Le consentement individuel, libre et éclairé dans le cadre des essais de vaccin en milieu rural africain 3
du Burkina, nous envoyons des correspondances aux autorités administratives (Haut
commissaire, préfet) et organisons nous des rencontres d’information différemment avec les
autorités administratives, les autorités sanitaires (Directeur régional de la Santé, Médecin chef
de district, Équipe cadre de district, Infirmier), les autorités coutumières (Chefs de village et
de quartiers) pour leur donner des informations sur les buts de l’étude, les raisons du choix du
site de l’essai, les groupes cibles, la durée de l’essai, les bénéfices et risques attendus pour le
groupe cible, les bénéfices pour la communauté, les contraintes de l’étude et des informations
sur le processus d’obtention du consentement éclairé. Ces rencontres ont aussi pour objectif
de pouvoir répondre à toutes les questions que se posent les différentes autorités à ce stade de
l’étude.
Ces rencontres sont importantes pour respecter les hiérarchies sociales, pour respecter
l’interdépendance entre l’individu et sa communauté. Les textes en matière de bonnes
pratiques cliniques prônent un consentement libre et individuel, cela étant entendu que
l’individu au sens occidental du terme a une capacité de juger de son propre bien et a une
autonomie de décision.
Or, les sociétés africaines sont régies par des structures communautaires et solidaires. Il
n’existe pas dans ces sociétés de sphère nette entre l’individuel et le collectif.
En plus des questions relatives à l’expression orale, à la parole, aux traditions langagières
des africains, Amadou Hampaté Bâ a aussi accordé un intérêt aux noms des personnages, au
rôle que joue le nom dans le destin de l’individu et de la société. Il est surtout significatif que
le roman Amkoullel 2 commence par les remarques suivantes :
En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable de sa lignée, qui continue de
vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi, lorsqu’on veut
honorer quelqu’un, on le salue en lançant plusieurs fois non pas son nom personnel (ce
que l’on appellerait en Europe le prénom), mais le nom de son clan : « Bâ ! Bâ » ou
« Diallo ! Diallo ! » ou « Cissé ! Cissé ! » car ce n’est pas un individu isolé que l’on
salue, mais, à travers lui, toute la lignée de ses ancêtres.
Lorsqu’un volontaire d’une étude biomédicale signe un consentement où il est identifié à
travers son nom et prénom, il faut donc comprendre que son nom a des significations
ethnoculturelles et engage toute sa famille, ses ancêtres, son clan, son ethnie, avec lesquels il
agit communément. Dans les sociétés traditionnelles africaines, en dehors du contexte social,
l’individu ne peut mener une action acceptable. Lorsqu’on parle de personne, il s’agit de la
dimension sociale de l’homme, de sa vie avec les autres.
Les rencontres organisées pendant le processus d’obtention du consentement éclairé
devraient permettre de respecter cette vision du monde. Ainsi après les structures
administratives, sanitaires, coutumières et les chefs de village, il est aussi nécessaire de
convier tous les habitants du village à une rencontre d’informations et d’échanges sur l’essai
vaccinal et ses objectifs. Mais si de telles rencontres sont nécessaires, ne peuvent-elles pas par
la même occasion compromettre la liberté des individus participant à une étude ?
Prenons l’exemple des sociétés où les décisions concernant les femmes sont prises par
leur conjoint. Généralement si celui-ci refuse la participation de son épouse à une étude, elle
ne peut transcender sa décision. Dans ces situations, le consentement donné par une femme
est-il réellement son propre consentement ou celui imposé par son conjoint ? La liberté
individuelle existe t-elle dans de telles situations ?
2 Amadou Hampaté Bâ, Amkoullel, l’enfant peul, Paris, Édition 84, Collection littérature générale, 2000.