Redalyc.Aux sources de la théorie de l`enquête : la logique de l

Disponible en: http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=41418343001
Red de Revistas Científicas de América Latina, el Caribe, España y Portugal
Sistema de Información Científica
Christiane Chauviré
Aux sources de la théorie de l'enquête : la logique de l'abduction en Peirce
Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia, vol. X, núm. 20-21, 2010, pp. 27-56,
Universidad El Bosque
Colombia
¿Comment citer? Compléter l'article Plus d'informations de cet article Site Web du
journal
Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia,
ISSN (Version imprimée): 0124-4620
Universidad El Bosque
Colombia
www.redalyc.org
Le Projet Académique à but non lucratif, développé sous l'Acces Initiative Ouverte
Aux sources de la théorie de lenquête :
la logique de l´abduction en Peirce1
Christiane Chauviré2
résu
Le pragmatisme de Peirce provient du désir de dépasser la vision positiviste de la
science vers une conception dynamique de la recherche, comme dialectique du
doute et de la croyance, et de la logique de labduction qui fournit une explication
des faits à partir des hypothèses probables. Ainsi, il unie sa philosophie en relient
abduction, le pragmatisme et le réalisme.
Cet étude présent articulation des trois formes d´inférence comme trois étapes
complémentaires de la recherche: a- l’abduction basée sur le principe d´économie de
la recherche, dénie l´élimination rapide des hypothèses susceptibles de faillir dans
la preuve et suggère que quelque chose peut être; b- linduction est autocorrective à
long terme, détermine sa valeur et montre que quelque chose est réellement opéra-
tive; c- la déduction développe les conséquences nécessaires dune pure hypothèse et
preuve que quelque chose doit être. Sa justication est quà partir de cette suggestion,
la déduction peut extraire une prédiction qui peut être prouvée par induction et que,
si nous devons apprendre quelque chose doit se faire à partir de labduction. C’est
donc l’abduction un aspect central dans la recherche.
Larticulation des inférences présente aussi un contexte épistémologique et philoso-
phique propre: sa polémique avec le déterminisme (supériorité de lirrégularité de
la nature), sa philosophie naturiste du mental et intégraliste avec l’interrelation de
la logique, la psychologie et la physiologie du raisonnement (Peirce n’est pas anti-
psychologiste fanatique). Dans cette dernière, les trois formes d’inférence ont des
fondements physiologiques diérents: l’induction est la formule logique qui exprime
la procédure physiologique de la formation dune habitude: la croyance dune règle
est une habitude; la déduction correspond à lélément volitif de la pene; labduction
se présente comme une forme dacquisition dune sensation secondaire. Pareillement,
on voit lintérêt par l’intelligence articielle et la cybernétique avant les avances
logiques des années 40.
Mots clés: pragmatisme, abduction, recherche scientique, induction, déduction,
inférence, physiologie de la logique.
1 Je remercie Mathias Girel et Guillaume Garreta qui m’ont fourni beaucoup de suggestions
précieuses, ainsi que Bruno Karsenti et Louis Quéré pour les améliorations quils m’ont permis
dapporter à mon texte.
2 Docteur en Philosophie. Actuellement Professeur de Philosophie à l’Université de la Sorbonne-
Paris I.
Aux sources de la théorie de l’enquête [...] - Christiane Chauviré
[28]
Ne barrez pas la route à la recherche.
Le doute vivant est la vie de la recherche.
Lorsque le doute est apaisé, l’enquête doit s’arrêter.
(Charles Sanders Peirce).
le PrAgmAtisme et Abduction:
une concePtion Positiviste de lA recherche
C’est peuttre dans la critique de l’épistémologie positiviste (la cible étant
Auguste Comte), axée sur la factualité et la vérication, ou de sa version nomi-
naliste (qui, réduisant les universaux des sciences, ne croit pas en la réalité des
lois de la nature)3 que Peirce s’est le plus illustré en matière de philosophie
des sciences. L’invention du pragmatisme provient pour une pan du désir de
dépasser la vision positiviste de la science en direction dune conception dyna-
mique de la recherche (research), parallèle à une théorie de lenquête (inquiry)
comme dialectique du doute et de la croyance, et à une logique de labduction4
(ou rétroduction) comme procédure qui fournit une explication des faits. La
très novatrice dialectique du doute et de la croyance quil propose dès 1877
dans Comment se xe la croyance) comme schéma régulateur de toute enquête
s’applique à merveille dans le cas des sciences le moteur de l’enquête est
lirritation’ du doute venant attaquer un état reposant et stable de croyance5.
Mais lesprit ne se satisfait pas du doute, au contraire il aspire à trouver une
autre croyance stable en laquelle se reposer6, aussi, à la défaite de la théorie
3 agissant aux visions descriptivistes et/ou instrumentalistes de la science, trop ‹nominalistes
à ses yeux, le Peirce de la maturité se prononce pour un alisme des lois naturelles dispositions
(would be) opérant réellement dans l’univers, lequel reste néanmoins globalement régi par le hasard
objectif (il polémiquera à ce sujet contre le terminisme de Paul Carus). Les lois tolèrent encore
des déviations, preuve qu’elles se sont formées à partir dun chaos initial ; le déterminisme est une
illusion scientiste. Le désordre est physiquement réel sur le réalisme peircien concernant les lois. cf.
van Fraassen (1994 ch. 2).
4 Cest au Chomsky de «Language and Mind» (1968) plus encore qu’à N’R. Hanson que lon doit
une popularisation de l’abduction peircienne, longtemps tombée dans loubli.
5 Les textes de C S. Peirce dans la suite du texte sont référencés ainsi : pour ceux extraits des
Collected Papers (1931-1958), 5 123 signie vol. 5, § 123 ; pour ceux extraits des Writings (1982- ),
W3: 123 signie vol. 3 123.
6 Linteraction doute/croyance semble gouvernée par un principe de régulation psychophysiologique
supposant la tendance de l’esprit à retrouver un état stable aps une perturbation: dès cette époque
donc avant les textes sur les sciences normatives qui mettent en avant des phénomènes de self contrat
[29]
Revista Colombiana de Filosofía de la Ciencia • Vol. X  No. 20 - 21 • 2010 • Págs. 27-56
dominante succède toujours la recherche et la xation dun nouvel état de
croyance7, un schéma qui s’écarte des canons positivistes pour prolonger
plutôt la vision dynamique de la science dun Whewell et anticiper à la fois
Popper et Kuhn, car dans les sciences de la nature, il est requise une explica-
tion quand apparaissent des faits contraires à notre attente.
Mais cette explication doit répondre à des critères rationnels en phase avec
la ‘maxime pragmatiste’ selon laquelle la signication dune expression réside
dans les conséquences pratiques concevables que l’on peut en tirer: si la signi-
cation dun terme (que la sémantique du xxe siècle appellera, à la suite de
Carnap et Popper, dispositionnelle) comme dur’ dans ‘ce diamant est dur’ est
entièrement explicitée par une liste de conditionnels contrefactuels8 dont lan-
técédent énonce une opération ou une expérience à eectuer et le conséquent
le résultat observé, parallèlement,
[L]explication doit être une proposition qui conduise à la prédiction
de faits observés comme conséquences nécessaires ou du moins très
probables dans ces circonstances. Il faut alors adopter une hypothèse
qui est vraisemblable en elle-même et qui rend les faits vraisemblables.
L’étape au cours de laquelle on adopte une hypothèse en tant quelle est
suggérée par les faits est ce que j’appelle abduction (7 202)9.
Ainsi le pragmatisme entendu, non comme doctrine, mais comme applica-
tion dune maxime, est-il à la fois ce qui permet dexpliciter la signication ou
et d’auto-régulation dans la ‹machine› humaine (8 320), Peirce semble annoncer certaines des idées
cybernétiques dAshby. On pourrait rapprocher cette idée d’une tendance du mental à retourner à la
stabilité dun principe énoncé par Valéry dans les Cahiers, et qui anticipe lui aussi la cybernétique:
«Lesprit se manifeste par le retour (ou la tentative de retour) du système vivant à un état dont il a été
écarté». La xation des croyances participe donc dun processus spontané de régulation mentale.
7 Cf sur la révision par Peirce de la théorie de lenquête, Murphey (1961 357).
8 Contrefactuels après le tournant aliste de Peirce mais, dans un premier temps, matériels (Cf.
Chauviré 2004 97-106). La conception réaliste et dispositionnelle qu’a des lois naturelles (comme
forces opérant réellement dans la nature) le Peirce de la maturité loblige à utiliser des conditionnels
contrefactuels pour les énoncer.
9 Labduction tire donc sa capacité innovante dintroduire dans lenquête la formulation d’une
hypothèse qui peut passer les phénomènes obsers, voire observables, hypothèse dont elle dit
qu’il y a une bonne raison de croire en elle puisque, si elle était vraie, le fait surprenant observé se
produirait. Ce contrefactuel lie de fon nomique lobservé à lhypotse qui lexplique. Ce genre
de raisonnement n’a donc rien à voir avec une induction ou une déduction. C’est, par excellence, le
raisonnement des détectives de roman policier, comme la bien remarqué Hintikka.
Aux sources de la théorie de l’enquête [...] - Christiane Chauviré
[30]
teneur rationnelle’ (rational purport, 5 428)10 des mots et des phrases, épurant
ainsi la philosophie de ses non-sens métaphysiques, et ce qui peut orienter la
recherche scientique dans le bon sens, celui de la proposition rationnelle et
réglée de nouvelles hypothèses à tester dans des expériences ; Peirce ne dit-il
pas que sa fameuse maxime est en fait issue du laboratoire ? Tirée de la saine
méthodologie expérimentale, de la démarche du physicien ou du chimiste, la
maxime pragmatiste appliquée aux sciences de la nature ore en retour les
moyens dexposer la vraie logique (dynamique) de la recherche, le bon ordre
de la science. De là à identier pragmatisme et logique de labduction, il ny a
quun pas, que Peirce nhésite pas à franchir dans la septième des Conférences
de Harvard de 1903 (5 196-5 197), revenant plus de trente ans après sur la
maxime pragmatiste et la question de labduction.
lAvenir de lA science
Nous avons autrefois montré dans une étude que la logique peircienne de
labduction pouvait être qualiée sans hésitation de falsicationniste, étant
gouvernée en fait par une métarègle: le principe déconomie de la recherche
(economy of research), qui prescrit déliminer le plus vite possible les hypothèses
susceptibles déchouer au test pour ne pas perdre du temps et de largent, pour
déblayer la voie de la recherche: la réfutation est donc, comme plus tard chez
Popper, le moteur de la recherche. L’économie implique le réfutationnisme.
Toute ‹vérité› scientique est en sursis. Mais si la recherche humaine, à court
terme, va de réfutation en réfutation, à long terme, elle a un sens déterminé,
prédestiné, les opinions étant destinées (fated) à converger pour produire
lunique représentation vraie de la réalité.
En eet, sil y a bien en science un travail du négatif, les hommes ne peuvent
pas être voués à toujours échouer dans leurs inductions11. L’induction a un
caractère auto-correctif à long terme (et non à court terme), sur lequel tablent
les compagnies dassurance: «on sait seulement qu’en acceptant des conclu-
sions inductives, nos erreurs séquilibreront. En fait les compagnies d’assurance
procèdent par induction ; elles ne savent pas ce qui arrivera à tel ou tel assuré ;
elles savent seulement qu’à long terme elles nont rien à craindre» (5 350). La
10 Notons le parallélisme entre cette ‹teneur rationnelle› et la ‹signication cognitive› déployée par
la maxime véricationniste des néo-positivistes cinquante ans plus tard.
11 Comme le faisait spirituellement remarquer Quine: « Les créatures qui se trompent de façon
invétérée dans leurs inductions ont une tendance pathétique quoique louable à mourir avant de
reproduire leur espèce» (1969).
1 / 31 100%

Redalyc.Aux sources de la théorie de l`enquête : la logique de l

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !