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UNIVERSITÉ PARIS IV - SORBONNE
Ecole doctorale VI
Discipline : Archéologie et Histoire de l’art
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THÈSE DE DOCTORAT
Présentée et soutenue publiquement
Par Guy BELLOCQ
Le 17 décembre 2012
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Les peintures murales des roues de la vie
dans le monde indien et himalayen
Etude iconographique
POSITION DE THÈSE
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Directeur de thèse : Edith PARLIER-RENAULT
Jury :
Nathalie BAZIN
Bruno BRUGUIER
Antoine GOURNAY
Vincent LEFÈVRE
Edith PARLIER-RENAULT
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POSITION DE THÈSE
L’une des images les plus célèbres du bouddhisme himalayen est la roue de la vie ou
des existences (bhavacakra), elle représente les différents mondes de renaissances de la
cosmologie bouddhique et les mécanismes qui y conduisent ; située à l’extérieur des temples,
elle accueille les populations locales qui viennent faire leurs dévotions ou participer aux fêtes
religieuses dans les monastères, elle attire et intrigue les étrangers qui visitent les pays de la
chaîne himalayenne. Le spectateur ne peut qu’être frappé par la complexité des scènes
représentées, la variété des dessins, des couleurs, des mises en scène, des emplacements, ce
qui conduit à s’interroger sur les causes et l’histoire de ces changements.
La genèse des connaissances de notre sujet révèle bien des surprises : connu en
Occident dès le début du XVIII
ème
siècle, elle est, d’abord, assimilée à une représentation du
zodiaque avant que Waddell n’identifie, à la fin du XIX
ème
siècle, la roue des renaissances et
ne fasse une description détaillée de ses fondements doctrinaux.
Puis la recherche des sources de son iconographie a conduit les chercheurs à
découvrir qu’un texte daté des premiers siècles de notre ère, le Vinaya des Mūlasarvāstivādin,
en racontait l’invention par le Bouddha Śākyamuni ; le récit mélange le merveilleux et
l’histoire : son disciple Maudgalyāyana voyageait dans les différents mondes de renaissances
et témoignait de leur réalité à son retour dans le monde des humains ; conscient qu’après la
disparition de ce disciple il fallait trouver une méthode pérenne d’explication du processus
samsarique, le Bouddha historique demande à des moines d’installer, dans un lieu passant,
une peinture représentant les différents mondes de renaissance, les mécanismes qui
déterminent le cycle samsarique et la possibilité de s’en échapper en suivant ses
enseignements : l’image de la roue de la vie était née.
Nous avons réalisé ensuite une analyse détaillée de ses composantes pour en
comprendre l’origine, les différentes illustrations, leurs évolutions ; composantes constituées
des « poisons », des existences intermédiaires, des mondes de renaissances, des liens de
causalité, des obstacles rencontrés pour se libérer du cycle samsarique et, enfin, de la
possibilité d’atteindre le nirvāṇa, c’est-à-dire l’ensemble du catéchisme bouddhique.
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Les poisons, les facteurs perturbant l’esprit, sont constitués, selon le Vinaya, de
l’ignorance, du désir et de la haine ; cette normalisation conceptuelle est postérieure aux
textes canoniques primitifs mais elle est très vite établie et son iconographie arrêtée sous
forme d’un porc, d’un pigeon et d’un serpent.
Nous rentrons dans la cosmologie bouddhique avec les existences intermédiaires qui
séparent deux renaissances : l’être qui y séjourne est immatériel, il se nourrit d’odeurs, il erre
pendant une période de temps limitée qui ne peut dépasser quarante-neuf jours et renaît
lorsque « les causes nécessaires à la renaissance sont réunies ».
Les destinées de renaissances comprennent à l’origine, les dieux, les enfers, les
humains, les animaux et les êtres affamés (les preta) ; le monde des dieux jaloux (les asura)
est venu se greffer à ces destinées, il semble correspondre à un regroupement de déités locales
assimilées par le bouddhisme au fur et à mesure de son expansion géographique. En réalité, la
plus grande partie des mondes de renaissance se sont construits par intégration de panthéons
extérieurs au bouddhisme : les animaux ont accueilli les Garuda, les Nāga, les Makara, les
dragons ; les preta ont intégré des êtres originaires de continents, de mers, de montagnes,
d’îles … ; les dieux regroupent une trentaine de catégories de déités dont on trouve parfois les
noms et les sources dans le védisme et le brahmanisme.
Ce sont surtout les enfers qui nous fournissent l’exemple le plus marquant : les textes
anciens réputés antérieurs ou contemporains du début de l’ère commune reconnaissent un seul
enfer central entouré de quatre enfers secondaires ; les littératures postérieures, en intégrant
des enfers ou des tortures spécifiques aux cultures védiques, brahmaniques et iraniennes,
décrivent huit enfers brûlants entourés de cent-vingt-huit enfers secondaires, de huit à dix
enfers glacés et toute une série de tortures généralement regroupées dans les enfers de Yama.
Selon quel mécanisme arrive-t-on dans ces différents mondes ? Les textes donnent des
listes d’actes qui conduisent aux différentes destinées mais leurs informations sont loin d’être
uniformes, elles sont même parfois contradictoires, un même acte pouvant conduire, selon le
texte, dans deux mondes différents. On distingue cependant des dominantes, le meurtre, le
vol, la violence, la haine conduisent en enfer, la cupidité chez les preta, la bêtise chez les
animaux, la jalousie chez les asura, l’orgueil chez les deva ; puis les séjours dans les
différentes destinées s’enchaînent jusqu’à épuisement des rétributions des actes effectués
selon des processus qui ne sont pas explicités.
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L’autre mécanisme, non plus laux actes, mais aux phénomènes externes (la nature)
ou internes et spécifiques aux êtres humains dans le cas de la roue de la vie, est celui des liens
de l’enchaînement causal, de l’interdépendance des phénomènes composés qui régissent tous
ces phénomènes dans leurs relations causales. Ces liens, généralement arrêtés au nombre de
douze, expliquent, dans notre vie, le mécanisme de la souffrance, et d’une manière générale,
l’enchaînement des existences.
Les freins à la libération du cycle des renaissances sont illustrés par des images
symbolisant l’Impermanence, ce caractère transitoire de tout phénomène dont la prise de
conscience est nécessaire à l’atteinte du nirvāṇa symbolisé par un tertre blanc, grâce à
l’enseignement de Śākyamuni, rappelé par deux quatrains qui promettent de quitter « la mer
des souffrances » à ceux qui pratiquent la doctrine du Bouddha.
Suit alors dans notre thèse, la description et l’analyse de soixante-dix-neuf roues de la
vie réparties sur les territoires actuels du Bhoutan (quatorze), de l’Inde (vingt-six), du Népal
(quatorze) et de la Chine (vingt-cinq).
Le Bhoutan présente le grand intérêt d’être un petit pays, peu peuplé, d’une grande
unité politique et religieuse, le bouddhisme des Druk-pa Kagyü est religion d’Etat. Malgré ces
dominantes, il est intéressant de relever la diversité des roues observées. Treize des quatorze
roues présentent une architecture récurrente de quatre cercles concentriques comportant, du
centre vers l’extérieur, les poisons, les existences intermédiaires, les mondes de renaissances
et les liens de causalité. Cependant la taille de chaque cercle, les couleurs utilisées, les
illustrations de chaque thème sont toujours différents ; on retrouve les mêmes variations à
l’intérieur d’une même enceinte à l’exemple des quatre roues situées dans le Dzong de
Trongsa, ou des deux roues du Dzong de Paro ; en outre, à l’intérieur d’une seule et même
enceinte monastique comme celle de Trongsa, nous trouvons quatre roues que tout
différencie, les contenus, les couleurs, l’organisation des thèmes, le style, les dimensions : il
n’existe pas au sein d’un même établissement, de tradition d’unité ou de parenté
iconographiques pour les peinture des roues de la vie.
La quatorzième roue, située à Trashi Yangtse, présente des spécificités bien
différentes : poisons, existences intermédiaires et destinées de renaissance comportent parfois
des dessins enfantins mais nous relevons deux absences significatives dans le message de la
roue, celle des liens de causalité, notion pourtant indispensable à l’explication du mécanisme
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samsarique, et celle du Yaka de l’Impermanence simplement suggérée par deux canines qui
sortent d’un support de maçonnerie du mur où nous trouvons la peinture.
Contrairement au Bhoutan, les roues étudiées en Inde sont réparties sur un vaste
territoire, elles s’étagent sur quinze siècles, elles s’observent dans des temples relevant des
différentes sectes du bouddhisme tantrique, à l’exception d’Ajaṇṭā.
Les vestiges de cette dernière roue, datée du V
ème
siècle, sont riches d’enseignements :
son ancienneté en fait remonter l’iconographie à plus de quinze siècles mais la qualité des
vestiges conservés laisse penser que la roue de la vie était, déjà à l’époque, un thème
iconographique structuré, abouti ; sa situation dans le Mahārāṣṭra montre la présence de notre
thème dans des régions bien éloignées des zones himalayennes, refuge principal actuel des
peintures des roues de la vie ; le nombre de nidāna représentés était supérieur à douze et
probablement proche des dix-huit prévus par les textes anciens, ce qui montre l’absence de
normalisation iconographique historique.
Cette absence de normalisation touche tous les thèmes : les existences intermédiaires
d’Alchi et de Tabo situées au niveau de la jante se présentent sous la forme d’une noria, elles
ne sont pas placées au centre de la roue avec leurs cortèges d’humains plongeant vers les
mauvaises destinées ou montant vers les mondes favorables ; celles de Tikse, au prix d’une
belle et unique création iconographique, nous montre un puits dans lequel les êtres prennent la
forme de leur nouvelle condition au moment de la sortie du monde intermédiaire.
Les roues de Dagthag et d’Hémis 2 sont placées sous la protection « iconographique »
du Bodhisattva Avalokiteśvara : sa syllabe-germe HRI figure dans le moyeu de Dagthag et sa
représentation dans celui d’Hémis 2 ; une syllabe de son célèbre mantra O MAI PADME
HŪṂ est inscrite à l’intérieur de chaque destinée (Dagthag) ou en face (Hémis 2).
L’observation des mondes de renaissances montre que les scènes, les tailles
respectives, les couleurs dominantes, diffèrent dans chaque cas.
Nous retrouvons les mêmes variations dans la taille des Yaka rapportée à la
dimension de la roue, dans leurs couleurs, dans leurs postures de saisie, dans leurs
mouvements dans l’espace.
L’extérieur des roues présente un Bouddha Śākyamuni toujours différent ; parfois y
figure Amitabha qui va accueillir les êtres dans un paradis intermédiaire et externe aux
mondes samsariques, influence directe de l’école de la « Terre Pure ». Le style peut faire
ressortir la roue et son message : les paysages intérieurs et extérieurs à la roue de Jogsar
présentent une même esthétique alors qu’ils s’opposent visuellement à Hémis 1.
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