Chapitre 1
Thermodynamique générale
1. Définitions
1. 1. Systèmes thermodynamiques
Un système thermodynamique est une portion de l'univers dont les limites sont déter-
minées par une surface immatérielle. C'est un objet macroscopique qui doit donc contenir
assez de molécules pour que les fluctuations d'origine moléculaire y soient négligeables.
Ainsi un verre d'eau, une pile, une étoile, un moteur thermique sont des systèmes thermo-
dynamiques.
Les systèmes chimiques, seuls considérés ici, sont constitués uniquement de composés
chimiques qui en sont les constituants.
L'état d'un système chimique est caractérisé par des variables d'état qui mesurent deux
types de grandeurs
x physiques : pression p, volume V, température T
x chimiques : quantité de matière ni (mol) de chaque constituant i.
Un système est homogène si toutes ses parties ont les mêmes propriétés. Un système
hétérogène est formé de plusieurs portions homogènes différentes appelées phases.1
1. 2. Variables d'état extensives et intensives
Les variables d'état d'un système homogène, qu'elles soient physiques ou chimiques, se
classent en deux catégories :
x Variables extensives Yi. Elles mesurent une quantité de "quelque chose" : es-
pace (volume), matière, électricité (charge) ... Une variable extensive est une
fonction homogène et du premier degré de la taille2 du système : si l'on multi-
plie cette taille par un facteur O la variable extensive Yi prend la valeur OYi. Par
exemple les variables V et ni sont extensives.
x Variables intensives. Elles mesurent une qualité du système indépendamment
de sa taille. C'est le cas de T et p, mais aussi de la masse volumique U = m/V
(m = masse du système). Le volume molaire d'un corps pur Vm = V/n = M/U
(M = masse molaire) est un exemple de variable intensive molaire. C'est la va-
leur de la variable extensive V pour 1 mol de corps pur, d'où un risque de con-
fusion entre V et Vm, ou plus généralement entre Y et Ym.
Soit un système chimique homogène et comportant un seul constituant. Pour une gran-
deur Y extensive la grandeur molaire correspondante est Ym = Y/n.
1 Dans les systèmes réels les propriétés (température, composition, …) varient généralement de façon
continue. Ils ne sont homogènes qu'à l'échelle de chaque petit élément de volume.
2 Certains systèmes thermodynamiques sont à une dimension (fil) ou à deux dimensions (interface). Leur
taille est alors déterminée respectivement par une longueur ou une aire.
Chapitre 1 Définitions 19
Comme Y = n Ym la dérivée de Y à T et p constants1 est aussi égale à Ym d'où
m
T,p
YY
Ynn
§·
w
¨¸
w
©¹
(1)
EXERCICE Le volume V de 1 kg de benzène (M = 78,1 g/mol) est égal à 1141 cm3. De com-
bien ce volume augmente t'il lorsqu'on ajoute 0,5 mol de benzène ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SOLUTION La quantité de benzène dans 1 kg est n = 1000/78,1 = 12,804 mol, d'où le vo-
lume molaire Vm = V/n = 89,1 cm3/mol. L'augmentation de volume est dV = Vm dn = 44,55 cm3.
1. 3. Échanges
Un système thermodynamique subit généralement des
échanges avec l'extérieur. En chimie on se limite en
principe aux échanges de chaleur, de travail des forces
de pression et de matière.
Un système fermé n'échange pas de matière, sinon il est
ouvert. Un système isolé n'échange rien. Les réacteurs
chimiques du laboratoire sont des systèmes fermés. 2
Pour étudier les échanges on considère l'extérieur (ou
entourage) comme un système complémentaire du système étudié. Le plus souvent le sys-
tème extérieur impose des contraintes au système considéré, par exemple une température
constante (thermostat).
L'évolution d'un système d'un état initial à un état final est un processus thermodyna-
mique. Un processus parmi d'autres est le transfert d'une quantité de chaleur q ou de tra-
vail w de l'extérieur vers le système. Un tel processus fait passer d'un état initial (1) à un
état final (2). La variation Z2 Z1 ou Z(2) Z(1) de la variable d'état Z est alors notée 'Z.
Noter que les variations des variables d'état ne sont pas, en général, reliées de façon uni-
voque à q et w. 3
Un processus infinitésimal est un processus d'amplitude suffisamment petite pour que
les variables d'état du système restent pratiquement inchangées. La petite variation d'une
variable d'état Z est alors notée dZ. Les quantités infinitésimales de chaleur ou de travail
reçu seront notées4 dq et dw.
En thermodynamique chimique on compte positivement le travail et la chaleur reçus
par le système. Ce qui est reçu par l'extérieur sera désigné par l'indice ext, par exemple la
quantité de chaleur dq reçue par le système est égale à dqext.
1 Cette dérivée est banale pour un constituant pur, mais elle ne l'est pas en solution où ce type de dérivée
définit la grandeur molaire associée à chaque constituant.
2 Au contraire les réacteurs de l'industrie sont généralement des systèmes ouverts. Ils fonctionnent de fa-
çon continue et le plus souvent dans un état stationnaire (sans variation des variables d'état).
3 De façon plus sommaire on dit que q et w ne sont pas des variables d'état.
4 Certains ouvrages les notent Gq et Gw pour ne pas les confondre avec la différentielle dZ de la variable
d'état Z.
20 Chapitre 1 Thermodynamique générale
1. 4. Processus réversible, équilibre, variables de tension.
La notion de processus réversible est d'une importance fondamentale pour la compré-
hension de la thermodynamique chimique.
Figure 1 - Deux systèmes avec échanges : (a) Mécaniques ; (b) Thermiques.
Pour visualiser un tel processus il est commode de prendre comme exemple un gaz en-
fermé dans un cylindre par un piston sans frottement (Fig.1a). Selon la valeur relative de
la pression p du gaz et de celle pext de l'extérieur trois cas sont possibles :
x si p = pext le piston ne se déplace pas et le gaz est en équilibre avec l'extérieur
x si p > pext le piston se déplace vers la droite et le gaz fournit du travail à l'exté-
rieur (dw < 0)
x si p < pext le piston se déplace vers la gauche et le gaz reçoit du travail (dw > 0).
Si, à partir de l'état d'équilibre, la pression p = pext diminue de H le gaz se contracte, et
au contraire il se dilate si elle augmente de H. Par conséquent, en passant de p = pext - H à
p = pext + H, on inverse le sens du processus. D'un sens à l'autre la variation de pression est
égale à 2 H ; elle peut être rendue aussi petite que l'on veut dans la mesure où les frotte-
ments sont négligeables. Une variation infinitésimale de pression suffit pour inverser le
sens1 du processus qui est donc réversible. Il s'effectue à partir d'un état d'équilibre.
Le déséquilibre de la variable d'état pression entre le système et l'extérieur est à l'ori-
gine du processus. Cette variable, évidemment intensive2, est une variable de tension.
Finalement un processus réversible est défini de trois façons équivalentes :
x un changement infinitésimal d'une variable de tension convenable suffit pour en in-
verser le sens
x cette variable n'est pas significativement différente pour le système et l'entourage
x un processus réversible fini est constitué d'une suite d'états d'équilibre.
En ce qui concerne les échanges de chaleur (Fig. 1b) la température joue vis-à-vis de la
chaleur un rôle similaire à celui de la pression vis-à-vis du travail : la température est aussi
une variable de tension.
Considérons un système de volume V sous la pression p. Lorsqu'il se dilate de dV il est
facile de montrer que le travail dwpr des forces de pression s'écrit
pr
dw p dV
(2)
Le signe indique que si dV > 0 alors dwpr < 0 : le système fournit du travail à l'exté-
rieur.
1 On dit aussi processus quasi statique. Noter que l'évolution est de plus en plus lente lorsque H o 0, mais
les aspects cinétiques ne concernent pas directement la thermodynamique. Un processus réversible résulte
du passage à la limite d'un processus réel (irréversible).
2 Parmi les variables intensives définies au § 1.2 seules T et p sont des variables de tension.
Chapitre 1 Définitions 21
Dans certains cas une barrière s'oppose aux échanges et le système considéré n'évolue
pas, bien que ses variables de tension soient différentes de celles de l'entourage. Le sys-
tème est alors en équilibre figé, ou équilibre métastable, ou encore faux équilibre. La le-
vée de cette barrière permet l'évolution comme l'indiquent les exemples de la figure 2.
ext
T > T
p > pext
(a)
pT
Isolant
(b)
Paroi rigide
Figure 2 - Exemples d'équilibre figé : (a) Mécanique ; (b) Thermique.
x Dans le système de la figure 2a la pression est figée (bouteilles de gaz comprimé).
x Dans celui de la figure 2b c'est la température (bouteille thermos parfaite).
Ainsi, et c'est fondamental, la thermodynamique permet seulement de prévoir les évo-
lutions possibles et il reste à déterminer si elles s'effectuent réellement.
1. 5. C Principe zéro et température
Les variables d'état volume et pression sont respectivement définies en géométrie et en
mécanique. Par contre c'est la thermodynamique qui permet de définir la température de
façon précise (Chap. 2, gaz parfaits).
Soit A et B deux systèmes thermodynamiques et C un troisième. Le principe zéro
s'énonce : si le système C est en équilibre de température avec A et séparément avec B
alors A et B sont en équilibre.
En pratique le système C est un thermomètre et le principe zéro est nécessaire pour va-
lider les mesures de température.
1. 6. Variables d'état indépendantes et variance
Étant donné un gaz pur comportant n mol de gaz son état est défini par trois variables
d'état indépendantes : n (chimique), p et T (physiques). Si le gaz est parfait le volume s'en
déduit par V = n RT/p. Parmi les trois variables indépendantes seule n est extensive tandis
que p et T sont intensives.
Si la taille du système est fixée à n = 1 mol le volume V devient le volume molaire Vm.
et toutes les variables deviennent intensives. Il ne reste que deux variables indépendantes,
par exemple p et T, d'où
mm
RT
VoupVRT0
p
L'équation pVm RT = 0 est de la forme générale1 f(p,Vm,T) = 0. C'est l'équation
d'état du gaz parfait. L'état de n'importe quel fluide (gaz, liquide) est décrit par une équa-
tion d'état qui relie les variables non indépendantes p, Vm et T.
Par définition la variance v est le nombre de variables d'état intensives indépendantes
nécessaires pour définir l'état d'un système. Pour un système constitué d'un corps pur en
une seule phase la variance est égale à 2.
1 Quand le contexte le permet l'indice m est omis et on écrit par exemple pV RT = 0.
22 Chapitre 1 Thermodynamique générale
Le nombre de variables d'état indépendantes étant connu il existe plusieurs façons de
les choisir. Par exemple si pour 1 mol de gaz parfait on choisit T et p on déduit
Vm = RT/p. Mais si l'on prend T et Vm on en déduit p = RT/Vm. Les variables dépendantes
sont aussi appelées fonctions d'état pour les distinguer des variables indépendantes
En thermodynamique chimique le choix des variables d'état physiques indépendantes
n'est pas indifférent : les variables de tension T et p sont généralement utilisées.
Étant donnée une variable d'état extensive Y, si lors de tout processus infinitésimal
dY = dYext alors la variable Y est conservative (Ex. masse, charge).
Dans le cas général, d'après l'axiome de bilan, dY = dYext + dY' et la grandeur Y est
non conservative. La contribution dYext (terme de flux) est la quantité de Y transférée
depuis l'extérieur, tandis que dY' (terme de source) est la quantité créée dans la système
(voir § 2.3, l'entropie).
2. Les deux principes
2. 1. Énoncé du premier principe
La conservation de l'énergie est sans doute le principe le plus fondamental de la phy-
sique. Ici on ne considèrera que des systèmes sans énergie cinétique1. L'énergie interne du
système est alors notée U.
PREMIER PRINCIPE
1 Tout système thermodynamique possède une énergie interne U, variable d'état
extensive
2 Lors d'un processus quelconque la variation d'énergie '
'
U est la somme de la
chaleur reçue q et du travail reçu w.
Uqw'
(3)
Par conséquent l'énergie est une grandeur conservative : sa variation ne dépend que du
transfert ou flux de travail ou de chaleur à travers la paroi. En particulier l'énergie d'un
système isolé (q = 0 et w = 0) est constante.
La nature du travail w reste à préciser selon le cas : wpr travail des forces de pression,
wél travail électrique, wpot énergie potentielle, wch travail chimique, …
L'unité SI d'énergie est le joule (abréviation J). Il est important en chimie de toujours
exprimer les énergies molaires en kJ/mol afin de pouvoir comparer les ordres de gran-
deur2.
Une unité secondaire encore utilisée est la calorie définie par3 1 cal = 4,184 J.
1 Dans le cas général l'énergie est notée E = U + T où U est l'énergie interne et T l'énergie cinétique.
Lorsque l'énergie chimique est directement utilisée pour la propulsion (Ex. fusée) l'énergie cinétique joue un
rôle important.
2 De même on donne les distances géographiques en km. Le J/mol est très petit comparé à l'énergie des
réactions chimiques.
3 Selon son ancienne définition la calorie était la quantité de chaleur q15 nécessaire pour élever de 1 K la
température de 1 g d'eau au voisinage de 15 °C. La valeur précise de q15 est en fait 4,187 J et ainsi q15 =
1,0007 cal soit un écart de 0,07%.
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