Pr. P. WAUTHY - L’équilibre hydro-électrolytique en chirurgie
Année académique 2012-2013 1/13
L’équilibre hydro-électrolytique en chirurgie
La période postopératoire immédiate est caractérisée par la survenue d’une rétention
hydrosodée secondaire aux conséquences du stress chirurgical induit. La modification de
volume ainsi que de la composition des liquides corporels peuvent en outre être
influencés de façon iatrogène par la perfusion de liquide en période per- et post-
opératoire immédiate. Il est donc important de maîtriser les mécanismes physiologiques
de la régulation de l’équilibre hydro-électrolytique, ainsi que les modifications
physiopathologiques observées en période péri-opératoire chez les patients
chirurgicaux.
1. Les différents compartiments hydriques
L’eau totale de l’organisme représente entre 50 et 70 % du poids corporel. Des
variations individuelles peuvent être observées selon l’âge, le sexe et la corpulence des
patients. Si les tissus graisseux contiennent peu d’eau, les muscles, eux, en sont
particulièrement riches. Il est donc logique d’observer une quantité d’eau totale
supérieure chez les patients jeunes, de sexe masculin et ne souffrant pas d’obésité. S’il
est difficile de déterminer en routine le volume total d’eau qui compose les patients, les
variations de cette eau peuvent être appréciées aisément en pratique clinique en suivant
l’évolution de la courbe de poids.
L’eau corporelle totale se répartit dans deux grands compartiments :
Le compartiment intracellulaire qui contient 2/3 de l’eau corporelle totale.
Le compartiment extracellulaire qui contient 1/3 du poids corporel total. Ce
dernier compartiment se répartit entre deux secteurs : le compartiment
intravasculaire qui contient 1/4 du volume de ce compartiment
extracellulaire, soit 5 à 6 % de la masse corporelle totale, et le compartiment
extravasculaire ou interstitiel qui contient les 3/4 du compartiment
extracellulaire, soit approximativement 15 % du poids corporel total.
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La composition électrolytique des compartiments intra- et extracellulaires est fort
différente :
C
OMPARTIMENT INTRACELLULAIRE
C
OMPARTIMENT EXTRACELLULAIRE
Cations : potassium et magnésium
essentiellement Cations : sodium essentiellement
Anions : phosphore et protéines Anions : chlore et bicarbonate
Au niveau du compartiment extracellulaire, la membrane capillaire séparant le
compartiment intravasculaire et le compartiment interstitiel est hautement
perméable aux électrolytes. La composition électrolytique du compartiment
intravasculaire et interstitiel est donc hautement proche. Seule la différence de
concentration en protéines de ces deux milieux (élevée en intravasculaire et pauvre
en interstitiel) explique qu’en vertu de l’équilibre de Gibbs-Donnan le compartiment
interstitiel soit plus riche en anions Cl
-
.
Equilibre de Gibbs-Donnan : explique le comportement de particules chargées de part et
d’autre d’une membrane semi-perméable.
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Deux règles sont impliquées dans cet équilibre :
Règle 1
A l’équilibre, il y a électroneutralité dans chaque compartiment.
Règle 2
Le produit des concentrations des cations et des anions diffusibles est égal de
chaque côté de la membrane.
La conséquence de l’équilibre de Gibbs-Donnan est que l’osmolarité du compartiment
intravasculaire est plus importante que celle du compartiment interstitiel, de l’ordre
de 1 à 2 mOsm/kg d’eau. Cela aura pour conséquence que le compartiment
intravasculaire aura une propension à « retenir de l’eau ». C’est ce que l’on appelle la
pression oncotique. Celle-ci est due à la présence des protéines.
Les échanges entre le compartiment intravasculaire et interstitiel sont conditionnés
par la loi de Starling. Celle-ci tient compte non seulement de la pression oncotique
qui tend à faire rentrer du liquide dans le compartiment intravasculaire
(plasmatique), mais également de la pression hydrostatique qui tend, elle, à faire
sortir ce liquide. Il faut alors différencier le coté artériel et le côté veineux des
capillaires qui sont la seule partie du réseau vasculaire dotée de membrane semi-
perméable. La présence d’une résistance capillaire explique que la pression
hydrostatique s’effondre en passant du côté artériolaire au côté veineux. Par
ailleurs, la pression oncotique, elle, reste constante du côté arriolaire au côté
veineux.
Extrémité Artérielle Extrémité Veineuse
35 mmHg Pression Hydrostatique 17 mmHg
26 mmHg Pression Oncotique 26 mmHg
0 mmHg Pression Hydrostatique 0 mmHg
1 mmHg Pression Oncotique 1 mmHg
Liquide interstitiel
Cellules
Intravasculaire
35 mmHg Pression Hydrostatique 17 mmHg
25 mmHg Pression Oncotique 25 mmHg
10 mmHg (OUT) -8 mmHg (IN)
Bilan
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La pression oncotique du compartiment intravasculaire est de l’ordre de -25 à -
30 mm Hg. Cela implique que ce compartiment a tendance à « retenir » de l’eau. Elle
est identique côté artériolaire et veineux.
La pression hydrostatique du côté artériolaire capillaire est de l’ordre de 35 mm Hg.
Cette pression chute à une valeur de 10 à 20 mm Hg du côté veineux.
Dans notre figure ci-dessus, le bilan des additions des pressions oncotiques et
hydrostatiques donne une valeur nette de l’ordre de 10 mm Hg sur le versant
artériolaire et de l’ordre de -8 mm Hg sur le versant veineux des capillaires.
A l’opposé de la membrane capillaire, la membrane cellulaire qui sépare le liquide
intracellulaire du liquide extracellulaire est perméable à l’eau mais pas aux
électrolytes. Les mouvements liquidiens au travers de la membrane cellulaire seront
dès lors influencés essentiellement par les pressions osmotiques du milieu intra- et
extracellulaire. La règle de base de ces échanges est que l’osmolarité de ces deux
compartiments doit être identique (soit environ 290 mOsm/kg H
2
O). Les substances
présentes dans chaque compartiment influent donc sur l’osmolarité totale en
proportion avec leur concentration molaire. Dans le compartiment extracellulaire,
l’osmolarité est essentiellement assurée par la présence du sodium et de ses
différents sels. A l’opposé, dans le compartiment intracellulaire il s’agit du
potassium.
C’est le rein qui assure en agissant sur la composition du compartiment
extracellulaire le contrôle du volume total et de la composition des liquides
corporels. Son action porte essentiellement sur le sodium et ses différents sels,
responsables majoritairement de l’osmolarité.
Deux régulations rénales sont à distinguer :
La filtration et la réabsorption de sodium. Celle-ci adapte l’excrétion urinaire
de sodium aux variations de l’apport alimentaire grâce à l’effet de
l’aldostérone.
La régulation de l’excrétion d’eau grâce à l’effet de l’hormone antidiurétique
(ADH).
En cas de faible apport hydrique, l’osmolarité urinaire peut être élevée à 4 fois à la
valeur plasmatique. Celle-ci peut dès lors atteindre de l’ordre de 1200 mOsm/kg.
A l’inverse si l’apport d’eau est important, le rein peut excréter celle-ci de façon
importante en réduisant l’osmolarité urinaire d’un facteur 6, soit 50 mOsm/kg.
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Plusieurs hormones sont impliquées dans la régulation des mouvements d’eau :
L’aldostérone est sécrétée par les glandes surrénales. Cette sécrétion est
stimulée par trois mécanismes : l’un impliquant l’angiotensine II, le second
impliquant l’ACTH et le troisième impliquant la kaliémie. L’aldostérone
augment la réabsorption de sodium au niveau du tube rénal distal. Cette
réabsorption de sodium s’accompagne d’une excrétion identique de potassium.
L’effet final de l’aldostérone est d’augmenter le volume du compartiment
extracellulaire.
L’angiotensine II est sécrétée suite à une stimulation par la rénine produite
au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire rénal. La sécrétion de rénine répond
à trois stimuli :
1. Le système nerveux sympathique.
2. La baisse de la pression artérielle.
3. La présence d’une déplétion sodée.
Outre son effet sur l’aldostérone, l’angiotensine II a un effet
vasoconstricteur sur le rein qui augmente la filtration glomérulaire.
L’ADH ou arginine vasopressine. C’est probablement le facteur principal de la
régulation des mouvements hydriques de l’organisme. L’osmolariplasmatique
régule sa sécrétion : une augmentation de 2 mOsm/litre de l’osmolarité
plasmatique suffit à stimuler sa sécrétion. Outre l’osmolarité, une
hypotension artérielle stimule également la sécrétion d’ADH. L’ADH agit sur
la réabsorption d’eau à la hauteur du tube collecteur rénal. Elle permet de
négativer la clearance en eau libre. Mais elle possède également une activi
vasoconstrictrice ayant pour effet au niveau splanchnique de mobiliser un
volume sanguin resté « en réserve ». Sous une osmolarité plasmatique de
285 mOsm/litre la sécrétion en ADH devient nulle.
L’ANF (atrial natriuretic factor) est sécrétée par les myocytes de l’auricule
gauche en majorité et droit en minorité. Une distension des auricules suite à
une augmentation de la volémie s’accompagne d’une stimulation de la sécrétion
d’ANF. D’autres facteurs stimulant la sécrétion d’ANF peuvent être observés
durant une intervention chirurgicale :
1. L’administration de morphinique.
2. Une stimulation bêta-adrénergique.
3. L’aldostérone.
4. Une tachycardie.
L’ANF a un effet diurétique et natriurétique par son action sur la filtration
glomérulaire et son effet inhibiteur sur la réabsorption de sodium au niveau
tubulaire. Elle agit également en relaxant les fibres musculaires lisses des
artères induisant une chute de la tension artérielle. L’ANF réduit la sécrétion
de rénine, d’aldostérone et de catécholamine également. Le bilan global des
actions de l’ANF est de lutter contre une surcharge hydrique de l’organisme.
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