Consommation de viande et risque
de cancer
Revue de la bibliographie
pour le CIV
Septembre 2010
Mise à jour Août 2011
OCNH (Cyrille Costa)
OCNH Aout 2011
2
Sommaire
I. Contexte ............................................................................................................................. 3
II. Consommation de viande et risque de cancer : .............................................................. 5
A. Ce que nous enseignent les études ................................................................................. 5
B. Viandes et risque de cancer colorectal............................................................................. 7
1. Un risque relatif peu élevé et pas toujours significatif ................................................... 7
2. Des données significatives qui masquent des facteurs de confusion ......................... 13
3. L’absence d’une relation de type dose-réponse ......................................................... 17
4. Une grande variabilité homme/femme et suivant le site de la tumeur (rectum / colon
proximal / colon distal) ....................................................................................................... 17
5. Quantités consommées : une triple problématique ..................................................... 18
C. Viandes et risque d’autres cancers ................................................................................ 19
III. Hypothèses mécanistiques de l’action des viandes sur le risque de cancer .......... 19
A. Le contenu en graisses .................................................................................................. 20
B. Les méthodes de cuisson .............................................................................................. 20
C. Les composés nitrosés .................................................................................................. 22
D. Le fer héminique ............................................................................................................ 22
IV. Conclusion ................................................................................................................... 23
V. Références bibliographiques .......................................................................................... 24
Annexes ................................................................................................................................... 33
OCNH Aout 2011
3
I. Contexte
Le cancer est une maladie chronique multifactorielle. Les facteurs de risque les plus évoqués
sont ceux liés à l’environnement (produits toxiques, pratiques professionnelles, rayonnement
solaire), à la génétique, aux hormones et à des comportements individuels. Parmi ces derniers,
figurent la consommation d’alcool, le tabagisme, la sédentarité et les habitudes alimentaires.
L’identification des habitudes alimentaires ou du rôle des facteurs nutritionnels susceptibles
d’intervenir sur le risque de cancer ont fait l’objet de nombreux travaux depuis près de 40 ans.
Une expertise collective internationale de grande envergure a été mise en place pour analyser
l’ensemble de ces données. Cette expertise, coordonnée par le World Cancer Research Fund
(WCRF) en collaboration avec l’American Institute for Cancer Research (AICR), a publié en
1997 un premier rapport intitulé « Alimentation, Nutrition, Activité Physique et Prévention du
Cancer : une Perspective Mondiale ». En 2007, le WCRF et l’AICR ont publié une mise à jour de
ce rapport prenant en compte l’évolution des connaissances. Ce document officiel repose sur
des revues systématiques et des méta-analyses réalisées à partir de 7 000 articles scientifiques
publiées jusqu’en 2005 et qui ont été soumises à l’évaluation d’un panel de 21 experts
internationaux. Les relations entre de nombreux facteurs alimentaires et de style de vie et 17
types de cancers ont été analysées.
Dans le chapitre consacré à la viande, volaille, poisson et œufs, le panel d’experts émet les
conclusions suivantes :
- « La viande rouge est considérée comme une cause « convaincante » du cancer
colorectal ». Entre 1997 et 2007, la relation statistique entre la viande rouge et le cancer
colorectal est passée du statut de « probable » à celui de « convaincant ». Une méta-
analyse des 16 études de cohortes qu’ils ont prises en compte indique un risque relatif1
(RR) d’avoir un cancer colorectal attribué à la consommation de viande rouge de 1.43
(IC 1.05-1.94) par nombre de consommations/semaine et de 1.29 (IC 95 % 1.04 -1.60)
par 100 g consommé /jour.
- « Les preuves suggérant que la viande rouge est une cause de cancer de l’œsophage,
du poumon, du pancréas et de l’endomètre sont limitées ».
- Les preuves sont également limitées concernant l’implication de la viande rouge dans le
risque de développer d’autres types de cancers
Pour autant, le rapport ne suggère pas d’exclure la viande rouge de l’alimentation. Il
recommande aux individus de limiter leur consommation à moins de 500 g de viande rouge par
semaine, dont une part minime ou nulle de charcuterie.
Cette partie du rapport ne fait pas consensus au sein de la communauté scientifique. Certains
chercheurs s’interrogent sur le choix des études incluses (méthodologie floue, éléments
1 Rapport entre l’incidence d’une maladie chez des sujets exposés à un facteur de risque et l’incidence de cette même
maladie chez des sujets non exposés. Une valeur supérieure à 1 indique une augmentation du risque tandis qu’une
valeur inférieure à 1 correspond à une diminution du risque. Exemple : un risque relatif de 1,28 indique une
augmentation du risque de développer un cancer de 28 % chez des gros consommateurs par rapport à de petits
consommateurs de viande.
OCNH Aout 2011
4
confondants, ...), sur le nombre insuffisant d’études significatives servant au calcul des risques,
sur la grande variabilité parmi les études en terme de nombre de sujet, de durée de suivi ou
encore de produits carnés considérés. Ils remettent en question les conclusions du rapport à
l’image de l’Australien Truswell AS qui note un certain nombre d’erreurs et d’omissions dans
celui-ci.
Depuis 2005, 222 études ont été publiées sur l’association viande et cancer parmi lesquelles
des études de grande envergure et des méta-analyses dont on ne peut, aujourd’hui, ignorer les
résultats.
Fin 2010, une équipe d’experts du WCRF situés à l’Imperial College of London, a publié une
mise à jour des données du rapport de 2007 concernant le cancer colorectal (WCRF/AICR
Systematic Literature Review - Continuous Update Project Report). 263 nouvelles publications
ont été intégrées. Concernant les « viandes rouges et produits dérivés », les données de 10
nouvelles études ont été ajoutées aux 14 études analysées dans le rapport de 2007.
Le risque relatif de cancer colorectal lié à chaque 100g supplémentaire de « viande rouge et
produits dérivés » a été réévalué à :
- 1.17 (IC95 % : 1.05-1.31, p=0.48, 8 études), et l’analyse stratifiée selon le sexe indique un
risque relatif de 1.28 pour les hommes (0.49-3.35, p=0.09, 2 études) et de 1.05 pour les femmes
(0.78-1.42, p=0.28, 3 études)
- 1.12 pour le cancer du colon (IC95 % : 0.97-1.29, p=0.89, 9 études), et l’analyse stratifiée
selon le sexe indique un risque relatif de cancer de 1.06 pour les hommes (0.75-1.50, p=0.977,
2 études) et de 1.00 pour les femmes (0.72-1.38, p=0.6, 4 études)
- 1.18 pour le cancer rectal (IC95 % : 0.98-1.42, p=0.67, 7 études), pas d’analyse stratifiée
selon le sexe.
Concernant les viandes rouges seules, 6 nouvelles études de cohorte ont été intégrées (Butler
et al, 2008 ; Lee et al, 2009 ; Sorensen M et al, 2008 ; Cross AJ et al, 2010 ; Oba S et al, 2006 ;
Nothlings U et al, 2009). La méta-analyse dose-réponse a pu être mises à jour avec l’inclusion
de 2 nouvelles études (Lee et al, 2009 ; Nothlings et al, 2009). Comme la définition de la viande
rouge varie suivant les études (viande rouge fraiche, viande rouge ou combinaison de bœuf,
porc et agneau), les experts ont exclu 3 études ne fournissant pas de détail sur la définition de la
viande rouge (Jarvinen R et al., 2001 ; Lee SA et al., 2009 ; Nothlings U et al., 2009).
L’analyse finale sur le risque de cancer colorectal porte donc sur 12 études de cohorte. Huit
d’entre elles rapportent une augmentation du risque entre les apports les plus élevés et ceux les
plus faibles de viande rouge, dont une est à la limite de la significativité. Deux études rapportent
l’absence d’association et deux autres observent une association inverse mais non
statistiquement significative.
Le risque relatif associé à la consommation de 100 g/ jour supplémentaire de viande rouge
seule a été estimé à :
- 1.21 (IC95 % : 1.06-1.37) pour le cancer colorectal
- 1.12 (0.97-1.31) pour le cancer du colon
- 1.20 (0.99-1.47) pour le cancer rectal.
Comme les analyses du rapport de 2007 combinaient des études sur le cancer colorectal et sur
le cancer du colon et étaient séparées selon les unités de mesures considérées (grammes ou
OCNH Aout 2011
5
fréquence/jour), les auteurs de cette mise à jour ne peuvent pas comparer leurs nouvelles
données à celles de 2007.
L’objet de ce document est de faire le point sur la relation entre la consommation de viande et le
risque de cancer en reprenant les données disponibles jusqu’à fin 2010 sur le sujet.
II. Consommation de viande et risque de cancer :
Au fil des années, les chercheurs ont travaillé sur une grande quantité d’études de types
différents : études écologiques, études de cohorte, études cas-témoins, essais de prévention,
essais contrôlés randomisés, méta-analyse. Aucune d’entre elle ne peut à elle seule fournir
l’ensemble des informations sur le lien complexe existant entre un facteur de risque et une
pathologie. C’est pourquoi connaître la définition de chaque étude, leurs points forts et leurs
limites peut permettre de mieux évaluer la signification de leurs résultats pour avoir une vision
exhaustive du sujet.
A. Ce que nous enseignent les études
Les études examinant l’association entre l’alimentation et le risque de cancer sont, pour
l’essentiel, des études épidémiologiques. Celles-ci procèdent à l’observation de groupes de
personnes sur une période donnée et établissent une corrélation entre leurs caractéristiques
alimentaires et leur risque de cancer.
Il existe trois grandes catégories d’études épidémiologiques : les études transversales, les
études prospectives de cohorte et les études cas-témoins. A celles-ci s’ajoutent des études
d’intervention de deux types, les essais de prévention et les essais contrôlés, dont la
méthodologie n’est pas toujours adaptée à l’étude de la relation entre facteur nutritionnel et
risque de cancer pour des raisons éthiques ou de difficulté de mise en place.
- Les études transversales analysent la corrélation entre la fréquence d’un cancer dans
diverses populations et, par exemple, les apports alimentaires de ces populations. Elles
ont révélé, par exemple, qu’une communauté asiatique, dont l’alimentation comporte
beaucoup de poisson, a un taux de cancer très bas. Ces études permettent seulement la
suggestion d’une relation et ne peuvent pas prouver de lien de cause à effet. En effet, les
populations comparées, souvent définies sur une base géographique, diffèrent à priori
sur bien d’autres facteurs que le facteur alimentaire étudié.
- Les études prospectives de cohorte assurent la collecte de données sur un groupe de
personnes en bonne santé suivi sur de longues années. Elles présentent l’avantage de
mesurer le facteur (apport alimentaire ou statut biochimique) avant que la maladie ne soit
déclarée et d’être menées sur de longues périodes, fait important car le cancer peut
mettre de longues années à se développer. Elles peuvent répondre à une question du
type : les personnes en bonne santé ont-elles consommé davantage de fruits et légumes
? Elles visent à montrer l’existence d’une séquence chronologique entre l’exposition et la
survenue de la maladie, d’un effet dose-réponse (plus l’exposition est importante, plus le
1 / 35 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !