Khadim, fils de Muhammad fils de Said, fils de Saad Mbacké, est né à Touba. Il y apprit le Coran avant de s’en aller à Médine où il étudia les sciences islamiques et la langue arabe à l’école Dar al-Hadith, aux lycée et université islamiques. Il s’inscrit ensuite au département d’islamologie de la Sorbonne (Paris IV) où il soutint une thèse de doctorat en histoire religieuse en 1978. De retour au Sénégal, il intègre l’université de Dakar à travers l’Institut fondamental d’Afrique noire. Docteur d’État depuis 1991, Pr Khadim Mbacké continue activement son militantisme pour les causes justes. Il est auteur de plusieurs ouvrages. Ce livre a été édité grâce au Fonds d’aide à l’édition du ministère de la Culture et du patrimoine du Sénégal / Direction du Livre et de la Lecture Illustration de couverture : © SoberP ISBN : 978-2-343-02943-6 26 € 9 782343 029436 Khadim M. Mbacké Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam Dès sa naissance, la religion musulmane a incité l’esprit humain à la réflexion, à l’étude et à la compréhension. Cet effort était dirigé et soutenu par le Prophète Muhammad. Ses propos, actes, réactions et décisions ont été rapportés, critiqués dans le fond comme dans la forme et bien conservés. Les générations successives ne se sont pas contentées de l’étude et du commentaire du legs des devanciers mais ils l’ont enrichi. Au début, le patrimoine religieux hérité des pionniers revêtait aux yeux de certains un caractère particulier, étant donné la place que ceux-là occupent dans la hiérarchie musulmane. Néanmoins cette attitude changea vite, car quelques décennies après la disparition du Prophète, apparurent des groupes qui engagèrent un grand débat sur tous les aspects de la foi, de la loi et de la morale religieuses. Des sectes pullulèrent et se donnèrent des arguments textuels et rationnels pour disputer le pouvoir politique à ses tenants, dans le but d’instaurer un État fondé sur leur vision de l’Islam. Le groupe le plus fidèle à la tradition des anciens, représenté par des figures religieuses et scientifiques largement reconnues, se chargea de la perpétuation d’un enseignement officiel. Les plus connus furent les imams fondateurs des quatre Écoles juridiques qui durent faire face à une multitude d’écoles de pensée qui connurent diverses fortunes mais dont certaines persistent encore. Khadim M. Mbacké Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam Khadim M. Mbacké Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam © L’HARMATTAN-SÉNÉGAL, 2014 « Villa rose », rue de Diourbel, Point E, DAKAR http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-99548-2 EAN : 9782296995482 INTRODUCTION Fondée sur une révélation divine confinée dans le Coran transmis par le Prophète Muhammad, la religion musulmane se répandit très vite dans les contrées voisines de la péninsule arabique et ensuite dans le reste du monde. Elle créa une communauté dynamique et unie, par-delà des différences culturelles, par une foi simple et claire en un Dieu absolument unique, créateur des mondes, auquel tout doit se soumettre et se conformer à sa volonté ; une foi dans le message universel d’un prophète envoyé pour parachever l’œuvre de ses prédécesseurs. L’unité des Musulmans fut cependant souvent menacée par des divergences politico-religieuses, notamment à cause de la transformation du pouvoir islamique en une monarchie héréditaire et la séparation des pouvoirs temporel et spirituel. L’islam a eu la chance d’avoir des ulémas qui ont su parfaitement jouer leur rôle d’héritiers des prophètes. Par la diffusion du savoir islamique, ils ont réussi à travers les siècles à sauvegarder l’intégrité de la religion. Bien qu’affectée par les multiples tempêtes qui ont secoué la communauté, la majeure partie de ce groupe est restée fidèle à sa vocation. Son attitude à l’égard du pouvoir a toujours été marquée par la tentative de l’orienter dans le sens indiqué par les textes de la charia, donc dans celui de l’intérêt réel des Musulmans. La diminution de leur influence auprès des gouvernants fut une des plus importantes causes du déclin de la communauté musulmane à partir du 3e/9e siècle parce qu’elle entraîna un manque de crédibilité du pouvoir aux yeux des 7 KHADIM M. MBACKÉ masses. Ce qui créa une brèche largement exploitée par les adversaires de tous bords de la communauté. Il y a toujours eu des ulémas qui, en période de difficultés, prétendent que le redressement de la situation de la Umma passe par un retour aux sources. Pour eux, si l’islam était au temps de sa première grandeur assez fort pour pouvoir faire face aux deux grandes puissances d’alors qu’étaient la Perse et la Byzance, c’est parce qu’il avait gardé son authenticité et était totalement assimilé et strictement pratiqué par ses adeptes. Aussi faut-il restaurer cet islam authentique qui hisse l’acquisition des moyens de progrès matériel, moral et spirituel au rang d’obligation cultuelle. Cette restauration commence par la formation des hommes qui doit mettre un accent particulier sur le dogme, la loi et la morale qui se dégagent du Coran et des hadiths authentiques. Une telle formation aboutirait à une bonne connaissance de l’islam et rendrait son application stricte possible. Celle-ci serait alors en mesure de redonner à la Umma sa force première et de lui permettre d’occuper une place honorable dans la société humaine. De multiples groupes se sont toujours réclamés de l’orthodoxie musulmane. Les plus crédibles d’entre eux semblent ceux qui ont adopté une position commune sur les croyances essentielles de leur religion et prétendent être les plus fidèles à la tradition des Ancêtres pieux, les salaf assalih (orthodoxes traditionalistes). Le terme salaf dérive du verbe arabe salafa (devancer). Dans la terminologie religieuse musulmane, le terme, cité cinq fois dans le Coran1, est usité dans deux acceptions : a) tout ce qu’un homme accomplit en fait de bonnes ou mauvaises œuvres ainsi que ses enfants morts en bas âge ; 1 8 Le Coran, Médine, Éditions du Complexe du Roi Fahd pour l’impression du Saint Coran, 1420/1985, 604 p., 2 : 275 ; 4 : 22 ; 23 : 5 ; 95 : 8 ; 38 : 10 ; 30 : 6 ; 92 : 4 ; 4 : 23 ; 5 : 95 ; 8 : 38. Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam b) les premières générations musulmanes : les compagnons, leurs successeurs immédiats et les successeurs immédiats de ceux-ci. Il semble que l’emploi du terme dans la dernière acception se répandit après le premier siècle de l’Hégire, et il était alors précisément question des émigrés, des auxiliaires et de ceux qui les ont rejoints2. Après l’époque des « successeurs », la génération qui les suivit les inséra dans le groupe des orthodoxes traditionalistes au même titre que les compagnons. Il est vraisemblable qu’il y eut un accord tacite qui limite à la 3e génération, après celle des compagnons, le cadre temporel des générations musulmanes que recouvre cette appellation. Cette limitation est apparemment fondée sur le célèbre hadith qui dit : « La meilleure génération est la mienne puis celle qui la suit immédiatement puis celle qui suit celle-ci. »3 On pourrait noter que de nombreuses divergences doctrinales éclatèrent au sein des Musulmans pendant ce laps de temps et, si les pionniers à prendre pour modèles sont ceux que nous venons de citer, on ne peut pas ne pas se demander s’ils avaient tous les mêmes conceptions de la foi et de la loi. Il y eut certainement des divergences d’opinions entre les compagnons au sujet de bon nombre de questions religieuses, notamment la mort du Prophète, son lieu d’enterrement, l’héritage de ses biens, la désignation de son successeur, l’attitude à adopter à l’égard de ceux qui avaient, 2 3 Les Émigrés sont les compagnons de Muhammad qui quittèrent La Mecque pour le joindre à Médine afin de pouvoir exercer librement leur religion. Les Auxiliaires sont les autochtones qui les accueillirent et les aidèrent à s’y installer. Al-BOKHARI (Muhammad ibn Ismail), Le Sahih, Beyrouth, Dar ibn Kathir, al-Yamamah, 3e édition, 1987, p. 938. Le terme quarn utilisé dans le hadith est polysémique. Il peut signifier génération, siècle, corne, égal, etc. Certains auteurs lui ont donné le deuxième sens et fixé la fin de l’époque des Ancêtres pieux à la fin du 3e siècle de l’Hégire/9e siècle AC. 9 KHADIM M. MBACKÉ dès l’annonce de la mort du Prophète, refusé de payer la zakat (impôt religieux prescrit par l’islam), etc. Ces divergences de vues portaient sur des questions relevant de la loi et, par conséquent, étaient de la même nature que celles qui existaient du vivant du Prophète. Elles ne portaient pas sur les dogmes fondamentaux de l’islam. D’innombrables divisions dogmatiques opposeront plus tard des factions se réclamant de la Umma. Une situation qui aurait été prévue selon ce célèbre hadith recueilli par atTirmidhî : « Ma communauté sera divisée en soixante treize groupes. »4 En effet, les groupes chiite, kharijite, qadarite, murdjite, etc. apparurent très tôt et se subdivisèrent pour donner naissance à d’autres sous-groupes. Cette situation se perpétua dans les siècles suivants. Cependant il demeure incontestable qu’un important parti composé d’ulémas et d’honnêtes croyants resta fidèle à la tradition des compagnons. Ceci aurait également été prédit par le Prophète selon les hadiths car il avait précisé que l’un des 73 groupes serait sauvé et qu’il demeurerait triomphant à travers les siècles. Il aurait dit de ses membres « qu’ils seraient ce que mes compagnons et moi-même nous sommes aujourd’hui », c’est-à-dire qu’ils auraient de la foi la même conception que mes compagnons et moi-même en avons. On lit dans un autre hadith abondant dans le même sens : « Celui d’entre vous qui Vivra [longtemps] verra de fréquentes dissensions. Restez alors attachés à ma manière de pratiquer la religion, celle perpétuée par les califes bien guidés ; accrochez-vous y fortement, saisissez-la avec vos dents molaires. Méfiez-vous des innovations religieuses car toute innovation est une invention (dans la religion) et toute invention conduit à l’aberration. »5 4 5 10 AT-TIRMIDHI (Muhammad ibn Issa), Al-Djami as-Sahih, Sunan, Beyrouth, Darou Ihyaa at-Turath al-Arabi, tome 5, p. 25. Sunan d’Ibn Madjah, Beyrouth, Dar al-Fikr, tome 2, p. 1322 ; Sahih d’Ibn Hibban, tome 1, p. 178. Première partie Le dogme CHAPITRE I LA GENÈSE DES COURANTS ORTHODOXES ET HÉTÉRODOXES La grande communauté qui se réclame de l’orthodoxie première comporte de nos jours trois courants de pensées sur le dogme, à savoir les orthodoxes traditionalistes, les acharites et les maturîdites. Quant aux quatre écoles juridiques, elles sont le hanafisme, le malékisme, le chafiisme et le hanbalisme. En face d’elles, se sont développés des courants jugés hétérodoxes tels le chiisme, le mutazilisme, le kharidjisme, etc. Au 4e siècle de l’Hégire (10e AC.), la querelle opposant les différents partis religieux s’accentua considérablement et chaque parti ressentit plus que jamais la nécessité de définir sa position vis-à-vis des autres. Cependant, il semble erroné de prétendre que la principale composante du noyau orthodoxe était issue exclusivement des rangs des adeptes d’Ahmad ibn Hanbal (m. 855 AC). Il est néanmoins vrai qu’à l’époque, les hanbalites de Bagdad furent les membres du parti traditionaliste les plus dynamiques, car, il y avait en leur sein des activistes qui, au nom du principe coranique de la nécessité d’ordonner le bien et d’interdire le mal, s’attaquaient aux bars, maisons de prostitution, commerces entachés d’usure, etc. Ce courant s’est maintenu tant bien que mal à travers l’histoire de l’islam. Ses plus remarquables représentants ont 13 KHADIM M. MBACKÉ été des hanbalites. Ce fut le cas d’Ibn Taymiya6 aux 7e et 8e siècles (13e et 14e AC) et son disciple Ibn-Quayyim (m. 774). Au 18e siècle AC, le mouvement dit « wahhabite » a revivifié et prêché les idées d’Ibn Taymiya. Des groupes partageant les idées religieuses de ce courant sans se réclamer du wahhabisme existent dans de nombreux pays musulmans. Il y a aussi des tendances qui se réclament de l’orthodoxie mais s’écartent du traditionalisme orthodoxe historique sur les priorités immédiates et sur les méthodes d’action. C’est par exemple le cas des Frères Musulmans qui sont apparus sur la scène islamique dans la première moitié du 20e siècle et qui demeurent encore très actifs en Égypte, au Soudan, en Syrie, au Koweït, au Liban, en Algérie, etc. Leurs publications sont répandues un peu partout dans le monde et le nombre de leurs sympathisants dans les pays musulmans augmente sans cesse. En général, l’orthodoxie stricte est aux yeux de ceux qui s’en réclament une conception de l’islam et de sa pratique qui implique une scrupuleuse observance du culte dans la plus rigoureuse conformité à la tradition prophétique telle que comprise et appliquée par les trois premières générations musulmanes. La foi authentique, selon eux, implique avant tout la croyance en Dieu, en ses attributs et ses noms de la manière qui lui convient, sans détourner les mots de leur sens et sans recourir à une interprétation allégorique. De cette conception de la foi découle la nécessité de vouer le culte dans tous ses aspects à Dieu ; qu’il s’agisse d’invocation, d’actes exprimant la crainte, l’amour, l’espérance, etc. Elle implique enfin la croyance que Dieu seul détient le droit d’établir des lois pour tous les hommes afin de régir leur vie d’ici-bas, 6 14 Ibn Taymiya (661-728) fut un théologien et jurisconsulte hanbalite qui lutta durant toute sa vie pour la restauration de la pure tradition prophétique et contre les innovations religieuses jugées incompatibles avec la pureté de la foi. Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam conformément aux affirmations divines selon lesquelles l’application des lois religieuses est partie intégrante de la foi.7 Ce groupe pense que bon nombre de ceux qui ont exercé le pouvoir temporel dans le monde musulman dans le passé ont enfreint le droit divin de légiférer en autorisant les interdits de Dieu et en prohibant ce que Dieu a rendu licite. « La plupart des gouvernants de nos jours ont osé s’attaquer au Roi, Créateur, Très-Haut en autorisant Ses interdits et en interdisant ce qu’II permet. En effet, ils ont institué pour les hommes des lois positives sous prétexte que la loi divine est inadaptée aux réalités du monde et n’est pas susceptible d’assurer la justice, l’égalité et la liberté. »8 La parfaite obéissance au Prophète implique préalablement l’étude du Coran et de la Sunna authentique et l’acceptation de celle-ci au même titre que celui-là, la parole de Dieu et celle de son Messager ayant la même valeur en matière de croyance comme en pratique d’après l’interprétation faite de la disposition coranique (53 : 3). Le Messager n’ordonne et n’interdit que conformément à la volonté de Dieu. « Il est mandaté par Dieu pour légiférer non seulement dans les affaires cultuelles obligatoires ou surérogatoires, mais aussi dans tous les domaines de la vie susceptibles de faire l’objet de prescriptions et de proscriptions. L’inapplication des hadiths du Prophète relatifs aux ventes, au commerce, au mariage, au divorce, à la gouvernance, à la politique, et à la justice, c’est comme l’inobservance de ses enseignements intéressant les pratiques cultuelles tels la prière, le jeûne, la zakat, le pèlerinage, etc. »9 L’obéissance au Prophète implique que celui-ci représente pour le croyant la plus haute autorité religieuse et qu’il 7 8 9 Le Coran, op. cit., 6 : 57 ; 5 : 47 ; 5 : 49 ; 5 : 46. KHALIQ (Abdul Rahman Abdoul), Kuwait City, Les Principes scientifiques de la prédication salafite, 1975, p. 15. Ibid, p. 20. 15 KHADIM M. MBACKÉ n’accepte aucune opinion contraire à ses enseignements. Cet attachement au Prophète ne se réalise pour le croyant que quand il nourrit envers Muhammad le plus grand amour : « Nul ne croira [parfaitement] tant qu’il ne m’aura pas aimé plus que sa propre personne, ses enfants, ses parents ainsi que tous les hommes. »10 Ladite obéissance suppose enfin le rejet de l’adoption aveugle des doctrines et avis juridiques musulmans de complaisance pour consentir un effort personnel dans le but de vérifier les arguments qui les sous-tendent. Dans le domaine spirituel, l’effort à consentir pour assurer sa propre promotion consiste à débarrasser l’âme de ses vices et à la parer de nobles vertus en application de cette disposition coranique qui fait dépendre la réussite ou l’échec du musulman de sa capacité ou non à purifier son âme.11 Il n’existe pas d’actions spécifiques qui seraient les seules aptes à entraîner la pureté de l’âme. Bien au contraire, toutes les œuvres religieuses conduisent à cet objectif par rapport auquel la valeur des actions est déterminée. Inutile est, en effet, tout acte cultuel qui ne concourt pas à l’amélioration de la conduite des croyants. Ceci s’illustre à travers le cas d’une femme, contemporaine du Prophète, très remarquée pour sa dévotion, mais qui n’en avait pas moins la langue pendue. On estime qu’une telle contradiction ne peut découler que d’un manque de sincérité car, toute pratique religieuse qui ne se reflète pas dans une double élévation morale et spirituelle souffre d’une grande imperfection.12 Le Messager a clairement défini en théorie comme en pratique la voie de la purification de l’âme. Le croyant doit alors s’imposer une conduite réglée sur la Sunna authentique, qui exclut les abominations et les innovations que représente 10 11 12 16 Mouslim, tome 1, p. 67 ; al-Boukhari, tome 2, p. 673. Le Coran, op. cit., 91 : 8-9. Mousnad d’Ahmad ibn Hanbal, tome 2, p. 440. Orthodoxie et Hétérodoxie dans la pensée religieuse de l’islam le mysticisme dégradé. Car ce dernier prône un mode de vie caractérisé par de longues retraites pieuses, une sobriété alimentaire exagérée, la négligence de la propreté corporelle, une taciturnité exagérée, les durs exercices de mortification, la récitation de formules de prières innovées, entre autres pratiques jugées erronées. Les traits caractéristiques du groupe qui se considère comme le plus fidèle continuateur de l’orthodoxie traditionaliste historique se résument en ce qui suit : - accorder la priorité à la pureté de la foi en Dieu ; - s’attacher strictement à la Sunna du Prophète Muhammad ; - donner une priorité absolue aux textes coraniques et aux traditions prophétiques ; - donner la priorité à l’explication faite par le Prophète des textes sacrés ; - adopter en priorité les interprétations des textes reçues des compagnons en l’absence d’une interprétation émanant du Prophète ; - rejeter systématiquement les innovations religieuses susceptibles d’altérer les croyances établies dans le Coran et la Sunna ; - observer scrupuleusement la Sunna dans tous ses aspects ; - rejeter le culte de la personnalité ; - adopter une attitude intransigeante en face des déviances doctrinales ; - s’opposer avec fermeté et constance aux gouvernants injustes ; - appliquer le principe d’ordonner le bien et d’interdire le mal sans recourir à la violence contre des gouvernants musulmans. Pour les traditionalistes, la survie de l’islam passe par l’aplanissement des obstacles qui empêchent les croyants de vivre leur foi en stricte conformité avec la Sunna. Aussi fautil combattre l’imitation aveugle des ulémas et amener chaque 17 KHADIM M. MBACKÉ musulman à s’instruire de manière à connaître la valeur des textes qui étayent les avis attribués aux ulémas. Le développement de l’enseignement du Coran et de la Sunna entraînant la revivification des sciences religieuses est le seul moyen de favoriser une vie religieuse éclairée. L’éducation et l’instruction conduisent à l’avènement d’une société régie par la loi divine dont l’application est censée faire régner la justice sociale et instaurer la confiance réciproque entre gouvernants et gouvernés. Voilà ce qui explique l’accent mis sur la formation de musulmans animés par une foi qui exclut toute forme d’idolâtrie ; des musulmans qui maîtrisent bien la Sunna et qui demeurent fidèles au Prophète dans leurs croyances et dans leurs actions. Ce courant orthodoxe a de tout temps fait face à une opposition qui a varié en intensité selon les contextes politiques et religieux. Une telle opposition a concerné tous les points caractérisant sa façon de concevoir et de pratiquer l’islam comme nous le verrons plus bas. 18 CHAPITRE II HÉTÉROGÉNÉITÉ DOGMATIQUE I. Le credo Le Coran ne comporte pas une conceptualisation précise de la foi. Mais il a défini les qualités du bon croyant. Cette définition insiste tantôt sur certaines qualités et tantôt sur d’autres selon les circonstances dans lesquelles les versets ont été révélés. C’est dans ce sens qu’une tournure stylistique restrictive est employée en vertu de laquelle les qualités des vrais croyants sont la piété, la confiance en Dieu, l’observance stricte de la prière et la générosité inspirée par l’amour de Dieu.13 Ailleurs, on met en avant l’entière soumission au Messager et le respect de la discipline en sa compagnie.14 Une troisième disposition insiste sur la fermeté dans le combat pour la défense et la promotion de l’islam et l’acceptation de ses conséquences matérielles et financières.15 L’évocation dans le Coran du terme imân (croyance) et ses dérivés (810 fois) corrobore l’idée selon laquelle la foi implique l’accomplissement de toutes les obligations cultuelles et l’abandon de toutes les prohibitions. Quant à la Sunna, elle a défini dans un hadith célèbre les éléments constitutifs de la foi. Cet important hadith, vérifié par al-Bokharî et rapporté par Abou Houraya, dit : « Au cours d’une audience publique, le Prophète reçut un homme 13 14 15 Le Coran, op. cit., 8 : 2-3. Le Coran, op. cit., 24 : 60. Le Coran, op. cit., 49 : 15. 19