique, grand propriétaire foncier, étroitement liée à la noblesse où se recrute le haut clergé, à la royauté qui distribue les bénéfices
ecclésiastiques, cautionne de toute sa puissance matérielle et morale l’ordre féodal. Toute attaque contre la société ou la monarchie est présentée comme
un crime contre l’Église et contre Dieu. Plus ces attaques grandissent, plus la toute-puissance de l’Église apparaît nécessaire et plus son intolérance
augmente. Toute pensée non-conformiste est combattue. Déjà Louis XIV avait repris les persécutions contre les protestants ; pour les « convertir », il
envoie des régiments de dragons (dragonnades ). En 1685, il révoque l’Édit de Nantes et met les protestants hors-la-loi. En 1710, il fait raser le couvent et
même le cimetière de Port-Royal, citadelle du jansénisme. Au XVIII° siècle, les « philosophes », les libres-penseurs sont particulièrement visés. Une
déclaration du clergé de 1757 rappelle que tous ceux qui ont composé ou répandu des écrits « tendant à attaquer la religion » sont passibles de la peine de
mort.
C- Les conséquences idéologiques
I. La philosophie des Lumières
Dès la fin du règne de Louis XIV ( 1715 ), apparaît d’une part l’esprit critique mettant en cause l’idéologie religieuse et d’autre part une célébration des
progrès et des valeurs scientifiques.
-Bayle ( 1647-1706 ), protestant immigré après la révocation de l’Édit de Nantes, dans son dictionnaire « historique et critique » exerce une critique
virulente contre la religion, dénonçant le surnaturel, les miracles, et l’esprit de secte ; il développe en philosophie un scepticisme radical.
-Fontenelle ( 1657-1757 ) dans son histoire des oracles dénonce les superstitions à propos des croyances païennes mais cela s’adresse aux prophéties du
christianisme. Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, dans ses « entretiens sur la pluralité des mondes », entreprend une œuvre de vulgarisation
scientifique, exposant les travaux de Descartes, Leibniz et Newton et offrant au public une synthèse des progrès scientifiques accomplit dans le siècle.
C’est selon ces deux axes que va se développer au XVIII° siècle la philosophie des Lumières.
1. La critique du système féodal : des abus de l’Église et de la royauté absolue
a. À l’encontre de l’Église :
-Montesquieu ( 1689-1755 ) déjà, avant d’écrire « L’Esprit des Lois » fait la satire des institutions et des mœurs dans les « Lettres Persanes » : c’est là
qu’il ridiculise le Pape, « ce magicien, qui est une vieille idole que l’on encense par habitude . »
-Voltaire ( 1694-1778 ) est le fer de lance de l’Église et de ses crimes contre l’humanité. Au nom de la tolérance, il condamne toutes les persécutions et se
bat pour la réhabilitation de deux protestants : Calas qu’on accusait injustement d’avoir pendu son fils pour l’empêcher d’abjurer ( le protestantisme ).
Torturé et roué vif pour un crime qu’il n’avait pas commis ; Sirven accusé à tort d’avoir jeté sa fille dans un puits pour l’empêcher d’embrasser le
catholicisme, condamné à mort puis acquitté grâce à l’action de Voltaire. Enfin, il est aussi le défenseur du Chevalier de la Barre, condamné pour avoir
chanté des chansons impies lors du passage d’une procession, à qui on arracha la langue, coupa la main, on brûla le corps à petit feu, après l’avoir torturé
pour savoir combien il avait chanté de chansons impies.
b. Contre la noblesse et l’absolutisme royal
-Voltaire multiplie les attaques énonçant le parasitisme de la noblesse : « ces seigneurs bien poudrés qui ne savent rien sinon à quelle heure leur Roi se
lève et à quelle heure il se couche ».
Il fustige l’arbitraire, depuis l’enrôlement forcé des soldats qu’on fait boire pour les enrôler jusqu’au lettres de cachet.
-Beaumarchais ( 1732-1799 ) portera cette critique à son comble dans « le Mariage du Figaro » où il fait dire à son héros, Figaro : « Parce que vous-êtes
un grand seigneur vous vous croyez un grand génie!… Noblesse, fortune, un rang, des places…Qu’avez-vous fait pour tant de bien ? Vous vous êtes
donner la peine de naître et rien de plus… ».
-Dans l’Encyclopédie elle-même, sous la plume de Diderot dans l’article « Autorité politique », le pouvoir absolu est résolument dénoncer : « Aucun
homme n’a reçu de la nature le droit de commander les autres… Le prince tient de ses sujets mêmes l’autorité qu’il a sur eux. Le prince ne peut donc pas
disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation. »
2. La célébration du progrès et des Lumières
Le progrès des sciences et des arts étant lié au progrès de la raison. Chargés de la direction, Diderot et D’Alembert font de l’Encyclopédie plus qu’une
entreprise de librairie : un grand ouvrage à la gloire de l’esprit humain. Elle montre les secours mutuels que se prêtent les sciences et le arts et formera «
un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ». Elle bénéficiera en outre des progrès considérables qui ont
été réalisés dans les sciences et les arts. Ainsi, l’Encyclopédie doit constituer à elle seule une bibliothèque et contribuer « au progrès des connaissances
humaines ». Elle a d’abord pour but « d’exposer l’ordre et l’enchaînement » de ces connaissances. D’où une classification des sciences en trois ordres :
histoire, philosophie, beaux-arts, fondée sur la distinction des trois facultés : mémoire, raison, imagination. En outre, l’Encyclopédie doit être un «
dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers » étudiés dans leurs principes et leurs applications.
Cependant, elle est une œuvre de combat, elle bat en brèche les opinions et les institutions du passé. La doctrine des encyclopédistes est simple : l’humanité
n’est pas éternellement condamnée aux mêmes maux, elle est indiscutablement sur la voie du progrès. Or ce progrès est dû non à la théologie qui a
humilié la raison devant la révélation, mais aux lumières toutes humaines de cette raison. Le progrès s’est manifesté jusqu’à présent dans les sciences,
mais, à mesure que la philosophie étend son empire, il doit aussi se manifester dans les autres domaines : en religion grâce à l’idée de tolérance ; en
politique grâce à la suppression des préjugés et à la liberté ; en morale enfin, grâce à une éthique « naturelle », qui, tout en légitimant les passions
individuelles, fera le bonheur de l’humanité. Cependant, dans l’Encyclopédie, il n’est question que de l’égalité devant les lois ; les problèmes de l’égalité
sociale, de la propriété ne sont pas soulevés.
II. Un important courant matérialiste se développe au cours du XVIII° siècle
Ce courant est représenté par La Mettrie, D’Holbach, Helvétius, qui développent un matérialisme mécaniste sur la base de la physique mathématique de
Descartes et Newton : « Grâce aux travaux de ces grands hommes le monde n’est plus un dieu, c’est une machine qui a ses roues, ses cordes, ses poulies,
ses ressorts et ses poids ».
Diderot, dans « la lettres sur les aveugles » (1749), dans « l’entretien entre d’Alembert et Diderot » puis dans « le rêve de D’Alembert » et « la suite de
l’entretien » développe des positions beaucoup plus hardies qui annoncent le matérialisme moderne :
- Il proclame son athéisme, niant catégoriquement qu’« une intelligence suprême est fait, ordonné, disposer tout à quelque bien général et particulier ».
- Convaincu que le mot liberté est vide de sens, -les hommes étant déterminés par « l’éducation et la chaîne des évé nements »-, il condamne la morale
fondée sur l’existence de l’homme immortel et sur la conscience ; affirmant que l’homme est bon par nature, il considère que l’homme trouve dans les
impulsions de son cœur le meilleur guide. Au lieu d’une morale individuelle qui juge et condamne au nom du bien et du mal ( les valeurs ), il propose de
réformer l’homme par l’éducation et l’institution sociale. Il écrit : « la vie intérieure n ‘est rien, le vie sociale est tout ». Il développe un matérialisme qui
va au-delà du mécanisme : s’il est vrai que seul existe la matière, il faut l’imaginer douée de mouvements et de sensibilité de sorte qu’elle est capable
d’expliquer « tout ce qui est produit dans l’univers depuis la pierre jusqu’à l’homme ». Selon lui,du minéral à la plante, de la plante à l’animal, il n’y a
pas de rupture dans la chaîne qui constitue l’univers. Ainsi on ne saurait comprendre la sensibilité et la conscience humaine comme une âme qui viendrait
s’incarner dans un corps : la vie et la mort sont les deux faces de l’être vivant.
III. Le tournant du siècle
Plus on avance dans le XVIII° siècle plus la bourgeoisie s’aperçoit de l’impossibilité d’un compromis politique avec une noblesse attachée à ses privilèges
et avec une monarchie absolue incapable de se réformer parce qu’elle lie son pouvoir à la pérennité du système féodal. C’est ainsi qu’elle va être conduite
à une mise en cause du pouvoir, à une révolution politique mais, -et c’est là sans doute le tournant du siècle-, plus elle se tourne vers une solution politique,
plus la critique bourgeoise se répand dans les couches populaires, non plus seulement la riche bourgeoisie mais celle des petits producteurs industriels et
agricoles.
L’extrême misère paysanne ainsi que la situation dégradante que constitue le travail des femmes et des enfants dans les manufactures conduisent les
philosophes à réfléchir sur les problèmes sociaux.
- Ainsi naissent dès le milieu du siècle des utopies destinées à résoudre la question paysanne, tel « le code de la nature » ( 1755 ) de Morelly qui prône la
communauté des biens.
-J.J.Rousseau, fils d’un pauvre horloger genevois est celui qui se fait le plus directement l’écho des couches populaires, -étant selon ses propres termes «
celui qui gémit sur les misères des peuples et qui les éprouve », il va être amener à critiquer la philosophie des Lumières comme idéologie du progrès et,
pour découvrir les causes de cette misère à s’interroger sur le fondement de l’inégalité sociale. Il sera le sujet de notre étude.
o-O-o
La révolution française
I. Les causes de la révolution française
Louis XIV (1643-1715)
1685 Louis XIV révoque l’édit de Nantes
1688 Les Caractères (La Bruyère)
1691 Athalie (Racine)
1694 12e livre des Fables de La Fontaine
1702 Début de la révolte des Camisards
1707 Dîme royale de Vauban
1710 Louis XIV fait raser le couvent de Port-Royal
Louis XV (1715-1774)
1721 Les Lettres persanes (Montesquieu)
1734 Les Lettres philosophiques (Voltaire)
1749 La Lettre sur les aveugles (Diderot)
1750-1772 L’Encyclopédie
1754 Discours sur l’inégalité (Rousseau)
1755 Code de la nature (Morelly)
1759 Candide (Voltaire)
1662 Autorisation de la Jenny
Contrat Social (Rousseau)
1763 Le traité de Paris met fin à la guerre de sept ans : la France perd le Canada et la plupart de ses possessions de l’Inde
1762-1766 Affaire Calas, Sirven, la Barre
1764 Dictionnaire philosophique (Voltaire)
1766 Rattachement de la Lorraine à la France
Louis XVI (1774-1792)
1774-1776 Tentative de réformes de Turgot
1778-1783 Guerre d’indépendance américaine
1784 Le Mariage de Figaro (Beaumarchais)
Il faut rappeler les causes profondes et la signification de la révolution de 1789.
1) La révolution est née du conflit entre le développement des forces productives (le développement d’une économie marchande et les débuts du
capitalisme) et les rapports de production (féodaux). Comme nous l’avons montré, les forces productives avaient progressé au sein même du système
féodal. Mais les rapports de production existants, personnifiés par la noblesse terrienne, restaient ceux de la féodalité et constituaient un obstacle au
développement des forces productives.
Un témoin de cette époque qui appartient à l’élite de la bourgeoisie grenobloise, Barnave, n’hésite pas à écrire dans son « Introduction à la révolution
française » : « Dès que les arts et le commerce parviennent à pénétrer dans le peuple et créent un nouveau moyen de richesses (…), il se prépare une
révolution dans les lois politiques ; une nouvelle distribution de la richesse produit une nouvelle distribution du pouvoir. De même que la possession des
terres a élevé l’aristocratie, la propriété industrielle élève le pouvoir du peuple (il faut entendre : la bourgeoisie). »
2) Cette Révolution ne pouvait donc être faite que par la Bourgeoisie et à son profit. Mais la Bourgeoisie ne pouvait vaincre qu’avec l’appui des masses
populaires, comme le montrent les principaux évènements de la révolution.
Comme l’écrit Marx : « La bourgeoisie fut la classe qui se trouva réellement à la tête du mouvement (…) Les diverses fractions qui n’appartenaient pas à
la bourgeoisie ou bien n’avaient pas d’intérêts séparés de la bourgeoisie, ou bien ne formaient pas encore des classes ayant un développement autonome
(…) Là où ces éléments entrent en lutte contre la bourgeoisie comme par exemple en 1793-1794, ils se battent seulement pour les intérêts de la
bourgeoisie (…) (La Terreur) ne fut qu’une manière plébéienne d’en finir avec les ennemis de la bourgeoisie : l’absolutisme et le féodalisme. »
Ce sont donc les masses populaires qui feront progresser la révolution, sauveront la France de l’invasion, et permettront la liquidation du système féodal
au profit de la bourgeoisie.
3) Le mécontentement des masses populaires est une des causes principales de la révolution. Leur situation s’est en effet aggravée depuis plusieurs années.
De 1777 à 1787, les revenus du paysan producteur diminuent rapidement : même quand le prix du blé est en hausse, le petit paysan n’en profite guère car
il doit abandonner une quantité importante de sa récolte pour payer ses redevances, au seigneur, au clergé, etc. A quoi s’ajoutent deux séries de mauvaises
récoltes en 1788 et 1789.
De plus, en 1786, un traité commercial a été signé entre la France et l’Angleterre au plus grand profit de cette dernière qui avait une grande avance
industrielle. Un journaliste écrit : « ce traité a ôté le pain à 500 ouvriers dans le royaume et ruiné 10.000 maisons de commerce. »
En 1789, 12.000 à 15.000 ouvriers à Abbeville, la moitié des ouvriers au à Lyon sont au chômage. En Avril 1789, une émeute fait rage au Faubourg
Saint-Antoine et les magasins de papiers-peints Réveillon sont incendiés.
Cette crise économique n’est pas la cause de la révolution, elle explique seulement le mécontentement des masses populaires et le soutien qu’elles
apportent à la révolution.
4) S’il est vrai qu’on ne saurait expliquer le développement de la révolution bourgeoise sans le rôle des masses populaires, il n’en reste pas moins qu’elle
ne forment pas une classe homogène : Journaliers agricoles, petits paysans, ouvriers des manufactures, artisan à domicile, compagnons du système
corporatiste, petits boutiquiers, travailleurs errant à la recherche d’une terre ou d’un emploi, tels sont les éléments constitutifs de ce qu’il faut bien désigner
par les masses populaires sans qu’on puisse déceler un intérêt et des aspirations communes.
Conclusion :
S’il est bien vrai que la Révolution française fut celle de la bourgeoisie, il n’en reste pas moins, comme nous allons le montrer, qu’elle a fait faire un pas
décisif dans l’Histoire en mettant fin à 1000 ans de domination féodale.
II. La révolution bourgeoise jusqu’au 10 Août 1792
1788 - 7 juin : Journée des Tuiles à Grenoble
- 8 août : Louis XVI doit convoquer les états généraux pour Mai 1789
- 27 décembre : Louis XVI doit accorder le « doublement du tiers »
1789 - 27 avril : Emeute populaire contre la manufacture Réveillon
L’assemblée constituante (5 Mai 1789 – 30 Septembre 1791)
Assemblée constituante (5 mai 1789 – 30 septembre 1791)
- 5 mai : Ouverture des états généraux à Versailles
- 17 juin : Le tiers état se proclame Assemblée Nationale
- 20 juin : Serment du Jeu de Paume
- 9 juillet : L’Assemblée Nationale se proclame Constituante
- 14 juillet : Prise de la Bastille
- 17 juillet : Le comte d’Artois, frère de Louis XVI, donne le signal de l’émigration
- juillet-août : Jacquerie (surnommée la Grande Peur)
- Nuit du 4 août : Début de la destruction du système féodal
- 26 août : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
- 5-6 octobre : Le peuple ramène la famille royale à Paris
- 22 octobre : La Constituante vote la loi martiale
- 2 novembre : Les biens du clergé sont nationalisés
- 22 décembre 1789 – 8 janvier 1790 : Création du département
1790 - 12 mai : La Constituante déclare la paix du monde
- 12 juillet : Constitution civile du clergé
- 14 juillet : Fête de la Fédération nationale
1791 - 2-17 mars : Suppression des corporations
- 14 juin : Loi le Chapelier
- 20-21 juin : Tentative de fuite du roi
- 17 juillet : Fusillade du Champ de Mars
- 27 août : Déclaration de Pillnitz
- 14 septembre : Louis XVI accepte la Constitution de 1791
a. Les circonstances de la Révolution
Cette crise nationale surgit à la fin du XVIIIe siècle comme conséquence de la profonde désagrégation du système féodal. Elle est générale : elle englobe
aussi bien l’économie que la politique.
Dans le domaine économique, après une longue période de prospérité, de développement des forces productives, de hausse régulière des prix,
commence dans le dernier quart du siècle une période de marasme : l’essor de la production se heurte à la sous-consommation des masses travailleuses, à
l’absence d’un, marché national.
Toutes les classes de la société sont touchées à des degrés divers :
- Les propriétaires fonciers féodaux car ils tirent une partie importante de leurs revenus de la vente de leurs produits.
- La bourgeoisie souffre aussi de cette dépression économique : le fermier capitaliste, dont les baux croissent alors que les revenus diminuent, baisse le
salaire de ses journaliers.
- Les masses populaires sont les plus durement frappées : l’exploitation du paysan est renforcée par la réaction seigneuriale par la baisse des salaires. A la
ville, les salaires, dont la hausse au cours du XVIIIe siècle est déjà loin d’avoir suivi celle des prix, baissent brusquement : le chômage se répand.
Dans cette économie affaiblie, éclate en 1788 une grave crise économique : une série de mauvaises récoltes (surtout celles affectant les céréales),
constituent pour les paysans une véritable catastrophe. Cette crise agricole rejaillit vite sur l’industrie.
Cette crise économique n’est pas la cause de la Révolution. Mais elle crée les conditions favorables au déclenchement de la crise politique.
Les forces féodales sont poussées dans leurs derniers retranchements. Le caractère irrémédiable de leur décadence apparaît clairement. L’Etat est au bord
de la catastrophe financière : en 1788 la dette publique absorbe près de la moitié du budget : le déficit représente 20 % des dépenses. C’est la banqueroute
inévitable. Le gouvernement, réduit à des solutions, reprend les projets de réforme établissant un impôt payable par tous les propriétaires. Les privilégiés
ne peuvent tolérer cette atteinte à leurs privilèges fiscaux. L’opposition aristocratique, dirigée par les états provinciaux et les parlements se déchaîne. Le
prétexte essentiel des privilégiés, pour lutter contre les édits fiscaux, est que seuls les états généraux, représentant la nation, peuvent consentir un impôt
perpétuel. Les états généraux sont calqués sur l’organisation légale de la société. Les trois ordres (clergé, noblesse, tiers état) ont leur députés, qui siègent
séparément ; chaque ordre dispose d’une voix, ce qui donne inévitablement la majorité aux deux ordres privilégiés.
Les nobles entendent donc se servir des états généraux comme d’un moyen de pression, de chantage sur le roi. Pour imposer au roi la convocation
des états généraux, et l’abandon des projets financiers, les privilégiés camouflent leurs intérêts égoïstes, se posent en défenseurs des intérêts de la nation et
ils appellent l’opinion publique à les soutenir. Une partie du tiers état se mobilise pour défendre les parlements et les états provinciaux contre les sanctions
royales. Cette agitation générale aggrave et dévoile crûment les difficultés de la monarchie. La machine d’Etat semble se désagréger : les intendants
n’agissent pas, les impôts rentrent mal, les troupes sont peu sures : dans les casernes, on lit et on commente des brochures subversives, des officiers
démissionnent plutôt que de marcher contre des manifestants.
Ainsi, le roi doit-il céder : le 8 août 1788, il convoque les états généraux et, le 25 août, prend comme ministre le banquier Necker, qui a la confiance de
la bourgeoisie.
b. Les états généraux : la mobilisation de la nation par la bourgeoisie
La convocation des états généraux permet à la bourgeoisie d’entraîner les masses des villes et des campagnes à la vie politique, de populariser son
programme anti-féodal, d’organiser l’assaut contre l’absolutisme. S’attribuant avec raison le titre de « patriotes » ou de » nationaux », les bourgeois
agissent avec vigueur. Des brochures paraissent, comme celle de l’abbé Sieyès, qui connaît un succès particulier : Qu’est-ce que le tiers état ?
1° Qu’est-ce que le tiers état ? – Tout
2° Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? – Rien
3° Que demande-t-il ? – A y devenir quelque chose…
La bourgeoisie, pour dominer les états généraux et imposer sa volonté au roi exige le doublement du tiers (que le tiers ait autant de députés que les deux
autres ordres réunis) et le vote par tête (non plus par ordre). Ainsi, en comptant sur les représentants du bas-clergé et sur les nobles libéraux, la
bourgeoisie détiendrait la majorité aux états généraux. La bataille pour le doublement du tiers consacre la rupture définitive entre les privilégiés et la
nation : dès septembre 1788, le parlement de Paris demande que les états généraux soient convoqués « suivant la forme observée en 1614 ». Mais la
bourgeoisie résiste, et le gouvernement doit, une fois de plus, céder. Le 27 décembre 1788, le doublement du tiers est accordé. Toutefois, essayant se
ruser, le gouvernement ne dit rien du vote par tête.
c. L’assaut des masses populaires contre la féodalité et l’absolutisme : le 14 juillet, la Jacquerie, les Journées d’Octobre
Les Etats généraux qui s’ouvrent à Versailles le 5 Mai 1789 montrent une bourgeoisie pleinement consciente de ses droits et de sa force. La nation est
derrière elle, les députés du tiers état gardent un contact étroit avec le peuple : ils envoient des lettres en province pour tenir leurs électeurs au courant.
Surtout, la population parisienne suit les événements jour par jour.
D’abord prudemment, les députés du tiers état essayent de gagner le bas-clergé, les nobles libéraux, et ne soulèvent qu’indirectement la question du vote
par tête. Mais devant les atermoiements du gouvernement et l’intransigeance de, la noblesse, les députés du tiers passent à l’offensive : le 17 juin 1789,
considérant qu’ils représentent 96 % de la nation, ils se proclament « Assemblée Nationale » et invitent les députés des autres ordres à se joindre à
eux. Pour rétablir la situation, le roi veut intimider le tiers, ce qu’il croit facile. Le 20 juin, il fait fermer la salle des délibérations de l’Assemblée : mais les
députés, nullement intimidés, se groupent dans une autre salle, la salle du Jeu de Paume, et ils prononcent le Serment solennel de ne jamais se séparer et
de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides.
Et devant cette rébellion déclarée du tiers appuyé par l’agitation populaire croissante et devant les défections de députés de la noblesse et du clergé, qui se
solidarisent avec le tiers, le roi cède : le 27 juin, il invite « son fidèle clergé et sa fidèle noblesse » à rejoindre l’Assemblée. Le 9 juillet, la bourgeoisie
remporte une nouvelle victoire en donnant à l’Assemblée nationale un pouvoir constituant : l’Assemblée, dominée par la bourgeoisie, rédigera une
Constitution juridique de la société, donc consacrera la domination politique et sociale de la bourgeoisie.
Le roi, chef des privilégiés, menacé dans son pouvoir absolu, prend l’offensive : il veut dissoudre l’Assemblée. Il concentre entre Paris et Versailles
d’importantes forces armées ; il envoie à Paris des soldats particulièrement sûrs, notamment des régiments étrangers, comme le Royal-Allemand. L’acte de
provocation est le renvoi du ministre Necker, très populaire pour la compétence financière qu’on lui prête et pour ses idées libérales, et qui sera remplacé
par un aristocrate, le Baron de Breteuil.
Le dimanche 12 juillet, où les Parisiens apprennent le renvoi de Necker, l’agitation montre rapidement. Des rassemblements s’improvisent, s’organisent
au Palais Royal ; des orateurs, comme Danton, et Camille Desmoulins, appellent aux armes ; une colonne de manifestants est chargée aux Tuileries par le
Royal-Allemand ; le tocsin sonne ; la foule commence à vider les boutiques d’armuriers et à construire des barricades. Paris se prépare à subir l’assaut des
troupes royales. Les masses populaires vont décider du sort de la Révolution.
Le 14 au matin, le peuple, encadré par la garde nationale (milice bourgeoise), continue de s’armer. Il s’approprie 32.000 fusils aux Invalides. Puis il se
porte à la Bastille. Il veut obtenir à la bois les armes qu’elle détient et la certitude que les canons de la forteresse qui dominent le faubourg Saint-Antoine
ne seront pas utilisés. Le gouvernement de la Bastille fait évacuer les premières cours, immédiatement envahies par la foule. Mais alors qu’il parlemente
encore, des coups de feu éclatent tirés de la forteresse. Le peuple crie à la trahison, au guet-apens et donne l’assaut. Au prix d’une centaine de morts, les
insurgés l’emportent. La prise de la Bastille, achève la désorganisation des forces royales ; Louis XVI doit abandonner tout espoir de mater Paris, donc
l’Assemblée. La bourgeoisie unanime glorifie cette insurrection acte de défense de la nation contre la minorité qui résiste à la Révolution contre le
« complot aristocratique ».
Le 14 juillet sauve en effet l’Assemblée Nationale constituante, c’est-à-dire la Révolution. Le roi doit renvoyer ses troupes, rappeler Necker,
reconnaître la municipalité bourgeoise (dont le maire est Bailly) et la garde nationale (dont le commandant est La Fayette), donc l’organisation
révolutionnaire de Paris. La prise de la Bastille devient le symbole de la liberté conquise par le peuple. La cocarde tricolore qu’on impose au roi – les
couleurs du Paris révolutionnaire, bleu et rouge encadrant la couleur du roi, le blanc – devient l’emblème de la nation et de la Révolution.
- En province, les masses populaires assènent un coup nouveau au régime féodal. La nouvelle de la prise de la Bastille et de l’échec du « complot
aristocratique » déchaîne l’enthousiasme. Partout, la bourgeoisie s’empare des municipalités, organise une garde nationale, sur le modèle parisien.
-La paysannerie déjà en mouvement se soulève en masse contre la féodalité. Une immense Jacquerie éclate. Les paysans refusent d’acquitter les droits
seigneuriaux ; ils attaquent, parfois brûlent les châteaux, symboles détestés de la puissance noble, détruisent les terriers.
Cependant, la bourgeoisie se sert de cette violente pression paysanne pour porter un nouveau coup à la féodalité, et, en même temps, sauvegarder leurs
intérêts propres face aux exigences paysannes. La Constituante va atteindre ce double objectif : Au cours de la « nuit du 4 août » et dans les décrets qui
suivent. L’Assemblée nationale déclare abolir entièrement le régime féodal. Le servage et les droits féodaux qui pèsent sur les personnes : les corvées
par exemple sont supprimées sans indemnité, de même que la dîme. L’Assemblée annule tous les privilèges.
Ainsi sont levés les obstacles essentiels à la liberté économique nécessaire au développement du capitalisme. Mais, en même temps, la Constituante prend
des précautions pour que le principe même de la propriété ne soit pas atteint : les droits féodaux pesant sur la terre, et pouvant être considérés comme des
éléments du droit de la propriété ne sont pas abolis mais seulement déclarés rachetables, ce que les paysans seront incapables de faire.
L’Assemblée constituante commence à construire le nouvel ordre qu’elle désire. Elle en affirme très vite les principes dans la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789). Ses articles sont autant de condamnations du régime féodal : plus de privilèges, ni d’arbitraire ; et d’autre
part liberté individuelle, liberté d’opinion, de presse d’égalité devant la loi. La bourgeoisie proclame ces principes, parce qu’ils lui sont alors nécessaires.
Mais comme les intérêts essentiels coïncident avec ceux de toute la nation, la bourgeoisie formule ces principes en termes généraux, absolus, éternels. Les
« droits de la bourgeoisie » sont formulés comme les « droits de l’homme et du citoyen ». Cette édification du nouvel ordre bourgeois se heurte
naturellement à l’opposition franche des tenants de l’ancien ordre.
Le roi refuse d’approuver la Déclaration des droits, qui condamne l’ancienne organisation sociale et politique. Il s’oppose à l’application des décrets
d’août, qui s’attaquent à la propriété féodale. Il appelle des troupes à Versailles, essayant ainsi de réaliser le coup de force qui a échoué en juillet. Le
peuple doit intervenir. La bourgeoisie et ses orateurs, comme en juillet, mobilisent le peuple parisien. Le 5 octobre 1789, 6.000 femmes du faubourg
Saint-Antoine et des Halles partent à Versailles. La bourgeoisie canalise le mouvement : la garde nationale s’ébranle à son tour et la municipalité
bourgeoise adjoint à La Fayette deux commissaires chargés de ramener le roi à Paris. Une fois de plus, sous la pression populaire, le roi doit accepter.
En sanctionnant les décrets d’août et la Déclaration des droits, il consacre la fin du régime féodal et absolutiste.
d. La mise sur pied de l’appareil d’Etat bourgeois
Les Constituants vont construire une machine d’Etat contrôlée par la bourgeoisie et dirigée à la fois contre la féodalité et contre le peuple.
Les interventions populaires ont effrayé les modérés : minoritaires parmi les Constituants, ils influencent cependant les décisions de l’Assemblée, qui
prend des précautions face au peuple, en votant la loi martiale qui donne aux municipalités le droit de dissiper les attroupements par la force (seuls
Robespierre et Marat s’élèvent contre cette loi anti-populaire).
D’autres inclinent vers une politique de compromis, qui permettrait d’arrêter la Révolution après ces premiers succès, afin d’empêcher de nouvelles
interventions populaires (nobles libéraux, bourgeoisie coloniale). Cette fraction sera vivement attaquée par une partie de la bourgeoisie démocratique –
militante – qui a conscience de la nécessité de l’alliance avec le peuple pour écraser la résistance aux féodaux (le Club des Jacobins, Robespierre).
Mais la Constituante, par peur du peuple, n’ose pas aller au bout de son œuvre, et laisse à Louis XVI une grande puissance pour s’en faire une
arme contre un danger populaire éventuel. Le roi garde le pouvoir exécutif : héréditaire, inviolable, irresponsable, il est le chef suprême des armées,
nomme les généraux. Il propose la guerre et les traités que l’Assemblée ratifie. Il choisit et destitue à son gré les ministres. Pour écarter le peuple de la vie
politique, la Constituante établit un suffrage électoral censitaire, remplaçant le privilège le la naissance par le privilège de la richesse.
Une partie importante de la bourgeoisie considère, en 1791, la Révolution comme terminée. Mais les anciens privilégiés qui n’acceptent pas leur
dépossession s’organisent et menacent de plus en plus les victoires bourgeoises.
e. La contre-révolution
La contre-révolution s’organise tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle renonce vite à l’action légale. Mais comme l’immense majorité de la nation est
contre le retour au régime féodal, les forces contre-révolutionnaires font appel à la réaction étrangère et trahissent la nation. Les liens entre l’aristocratie et
les féodaux étrangers se nouent très vite. Certains nobles se réfugient chez les princes voisins ; au lendemain du 14 juillet, le comte d’Artois, frère du roi,
émigre, bientôt suivi par des membres de la haute aristocratie, la famille de Condé, les Polignac, Breteuil. Coblence, ville rhénane, devient bientôt le
centre principal d’émigration. La Révolution française a un retentissement énorme. Les hommes de progrès se tournent vers le pays de la liberté. La
France montre la voie aux peuples soumis à l’oppression de la féodalité. Les puissances européennes, absolutistes et féodales, ne peuvent voir d’un bon
œil condamnés en France les principes sur lesquels elles reposent.
f. Les mouvements populaires de 1790-1791
Le développement de la contre-révolution rend de plus en plus nécessaire l’alliance des masses populaires et de la bourgeoisie. Le peuple est conscient
de la réalité de la contre-révolution. Cette lutte contre les ennemis, de la Révolution inspire le grand mouvement des Fédérations en 1790. Les
communes se fédèrent par province, afin d’unir leur forces contre le « complot aristocratique ». L’Assemblée organise ce mouvement spontané : elle
prépare une grande fête de la Fédération nationale. Mais le 14 juillet 1790, au Champ de Mars, à côté des fédérés, le peuple de Paris reste présent,
citoyens actifs et passifs confondus. Au milieu d’un enthousiasme délirant, La Fayette prononce au nom des Fédérés sur l’autel de la Patrie, le serment de
fidélité à la nation, à la loi et au roi.
Ce mouvement des Fédérations qui concrétise l’unité de la nation française, révèle avec éclat les progrès décisifs de cette unité, grâce à la
Révolution, qui a détruit le régime féodal et absolutiste. Désormais, la Révolution et la nation ne font qu’un.
Mais si les masses populaires combattent avec décision les forces révolutionnaires, leur lutte (pour résoudre ses difficultés économiques) ne correspond
pas aux désirs de la bourgeoisie, classe exploiteuse.
1- Les mouvements paysans sont avant tout dirigés conte la féodalité.
Les paysans savent que la noblesse n’a pas désarmé. Or la Constituante leur impose de verser jusqu’à leur rachat les droits de la terre, et cela à un
seigneur qui a émigré, qui conspire ou est sur le point de le faire. L’Assemblée édicte des modalités de rachat telles que les paysans ne peuvent en pratique
se libérer. Aussi les mouvements reprennent-ils en 1790. Les paysans entrent également en lutte contre la bourgeoisie foncière.
L’agriculture capitaliste a en effet besoin d’une liberté économique totale : le propriétaire doit pouvoir faire de ses terres ce qu’il veut et ne veut être
soumis aux contraintes collectives de la vieille agriculture. La Constituante satisfait ces exigences en autorisant la clôture des terres, mais c’est une perte
pour les paysans pauvres qui essaient de s’opposer à cette économie moderne qui les lèsent.
L’immense majorité des paysans n’a pas assez de terres pour vivre avec le faible rendement de l’agriculture. Ils réclament en vain la division des grandes
fermes et espèrent beaucoup de la vente des biens nationaux. Mais les conditions de vente édictée par l’Assemblée bourgeoise favorisent les classes
possédantes. Les paysans essaient de réagir. Si le mouvement paysan est résolument dirigé contre l’aristocratie, et par là aide la bourgeoisie, il y a tout de
même une autonomie propre, des revendications particulières qui inquiètent la bourgeoisie.
2- Les mouvements populaires urbains (les sans-culottes) constituent la base la plus solide de la Révolution.
Ils créent leurs propres organisations (où l’on retrouve Marat, Danton), où ils discutent des problèmes de l’heure, élaborent des solutions et agissent. Il ne
se passe pas de jour sans que le complot aristocratique soit dénoncé. D’autre part, ils luttent vigoureusement pour améliorer leur situation et entrent en
conflit avec la bourgeoisie. Les ouvriers réclament des augmentations de salaires, et la réduction de la journée de travail ; pour obtenir satisfaction, ils
s’organisent sur le modèle du compagnonnage.
Les maîtres demandent alors que la municipalité dissolvent les assemblées ouvrières qui portent atteinte « aux droits de l’homme et à la liberté des
individus » et engage des poursuites. L’Etat bourgeois joue son rôle d’Etat de classe. Le Chapelier, présentant son projet de loi, reprend les arguments de
la pétition patronale. L’Assemblée sans discussion, adopte le 14 juin 1791 la loi Le Chapelier qui interdit, sous sévère peine, la coalition et la grève.
Singulière égalité entre l’ouvrier isolé, sans défense, et le patron qui, fort de l’appui de l’Etat, peut lui imposer toutes ses conditions.
g. La tentative de fuite du roi et ses conséquences
C’est dans la nuit du 20 au 21 juin 1791 que la famille royale s’enfuit des Tuileries ; elle doit rejoindre le marquis de Bouillé et ses troupes sur la frontière
Nord-est. Cette tentative hausse rapidement le mouvement populaire à un degré plus élevé. Pour les révolutionnaires, la signification de l’acte royal doit
déclencher l’action contre-révolutionnaire, notamment l’entrée des troupes étrangères en France.
En Vendée, sont signalés des rassemblements armés. L’action défensive des patriotes est immédiate et efficace. Les détachements royaux de Bouillé
accompagnant la fuite du roi sont l’objet de soupçons et de menaces de la part des paysans. Les municipalités ou comités révolutionnaires organisent une
surveillance active des suspects. La municipalité de Sainte-Menehould prend la responsabilité de faire poursuivre et d’arrêter à Varennes la famille royale.
Cette vigilance révolutionnaire du peuple est la cause essentielle de l’échec du complot. Ce qui pouvait demeurer du sentiment monarchique
s’évanouit. La berline royale ramenée à Paris est accueillie dans un silence mortel.
Robespierre exprime le programme des masses révolutionnaires : jugement du roi, qui a failli à son serment ; renforcement de la démocratie. Or les
Constituants n’envisagent pas une révision de la Constitution dans un sens démocratique.
Après le 21 juin, les paysans multiplient les attaquent contre les châteaux. La lutte des sans-culottes pour sauver la Révolution donne un nouvel élan à leur
lutte pour de meilleures conditions de vie.
Les préoccupations conservatrices de la Constituante éclatent au grand jour, surtout après le retour du roi, qui semble écarter tout danger contrerévolutionnaire immédiat. Dès le 22 juillet, l’Assemblée commence à exprimer l’hypothèse que le roi et la famille royale ont été « enlevés » ! Et elle
poursuit cette politique de conciliation dans l’enquête qu’elle mène sur la fuite du roi. Le peuple ne l’entend pas ainsi.
Les clubs de Paris et de province, les sociétés populaires multiplient les pressions sur l’Assemblée pour qu’elle adhère au programme formulé par
Robespierre. Le 16 juillet, l’Assemblée rend définitive sa décision d’absoudre le roi. Les sociétés populaires demandent l’abdication du roi et la
convocation d’une nouvelle Constituante, pour procéder d’une manière nationale au jugement du coupable, au remplacement et à l’organisation d’un
nouveau pouvoir exécutif. Robespierre tente de s’opposer à cette décision, pouvant servir de prétexte à une répression qui ferait reculer le mouvement
démocratique et compromettrait l’unité de la nation révolutionnaire. Mais les Cordeliers (société populaire) persistent dans leur intention.
Le 17 juillet, une pétition du Champs de Mars se couvre de signatures. La municipalité décrète alors la loi martiale et la garde nationale tire sans
sommation sur la foule désarmée. La politique de réaction qui suit ce massacre confirme les craintes de Robespierre : le 18 juillet, la Constituante vote un
décret contre « la provocation à la désobéissance à la loi ».
L’Assemblée étudie une révision de la Constitution, qui réaliserait un compromis avec les forces féodales sur le dos du peuple. Mais elle n’aboutit pas, car
l’aristocratie refus tout compromis. Toutefois, la Constituante augmente le cens électoral. La scission du parti patriote, la politique réactionnaire de
l’Assemblée renforcent naturellement les ennemis de la Révolution.
L’assemblée législative ( 1er Octobre - 20 Septembre 1792)
Assemblée législative (1er octobre 1791– 20 septembre 1792)
1792 - 20 avril :Déclaration de guerre
- 26 avril : Rouget de Lisle chante pour la première fois Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin , bientôt connu sous le nom de La Marseillaise
- 20 juin : Echec d’une manifestation populaire organisée par les Girondins
- 11 juillet : La patrie en danger
- 28 juillet : Paris connaît le Manifeste de Brunswick
- 10 août : Insurrection populaire victorieuse. Chute de la royauté
C’est donc dans un climat de réaction et de peur qu’est élue l’Assemblée législative, qui succède à la Constituante, le 1 er octobre 1792.
Tant ce climat que les conditions de suffrage expliquent la composition de, la nouvelle Assemblée. Les députés sont des bourgeois aisés, attachés aux
conquêtes révolutionnaires mais se méfiant du peuple. Ils aspirent à continuer la politique modérée de la Constituante, en s’appuyant sur le roi. La
majorité de l’Assemblée subit l’influence du groupe « feuillant » qui y siège. Seule une minorité, issue de la bourgeoisie intellectuelle, estime dangereux de
donner des pouvoirs à un roi suspect et sent la nécessité de s’appuyer sur le peuple pour défendre les conquêtes révolutionnaires.
Cette composition bourgeoise de la législative explique ses hésitations : elle doit combattre la féodalité, qui n’est pas détruite ; or elle ne peut y parvenir
qu’avec le peuple, dont elle a peur. La croissance des actions contre-révolutionnaires et celle du mouvement populaire vont faire éclater les contradictions
de la politique bourgeoise.
a. le renforcement de la contre-révolution après l’échec de la fuite du roi.
Les contre-révolutionnaires prennent de l’audace au lendemain de l’échec de la fuite du roi. La politique réactionnaire de l’Assemblée, qui poursuit les
meilleurs défenseurs de la Révolution, encourage les mouvements contre-révolutionnaires.
Chef de l’Exécutif, Louis XVI prépare la défaite des armées françaises dans la guerre qui doit éclater ; il favorise l’émigration de cadres de l’armée,
prend des ministres dont certains désagrègent de l’intérieur la défense nationale.
A l’extérieur, la contre-révolution se renforce aussi, effrayée par les répercussions de la fuite à Varennes, par le développement en France du mouvement
démocratique et anti-royaliste. Les émigrés perdent toute mesure : ils s’arment, appellent à la guerre contre leur pays.
Les souverains nationaux s’engagent de plus en plus nettement sur, le chemin de l’agression. Le 27 août 1791, l’empereur et le roi de Prusse signent la
« Déclaration Pillnitz » dans laquelle ils déclarent regarder « la situation du roi de France comme un objet d’un intérêt commun à tous les souverains
d’Europe » et engagent « toutes les puissances à employer, conjointement avec leurs dites Majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs
forces, pour mettre le roi de France en état d’affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d’un gouvernement monarchique également convenable aux
droits des souverains et au bien-être de la nation française. » Cette déclaration destinée à faire peur aux révolutionnaires n’en est pas moins, selon les mots
de Jaurès, « le premier acte officiel de la coalition contre-révolutionnaire ». Et du stade des menaces, les puissances féodales passent peu à peu au stade de
la préparation directe de la guerre.
Face au danger, l’Assemblée qui se désolidarise des Feuillants, vote deux décrets : l’un somme les émigrés de se disperser, l’autre place les réfractaires
sous la surveillance des autorités administratives. Mais le roi ne donne pas sa sanction aux décrets.
b. Les progrès du mouvement populaire au début de 1792
La contre-révolution intérieure et extérieure ne peut être brisée qu’avec l’aide des masses populaires. Or, le mouvement populaire, un moment en recul
après le massacre du Champ de Mars, reprend rapidement de l’ampleur en raison notamment des difficultés économiques, de la liberté économique qui a
déclenché la spéculation et qui permet aux bourgeois de fructueux bénéfices. La contre-révolution aggrave ses difficultés. Ainsi les émigrés ne se
contentent pas d’avoir emporté de l’argent ; la plupart continue de recevoir leur solde d’officier, les revenus de leurs terres. Les nobles, qui restent en
France, stockent et spéculent. Les producteurs réagissent avec vigueur.
Les paysans refusent de payer le rachat des droits féodaux et réclament que soient confisqués les biens des émigrés. Malgré la loi Le Chapelier, quelques
grèves éclatent. Mais l’action populaire essentielle est dirigée contre les accapareurs, grands responsables de la hausse des prix et la raréfaction des
denrées. Les sans-culottes exigent contre eux des mesures immédiates. Le peuple ne se borne pas à réclamer des lois ; il agit. La garde nationale maintient
l’ordre. En certains endroits, des officiers municipaux et une partie de la garde nationale soutiennent le mouvement ; c’est alors le cortège imposant et
ordonné qui marche, tambour battant et drapeau déployé.
L’Assemblée pour ne pas léser les intérêts de la riche bourgeoisie, se refuse toute mesure qui restreindrait la liberté économique et organise la répression.
Les démocrates vont montrer le danger que fait courir à la Révolution cette attitude de la bourgeoisie, montrer que la lutte du peuple pour la défense de
ses intérêts immédiats coïncide en grande partie avec sa lutte contre les ennemis de la Révolution. Les paysans font peser le gros de leur attaque sur la
propriété féodale ; en luttant contre les droits féodaux, en réclamant que soient saisis les biens des émigrés, ils poussent la bourgeoisie, malgré ses
répugnances, à porter de nouveaux coups à la féodalité. La discussion à l’Assemblée, longue et difficile, aboutira au décret du 14 juin 1792, abolissant
sans indemnité les droits féodaux. A la ville, les sans-culottes, sans cesse, dénoncent à l’Assemblée les manœuvres des aristocrates, qui contribuent à
aggraver la situation économique. La guerre va rendre nécessaire pour « le salut public » l’application d’une politique menée par Robespierre en faveur
du peuple.
c. La déclaration de guerre – 20 avril 1792
La montée du danger contre-révolutionnaire, la préparation d’une guerre d’agression contre la nation française ne font plus aucun doute. La France
révolutionnaire a le devoir de se préparer à soutenir une guerre nationale. Mais c’est une guerre immédiate et offensive que va déclencher la Législative.
Car, pour des raisons différentes, la Cour et les différentes fractions de la bourgeoisie attendent de la guerre une issue à leurs difficultés. La guerre leur
apparaît facile car les peuples, croient-ils, attendent que le roi soit au pied du mur pour se démasquer, pour se soulever contre leurs tyrans. Et
effectivement, par haine des féodaux, et par sentiment patriotique, le peuple approuve avec enthousiasme cette guerre. Même Marat, qui avait critiqué la
politique de guerre, est emporté par le courant.
Robespierre, s’élève dans plusieurs discours contre cette déclaration de guerre aventureuse, dont il faut se méfier. Pour pouvoir résister à l’assaut contrerévolutionnaire européen, il faut d’abord consolider la Révolution à l’intérieur : attacher le peuple à la Révolution en appliquant les principes de la
Déclaration des droits de l’homme, écraser la contre-révolution intérieure qui minerait la défense nationale en cas de guerre. Pour Robespierre, seule une
politique hardiment révolutionnaire est conforme aux intérêts de la patrie. Et la paix est nécessaire pour que la Révolution se développe.
Louis XVI agit avec habileté et duplicité, en utilisant la volonté de guerre des Brissotins. Il prend un ministère patriote. Rapidement, la tension croît entre
les gouvernements français et autrichien. Le 20 avril 1792, l’Assemblée, sur proposition du roi, déclare la guerre au roi de Bohème et de Hongrie. La
Prusse entre à son tour en guerre, aux côtés de l’Autriche.
d. Les débuts désastreux de la guerre
Naturellement, la contre-révolution intérieure redouble d’activité. Les réfractaires en sont les principaux organisateurs. Ils agitent les masses populaires,
appelant ouvertement l’empereur à envahir la France pour y rétablir le « christianisme menacé ». Sur le plan militaire, les effets de la trahison se font
immédiatement sentir. Les cadres de l’armée sont suspects, la moitié des officiers a émigré, les généraux en place ont été nommés par le précédent
ministère feuillant et les soldats n’ont aucune confiance entre eux. L’attaque prévue contre les Pays-Bas autrichiens échoue lamentablement. La, famille
royale continue de trahir. Marie-Antoinette transmet aux souverains tous les plans de l’état-major. Louis XVI met son veto à deux décrets de défense
nationale. Puis le roi chasse mes ministres brissotins, qu’il remplace par des feuillants.
Face au danger contre-révolutionnaire se dresse le peuple. Les gardes nationaux, chargés de recruter des volontaires, sont submergés par les demandes de
citoyens passifs. Ils veulent se battre contre l’ennemi extérieur mais exigent en même temps des mesures contre les traitres. A Paris, le 29 mai, les sansculottes défilent en chantant le « Ça ira », armés de piques, et menaçant la cour. Mais l’Assemblée bourgeoise craint les masses populaires. Pourtant, pour
obliger le roi à abandonner son veto et reprendre les ministres brissotins, la pression populaire est nécessaire. Le 20 juin, jour anniversaire du Serment du
Jeu de Paume, les sans-culottes, encadrés par les gardes nationaux, défilent devant l’Assemblée et la somment de prendre des mesures énergiques pour
sauver la Révolution. Puis les manifestants envahissent les Tuileries ; mais le roi, sentant l’impréparation de la journée et voyant les efforts des Girondins
pour persuader les sans-culottes de se retirer, refuse de céder.
De leur côté, les souverains font tout ce qu’ils peuvent pour hâter la marche des armées ennemies. Les défaites françaises se multiplient. L’armée
prussienne de Brunswick, suivie de l’armée des émigrés, franchit la frontière Nord-est au début de juillet. Les officiers nobles désertent en masse, laissent
les troupes sans commandement. L’armée autrichienne est prête à franchir la frontière Nord. Le plan du roi paraît réussir. La Révolution et la nation
courent un danger mortel.
e. Le 10 août 1792
Elles vont être sauvées par l’enthousiasme patriotique et l’action révolutionnaire du peuple. La Marseillaise qui devient à cette époque le chant de la
nation, exprime les sentiments des révolutionnaires, leur conscience claire de leur lutte pour la liberté. Cet élan de 1792 se traduit en actes. Après la
proclamation de la patrie en danger » (11 juillet), les enrôlements volontaires massifs commencent. La lutte contre les traîtres va de pair avec le départ des
volontaires vers les frontières. Les soldats patriotes envoient à l’Assemblée des lettres dénonçant les intrigues politiques. C’est naturellement contre le roi,
tête de la contre-révolution, que le mouvement populaire se déchaîne le plus violemment. Des adresses exigeant la déchéance du roi parviennent de
partout à l’Assemblée. En même temps s’affirment les revendications démocratiques du peuple.
Les forces révolutionnaires grandissent et s’organisent rapidement. Les fédérés, bourgeois, ardemment révolutionnaires, arrivent de leur province
pour défendre Paris. L’organisation du peuple parisien se renforce considérablement. Après la proclamation de la patrie en danger, tous les
citoyens sont armés de piques et peu à peu entrent dans la garde nationale bourgeoise. Dans les assemblées de section, affluent les citoyens passifs.
Le 25 juillet, la Législative déférant au vœu de section, les autorise à siéger en permanence. L’Assemblée semble inapte à prendre des mesures contre le
roi et s’effraient face à la révolte populaire.
C’est donc le peuple qui se chargera du salut de la nation. Les forces révolutionnaires toutes unies se mobilisent, préparent et dirigent l’insurrection.
Robespierre annonce les objectifs à atteindre : déchéance du roi, renouvellement d’une assemblée qui trahit son mandat, réunion d’une Convention, élue
au suffrage universel. Le programme du 10 août, énoncé par Robespierre, est donc l’établissement d’un régime démocratique, seul capable de sauver la
nation et la révolution.
La contre-révolution donne le signal de l’ultime mobilisation du peuple.
Le 28 juillet, Paris connaît le manifeste de Brunswick qui, rédigé à la demande de Louis XVI, expose les buts des coalisés : « Faire cesser l’anarchie à
l’intérieur de la France, arrêter les attaques portées au trône et à l’autel, rétablir le pouvoir légal, rendre au roi la sûreté et la liberté. »
Mais loin d’intimider les révolutionnaires, ce manifeste, où des menaces d’exécutions sont proférées, ne fait qu’enflammer leur colère ; il apporte malgré le
désaveu du roi, une preuve évidente de sa trahison. Il coupe définitivement les ponts entre le roi et la nation.
Les événements se précipitent. Le 30 juillet, la section Mauconseil (section parisienne ouvrière) déclare qu’elle « ne reconnaît plus Louis XVI comme roi
des français ». Le 4 août, la section des Quinze-Vingts annonce qu’elle laisse à la Législative jusqu’au 9 août à minuit pour se prononcer. Cet ultimatum
devient celui de tous les révolutionnaires. Or l’Assemblée n’agit pas. Le soir du 9 août, expire l’ultimatum. L’Assemblée s’étant séparée sans prononcer
la déchéance du roi, l’ordre d’insurrection est donné. Les sections délèguent à l’Hôtel de ville des commissaires qui vont constituer une « Commune
insurrectionnelle » qui va prendre la place de l’ancienne municipalité.
Le 10, fédérés marseillais et bretons commencent l’attaque des Tuileries ; mais les officiers ordonnent de tirer et les fédérés doivent reculer, y laissant de
nombreux morts. Le faubourg Saint-Antoine arrive alors, pointe ses canons sur le château et commence l’assaut. Le roi, réfugié à l’Assemblée, ordonne
aux assiégés de cesser le combat, quand l’issue n’en est plus douteuse.
Journée remarquablement organisée, le 10 août 1792 est une grande victoire nationale et démocratique. Elle affaiblit la contre-révolution intérieure. C’est
aussi une victoire nationale, car ce n’est pas l’insurrection du seul peuple parisien, mais aussi de la province révolutionnaire. Victoire démocratique enfin
car c’est le peuple qui a sauvé la révolution bourgeoise, sans et même contre l’Assemblée où dominent les représentant de la grande bourgeoisie.
III. La révolution démocratique
( 10 Août 1792 - 27 juillet 1794)
1792 - 2-7 septembre : Exécutions dans les prisons
- 20 septembre : Valmy
Convention (21 septembre 1792 – 26 octobre 1795)
- 22 septembre : 1er jour de l’an I de la République
1793 - 21 janvier : Exécution de Louis XVI
- février – mars : Manifestations populaires pour les subsistances
- 10 mars : Début de l’insurrection vendéenne
- 5 avril : Dumouriez trahit
- mars – avril : La Convention crée la plupart des organes du futur gouvernement révolutionnaire
- 25 mai : Manifeste de Brunswick Girondin
- 29 mai : Le maire montagnard de Lyon, Chalier, est arrêté par les Fédéralistes
- 2 juin : Insurrection populaire. Les Girondins sont mis en accusation. Les Montagnards prennent le pouvoir et organisent peu à peu le gouvernement
révolutionnaire.
- 24 juin : Vote de la Constitution de 1793
- 10 juillet : Robespierre entre au Comité de salut public
- 13 juillet : Assassinat de Marat par Charlotte Corday
- 17 juillet : Abolition de tous les droits féodaux
- 29 septembre : Loi du maximum général
1794 - février – mars : (ventôse an II) : Lois de ventôse
- 24 mars (4 germinal) : Exécution des Hébertistes
- 5 avril (16 germinal) : Exécution des Dantonistes
- 8 juin (20 prairial) : Fête de l’Etre suprême
- 10 juin (22 prairial) : Lois de Prairial
- 26 juin : (8 messidor) : Victoire de Fleurus
- 27 juillet (9 thermidor an II) : Chute de Robespierre
La Législative doit prendre des mesures démocratiques : une Convention élue au suffrage universel rédigera une nouvelle Constitution ; la Commune
insurrectionnelle est reconnue comme municipalité légale. En faveur des paysans, l’Assemblée abolit sans indemnité la plupart des droits féodaux. Le
peuple dispose désormais de moyens décisifs pour se faire entendre. Il est armé, il a ses propres organes de délibération et d’action, la Commune et
surtout les assemblées de sections. Les sans-culottes peuvent ainsi exercer directement leur pouvoir qui est pour eux largement supérieur à celui de
l’Assemblée élue. En même temps, la contre-révolution intérieure est sérieusement touchée. Le roi, suspendu de ses fonctions, est enfermé au Temple
avec sa famille.
L’Assemblée désigne un Conseil exécutif où entrent les anciens ministres girondins, et Danton. Or ceux qui gardent la direction du pays sont des hommes
qui ne jouissent plus de la confiance du peuple révolutionnaire de Paris. L’insurrection du 10 août s’est fait en partie contre l’Assemblée, qui protégeait le
roi. Mais le peuple insurgé ne disperse pas la Législative car la province ne comprendrait pas un acte de violence contre l’Assemblée, qui incarne toujours
pour elle la Révolution.
Les éléments les plus modérés, la droite et une partie du centre, ne siégeant plus, les Brissotins détiennent la majorité de l’Assemblée et l’essentiel du
pouvoir exécutif. Effrayés par le mouvement populaire du 10 août, ils vont s’efforcer d’en limiter les conséquences.
En même temps, les Brissotins déclenchent la lutte contre la Commune, pouvoir rival et incarnation de la souveraineté du peuple. Le 30 août, l’assemblée
va jusqu’à prononcer la dissolution de la Commune, mais elle doit reculer. Les Girondins et les Brissotins sont soupçonnés d’incliner au compromis avec
la féodalité, face à leur comportement envers le roi et les contre-révolutionnaires.
Les patriotes sont pris entre deux feux : les ennemis extérieurs, qui semblent avancer irrésistiblement, et le complot intérieur qui n’a pas totalement été
écrasé et se reforme. Le temps presse. Le 2 septembre, à la nouvelle du siège de Verdun, prise par les ennemis, la Commune appelle les Parisiens à
s’armer. Mais ces volontaires ne veulent pas partir en laissant derrière eux une contre-révolution encore puissante.
Devant la carence de l’Assemblée, les sans-culottes et les volontaires se portent vers les prisons et après des jugements expéditifs, exécutent près de la
moitié des détenus, prisonniers de droit commun et considérés comme les troupes de choc éventuelles de la contre-révolution.
L’action des révolutionnaires contre la trahison intérieure assure les arrières de l’armée. A Valmy, le 20 septembre, aux cris de « Vive la nation », les
soldats de ligne et volontaires ne se laissent pas impressionner par l’attaque de front de l’infanterie prussienne et résistent à un violent bombardement
d’artillerie. Battus à Valmy, les coalisés reculent jusqu’aux frontières ; à la fin octobre, le territoire français est libéré. Et c’est dans une atmosphère de
victoire que la Convention va tenir ses premières séances.
a. Le mouvement populaire et la Convention
La nouvelle assemblée est essentiellement composée de la bourgeoisie révolutionnaire. Des lois restrictives ou simplement la peur ont écarté les contrerévolutionnaires des assemblées électorales. La question centrale que doit résoudre la Convention est celle de la défense de la Révolution.
Etroitement lié à la défense de la Révolution, et particulièrement difficile à résoudre, se pose le problème des revendications économiques du peuple,
notamment la question des subsistances. La masse des paysans pauvres et des sans-culottes des villes est contrainte à la lutte pour assurer sa vie
matérielle ; elle s’efforce d’imposer ses propres solutions et avant tout la réglementation économique.
Cependant, les revendications des sans-culottes sont souvent en opposition avec les intérêts de la bourgeoisie, mais la bourgeoisie elle-même n’est pas une
classe homogène.
La masse des députés ne se rattache pas à un parti. On lui donnera le nom de Plaine ou de Marais. Sous la pression à la fois des événements militaires et
du mouvement populaire, elle évoluera entre les deux tendances extrêmes de la Convention : les Girondins et les Montagnards, issus pourtant toutes deux
de la même classe sociale, la bourgeoisie intellectuelle.
1) Les Brissotins sont liés à cette fraction de la grande bourgeoisie, commerçante et financière à laquelle la Révolution a, avec la liberté économique,
apporté des sources d’enrichissement immédiat. Les revendications économiques des sans-culottes et des paysans pauvres menacent leur profit. Aussi, les
Girondins au nom de la liberté et du droit de propriété se déchaînent-ils contre les mesures de taxation. Mais les conquêtes démocratiques du 10 août, les
interventions politiques de plus en plus fréquentes du peuple, sa maturité croissante déçoivent leur plan. Et cette action populaire les inquiète d’autant plus
que leur attitude suspecte leur vaut la méfiance des sans-culottes. Pour se délivrer de l’étreinte parisienne, les Girondins n’hésitent pas à dresser la
province contre la capitale, rompant ainsi l’unité nationale. Pour sauvegarder ses intérêts immédiats qu’elle estime menacés, cette fraction de la grande
bourgeoisie sacrifie les intérêts généraux de la classe bourgeoise, en mettant en danger la Révolution, par son ralliement à l’idée d’un compromis politique
avec la féodalité.
2) Les Montagnards sont aussi des intellectuels issus de la moyenne bourgeoisie ; mais ils sentent clairement la nécessité de s’appuyer sur les masses
populaires pour sauver la Révolution.
3) Les Robespierristes sont eux aussi préoccupés par le problème de l’inégalité sociale. Mais c’est leur expérience politique plus que leurs idées
philosophiques qui les entraîne à défendre vigoureusement les intérêts du peuple, qui est le meilleur défenseur de la révolution. Et c’est au nom de la
défense de la Révolution et de la nation que Robespierre avant le 10 août réclame l’égalité politique, par le suffrage universel, et une République de tous
pour tous. La masse de la bourgeoisie révolutionnaire soutiendra ce parti Montagnard.
La première scission entre Gironde et Plaine se produit lors du procès de Louis XVI. Les Brissotins veulent conserver le roi comme base d’un compromis
éventuel avec le régime féodal, et font tout ce qui est en leur pouvoir pour retarder le procès puis pour écarter la peine de mort. Mais l’ensemble de la
Convention en se prononçant pour la mort, manifeste clairement son intention de couper les ponts avec la contre-révolution.
Dans le domaine économique par contre, la Gironde entraîne aisément la Convention, sur la question du maintien de la liberté économique. La
Convention refuse de taxer les prix. Elle ne prend aucune mesure contre les riches fermiers et les gros marchands qui spéculent sur les denrées de
première nécessité.
Dès l’automne 1792, un vaste mouvement contre la liberté économique se dessine, et tout de suite se marque clairement la liaison des problèmes
économiques et politiques. Les difficultés s’aggravant, le mouvement populaire pourtant réprimé par la Convention reprend en février 1793. Des chefs
populaires apparaissent : les Enragés. Ils défendent les revendications des masses les plus pauvres, des sans-culottes, mais aussi des couches prolétariennes
et semi-prolétariennes les plus pauvres, en proclamant que le droit à la vie est supérieur au droit de propriété. Comme la Convention ne prend aucune
mesure, des actions vigoureuses sont entreprises : invasion d’épiceries, taxation d’office. Les Montagnards se rallient alors à la majorité de la Convention
et s’élèvent contre ces mouvements, ne voyant pas encore la nécessité de renoncer à la liberté économique. Ils accusent les Enragés de faire le jeu de la
contre-révolution, en brisant l’unité révolutionnaire. Les mesures qu’ils proposent correspondent pourtant aux revendications des sans-culottes. Or, le
renouveau du danger contre-révolutionnaire va amener les Montagnards à se rallier en partie aux exigences économiques du peuple.
b. La guerre générale
Dès la fin de 1792, la guerre a pris une grande extension et des caractères plus complexes. Elle reste fondamentalement une guerre de défense de la
Révolution et de la nation, car les buts de guerre des coalisés ne font aucun doute : lorsque les ennemis occupent des territoires, elles font rétablir le régime
féodal et les privilèges. Mais en même temps, la guerre se transforme en une guerre de conquête et d’annexion. Les conquêtes ne sont pas pour déplaire à
la bourgeoisie française : elles permettent de consolider la Révolution et de contrôler des marchés nouveaux. La bourgeoisie justifie ces conquêtes par la
nécessité pour la France d’avoir des « frontières naturelles » et surtout par la mission libératrice de la France révolutionnaire : les armées de la Révolution
appellent les peuples à se soulever contre leurs propres tyrans ; mais la révolution bourgeoisie n’est pas mûre dans les pays féodaux dès lors, une minorité
de révolutionnaires se rallient à l’ordre nouveau, l’ensemble de la population accueillant les Français comme des envahisseurs.
Les conquêtes françaises, les coups portés au régime féodal dans les pays conquis renforcent la coalition anti-française. L’exécution de Louis XVI le 21
janvier 1793 symbolisant le refus des révolutionnaires de revenir en arrière, de composer avec les forces féodales, fait de la guerre une question de
vie ou de mort pour la nation. Toutes les forces féodales d’Europe se coalisent contre la France. C’est l’Angleterre qui en prend la tête. Elle s’inquiète des
principes de la Révolution de 1789, qui développent les sentiments démocratiques des classes populaires. La grande bourgeoisie anglaise en plein essor,
voit dans une guerre contre la France a possibilité d’élargir ses marchés, d’abattre son seul concurrent dangereux. D’autre part, l’Angleterre considère
que la Révolution française en détruisant l’aristocratie, détruit tout ordre social, donc toute civilisation. Le soutien à l’aristocratie française et européenne,
la lutte armée contre la Révolution sont par conséquent nécessaires pour sauver la civilisation : la guerre revêt le caractère d’une croisade. Au printemps
1793, la France est en guerre contre l’Europe presque entière.
En même temps que se livre l’assaut des armées étrangères, la contre-révolution intérieure se renforce utilisant les difficultés accrues du gouvernement.
Dans les pays de l’Ouest, en Vendée, un vaste soulèvement armé se développe. Dans cette région isolée, les rapports féodaux gardent une très grande
vigueur. De plus, la misère des paysans vendéens n’est guère soulagée par les mesures de la Constituante ou de la Législative. D’autre part, la Révolution
entre en conflit avec la religion catholique traditionnelle ; et la centralisation qu’elle établit heurte le particularisme vendéen et breton. La contre-révolution
réussit à soulever les masses paysannes de l’ouest, à leur faire défendre les vieilles forces féodales. Le 10 mars 1793, les paysans s'attroupent et
massacrent les révolutionnaires. C’est un véritable « coup de poignard » dans le dos de la Révolution.
Les Girondins qui dominent le gouvernement vont se révéler incapables de faire face à l’assaut contre-révolutionnaire. Leur politique économique et
sociale en faveur de la fraction bourgeoise qu’ils représentent les empêche de proposer ou d’accepter les mesures qu’exige la situation. Les désastres
s’accumulent. L’armée autrichienne reconquiert la Belgique, Brunswick reprend les régions rhénanes. Le territoire français est à nouveau envahi. En
Vendée, la révolte se développe rapidement. Les désastres militaires et la crise économique accrue par l’inflation résultant des dépenses du gouvernement
entraînent une violente réaction populaire. Les sans-culottes considèrent comme des manifestations du complot aristocratique aussi bien le
soulèvement vendéen, l’inertie des autorités, que les difficultés économiques qui empêchent le peuple de bander toutes se forces contre l’ennemi.
Pour sauver la Révolution, les sans-culottes proposent des remèdes économiques et politiques. Des sections parisiennes, des sociétés populaires, réclament
la création d’organismes révolutionnaires pour juger les traitres, exigent que des impôts soient perçus sur les riches, que des mesures soient prises contre
les Girondins, que soient taxées les denrées alimentaires.
En mars-avril, la situation économique devient tragique. Les Montagnards, bien que toujours attachés à la liberté économique, se rallient maintenant aux
exigences des sans-culottes, qu’ils considèrent justifiées par la situation. Le « salut public » réclame des mesures d’exception. Et, le 24 avril, Robespierre
présente à la Convention un projet de Déclaration des droits, qui définit le droit de propriété comme limité : la propriété ne peut porter atteinte « ni à la
sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables » : Reflet exact des revendications économiques des sans-culottes.
La Plaine se rendant en partie aux raisons des Montagnards, vote toute une série de mesures qui préparent le gouvernement révolutionnaire. Enfin le 4
mai, la Convention vote, malgré sa répugnance, un maximum des prix sur les grains et leur réquisition.
c. L’insurrection du 2 juin 1793
Les Girondins ont combattu avec violence toutes ces mesures, se prêtant ainsi de plus en plus à l’accusation de complicité avec les aristocrates. Pour
maintenir la prééminence sociale et politique de la haute bourgeoisie, ils font le jeu de la contre-révolution.
Sous l’influence des Jacobins, on voit apparaître dans le mouvement populaire de mars-avril des objectifs politiques précis : l’expulsion d’un certain
nombre de députés girondins est demandée. Or, au lieu d’organiser la défense de la patrie en danger, les Girondins ne songent qu’à organiser la lutte
contre les Jacobins, qui eux organisent la défense nationale. Ils essaient de casser la Commune. L’exclusion de la Gironde de la vie politique devient une
nécessité pour sauver la nation et la Révolution. Les sans-culottes sont prêts à s’insurger. Le 26 mai, à l’appel de Robespierre, les Jacobins se déclarent en
insurrection.
Le 2 juin 1793, Le comité insurrectionnel fait encercler la Convention par 80.000 gardes nationaux. Le but est d’intimider la Plaine mais en évitant tout
incident sanglant et une dissolution de l’Assemblée qui effraieraient la province. Les députés de la Convention sortent solennellement sous la conduite de
leur président pour essayer de dissoudre la manifestation. Mais sous la pression des masses, ils échouent et décrètent d’accusation 29 députés girondins.
Le 2 juin est donc une grande victoire nationale, contre une fraction de la bourgeoisie complice de l’étranger. C’est aussi une victoire démocratique : ce
sont les Montagnards, qui prennent la direction de la Révolution.
d. L’établissement du gouvernement révolutionnaire
Le 2 juin 1793, la grande bourgeoisie girondine est exclue du gouvernement, car elle faisait obstacle à la défense de la Révolution et de la nation. La tâche
des nouveaux dirigeants est d’abord d’assurer cette défense. Or, la situation dans l’été 1793 est particulièrement grave. La contre-révolution remporte de
nombreux succès militaires : les coalisés portent la guerre sur le territoire français. A l’intérieur, les Vendéens remportent victoire sur victoire. Mais cette
révolte issue des girondins et de feuillants ne peut se créer une base de masse, en raison notamment de la politique des Jacobins. Ceux-ci en effet, au cours
de l’été 1793, vote une série de mesures en faveur des paysans.
Ainsi se soude l’alliance entre la paysannerie, les sans-culottes et bourgeoisie révolutionnaire, qui sera la base du gouvernement révolutionnaire.
Mais les Conventionnels n’ont pas une image claire de ce gouvernement. La bourgeoisie est poussée à l’accepter par la force des événements. Ce choix
lui est dicté par les masses populaires, qui forment la masse des combattants. Les masses exigent l’établissement de la Terreur pour briser le complot
aristocratique de l’intérieur, plus menaçant que jamais (assassinat de Marat en juillet). D’autre part, les difficultés que doivent résoudre les sans-culottes
pour assurer leur vie les mettent en mouvement et leur font promouvoir des mesures essentielles pour le salut de la Révolution.
En effet, la crise de subsistances s’est fort aggravée pendant le printemps et l’été 1793, à la suite notamment des succès contre-révolutionnaires. La vie
économique est désorganisée. La disette et la misère poussent les sans-culottes à imposer des mesures en leur faveur, avant tout la réglementation
économique et la Terreur contre les spéculateurs. Mais les Montagnards ne sont pas acquis d’emblée à la totalité des revendications. Puisque les autorités
légales ne se décident pas à prendre les initiatives réclamées, les masses populaires vont, entraînées par les « meneurs » : les Enragés, manifester leur
volonté. La Convention finit par adopter certaines mesures : lois contre l’accaparement et organisation de la réquisition des grains.
Mais les Montagnards qui ont poussé l’Assemblée à adopter ces premières mesures lancent en même temps une violente campagne contre les Enragés. Le
motif essentiel est toujours la volonté de sauvegarder l’unité de la nation révolutionnaire en un moment où elle est plus nécessaire que jamais. Les Enragés
inquiètent la bourgeoisie révolutionnaire par leurs revendications et enlèvent au parti montagnard une partie de sa base populaire, donc sa force. Les
Enragés d’abord discrédités, sont éliminés. Néanmoins, les Montagnards vont rapidement comprendre la nécessité d’adopter l’essentiel du programme
sans-culotte pour maintenir l’unité révolutionnaire et défendre ainsi la nation.
En effet, devant la faiblesse des mesures adoptées, l’action des sans-culottes va reprendre, plus vigoureuse que jamais, en septembre 1793. Le 4
septembre, le peuple se mobilise rapidement. La Commune envoie une délégation à la Convention, laquelle se borne à exhiber le projet de maximum
général en discussion Autour de la délégation, la foule s’écrie : « ce n’est pas des promesses qu’il nous faut, c’est du pain et tout de suite ».
Le 5 septembre, la cortège se forme à l’Hôtel de Ville et se rend à la Convention ; celle-ci votera le jour-même des mesures très importantes du
programme populaire : épuration des états-majors, réorganisation du tribunal révolutionnaire, loi des suspects, création d’une armée révolutionnaire de
l’intérieur, vote d’un maximum général sur les denrées et les salaires. A la fin de 1793, ce gouvernement est définitivement constitué.
e. La nature du gouvernement révolutionnaire et son œuvre
C’est avant tout un gouvernement de guerre pour défendre la Révolution menacée de l’intérieur et de l’extérieur. D’où son caractère provisoire et
dictatorial. C’est un gouvernement centralisé et stable, muni des pleins pouvoirs. La dictature est exercée par un comité de la Convention, le comité de
salut public. Robespierre le dirige. Ce comité dirige la guerre, la diplomatie, la vie économique ; il légifère. La Convention enregistre les actes de son
principal comité. Le comité de salut public dirige tout le pays, par l’intermédiaire des représentants en mission, et des autorités locales surveillées par des
agents nationaux. Ce gouvernement s’appuie sur la Terreur. Le comité de sûreté générale dirige la police et la justice révolutionnaire. Les comités de
surveillance sont chargés dans chaque commune de dresser la liste des suspects, jugés par le tribunal révolutionnaire.
Le contenu de classe du gouvernement révolutionnaire est complexe. Il représente la coalition de tous ceux qui veulent sauver la Révolution et la nation
de la contre-offensive féodale. Cette coalition embrasse la fraction de la haute bourgeoisie et surtout de la moyenne bourgeoisie, rurale et urbaine.
Quelle est la base de masse sur laquelle s’appuie le gouvernement révolutionnaire ?
C’est en premier lieu la petite et moyenne paysannerie. C’est ensuite le soutien presque unanime des sans-culottes des villes, formé en majorité de la petite
bourgeoisie (artisans, boutiquiers), les producteurs urbains. Ils sont l’appui essentiel des robespierristes. On compte aussi parmi eux le bas peuple : semiprolétariat et prolétariat. Le soutien des sans culottes est très actif : il pousse en avant le gouvernement révolutionnaire : à Paris, l’assemblée de section est
le centre essentiel où s’élaborent les décisions des sans-culottes. Ces sections ont des comités, véritables organes d’exécution. Le comité révolutionnaire
dépiste, surveille, arrête les suspects. Le comité militaire contrôle les fabriques d’armes, entretient les familles des soldats. Les comités de bienfaisance se
chargent de distribuer les secours aux indigents. Les comités d’agriculture mettent en valeur les terrains en friche situés à l’intérieur de Paris. En province,
les clubs et sociétés populaires jouent u rôle identique à celui des sections parisiennes.
Le rôle des sans-culottes est décisif ; ils pousse la bourgeoisie à adopter des mesure à laquelle elle répugne et qui sont nécessaires au salut de la
Révolution. Ainsi, le jacobinisme apparaît comme l’alliance de classe la plus large qu’ait jamais connue une révolution dirigée par la bourgeoisie.
Il exprime la coïncidence des intérêts de la nation et de la révolution.
Le gouvernement révolutionnaire va pouvoir remplir sa tâche essentielle : sauver la France de l’invasion.
La première tâche est de mettre sur pied une armée nationale puissante. Cette armée de l’an II est une armée nationale car elle est le peuple en armes. Le
décret de « levée en masse » (23 août 1793) mobilise la nation entière et ordonne d’inscrire sur les drapeaux des bataillons l’inscription « le peuple
français debout contre les tyrans ». Les états-majors sont épurés. La vie économique de la nation est régie en vue de la guerre : les ressources matérielles
sont soumises à la réquisition. Le peuple se mobilise pour fournir l’armement aux soldats.
Les artistes eux aussi contribuent à l’élan national. David glorifie les héros patriotes : Marat assassiné dans sa baignoire. Il organise des défilés, des
démonstrations populaires, qui montrent la majesté et la force du peuple révolutionnaire. Les Parisiens vont au théâtre voir La Liberté conquise ou Le
despotisme renversé.
La deuxième grande tâche du gouvernement révolutionnaire est l’écrasement de la contre-révolution intérieure. L’outil en est la Terreur, système de
répression bien organisé et très puissant qui brisera implacablement tous les soutiens de la contre-révolution, royalistes, traites ou accapareurs. La Terreur
est forte dans les régions soulevées comme en Vendée. Dans les départements où sévit la guerre civile, on compte 12.000 condamnations à mort, soit les
trois-quarts du nombre total d’exécutions. La Terreur est un instrument de défense nationale.
Les résultats de l’œuvre de défense nationale du gouvernement révolutionnaire ne se font pas attendre. Dès la fin de 1793, l’insurrection fédéraliste est
écrasée, la Vendée battue, les frontières dégagées. Au début de 1794, la guerre est portée sur le territoire ennemi.
La politique sociale du gouvernement révolutionnaire est aussi étroitement liée que la Terreur à la défense nationale.
Attacher les masses populaires à la Révolution,, assurer au moins leur vie matérielle immédiate, mais sans pour cela toucher aux fondements de la société
bourgeoise, tels sont les objectifs des Montagnards. Par là-même, leur politique sociale ne peut qu’être hésitante et contradictoire.
La Constitution de 1793 est incontestablement bourgeoise. La Déclaration des droits qui la précède garantit le droit de propriété. Celle-ci va plus loin, en
reconnaissant le salariat, principe de l’exploitation de l’homme par l’homme, dans le système capitaliste. Cette Constitution est la plus favorable au peuple
que la France est connue. Elle est démocratique : suffrage universel, système de referendum, droit de résistance à l’oppression, droit à l’insurrection. Elle
affirme les devoirs sociaux de l’Etat : l’article premier proclame que « le but de la société est le bonheur commun » : chaque citoyen a droit au travail, à
l’assistance à l’instruction.
A la campagne, le gouvernant révolutionnaire achève de détruire le système féodal. Le 17 juillet 1793, la Convention prononce l’abolition complète de
tous les droits féodaux. Mais elle ne donne pas pour autant la terre au petit paysan. Elle n’abolit pas la vente aux enchères, qui est dirigée par les
administrateurs favorisa,nt les bourgeois et les paysans riches. Le partage des biens communaux n’est pas opéré partout. Ce partage n’est d’ailleurs pas
forcément profitable, car il ébranle la vieille agriculture communautaire et fait disparaître la vaine pâture. Ainsi la politique paysanne des Montagnards
aboutit à balayer la féodalité et à laisser libre cours au développement capitaliste. Les lois de ventôse an II (février-mars 1794) permettent que le biens des
ennemis et des suspects soient distribués aux indigents et patriotes. Les Montagnards peuvent consolider leur base à la compagne.
Il n’est cependant pas question de faire une révolution sociale. Les Montagnards situent les revendications populaires en fonction de la défense de la
Révolution. L’essentiel des mesures sociales du gouvernement révolutionnaires est destiné à nourrir les sans-culottes. La loi du Maximum du 8
vendémiaire an II (29 septembre 1793) instaure la taxation des prix des denrées de première nécessité. Des lois d’assistance sont promulguées : l’Etat
accorde son aide aux vieillards, aux mères de famille nombreuse, aux familles de combattants. Cette politique sociale a naturellement des insuffisances ; le
maximum sur les salaires pose des questions délicates. A la taxation des prix correspond en effet la taxation des salaires. Mais le maximum des salires est
exécuté avec plus de rigueur que celui des prix. Mais ce maximum a cependant joué un rôle très positif : en nourrissant l’armée et les villes, il a été un
facteur déterminant de la victoire.
f. La dislocation de l’alliance jacobine
Les groupes sociaux qui soutiennent le gouvernement révolutionnaire ont des intérêts divergents. Leur objectif commun est la défense de la Révolution et
de la nation. A mesure que le danger contre-révolutionnaire s’écarte, certains membres de l’alliance tentent de faire prévaloir leurs propres intérêts.
Les plus impatients vont former les dantonistes, fin 1793. Ils représentent les intérêts de la « nouvelle bourgeoisie », enrichie grâce à la Révolution.
Elle aspire au retour à la liberté économique. La Convention n’avait établi les mesures économiques qu’en raison de nécessité de guerre. Elle ne peut les
annuler tant que la contre-révolution n’est pas abattue. Les dantonistes vont pratiquer une politique de paix, en jouant sur les divisions des coalisés. Pour
s’attirer des sympathies, les dantonistes tablent sur les maladresses de certains « terroristes » et sur le mécontentement des paysans et commerçants envers
les mesures économiques actuelles. Ces Indulgents font appel aux sentiments humanitaires, s’efforcent de susciter l’horreur pour les dirigeants
sanguinaires. En essayant d’entraîner la bourgeoisie révolutionnaire, de rassembler une partie de l’opinion publique, ils espèrent prendre ne main le
gouvernement, éliminer toute influence des masses populaires sur ce gouvernement et réaliser leur programme. Leur opposition met en danger la nation,
et arrive pourtant à jeter le trouble parmi les révolutionnaires en attaquant le gouvernement jacobin, brise cette unité révolutionnaire, en dehors de laquelle
il n’y a pas de salut.
Des divergences grandissent entre le gouvernement et les sans-culottes, qui ne peuvent prendre la direction de la révolution. Ils forment la classe des
petits propriétaires individuels que le régime capitaliste va faire disparaître. D’où l’aspect contradictoire de leurs revendications : attachés à l’ordre
bourgeois car propriétaires, ils y sont hostiles dans la mesure où ils sentent que cet ordre les menace de disparition. Ils ne peuvent que réclamer une
limitation de la propriété privée. Mais ils ne s’attaquent pas aux fondements de l’ordre capitaliste, c’est-à-dire la propriété privée des moyens de
production, mais simplement aux formes. Le gouvernement doit donc tenter de concilier l’économie bourgeoise et les revendications des sans-culottes. Cet
équilibre instable entre les la nécessité d’une forte unité gouvernementale et la démocratie directe du peuple va être rompu à la fin de l’hiver 1793-1794
en raison des difficultés économiques.
Les Hébertistes vont se faire l’écho des couches les plus pauvres de la population : prolétariat, fractions semi-prolétarisées de la petite bourgeoisie,
paysans pauvres. Ils demandent une Révolution en faveur de ces groupes sociaux, ce qui signifie d’arrêter le développement du capitalisme, la limitation
de la liberté économique et des propriétés. Les hébertistes vont aussi combattre la contre-révolution, donc le régime féodal, pour favoriser le peuple.
Les attaques des hébertistes envers le gouvernement s’intensifient au printemps 1794, car ils jugent insuffisantes les mesures gouvernementales en regard
des difficultés économiques. Au début de ventôse an II (fin février 1794), certains chefs populaires parlent de la nécessité d’une insurrection.
Le gouvernement estime indispensable d’annihiler cette double opposition. En mettant en cause l’unité révolutionnaire, ces deux tendances font
objectivement le jeu des forces féodales. Elles doivent être éliminées. Les hébertistes et dantonistes sont présentés sont tour à tour frappés, en germinal an
II (mars-avril 1794). Mais ils exprimaient des vues qui correspondaient véritablement aux aspirations de certains groupes sociaux. Briser les factions ne
suffisent plus ; pour maintenir l’unité révolutionnaire ébranlée, le gouvernement doit sans arrêt renforcer son autorité. Le gouvernement contrôle, voire
détruit les organes où dominaient les hébertistes : il supprime l’armée révolutionnaire, épure la Commune, interdit les journaux.
Une telle politique aliène au gouvernement les couches les plus pauvres des sans-culottes et déconcerte les autres. Cette désaffection va s’accentuer car le
gouvernement s’infléchit alors en faveur le la bourgeoisie. Les coalitions ouvrières sont sévèrement punies, le maximum des salaires strictement appliqué.
La bourgeoisie de son côté revendique la liberté économique avec encore plus de ferveur. Or, plus le gouvernement voit sa base s’effriter, plus il doit,
pour essayer de maintenir l’unité révolutionnaire, renforcer ses pouvoirs.
A force, le gouvernement perd ainsi ses soutiens de classe (bourgeois et sans-culottes). Mais il a cependant réalisé sa tâche historique : sauver la
révolution et la nation. La bourgeoisie croit pouvoir désormais le faire disparaître.
g. Le 9 thermidor an II (27 juillet 1794)
Le moment semble venu pour la bourgeoisie de remettre entièrement la main sur l(Etat, pour consolider sa domination économique et sociale. La
puissance de la féodalité a été considérablement amoindrie. A l’extérieur,, les grandes victoires de l’an II portent le guerre sur le territoire ennemi et
semblent ouvrir à la France le chemin vers une paix victorieuse. Son ennemi principal affaibli, la bourgeoisie n’a plus besoin du soutien des masses
populaires : or celles-ci ne peuvent plus imposer le compromis que la bourgeoisie refuse dès lors. Le rapport de force semble favorable à la bourgeoisie.
L’objectif est de se débarrasser des robespierristes, défenseurs les plus résolus du gouvernement révolutionnaire. Une coalition se noue, que Robespierre
dénoncera comme « le complot des corrompus », en légitimant de nouveau le gouvernement révolutionnaire. Le lendemain, la Convention vote
l’arrestation de Robespierre et de ses amis. Malgré l’insurrection des robespierristes et des jacobins, Les prisonniers sont guillotinés le 10 thermidor. La
bourgeoisie a repris totalement en main le gouvernement.
IV- La république des propriétaires
(Convention thermidorienne et Directoire : juillet 1794 –
novembre 1799)
1) La Convention thermidorienne
1794 - 12 novembre (22 brumaire an II) : Fermeture du club des Jacobins
- 24 décembre (4 nivôse) : Abolition du maximum
1795 - 1er avril (12 germinal an III) : Révolte populaire
- 20-23 mai (1er -4 prairial) : Nouvelle insurrection populaire
- Avril-juillet : La Convention signe la paix avec la Prusse, les Pays-Bas,
et l’Espagne
- 23 août : Vote de la Constitution de l’an III
- 5 octobre (3 vendémiaire an IV) : Echec de l’émeute royaliste
a. La réaction thermidorienne
La bourgeoisie doit se débarrasser du gouvernement révolutionnaire car il s’appuie sur la force populaire. Il favorise le peuple. La bourgeoisie, classe
exploiteuse a besoin pour se développer de la liberté économique, d’un Etat à son service pour asseoir sa domination. Les thermidoriens s’acharnent
contre le mouvement populaire, brisent toutes les organisations (Commune, section, comités, Tribunal). Mais pour maintenir sa domination, la bourgeoisie
thermidorienne ne dispose pas encore des instruments de répression nécessaires. Pour détruire le mouvement populaire, la bourgeoisie laisse faire les
bandes contre-révolutionnaires qui redressent la tête face à l’écroulement du gouvernement populaire et s’attaquent avec férocité aux Jacobins, aux sansculottes (la Terreur blanche).
La bourgeoisie vient à peine de renverser l’ordre social et elle l’utilise déjà. Plus la peur du peuple grandit, plus importantes sont les concessions
accordées aux royalistes : non seulement la Convention thermidorienne ferme les yeux sur la propagande royaliste de la Terreur blanche mais elle donne
encore au parti royaliste de substantiels avantages, comme la restitution de biens aux parents de condamnés ou émigrés. La bourgeoisie est conduite à
renier une partie de son passé, elle ne reconnaît plus comme siens les hommes morts pour sa Révolution (La Marseillaise est remplacé par Le Réveil du
peuple, appelant au massacre des Jacobins). Mais en matant le peuple, la bourgeoisie peut réaliser le programme qu’elle s’est fixé. Elle, met sur pied un
Etat qui assure sa domination : c’est l’objet de la Constitution de l’an III. D’autre part, elle rétablit la liberté économique. Le 4 nivôse an III (24 décembre
1794) presque sans discussion, le maximum est aboli.
b. Le développement de la bourgeoisie d’affaires
Le rétablissement de la liberté économique ouvre la voie au développement de la grande industrie. Après thermidor, de nouvelles conditions favorables
surgissent : certains progrès techniques (introduction de machines anglaises dans l’industrie du coton ; la multiplication des procédés chimiques), la
« dénationalisation » des manufactures d’Etat, l’utilisation des « enfants assistés » comme main-d’œuvre. Mais la prédominance de la petite production
individuelle ne permet pas encore à la grande bourgeoisie d’avoir à sa disposition une main-d’œuvre libre, n’ayant d’autre ressource que de vendre sa
force de travail. Ces manufactures restent l’exception, et le machinisme va se développer lentement. Sous la Convention thermidorienne et le Directoire, la
bourgeoisie va utiliser la suppression de l’économie dirigée et sa mainmise sur l’Etat avant tout pour accumuler les richesses et s’assurer ainsi les positions
économiques dominantes qui lui permettront au XIXe siècle d’opérer la « révolution industrielle ».
Cette période est par excellence le règne de l’agiotage (trafic sur la monnaie et sur les denrées de première nécessité). Les « intermédiaires » se haussent
rapidement dans l’échelle sociale. La spéculation entraîne une hausse croissante des prix. Pour faire face à ses dépenses, le gouvernement n’a d’autres
ressources que la planche à billets, et la crise monétaire ne fait que s’aggraver. Les grands financiers sont les gros bénéficiaires de la situation. En
rétablissant la liberté économique, le gouvernement supprime les fabrique d’Etat, le contrôle de la production de guerre, les réquisitions. Le trésor est
vide. Cet état de classe n’a d’autres ressources que de se livrer aux banquiers qui lui prêtent de l’argent. Tous s’efforcent de passer les marchés les plus
avantageux : pots-de-vin, influence politique de députés et gouvernants intéressés. Le Directoire, complice, laisse opérer un véritable pillage des richesses
nationales.
Des groupes bancaires importants se fondent, drainant ainsi les richesses accumulées. Leur vie s’accorde avec leurs méthodes d’enrichissement. Ils
désirent profiter de leur richesse avec autant de facilité et aussi peu de scrupules qu’ils en mettent à l’acquérir. C’est une bourgeoisie différente de celle
d’avant, arrivée, nantie. Elle se détache de la vie intellectuelle. L’opérette remplace Voltaire. Le luxe et le plaisir sont mis à l’ordre du jour. Le modèle
n’est plus le héros républicain, mais la courtisane de l’Empire romain. Le rang se mesure aux équipages, aux réceptions, aux maîtresses.
c. Les journées de prairial an III (mai 1795)
La rafle des richesses et leur accumulation à un pôle de la société ont pour contre-partie l’appauvrissement et la misère de l’autre pôle. Dès le
rétablissement de la liberté économique, la hausse continue des prix, la raréfaction des denrées réduisent les masses populaires urbaines à la misère et à la
famine. L’hiver 1794-1795 est tragique. Le pain est en pratique le seul aliment des travailleurs. Le gouvernement sent bien la nécessité de nourrir le
peuple parisien pour éviter une insurrection. Mais dès le début de son triomphe, le régime capitaliste se révèle impossible à diriger ; si le gouvernement
assure des distributions de pain, celles-ci sont dérisoires. Les rations se réduisent, parfois la distribution n’a pas lieu. Au marché noir, les denrées sont hors
de prix. De plus, le chômage s’étend.
La nécessité d’une journée contre la Convention complice des « accapareurs et des égoïstes » apparaît de plus en plus impérieuse. Les possédants vivent
dans la terreur d’une descente des « faubourgs », et osent appeler au respect des propriétés. La misère va pousser les sans-culottes parisiens à de
nouvelles « journées ». Le 1er prairial an III (20 mai 1795) se déclenche une insurrection du peuple de Paris pour obtenir du pain et reconquérir ses droits.
Entourée d’une foule, et menacée par les canons des faubourgs, la Convention est envahie. Les montagnards font voter des mesures concrètes, dont le
décret essentiel est la création d’une Commission de quatre membres montagnards. Mais une contre-offensive militaire s’organise. Au bout de quatre
jours, le peuple capitule. La bourgeoisie déchaîne une répression forte. Les condamnations pleuvent. Les masses populaires sont vaincues, faute
d’organisation et de direction.
Les journées de prairial et de germinal ont le caractère d’une lutte des non-possédants contre les possédants. Le peuple est écrasé, désarmé. Les royalistes
délivrés de leurs ennemis, relèvent la tête. La Terreur blanche s’accentue, frappe les bourgeois acquéreurs de biens nationaux. Ils déclenchent une émeute
à paris tentant de prendre d’assaut la Convention. L’armée, dirigée par Bonaparte, écrase la révolte. Mais le danger est continuellement suspendu sur la
République bourgeoise. La peur du peuple devient permanente et atteint des proportions considérables. Et la bourgeoisie vit dans la crainte d’une nouvelle
insurrection.
d. Babeuf
A cette époque des touts débuts du capitalisme, apparaît déjà le premier essai de critique conséquente de la société bourgeoise, et le premier essai de la
renverser. Babeuf est l’annonce de la chute de la société bourgeoise. Il prend conscience de l’exploitation de l’homme par l’homme, sous double aspect
féodal et capitaliste. Il montre dans son journal, Le tribun du peuple, comment une nouvelle inégalité remplace l’ancienne ; la libre concurrence entraîne la
concentration des richesses aux mains d’une minorité et au détriment des travailleurs. Il en déduit des conséquences : crises, anarchie de la production,
luttes des classes sociales. Il déduit que la domination des classes exploiteuses n’est pas plus éternelle que ne l’a été celle des féodaux. Le peuple en
s’insurgeant, la renversera. Pour la remplacer, il faut édifier une nouvelle machine d’Etat, qui sera au début dictatoriale, s’appuyant sur le peuple, et
destinée à « affermir la Révolution en la faisant tourner au profit de ceux qui la soutiennent et à la ruine de ceux qui la combattent. » La société sera la
société des Egaux, fondée sur la suppression de la propriété privée. Mais son communisme est un communisme de consommation, non de production, car
le travail collectif n’est qu’une exception, la production reste essentiellement individuelle.
Après une arrestation et la fermeture de son journal, Babeuf va vivre caché et traqué. Il organise un soulèvement libérateur : la Conjuration des Egaux.
Le travail de propagande porte vite ses fruits. Le Directoire, inquiet, proclame la loi martiale, et après dénonciation, condamne à mort les dirigeants de la
Conjuration.
L’extension du mode de production capitaliste est une nécessité historique : seul il peut assurer le développement économique de la nation. La bourgeoisie
est la classe progressive, en plein essor. Ce sont les dépossessions des producteurs et la paupérisation du peuple qui révoltent Babeuf.
Cependant, le babouvisme marque une étape nouvelle dans le développement de la lutte des classes. Il reflète l’importance de l’antagonisme entre la
bourgeoisie exploiteuse et un prolétariat qui commence à se différencier, en tant que classe, des masses populaires.
2) Le Directoire (27 octobre 1795 – 9 novembre 1799)
1796 - Janvier : Suppression de l’assignat
- 10 mai : Arrestation de Babeuf
1797 - 27 mai : Exécution de Babeuf
- 17 octobre : Paix de Campo-Formio avec l’Autriche, après la campagne
d’Italie
1798 - Septembre : Banqueroute des deux tiers
- Juillet – décembre : Seconde coalition après la campagne d’Egypte
1799 - 9-10 novembre : Coup d’Etat de Bonaparte
a. La nécessité pour la bourgeoisie d’une dictature militaire
La bourgeoisie veut construire un Etat de classe à son service. Elle se propose donc comme fin d’éliminer définitivement la classe qu’elle a renversée. En
tant que possédante, elle veut consolider sa propre domination sur les classes qu’elle exploite. La Constitution de l’an III reflète ce double désir. Elle
réaffirme l’essentiel des conquêtes bourgeoises de la Révolution : les libertés (économique), droit de propriété, égalité devant la loi, régime représentatif.
Plus de privilèges ni d’absolutisme royal.
Les thermidoriens écartent aussi le peuple du gouvernement : ils retirent de la Déclaration des droits tous les articles qui peuvent justifier la démocratie :
résistance à l’oppression, souveraineté nationale, et le premier article : « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » ; à cette
Déclaration révisée, ils adjoignent une Déclaration des devoirs.
Quelle forme donner à cet Etat pour que la domination bourgeoise soit le mieux établie ? La bourgeoisie a besoin d’un Etat fortement organisé et
centralisé, avec de solides instruments de répression. Cependant, elle n’est pas une classe homogène : la nouvelle bourgeoisie profite de la liberté
économique, et jouit d’une influence prédominante sur le gouvernement. Mais la vieille bourgeoisie, n’est pas pleinement satisfaite. L’ensemble de la
bourgeoisie veut un Etat libéral qui permette de concilier au mieux les intérêts divergents.
La Constitution de l’an III établit donc un régime souple ; le gouvernement central est morcelé : deux conseils se partagent le pouvoir législatif ; l’exécutif
appartient à un collège de cinq directeurs qui nomment et révoquent les ministres. Aucun lien n’existe entre les deux pouvoirs. Le Directoire monopolise
la diplomatie, la guerre, la police, le droit de faire des règlements pour l’application des lois. Le régime de l’an III va vite se révéler incapable d’écarter
définitivement la féodalité et mettra en péril les conquêtes essentielles de la Révolution. Les forces contre-révolutionnaires profitent de l’écrasement des
sans-culottes. Elles se servent de la souplesse du régime libéral ; elles se fortifient avec la politique de balance du Directoire, ce dernier n’ayant en effet pas
les moyens de museler ses deux ennemis à la fois, tente de se servir de l’un contre l’autre. L’action royaliste grandit de jour en jour, la Terreur blanche
règne encore. Les royalistes intensifient leur propagande auprès de la bourgeoisie, en faisant miroiter les avantages d’une monarchie de compromis. Une
grande partie des bourgeois est séduite. Aux élections, les Feuillants reprennent le dessus. Les gouvernants bourgeois du directoire doivent renforcer
continuellement l’Exécutif. Pourtant, en l’an V (1797), la majorité des conseils est royaliste. Le pays légal se prononce contre une république incapable de
garantir ses intérêts. Pour maintenir leur régime, les gouvernants n’ont d’autre recours que l’illégalité ; le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) sous la
pression de l’armée qui, à l’appel du Directoire, occupe Paris, les Conseils cassent les élections d’une grande partie des députés royalistes ; cette violation
ouverte de la Constitution révèle l’impuissance du régime et ne résout que momentanément les difficultés.
L’armée devient l’instrument de répression essentiel de l’Etat. Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) Bonaparte en canonnant les émeutiers royalistes,
a sauvé la Convention ; le 18 fructidor an V (4 septembre 1797), l’armée épure les conseils anti-républicains. Ce nouveau rôle de l’armée est rendue
possible par sa transformation progressive. Elle garde des traits essentiels de l’armée de l’an II : la Marseillaise, le drapeau tricolore, la libération du
peuple. Instrument de lutte contre la féodalité, et l’étranger, elle reste attaché à la République, à la Révolution et à la nation. Mais les habitudes
démocratiques se perdent : l’élection au grade est supprimée, les jacobins réduits au silence, et l’obéissance passive est la règle. L’armée tend à devenir
une armée de métier. Mais les succès remportés dans la guerre de défense révolutionnaire sont utilisés par la bourgeoisie comme base d’une politique
d’expansion continentale, qui doit en partie compenser la perte des colonies. La France n’hésite pas à piller ces territoires, précieux en temps de crise
financière. Une telle attitude entraîne une politique de guerre continuelle. Les armées, de plus en plus isolées géographiquement et politiquement, se
tournent vers leurs généraux : ils représentent la République, font vivre l’armée, aux lieu et place du Directoire, qui les laisse dans le plus complet
dénouement. L’armée apparaît à la bourgeoisie comme le plus sur des instruments de gouvernement, suffisamment attachée à la révolution pour combattre
la féodalité, suffisamment coupé du peuple pour marcher contre lui. Mais, par toute sa politique, le régime dictatorial prépare sa propre chute. Le
renforcement constant des l’Exécutif, l’avilissement du Législatif, la puissance croissante des généraux, tout cela conduire à l’avènement d’une dictature
militaire.
b. Le coup d’Etat du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799)
La guerre va faire éclater les contradictions inhérentes au régime. Une coalition étrangère se noue contre la France hégémonique. Les armées du
Directoire reculent vers les frontières. Les royalistes sont prêts à rallumer la guerre civile. Le Directoire est acculé ;
La grande bourgeoisie voit en 1799 que le Directoire ne peut satisfaire sa revendication essentielle : un régime stable, qui assure ses conquêtes contre la
féodalité et les sans-culottes, et permette ainsi son développement. Quelle forme donner au gouvernement ? Les projets des porte-parole de la bourgeoisie
corrigent la constitution dans deux directions essentielles : renforcement de l’Exécutif, suppression de l’élection. Les bourgeois financiers et idéologues
partisans de cette révision (les Brumairiens) sont prêts à faire la pression nécessaire sur les assemblées. Leur ressource est l’armée.
Les Brumairiens s’adressent à Bonaparte : très populaire, et général victorieux, il s’identifie avec la paix. Les théoriciens de la révision montent avec
Bonaparte un scénario bien réglé. Le 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799) sous le prétexte d’un complot anarchiste, Bonaparte (alors
commandant de la division de Paris) et deux directeurs, sont nommés consuls de la République, investis de pleins pouvoirs pour modifier la Constitution.
Bonaparte étrangle la République, au nom de la République.
V- La consolidation des conquêtes bourgeoises sous le Consulat et l’Empire (1799 – 1814)
1799 - 15 décembre : Promulgation de la Constitution de l’an VIII
- Bonaparte Ier Consul
1800 - 13 février : Création de la Banque de France
- 17 février : Création du Préfet
- 24 décembre : Attentat royaliste de la rue Saint-Nicaise
1801 - 9 février : Paix de Lunéville avec l’Autriche
- 16 juillet : Le Concordat
1802 - 25 mars : Paix d’Amiens avec l’Angleterre
- 1er mai : Création des lycées
- 19 mai : Création de la Légion d’honneur
- 4 août : Constitution de l’an X. Consulat à vie.
1803 - Confirmation de la Loi le Chapelier
- Institution du livret ouvrier
- Mai : Rupture de la Paix d’Amiens
1804 - 21 mars : Code Civil
Empire (1804 – 1814)
1804 - 18 mai : Constitution de l’an XII. Création de l’Empire
- 2 décembre : Sacre de Napoléon
1805 - 21 octobre : Défaite navale de Trafalgar
- 2 décembre : Austerlitz
1806 - 14 octobre : Iéna
- 21 novembre : Décret de Berlin instituant le blocus continental
1807 - 7-9 juillet : Paix de Tilsitt avec la Russie et la Prusse
- Code de Commerce
1808 - Début de la guerre d’Espagne
1810 - Apogée du « Grand Empire »
- 21 avril : Loi sur les mines
1811 - Crise économique
1812 - Campagne de Russie
1813 - Campagne d’Allemagne
1814 - Campagne de France
- 6 avril : Abdication de Napoléon
a. Les bases du régime napoléonien
Napoléon va organiser une dictature militaire : les Constitutions de l’an VIII, de m’an X et de l’an XII augmentent sans cesse son pouvoir personnel, et
aboutissent logiquement à l’Empire. Le contenu de classe de l’Etat reste bourgeois. Bonaparte gouverne seul mais avec et pour les notables (bourgeoisie
urbaine et rurale). Il ne veut s’appuyer ni sur le peuple qu’il méprise, ni sur les forces féodales ; il est fils de la Révolution, par l’armée. Au conseil d’Etat,
qui élabore les grandes lois bourgeoises (le code civil), au Sénat, « gardien de la Constitution », siègent les Brumairiens. Napoléon va sanctionner le
premier rang notable, en essayant d’en faire une nouvelle aristocratie. Il retourne aux vieilles formes féodales : légion d’honneur, constitution d’une cour
qui se détache de la nation, par son mode de vie, son étiquette, formation d’une nouvelle noblesse héréditaire. Le renforcement du prestige et de la
richesse des notables est l’un des traits dominants du régime napoléonien.
D’autre part, la bourgeoisie a pour allié les paysans, car elle les a rendus propriétaires de leurs terres. Le paysan est anti-féodal ; mais attaché à sa terre, il
est conservateur. L’armée se compose, de nombreux paysans. C’est cette alliance entre la bourgeoisie et de la paysannerie qui explique la force du régime
napoléonien.
b. Le perfectionnement de l’Etat bourgeois
Grâce aux forces bourgeoises de la nation, Napoléon a achevé de mettre sur pied l’instrument de domination politique de la bourgeoisie : la machine
d’Etat.
Dès le Consulat sont triées complétées, les lois révolutionnaires rassemblées ensuite dans des codes détaillés et clairs : le Code Civil (1804), le Code de
commerce (1807), le Code Pénal (1810). L’affirmation de l’égalité civile, de la suppression de la servitude personnelle, consacre l’abolition de la vieille
société féodale. Mais le centre de tous les codes c’est la législation sur le droit de propriété, en vue de la domination et du développement de la
bourgeoisie. Même les problèmes concernant la famille sont envisagés sous l’angle de la sauvegarde de la propriété (contrats de mariage, succession,…).
Article 544 : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue (…) Nul ne peut être contraint de céder sa
propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique. »
Et surtout, l’article 546 : « La propriété d’une chose, soit immobilière, soit mobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit. »
Ainsi le produit appartient non pas au producteur mais au propriétaire des moyens de production. Telle est la base juridique de l’exploitation dans le
système capitaliste.
C’est le Code civil qui fixe les rapports entre patrons et ouvriers moyennant un contrat « par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour
l’autre moyennant un prix convenu entre elle. » Ainsi se trouve dissimulée l’inégalité du système : tout se passe comme si patrons et ouvriers se trouvaient
placés par les conditions économiques sur un pied d’égalité.
La situation ouvrière se trouve aggravée par d’autres lois :
- un livret obligatoire à l’embauche où sont inscrites les avances faites à l’ouvrier qui ne leur ait rendu qu’après le remboursement (souvent impossible) ;
- une loi d’avril 1803 confirme la loi Le Chapelier interdisant les coalitions et les grèves.
Napoléon organise en même temps tous les instruments de gouvernement et de répression nécessaires :
- les juges ne sont plus élus mais nommés par le gouvernement qui est choisi parmi les notables ;
- l’appareil policier est renforcé (mouchards, cabinets noirs, fichiers) notamment à Paris où le préfet de police est muni de pouvoirs particuliers ;
- l’administration est développée et centralisée : la principale mesure consiste dans la création des préfets nommés par le gouvernement, au pouvoir très
étendu sur tous les autres fonctionnaires.
Ainsi le Consulat a achevé l’œuvre politique commencé en 1789, et constitue la base du développement de la bourgeoisie.
c. L’État napoléonien favorise l’essor de la bourgeoisie.
Les promesses faites aux financiers à la veille du coup d’État sont tenues ; les financiers Collot, et Perrégaux avait avancé 2 millions au futur consul dès le
23 novembre 1799, Bonaparte réunit une assemblée de négociants et de banquiers parisiens : il leur demande une avance de 12 millions moyennant quoi il
ne sera plus question d’un emprunt forcé.
En février 1800, la Banque de France est créée. Le conseil de régence comprend neuf banquiers parmi lesquels Perrégaux, Malet, Perrier, Récamier et
cinq commerçants de Paris, de Grenoble et de Lyon. La direction de la Banque de France est abandonnée aux 200 plus forts actionnaires. Même après
1806, quand le gouverneur est nommé par le chef d’État, la Banque fonctionne comme une banque privée qui l’État appuie de tout son pouvoir en lui
accordant le monopole de l’émission des billets pour Paris d’abord, pour toute la France ensuite.
Ainsi se trouve instaurée en plein cœur de l’État une citadelle de la haute finance qui dispose de puissants moyens de pression sur le gouvernement et
d’une influence décisive sur la vie économique du pays. Cette organisation restera immuable jusqu’à la nationalisation de la Banque de France en 1936.
Ce sera un des instruments essentiels de la domination économique et politique des « 200 familles ».
Napoléon favorise la production industrielle qu’il stimule par des expositions, des récompenses et la création d’une société d’encouragement pour
l’industrie nationale
- une circulaire de 1807 signale au préfet « l’économie considérable de main-d’œuvre » réalisée par le nouveau système des mécaniques propre à la
fabrication des draps. C’est le moment où le métier Jacquard se répand dans le travail de la soie (on compte 12.000 métiers nouveaux à Lyon en 1813).
Dès 1810, il est nécessaire d’opposer à l’industrie anglaise du coton l’industrie française du lin : c’est Philippe de Girard qui met au mint un métier à filer
le lin. De grandes familles de manufacturiers apparaissent dans l’industrie textile : en Alsace les Dollfus, à Paris les Richard Lenoir . Figure étonnante
qu’on ne peut trouver que durant cette période ascendante du capitalisme, Richard Lenoir début comme employé à Rouen, devient garçon de café à Paris,
crée des petites manufactures de tissu à Paris puis étend son entreprise à la Province. En 1810, 12.822 ouvriers travaillent pour son compte.
Les ateliers d’impression sur étoffe d’Oberkampf se perfectionnent et on peut voir au musée de Versailles une peinture qui représente Napoléon
accrochant sa propre croix de la Légion d’honneur à la poitrine d’Oberkampf.
- La guerre favorise le développement de l’industrie métallurgique : de plus en plus la fonte au coke se substitue à la fonte au bois. La situation en
Lorraine, de Charles de Vandel, ancien émigré, se renforce
Cette période voit ainsi se développer une première concentration financière de l’industrie marquée par l’apparition de « grands capitaines d’industrie » :
De Vandel en Lorraine, Dernaux roi de la laine, possédant 20 fabriques à Sedan, Rennes et Rouen, Richard Lenoir, roi du coton à Paris, Peugeot à
Montbéliard qui joint aux fabriques textiles celles d’outillages.
d. Cette période voit l’aggravation de la condition ouvrière
L’emploi des femmes et des enfants se généralise. Dans leur manufacture, près de Montargis, les frères Perrier font travailler 600 garçons et filles de 11 à
13 ans. Après Austerlitz, certains manufacturiers demandent qu’on leur confit les enfants des hommes tombés au champ de bataille. A chaque création de
manufacture, le pouvoir central est sollicité : « Donnez-nous les enfants des hospices ».
e. La chute de Napoléon
1- La bourgeoisie a contre Napoléon des griefs politiques :
Au fur et à mesure que l’Empire s’agrandit, le despotisme de Napoléon se renforce. Les assemblées perdent au fur et à mesure le peu d’importance qu’elle
avait : Napoléon légifère par Sénatus-consulte ou par décret. ? La presse bourgeoise est surveillée et mutilée (un seul journal par département; à Paris, Le
moniteur officiel et trois journaux dont la police détient le tiers des actions).
C’est le moment où se développe dans les salons de Mme Récamier et Mme de Staël un esprit libéral qui, avec Benjamin Constant fait l’éloge du
parlementarisme anglais.
2- La bourgeoisie française subit les conséquences du blocus continental
D’une part elle manque des matières premières coloniales (coton, indigo, sucre) ; d’autre part elle est privée du marché anglais qui était son principal
débouché pour les produits de luxe (soie, velours, vin). La crise économique de 1811 révèle les faiblesses du système napoléonien :
- la réduction des exportations tombe de 456 millions en 1806 à 330 millions en 1809 ;
- c’est le chômage pour des milliers d’ouvriers : à Rouen 25.000 ouvrières et ouvriers sans travail, la moitié des ouvriers ont été licenciés et 10.000
personnes sont à secourir. En Normandie, Richard Lenoir a renvoyé la moitié de ses ouvriers. A Paris il y a plus de 22.000 ouvriers au chômage qui
envahissent les entreprises en réclamant du travail.
Dès 1810, les banqueroutes et les faillites se multiplient. Pour renflouer l’économie Napoléon utilise des moyens artificiels : il verse des subsides aux
industriels (15 millions aux manufacturiers de Rouen) ; il exige du Trésor Public en France et des cours européennes qu’elles passent des commandes
massives de soierie lyonnaise.
Cette crise fut déterminante dans la chute de Napoléon. Les représentants de l’ancienne noblesse, que Napoléon avait ménagés en les introduisant au
Conseil d’État en faisant d’eux des préfets, en les attirant dans l’armée, intriguent de plus en plus et trahissent. De son côté la bourgeoisie française
reproche à l’État de ne plus assurer sa sécurité et sa prospérité. Les défaites militaires conduisent à penser que l’Empereur n’est même plus capable de
défendre l’intégrité voire l’existence de la France bourgeoise.
A partir de 1812, la coalition des forces d’opposition en Europe prend une force telle que les défaites se succèdent à un rythme rapide.
Pour contraindre la Russie à respecter le blocus et l’ordre napoléonien en Europe, l’empereur engage contre elle des forces considérables : près de
700.000 hommes ! Mais, contre l’envahisseur, le peuple russe se lève spontanément, exaspéré par les destructions et les pillages d’une armée. Le
commandant en chef russe, Koutouzov, utilise une stratégie qui s’appuie sur les facteurs géographiques et surtout, malgré les résistances de la cour
tsariste, sur le mouvement populaire. La défaite de Napoléon est complète : la « grande armée » est détruite. Les victoires russes donnent au mouvement
de libération nationale une impulsion nouvelle.
En 1813, Napoléon se trouve en face d’une coalition générale ; il a beau lever en hâte une armée de jeunes conscrits, remporter quelques victoires, il
succombe finalement. En octobre 1813, à Leipzig, en Saxe, l’armée impériale est à nouveau décimée.
A la campagne de Russie succède la campagne d’Allemagne, puis la campagne de France. Les frontières sont forcées : Chaumont, Épinal, Langres
capitulent. En décembre 1813, Napoléon envoie des sénateurs et des conseillers d’État comme commissaires extraordinaires.
A nouveau le peuple va prendre part active à la défense du pays. Les paysans, exaspérés par les violences de l’occupant et qui ne veulent pas du retour
des féodaux, se battent en Champagne, et dans l’Est. Héroïques francs-tireurs des Vosges exaltés par Erckmann-Chatrian dans l’Invasion.
Le 29 mars au soir, les Alliés arrivent devant Paris. Les ouvriers réclament des armes et quand on leur déclare qu’elles ont été distribuées aux soldats, ils
crient à la trahison et vont se joindre aux troupes qui combattent à Romainville, à La Villette, et à Belleville. Sans armes, ils attendent qu’un soldat tombe
pour ramasser son fusil. Ce mouvement populaire de résistance nationale, il n’y a personne pour le diriger. Les ouvriers sont trop peu nombreux. Ils n’ont
pas de chef, pas de programme. Napoléon a peur du peuple.
Pendant ce temps, les royalistes utilisent la situation. Tous les nobles ralliés à l’Empire, les anciens émigrés ouvrent les bras aux coalisés, ils livrent les
villes, comme le Maire de Bordeaux par exemple, ils renseignent l’ennemi et tentent de montrer tous les avantages d’une restauration des Bourbons.
De son côté, la bourgeoisie penche de plus en plus vers un compromis avec la monarchie qui ramènerait l’ordre et la paix. En effet, en 1814, après 25 ans
de Révolution, les rapports féodaux ont été détruits, les conquêtes bourgeoises ont été consolidées, un retour à l’ancien régime féodal semble bien
impossible. C’est ainsi que la bourgeoisie est prête à un compromis politique.
Ainsi, la bourgeoisie abandonne Napoléon, les cours de la bourse baissent à chaque victoire française et haussent à chaque victoire des Alliés ! C’est
Marmont, maréchal d’Empire, gendre du Banquier Perrégaux, qui signe la capitulation de Paris le 30 mars 1814.
Le 3 avril, le Sénat sur proposition de Talleyrand, vote la déchéance de Napoléon. Le 6 avril, l’Empereur doit abdiquer. Le 20, il part pour l’île d’Elbe.
Louis XVIII, frère de Louis XVI, est chargé de réaliser le compromis politique qu’attend la bourgeoisie.
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