La lettre du neurologue - n° 3 - vol. V - mars 2001
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thérapeutique. La neurochirurgie ne doit
être envisagée que dans un deuxième
temps, en l’absence d’amélioration cli-
nique au bout de 24 à 48 heures de trai-
tement médical bien conduit, en milieu
de soins intensifs ou de réanimation.
L’association d’une ophtalmoplégie
bilatérale aiguë à une aréflexie et à une
ataxie constitue le syndrome de Miller-
Fisher, dont la parenté nosologique avec
le syndrome de Guillain-Barré est de
moins en moins mise en doute, avec
présence d’anticorps anti-GQ1b.
L’imagerie est normale. Le LCR est anor-
mal dans la moitié des cas, sous la
forme d’une hyperprotéinorachie isolée.
D’autres causes moins fréquentes doi-
vent aussi être évoquées, la méningite
tuberculeuse en particulier, voire la
diphtérie. Le diagnostic différentiel
d’avec les affections de la jonction neu-
romusculaire, le botulisme et la myas-
thénie, doit être évoqué de principe en
urgence, ainsi que les affections tou-
chant le tronc cérébral, en particulier
l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke.
Les atteintes unilatérales multiples des
nerfs oculomoteurs doivent faire recher-
cher en premier lieu par l’imagerie une
lésion du sphénoïde (syndrome de
Jacod), du sinus caverneux (syndrome de
Foix-Jefferson) et de la fente sphénoïda-
le (syndrome de Rochon-Duvigneaud).
Dans tous les cas, le trijumeau est plus
ou moins touché, de sa branche ophtal-
mique en avant, à l’ensemble de ses
branches en arrière. Le syndrome de
Tolosa et Hunt est une cause d’ophtal-
moplégie unilatérale multiple doulou-
reuse par atteinte inflammatoire du sinus
caverneux qui doit rester un diagnostic
d’élimination. L’IRM serait évocatrice en
montrant une paroi latérale convexe et
régulière, et surtout une augmentation
de la distance séparant la lumière caroti-
de de la paroi latérale du sinus.
L’atteinte du sympathique oculomoteur :
le syndrome de Claude Bernard-Horner
(CBH)
L’existence d’un CBH, le plus souvent
dans un contexte céphalalgique, permet
d’affirmer une lésion sur le trajet du
sympathique intra-axial ou cervical, le
long de la carotide interne. À côté des
causes intra-axiales, qui ne laissent
jamais le CBH isolé, sa constatation
dans un contexte de céphalée aiguë doit
faire éliminer une dissection carotide
paucisymptomatique par un écho-doppler
cervical et une IRM. Une dissection de
la carotide intracrânienne doit être
recherchée en cas d’atteinte associée du
III, du IV ou du VI. Le syndrome para-
trigéminal de Raeder (association d’une
atteinte des V-1 et V-2 à un CBH) peut
s’observer dans les atteintes de la pointe
du rocher, justifiant une exploration
radiologique orientée.
LE NERF TRIJUMEAU (V)
L’atteinte isolée du trijumeau ou de
l’une des ses branches constitue rare-
ment une urgence neurologique. La
symptomatologie peut être de nature
déficitaire (hypo- ou anesthésie), ou
douloureuse, à type de douleur névral-
gique. De façon générale, la constata-
tion d’un trouble sensitif objectif, d’une
diminution du réflexe cornéen, ou d’une
atteinte motrice trigéminée imposent
une exploration complémentaire (ima-
gerie, électrophysiologie, LCR, biologie
systémique) dont le caractère urgent
doit être apprécié en fonction du
contexte. Les causes d’atteintes trigé-
minées sont diverses : sclérose en
plaques, anévrisme du tronc basilaire,
lésions de la pointe du rocher (syndrome
de Gradenigo), du sinus caverneux, du
sphénoïde et du rocher, de la fente
sphénoïdale, voire de l’orbite. Dans la
très grande majorité des cas, des
symptômes associés permettent un dia-
gnostic topographique. En cas de neuro-
pathie isolée, à côté du zona ophtal-
mique, qui est exceptionnellement sine
herpete, les diagnostics de maladies
systémiques doivent être évoqués : syn-
drome de Gougerot-Sjögren, scléroder-
mie et autres connectivites, atteinte
métastatique d’un cancer solide ou d’une
hémopathie en cas de neuropathie men-
tonnière. L’atteinte isolée du V2 peut se
voir dans certaines néoplasies ORL.
Un trismus aigu unilatéral traduit le plus
souvent une infection locorégionale
(phlegmon de l’amygdale, cellulite d’ori-
gine dentaire) dont les signes propres
sont le plus souvent évidents. Il peut
être dû à un spasme masticatoire uni-
latéral, notamment dans le cadre d’une
dystonie aiguë due aux neuroleptiques.
Un trismus bilatéral aigu est un signe
quasi pathognomonique du tétanos
(tétanos céphalique de Rose). Il impose
le transfert sans délai en milieu de réa-
nimation pour mise en œuvre immédiate
du traitement spécifique et symptoma-
tique : tout retard diagnostique fait cou-
rir le risque d’asphyxie aiguë par spasme
laryngé.
LE NERF FACIAL (VII)
L’atteinte aiguë isolée du nerf facial
pose un problème différent de l’atteinte
des autres nerfs crâniens, car elle est le
plus souvent idiopathique. Le diagnos-
tic positif de l’atteinte du nerf facial est
généralement facile. Les atteintes asso-
ciées de l’intermédiaire de Wrisberg, du
nerf du muscle de l’étrier, de la corde
du tympan sont autant d’éléments
de confirmation qui peuvent aider
à préciser le site de l’atteinte. La
recherche d’une atteinte des nerfs voi-
sins (VIII, V, oculomoteurs) doit être
systématique. En cas de paralysie facia-
le isolée aiguë, le problème est de ne
pas affirmer trop vite le diagnostic de
paralysie faciale a frigore et de savoir
détecter certains signaux d’alerte
cachés dans l’anamnèse ou dans l’exa-
men clinique. Ainsi les méningoradi-
culites faciales aiguës ou les paralysies
post-traumatiques peuvent imposer un
traitement urgent. Il ne s’agit pas tant
du zona du ganglion géniculé, dont le
diagnostic est orienté par l’éruption
zostérienne de la partie antérieure du
conduit auditif externe (zone de
Ramsay-Hunt), ou des atteintes post-
infectieuses de la varicelle ou de la
mononucléose infectieuse, que de la
primo-infection VIH, de la maladie de
Lyme ou de la rhombencéphalite listé-
rienne. Le nerf facial est aussi le pre-
mier nerf crânien touché dans la sarcoï-
dose. L’interrogatoire est d’une impor-
tance primordiale pour l’évocation du
diagnostic ainsi que les examens com-
plémentaires appropriés au moindre
doute : étude du LCR, sérologies VIH,