Handicap justifié et défendu du marché monétaire Libanais

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La non intégration financière libanaise : Handicap ou
objectif ?
Layal Mansour Doctorante en Sciences Economiques / Université Lumière Lyon 2- France
(Article tiré du mémoire « Le paradoxe du marché financier libanais : un marché de
spéculateurs sans spéculations », soutenu à l‟Université Saint Joseph- FGM- Master 2
Recherche - Finance, Septembre 2008 ; présenté par Layal Mansour sous la direction du
Professeur Jean Tannous)
Résumé
Suite au fort taux de dollarisation et au taux d’endettement vertigineux, les autorités
monétaires libanaises pratiquent un régime de change fixe afin d‟aboutir à la stabilité des
prix. Ce régime menace la spéculation puisque le marché dérivé existe et s‟associe à
l‟abandon de la fixité des taux de change, à la libéralisation des marchés financiers et à
l‟extension progressive de la liberté des mouvements de capitaux. L‟Etat lutte contre la
spéculation en passant par les anticipations, car celles-ci provoquent les décisions et les
choix spéculatifs. L‟absence des anticipations constitue un des fondements des anomalies du
marché
1
du fait que l‟activité économique revêt une dimension spéculative
2
et que la
spéculation suppose la formation d‟anticipations
3
.
Alors que les autorités monétaires libanaises sont accusées de contribuer au handicap de
l’activité saine du marché financier et monétaire, ce handicap a paradoxalement sauvé le
Liban de la crise subprime qui a envahit quasiment le monde.
Introduction
Devereux et Sutherlan, (2005) étudient la politique monétaire et financière optimale dans un
contexte de globalisation. Ils concluent qu‟en général, l‟objectif fondamental de la politique
monétaire optimale ne doit pas changer, même pendant l‟ère de la globalisation financière.
1
Vizzauona P : Marchés Financiers, normes européennes, 2000, p.242
2
Plihon D : Les Taux de Change, 2006, p.31
3
Dohni L et Haunaut C : Les Taux de Change, Déterminants, Opportunités et risques, 2004, p.71.
2
Autrement dit, l‟objectif final des autorités monétaires reste classique : le maintien de la
stabilité des prix.
Il est vrai que l‟objectif final est « quasi » unique et/ou identique pour la plupart des pays
mais les instruments le sont moins ; ils sont désormais choisis, analysés et adaptés de façon à
être compatibles avec l‟économie du pays en question. Si l‟économie subit une
«hémorragie », un instrument d’urgence quoique critiqué serait donc envisagé.
C‟est ainsi qu‟au Liban, pour faire face à la dollarisation majeure fragilisant le sysme
financier (De Nicolo, Hanohan et Ize 2004), les autorités monétaires et financières optent pour
un régime de taux de change fixe et prennent des mesures de restriction diverses anti-
spéculatives. Or l‟activiéconomique revêt une dimension spéculative. Nous assistons par la
suite à la non intégration financière, soit à un handicap de l‟activité économique et financière
au niveau international.
Ce handicap volontaire qui place le Liban en marge de la mondialisation protège le Liban des
effets de contagion planétaire (la crise subprime) aboutissant ainsi à l‟objectif final et à la
stabilité des prix. Bien que certains auteurs comme Obsfelt (1998), Prasad, Rogoff, Wei, Kose
(2004) et Mishkin (2005) pensent que la libéralisation financière promeut la croissance
économique et permet de réduire l‟inflation (Mishkin 2008), le Liban répond plutôt aux
études de Bencivenga et Smith (1992) qui mettent en évidence un degré optimal de
répression financière même si le déficit de l‟Etat est trop important.
La première partie mettra en œuvre l‟état licat de l‟économie libanaise encourageant le
gouvernement à intervenir, ensuite dans la deuxième partie nous verrons comment se fait
l‟action des autorités monétaires et financières. Enfin nous achèverons ce travail avec un état
des lieux de la politique monétaire libanaise en 2008 après la crise subprime.
I- La complexité de l’économie libanaise
Les caractéristiques dominantes du but du XXème siècle sont : 1- une évolution vers
l‟intégration mondiale et régionale des finances, de la production et des échanges
3
commerciaux, 2-le laisser faire correspondant concernant les fluctuations entre monnaies-clés
mondiales, ainsi que 3-la forte incidence des crises monétaires et financières dans un contexte
d‟intense mobilité de capitaux. Tel est le contexte dans lequel de nombreux pays en
développement doivent choisir une stratégie appropriée d’intégration monétaire et de
régime de taux de change.
Certains auteurs pensent que le régime de taux de change flexible contribue au développement
économique du pays. Rogoff (2004) insiste sur la cessid‟un certain degré de flexibilité du
taux de change, et dont le degré dépendra du niveau développé du pays. Selon Devereux et al
(2003) et Obsfelt (2006), le taux de change flexible est toujours désipar les pays, surtout
s‟ils sont face à des chocs réels (choc de productivité, ou au niveau du commerce).
D‟autres fendent le régime de taux de change fixe dans son avantage qu‟il porte quant à la
1-réduction des coûts de transaction et les risques de taux de change qui peuvent décourager
le commerce et les Investissement, et 2- procuration de l‟ancre nominal crédible pour la
politique monétaire (A savoir qu’il existe des régimes de change intermédiaires
4
, mais ces
derniers temps les conseils tournaient autour de la question d’opter pour les solutions
« extrêmes » monétaristes
5
).
En réalité, les crises monétaires et financières tragiques de l‟Equateur (1999), Russie (1998),
Argentine (2001-2002), Turquie (2000-2001) et Brésil ayant adopté des régimes de change
différents, approuvent qu‟ « aucun régime de change n’est correct, pour tout pays ou à tout
moment » (Frankel, 1999). Le régime de taux de change ne peut pas empêcher une turbulence
économique, mais le choix peut être mieux ou non, adapté aux institutions et aux
caractéristiques économiques du pays (Calvo 2003).
Le choix du régime de taux de change doit donc correspondre au niveau fiscal et au niveau
des institutions monétaires et financières du pays, à la dollarisation et aux chocs soudains,
mais aussi il faut tenir compte du contexte temporel.
4
En 1999, parmi 185 pays, FMI classe 47 „‟flottant‟‟, 45 „‟fixe‟‟ (currency board, union monétaire CFA) et 93
pays avaient un taux de change intermédiaire. Inn Frankel (1999), No single currency regime is right for all
countries or all times, NBER, Working Paper N°7338
5
De Macedo B, Cohen D, Reinsen H: Taux de change ni fixe ni flottant, 2001 p 17.
4
En d‟autres termes, selon Calvo et Mishkin (2003), un taux de change flexible est préférable
dans un pays s‟il est sujet à de troubles externes (le taux de change flexible permettra d‟avoir
une politique monétaire indépendante et permettra un ajustement automatique), et le taux de
change fixe est désiré dans un pays sujet à de troubles internes : un pays dollarisé
(currency board) ou totalement dollarisé (full dollarization). Cependant, en étudiant les
caractéristiques économiques du Liban, nous comprendrons pourquoi le régime de taux de
change fixe est le bienvenu.
La dollarisation au Liban
D‟après Mishkin et Savastano
6
(2001), la dollarisation rend insoutenable un taux de change
flexible.
Dans le langage courant, le terme dollarisation est utilisé pour définir des cas correspondants
en réalité au currency board. Bien que ces deux notions se ressemblent, il existe des
différences de fond
7
.
Reinhart, Rogoff et Savastano (2003) dans „‟Addicted do Dollar‟‟, étudient les économies
dollarisées (en excluant les pays totalement dollarisés et les pays industrialisés) :
1- Ils établissent un indice composite de dollarisation pour chaque pays. Cet indice
composite comprends 3 indices : (1-Les dépôts bancaires en monnaies étrangères (part de la
quanti de monnaie au sens large), 2-la dette extérieure totale (part du PNB), 3-la dette
publique domestique dénommée en monnaie étrangère (part de la dette domestique totale).
2- Chaque pays est classé en quatre catégories selon la variété de dollarisation exposée.
Dettes du secteur privé de 10% ou
plus du total de la dette externe
Dettes secteur privé de moins
de 10% du total de la dette
externe
Au moins 10% de la monnaie au sens large ou de
la dette publique domestique est libellée en devises
étrangères
Type I
Type II
6
Inn The Mirage Of Exchange Rate Regimes for Emerging Market Countries,Guillermo A, Calvo, Mishkin F,
2003, NBER Working Paper, N°9808, 41p.
7
Le currency board est un régime de change fondé sur un engagement de convertibilité automatique et la
dollarisation peut être définie comme une succession du currency board, car elle donne encore plus de crédibilité
à l‟engagement du pays de ne plus jamais recourir à la dévaluation de lamonnaie nationale dans une autre devise,
et ce à un taux de change fixe.
5
Moins que 10% de la monnaie au sens large ou de
la dette publique est libellée en devises étrangères
Type III
Type IV
3- Chacun de ces 3 indices est transformé en un indice qui peut prendre une valeur de 0 à
10.
4- L‟indice composite permet de mesurer le degré de la dollarisation partielle de chaque
pays dans une échelle allant de 0 à 30.
Le Liban est placé dans la première catégorie (Voir Annexe 1) et son indice composite est égal à
14. Le Liban est donc parmi les pays les plus dollarisés.
Une autre étude a été effectuée par De Nicolo, Hanohan et Ize (2004) à partir du ratio
« Onshore foreign currency deposit / total onshore bank deposit ». Il s‟agit d‟étudier un des
trois types de dollarisation
8
: la dollarisation financière (financial dollarization). Ce ratio
permet d‟observer quelques aspects de la dollarisation, reflète le poids de la demande de
dépôts et les payements dollarisés
9
.
Le taux de dollarisation au Liban dépasse les 69%. (Annexe 2) Le Liban fait partit des pays les
plus dollarisés au monde, classé après Géorgie, Angola, Arménie, Azerbaïdjan, Bolivie et
Cambodge.
Pourquoi la dollarisation?
Au moins deux raisons justifient la dollarisation au Liban. Tout d‟abord, la dollarisation au
Liban dépend de la qualité institutionnelle, des règles structurelles et de l’environnement
macroéconomique :
1- D‟une part, selon les mêmes auteurs De Nicolo, et al (2004), la dollarisation est le résultat
d‟une tentative raisonnable de se protéger contre une variété de risques : les risques relatifs du
8
Il existe 3 types de dollarisation 1-le “payement dollarization” connu sous le nom de currency substitution, ce
sont les devises étranres utilisées par les résidents pour effectuer des transaction espèce, demande de dépôt ou
de réserve à la banque centrale. 2-le « financial dollarization » connu aussi sous le nom de asset substitution,
c‟est ce que possèdent les résidents en Actif ou Passif en devises étrangères. 3-le « real dollarization » est
l‟indice formel ou de facto des prix ou des salaries en dollar.
9
La faiblesse de ce ration c‟est qu‟il n‟inclut ni les espèces et les dépôts offshores qui constituent une fraction
substantielle des portefeuilles des investisseurs de certains pays, ni les « nonbank holding » des instruments
financiers (government securities, shares in mutual funds, pension and insurance claims).
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