Tempé, célèbre dans l’antiquité par sa grandeur sauvage. Un petit nombre
d’hommes arrêteraient une armée dans cette étroite fissure des monts, le seul
passage fréquenté qui menât de Grèce en Macédoine.
Comme les monts Cambuniens ferment la Thessalie par le nord, le mont Œta la
ferme par le sud et se termine aussi, sur le golfe Maliaque, entre des marais et
des rochers à pic, par un défilé que l’histoire a rendu fameux, celui des
Thermopyles1. Le long de la côte, le Pélion se rattache à l’Ossa et, par un
chaînon qui contourne le golfe Pagasétique ou de Volo, va rejoindre l’Othrys, qui
sépare le bassin du Pénée de celui du Sperchéios. Le nord de la Thessalie est
donc bien ce que l’appelait Xerxès, un vallon qu’il serait facile de noyer sous les
eaux, si on leur fermait la seule issue par où elles s’échappent, la vallée de
Tempé.
Les Grecs avaient trouvé dans cette région quelques-unes de leurs plus
gracieuses ou plus terribles légendes, et la moitié de la poésie homérique en
était sortie. Cette vallée de Tempé, c’était le bras du fils d’Alcmène ou le trident
de Neptune qui l’avait ouverte. Sur la cime de l’Olympe et de ses neiges presque
éternelles, au milieu des nues qui l’enveloppent et que déchire la foudre,
s’élevaient les trônes des douze grands dieux. Là les géants avaient combattu les
maîtres de l’Olympe et voulu mettre Pélion sur Ossa, pour escalader le ciel; là les
Muses étaient venues aux noces de Thétis et de Pélée prédire la naissance
d’Achille et la ruine de Troie. Le laurier d’Apollon croissait d’abord à Tempé2, et le
dieu y avait des autels, Άπλουνι Τεµπείτα3 ; sur le Pélion furent coupés les arbres
dont on fit le navire Argo, auquel Minerve donna pour mât un des chênes
fatidiques de Dodone, et les héros qui le montaient s’embarquèrent au port
thessalien de Pagase.
Au sud de la Thessalie et au sud-est de l’Épire, la Grèce centrale est couverte
d’un inextricable réseau de montagnes qui part du mont Tymphrestos. Une
chaîne, qu’on peut regarder comme la continuation du Pinde, descend jusqu’au
golfe de Corinthe, entre l’Étolie et la Locride. Une autre se détache de celle-ci
dans la Doride, court à l’est et comprend des monts célèbres : le Parnasse, qui
portait Delphes sur ses pentes, et d’où la légende faisait descendre une race
nouvelle pour repeupler la Grèce après le déluge de Deucalion ; l’Hélicon, séjour
des Muses, qui, disait-on, n’avait jamais produit une plante vénéneuse ; le
Cithéron où Œdipe tua Laïos, et qui, réuni au Parnès, couvrait l’Attique contre la
Grèce centrale ; enfin, derrière Athènes, le Pentélique, dont un roc détaché
portait l’Acropole, et l’Hymette, que le Laurion semble continuer jusqu’au
promontoire de Sunion, au sommet duquel se voient, encore debout, quinze
colonnes d’un temple écroulé4.
1 La description de ce passage sera donnée plus loin quand sera raconté le combat des
Thermopyles.
2 Tous les neuf ans, Delphes chargeait une théorie solennelle d’aller, en suivant la voie Sacrée, par
où le dieu s’était rendu dans la Phocide, couper à Tempé, le berceau de son culte, une branche de
laurier. (Otf. Müller, die Dorier, 2° édit., t. I, p. 204.) Les Grecs regardaient Delphes comme le
centre de la Grèce et du monde, όµφαλόν τής γής (Pausan., Phoc., 16).
3 Corp. inscr. Graec., n° 1767.
4 Altitude des principales montagnes de la Grèce : l’Olympe, 2995 mètres ; l’Ossa, 1953 ; le
Pélion, 1618 ; les monts Cambuniens, 1000 à 1500 ; le Pinde, 2100 ; les monts Acrocérauniens,
2025 ; le Tymphrestos, 2319 ; en Étolie, 2495 et 2512 ; le Callidrome, 1374 ; les plus hauts
sommets du Parnasse, qui gardent huit mois de l’année les neiges de l’hiver, 2459 ou 2517 ; le
Cithéron, du côté d’Élatée, 1411 ; la route de Platée à Mégare s’élève à 856 ; celle de Platée à
Athènes, à 585 ; le Parnès, 1413 ; sur les trois routes conduisant de l’Attique en Béotie et à