L’harmonie, entre philosophie, science et arts, de l’Antiquité à l’âge moderne
éd. Pierre Caye, Florence Malhomme, Gioia Maria Rispoli, Anne Gabrièle
Wersinger, Napoli, Giannini Editore, 2011
De l’Antiquité à la Renaissance, la notion d’harmonie semble concerner toutes choses, de l’ordre du ciel au
moindre objet décoratif. Il n’est pas un art, pas un savoir, de la médecine à l’astronomie, de l’architecture à la
musique sans oublier bien sûr la théologie qui en fasse l’économie. On peut parler d’un règne de l’harmonie.
Pourtant il y a deux conclusions qu’il serait erroné de tirer de cette suprématie : que l’harmonie constitue un
monde qui va de soi, sous le signe de ce que les philosophes postérieurs appelleront la fin de l’histoire et qu’elle
constitue un principe transcendant unifiant toutes choses. En réalité, il n’est pas d’harmonie sans conflit ; la
concordia est par essence discors. C’est ce conflit sous-jacent qui justifie son ascendant. Chaque art, chaque
discipline illustre en réalité un sens spécifique de l’harmonie : l’harmonie musicale, l’armonia proprement dite,
n’est pas la même que la concinnitas lineamentorum du peintre ou l’eurythmie de l’architecte, qui elles-mêmes
restent étrangères à l’équilibre physiologique du corps dont s’occupe le médecin. Il y a souvent conflit entre ces
diverses définitions en fonction de la région de leur provenance. Et c’est pourquoi, du fait de l’alietas de cette
notion, on ne saurait l’assimiler au principe irénique du Grand Pan qui aurait enchanté le monde des origines.
Elle est une forme intermédiaire qui s’édifie sur un chaos sous-jacent qu’elle réussit à tenir sans jamais pouvoir
le réduire. C’est en quoi elle est un principe constitutif dans l’histoire de la présence de l’homme à soi-même et
au monde. Dans cette perspective, trois grands axes de recherche guideront nos travaux : 1. La constitution de
la notion d’harmonie : on situera la notion d’harmonie par rapport à des notions voisines relativement
auxquelles elle prend sens sans jamais pouvoir s’y réduire : l’oikeiosis (l’approprié), l’ajusté, le lien, l’ordre
(taxis, cosmos), le nomos (le partage), le koinon (“l’en-commun”), le système, mais aussi l’Être, l’Un ou le
Tout. 2. La pluralité des harmonies : on fera le point sur les différents aspects de cette notion pluridisciplinaire
à travers les arts et des disciplines qui contribuent à son institution et à son déploiement (de la médecine à la
théologie en passant par les arts, la littérature et la philosophie) pour montrer la richesse de ses mises en œuvre
heuristiques et méthodologiques et de ses implications théoriques et pratiques. 3. L’habitation du monde par
l’homme : on posera à nouveaux frais la question du rapport de l’homme au monde, en remettant en perspective
la systématique mise en place par la métaphysique moderne.