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QUÉBEC PHARMACIE
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juin 2013
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propriétés biochimiques de la structure du dis-
que, la sensibilisation des terminaisons nerveuses
par la libération de médiateurs chimiques et la
croissance vasculo-nerveuse peuvent toutes
contribuer à l’apparition de la douleur dans le bas
du dos4,10. En outre, des cytokines, telles que les
métalloprotéases matricielles (MMP), la phos-
pholipase A2, l’oxyde nitrique et le facteur de
nécrose tumorale-alpha (TNF-α) jouent un rôle
vital dans cette apparition4,10. Toutefois, des modi-
cations qualitatives et fonctionnelles des muscles
paravertébraux, ainsi que des facteurs de risque de
chronicité d’ordre psychologique, socioprofes-
sionnel et comportemental, sont actuellement
intégrés dans le modèle physiopathologique dit
« biopsychosocial de la lombalgie chronique4,7,10 ».
Diagnostic
L’évaluation de la lombalgie chronique consiste
à réaliser une anamnèse complète, comprenant
les antécédents médicaux du patient, et à faire un
examen physique6 ,7,9. Les signaux d’alarme (« red
ags » ou « drapeaux rouges ») sont des facteurs
physiques, dont le but est de repérer les lombal-
gies spécifiques d’origine néoplasique, infec-
tieuse, inammatoire ou fracturaire7,9. Leur pré-
sence suggère une pathologie sous-jacente et
nécessite une approche spécique selon le dia-
gnostic suspecté. Les facteurs de risque psycho-
so ciaux (« yellow ags » ou « drapeaux jaunes »),
eux, sont des facteurs de passage à la chronicité,
leur présence étant liée à un risque plus élevé
d’atteinte ou de maintien d’une lombalgie chro-
nique et d’une invalidité de longue durée6,7,9. Les
deux types de drapeaux sont présentés au
tableau I2 ,6,7,9. Une anamnèse et un examen
physique qui ne révèlent pas de drapeaux rouges
permettent de poser un diagnostic clinique a-
ble, sans recours nécessaire à des techniques
d’imagerie médicale7. Quant au recours à l’ima-
gerie par résonance magnétique (IRM) ou à la
tomodensitométrie (TDM) pour établir le dia-
gnostic, selon les recommandations fondées sur
les preuves de l’American College of Physicians
(ACP) et l’American Pain Society (APS), l’ima-
gerie de routine, ou basée sur des tests de dia-
gnostic, ne doit pas être faite chez les patients
sourant de LCC ou non spécique4. En eet,
chez les patients souffrant de lombalgie com-
mune, les résultats des tests radiologiques, tomo-
densitométriques ou d’IRM ne sont pas associés
aux symptômes exprimés par le patient ni à sa
capacité fonctionnelle 6,7,12. Les médecins ne doi-
vent eectuer des tests de diagnostic et d’image-
rie que dans certains cas : chez ceux qui présen-
tent une douleur depuis plus de 12 semaines et
qui sont à haut risque de graves décits neurolo-
giques; lors de la présence d’une aection sous-
jacente spécifique (voir drapeaux rouges); ou
chez les candidats à des interventions invasives
(p.ex., chirurgie)6,7,12. Il n’existe pas suffisam-
ment de données probantes pour recommander
des examens complémentaires spécifiques
(p.ex., techniques d’imagerie, techniques inter-
ventionnelles, électromyographie) chez les
patients sourant de LCC6,7,12 .
Traitements
Le traitement de la LCC devrait se concentrer sur
l’atténuation des symptômes, comme l’intensité
de la douleur, la restauration de la capacité fonc-
tionnelle et la qualité de vie. Il devrait permettre
au patient de reprendre ses tâches complètes au
travail et de pratiquer les activités sociales et les
loisirs qu’il aime4,5. Il est également important de
xer des objectifs de traitement réalistes avec lui,
en lui mentionnant qu’il est dicile de suppri-
mer totalement la douleur et que la persistance
d’un fond douloureux (gêne) n’est pas nécessaire-
ment synonyme d’échec thérapeutique. Notons
que le repos est inutile et pourrait même être nui-
sible en abaissant le seuil de la douleur7, 8. Ainsi, le
repos ne doit jamais être prescrit, mais seulement
autorisé si l’intensité des douleurs l’exige, et il doit
être le plus court possible.
Options non pharmacologiques
Tout d’abord, la lombalgie chronique est souvent
associée au « syndrome de déconditionnement »
en raison de l’inactivité physique13,14. Parce qu’il
ressent des douleurs, le patient lombalgique évite
des activités physiques et sociales par peur de
sourir ou d’aggraver ses lésions. Le patient se
trouve ainsi enfermé dans un cercle vicieux dont
il lui devient de plus en plus difficile de sortir :
douleur - inactivité - déconditionnement. D’où
l’importance de briser ce cycle en s’aidant des
méthodes non pharmacologiques, telles qu’un
programme intensif de réadaptation, de la réédu-
cation, un programme d’exercices physiques,
etc.8,13,14 Les thérapies non pharmacologiques
peuvent être utilisées seules ou en association
avec les traitements pharmacologiques.
Les traitements qui bénécient des niveaux de
données probantes les plus élevés sont les pro-
grammes d’exercices physiques, les prises en
charge comportementales et les approches multi-
disciplinaires3,7,8,14. En eet, les prises en charge
comportant plusieurs interventions (p. ex., éduca-
tion, programmes d’exercices, approche compor-
tementale et relaxation) sont plus ecaces qu’une
prise en charge isolée ou classique7,8,14. Quant aux
massages et à l’acupuncture, ils sont légèrement
utiles pour réduire la douleur chronique dans le
bas du dos7,8,14. D’ailleurs, le massage semble plus
ecace lorsque combiné à l’exercice physique, aux
étirements et à l’éducation7,8,14. Enn, la thérapie
par laser de faible niveau, les supports lombaires,
la traction, la stimulation nerveuse électrique
transcutanée (TENS) et les ultrasons orent des
preuves très limitées, voire contradictoires, en
matière d’ecacité7,8,14. Le tableau II résume les
principales options non pharmacologiques et leur
place dans la prise en charge de la LCC3,7,8,14.
Traitements pharmacologiques
Le traitement médicamenteux de la LCC est
symptomatique. Le choix d’un médicament doit
reposer sur des preuves et être adapté autant que
possible à chaque patient. Il devrait aussi s’appuyer
sur des données pharmacologiques, sur les anté-
cédents du patient et l’expérience clinique8,15-17.
Les médicaments couramment prescrits pour les
douleurs lombaires chroniques comprennent en
première ligne l’acétaminophène et les anti-
inammatoires non stéroïdiens (AINS)8,15-17. En
deuxième ligne, on trouve les opioïdes, les myore-
laxants, les anticonvulsivants et les antidépres-
seurs tricycliques (ATC)8,15-17. L’Orga nisation
mondiale de la santé (OMS) a instauré l’« échelle
analgésique », une approche par étapes pour gérer
la douleur8,17. Cette échelle fournit une ligne
directrice générale pour la sélection des médica-
ments contre la douleur d’intensité variable. Les
directives de l’OMS ont été mises au point pour le
traitement de la douleur cancéreuse, mais elles
peuvent être appliquées à d’autres types de dou-
leur8. Par exemple, la douleur d’intensité faible à
modérée est souvent gérée par des analgésiques
tels que l’acétaminophène et les AINS non sélec-
tifs, ou par les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase-2
(COX-2)8,18. Les opioïdes peuvent être utilisés
pour traiter la douleur faible à modérée persis-
tante ou qui augmente malgré l’usage des traite-
ments non opioïdes8,15-18. Toutefois, les opioïdes
restent le pilier du traitement pour les patients
ayant des douleurs invalidantes ou d’intensité
modérée à sévère8,15-20. Les traitements par asso-
ciation, habituellement des opioïdes avec acéta-
minophène et/ou un AINS, sont réservés aux
les pages
bleues
Présentation
de la patiente 1 (suite)
D’abord, compte tenu de la durée de ses dou-
leurs (six mois) et en l’absence de drapeaux
rouges, on peut armer que Mme DD souf-
fre de LCC. Mme DD pourrait bénécier d’un
traitement non pharmacologique qui pour-
rait comporter un programme d’exercices vi-
sant le renforcement musculaire et la perte
de poids. Aussi, dans le cadre d’une approche
multidisciplinaire, un psychologue pourrait
l’aider à accepter son état. Quant à la médica-
tion, l’usage d’un AINS devrait être évité (into-
lérance et manque d’ecacité dans le cas de
Mme DD). Son médecin pourrait alors envisa-
ger l’ajout d’un ATC, comme l’amitriptyline ou
la nortriptyline: la dose initiale est de 10 mg à
20mg, que l’on augmente chaque semaine.
La dose maximale habituellement rapportée
est de 150 mg par jour20.
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