Chapitre 4 : La cellule bactérienne, paroi et structures I. La paroi cellulaire Les bactéries sont majoritairement divisées en deux groupes selon leur type de paroi, les Gram+ et les Gram-. Le type de paroi d’une espèce peut en effet être défini par l’observation des bactéries au microscope après une coloration de Gram (Fig.2), qui colore les cytoplasmes des bactéries Gram+ en violet et des Gram- en rose. La différence de couleur obtenue par la coloration de Gram s’explique par une différence structurelle au niveau de la paroi des bactéries (Fig.1). Les bactéries Gram+ ont une paroi très épaisse, et une seule membrane. Les bactéries Gram- ont une paroi globalement plus fine et plus fragile, mais deux membranes lipidiques. Cette différence a une origine évolutive, puisqu’en effet ces deux groupes sont éloignés au niveau évolutif ; l’identification du type de membrane d’une espèce bactérienne permet donc de la classer dans l’un des deux grands groupes évolutifs des bactéries. Dans les deux cas, le peptidoglycane est un composant essentiel de la paroi bactérienne. Ce complexe formé de sucres et de protéines forme un maillage régulier et solide qui participe à la solidité de la paroi et donc à la résistance de la bactérie aux changements environnementaux. Chez les Gram+, le peptidoglycane est épais (20 à 80 nanomètres) et situé à l’extérieur de l’unique membrane plasmique. Chez les Gram-, il est plus fin (5 à 8 nanomètres) et situé entre les deux membranes interne et externe. La membrane plasmique, qui est donc unique chez les Gram+ et double chez les Gram-, est composée d’une bicouche lipidique, tout comme la membrane des eucaryotes. L’espace située entre les deux membranes des bactéries Gram- est appelé le périplasme ; leurs deux membranes sont appelées membranes interne et externe. Des protéines sont ancrées sur les deux membranes des Gram- et celle des Gram+. Ces protéines peuvent avoir des parties exposées vers le cytoplasme, le périplasme ou le milieu extérieur. Elles servent à la communication entre les bactéries, la détection des conditions environnementales, la prise de nutriments dans le milieu, le déplacement, ou encore la sécrétion de protéines vers l’extérieur. Les bactéries Gram- possèdent une grande molécule externe appelée lipopolysaccharide (LPS). Celle-ci est composée d’une partie lipidique qui permet son ancrage dans la membrane externe et d’une longue chaîne de sucres. Cette molécule participe à la stabilisation de la paroi des Gram-. De façon intéressante, sa composition est très différente entre les espèces et légèrement différentes entre les différentes souches d’une même espèce. Quand deux souches d’une même espèce ont un LPS différent, on parle de sérotypes différents. Le LPS est donc souvent utilisé comme marqueur d’identification d’un échantillon bactérien. De plus, cette molécule est facilement reconnue par le système immunitaire humain, et sa détection entraîne une inflammation et une réponse immunitaire ; le LPS est, du point de vue humain, un élément important de la réponse immunitaire face aux infections bactériennes. Gram négatives Gram positives Milieu extracel lulaire Milieu extracel lulaire Membr ane externe Péri plas me Memb rane intern e Membr ane plasmiq ue Cy top las me Cy top las me Légende : Protéines Phospholipides (membrane) Peptidoglycane LPS Fig. 1 : Structure de la paroi des bactéries à Gram négatif et à Gram positif. Violet : Gram+ Coloration au cristal violet Décoloration à l’alcool 95° Contrecoloration à la safranine Rose : Gram- II. Fig. 2 : Principe de la coloration de Gram. L’étape dans l’alcool permet la décoloration des cellules, uniquement si elles sont Gram-, l’alcool ne pouvant franchir la couche de PDG des Gram+. La contre-coloration à la safranine marque les deux types de cellules mais ne se voit que sur les Gram- parce qu’elles ont été décolorées ; le rose ne se voit pas sur le fond déjà violet des Gram+. La couleur des cellules est déterminée par observation au microscope. II. Les structures de surface Plusieurs types de structures peuvent être observables en surface chez certaines espèces sous certaines conditions seulement. On parle de structures de surface optionnelles. Les gènes correspondants peuvent ne pas être présents chez toutes les espèces d’un même genre, voire même toutes les souches d’une même espèce. Ces gènes peuvent aussi n’être exprimés que sous certaines conditions, comme par exemple le manque ou l’abondance de nutriments dans le milieu, la présence d’un support d’adhésion, ou encore les conditions d’humidité. Le flagelle est une structure de taille importante, sa longueur pouvant atteindre le double de la longueur de la cellule. Le flagelle sert à la motilité (avec un T !), c’est-à-dire la capacité de la bactérie à nager en milieu liquide. Les bactéries peuvent avoir un ou plusieurs flagelles. Leur disposition peut être différente selon les espèces : monotriche (à une seule extrémité de la cellule), amphitriche (aux deux pôles de la cellule), péritriche (tout autour de la cellule) ou lophotriche (en touffe à une extrémité). Les bactéries sans flagelles sont parfois appelées atriches. Au sein d’une seule espèce, toutes les bactéries présentent la même disposition flagellaire. Le flagelle peut être observé au microscope optique après coloration à la fuschine de Leifson. Monotriche Lophotriche Amphitriche Péritriche Fig. 3 : Représentation des différentes morphologies flagellaires possibles. Le filament du flagelle est constitué d’une protéine appelée flagelline. La base du flagelle assure son ancrage dans la paroi, à travers les membranes plasmiques et le peptidoglycane. Le flagelle tourne sur lui-même à une vitesse importante (200 à 1000 tours/min). Cette propulsion est assurée par l’énergie tirée de la force protomotrice, c’est-àdire l’énergie créée par la sortie des électrons issus du métabolisme, hors de la cellule. La vitesse qui peut être atteinte par les bactéries flagellées est extrêmement importante, certaines espèces se déplaçant à 60 fois leur longueur par seconde. Par comparaison, Usain Bolt atteint 6,2 fois sa taille par seconde, dans un milieu (l’air) beaucoup moins visqueux que l’eau ; un guépard en pleine course peut atteindre 25 fois sa longueur par seconde. Les pili (singulier : pilus) sont des structures de surface composés de protéines assemblées en filaments, les pilines. On distingue d’abord les pili communs ou fimbriae, courts, qui servent à l’attachement aux surfaces et aux déplacements en milieux semi-solide (motilité par « swarming » ou « gliding »). Les pili communs recouvrent toute la surface de la bactérie. Les pili sexuels sont beaucoup plus longs, bien que composés aussi de pilines ; il n’y en a généralement qu’un par cellule. Ils sont encodés par des gènes présents sur certains plasmides, les plasmides conjugatifs (mécanisme de conjugaison). Les pilis sexuels sont produits par les bactéries porteuses de ces plasmides (bactérie donneuse), et servent à entrer en contact avec d’autres bactéries (bactérie receveuse). Lorsque le contact est établi, les pilis sexuels servent de tunnel pour le transfert d’une copie du plasmide conjugatif vers la bactérie receveuse. Le terme « sexuel » est donc un abus de langage puisqu’il ne s’agit pas de sexualité mais de transfert horizontal de gènes. Les pili de transformation sont encore mal connus mais serviraient à capter de l’ADN libre à l’extérieur de la cellule, afin de réparer le chromosome bactérien ou d’acquérir de nouveaux gènes selon un mécanisme que l’on appelle la transformation naturelle. La capsule est une couche épaisse de sucres (jusqu’à plusieurs micromètre, soit la longueur moyenne d’un bacille !), retrouvée chez quelques espèces seulement. Ces sucres sont sécrétés à l’extérieur de la paroi cellulaire et forment un maillage épais autour de la cellule. Ils peuvent la protéger des conditions environnementales, des virus (bactériophages) et du système immunitaire. Cette structure est principalement retrouvée chez les bactéries pathogènes. La capsule peut être observée par une coloration à l’encre de chine ou à la nigrosine, des colorants sombres capables de marquer l’environnement de la bactérie mais pas la capsule ni la cellule. III. Les spores et endospores Certains bacilles Gram positifs (Bacillus, Clostridium…) ont développé une stratégie de résistance très efficace face aux changements environnementaux. Confrontées à un stress (manque de nutriments, baisse de température, dessiccation…), ces espèces développent à l’intérieur du cytoplasme une structure qui englobe le matériel génétique, et sous l’action de pompes protéiques, l’assèchent complètement. Cette structure est appelée endospore, tant qu’elle est dans la cellule. Le processus de formation de l’endospore entraîne par la suite l’éclatement du reste de la cellule et le relargage de l’endospore, qu’on appelle alors simplement spore. Cette spore n’est pas active métaboliquement et ne se déplace pas activement. Elle ne sert qu’à assurer la survie de la bactérie jusqu’à ce que les conditions environnementales s’améliorent. A ce moment-là, la spore va se gorger d’eau, reprendre son métabolisme et redevenir un bacille. Ces spores sont extrêmement résistantes aux stress (températures >80°C, antibiotiques, détergents) et pourraient rester sous cette forme plusieurs dizaines d’années. Elles représentent donc un véritable danger lors de la stérilisation de matériel à des fins médicales. Afin de déterminer si un échantillon bactérien contient des spores ou s’il s’agit de coques d’une autre espèce, il faut réaliser un marquage au vert de Malachite (marquage de Schaeffer–Fulton), qui est capable de marquer les spores et endospores. QCM 1. La coloration de Gram : A. Permet de marquer le LPS B. Permet de déterminer le type de paroi C. Colore les Gram+ en rose et les Gram- en violet D. Utilise de la safranine et du vert de Malachite 2. La paroi des bactéries Gram+ : A. Est épaisse du fait de sa couche de LPS B. Comporte deux membranes C. Est épaisse du fait de sa couche de PDG D. A une seule membrane faite d’une monocouche lipidique 3. La paroi des bactéries Gram- : A. Est globalement moins épaisse que celle des Gram+ B. Contient du PDG entre la membrane externe et le milieu extracellulaire C. Est dépourvue de protéines D. Est moins fragile que celle des Gram+ du fait des deux membranes 4. Le LPS : A. Empêche l’alcool de rentrer dans la cellule lors de la coloration de Gram B. Protège les bactéries des détergents C. Permet aux bactéries d’échapper au système immunitaire D. Est ancré dans la membrane externe par une partie lipidique 5. Le flagelle : A. Est toujours présent en plusieurs exemplaires B. Sert à l’adhésion aux supports C. Permet la motilité des bactéries D. Participe à la conjugaison 6. Les bactéries ayant une touffe de flagelles sont appelées : A. Amphitriches B. Lophotriches C. Péritriches D. Situchercheslaréponsedansletextetutriches 7. Les fimbriae sont : A. Les flagelles polaires B. Les pili sexuels C. Les pili communs D. Les pili conjugatifs 8. La capsule sert à : A. Echapper au système immunitaire B. Echapper aux amibes C. Augmenter la motilité D. Remplacer le PDG 9. Les endospores sont présentes : A. Chez certains coques gram-négatifs B. Chez certains bacilles gram-négatifs C. Chez certains coques gram-positifs D. Chez certains bacilles gram-positifs 10. Les endospores : A. Sont visibles par marquage au vert de Machalibe B. Se forment autour du noyau des bactéries C. Sont capables de motilité D. Permettent la survie dans le sol pendant l’hiver Correction : 1.B 2.C 3.A 4.D 5.C 6.B 7.C 8.A 9.D 10.D