Déterminer la position du patient envers les soins psychiatriques

L’Encéphale
(2013)
39,
284—291
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
journal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
THÉRAPEUTIQUE
Déterminer
la
position
du
patient
envers
les
soins
psychiatriques
avec
le
questionnaire
Touriste-Plaignant-Client
(TPC)
:
un
outil
simple
pour
évaluer
l’alliance
et
la
motivation
Determine
the
patient’s
position
towards
psychiatric
care:
a
simple
tool
to
estimate
the
alliance
and
the
motivation
C.
Versaevela,,
D.
Samamaa,
R.
Jeansona,
C.
Lajugiea,
L.
Dufeutrelb,
L.
Defromontb,
V.
Lebouteillerb,
T.
Daneld,1,
A.
Duhamele,
M.
Genine,
J.
Sallerone,
O.
Cottencinc
aSecteur
59G07,
établissement
public
de
santé
mentale
Lille-Métropole,
rue
du
Général-Leclerc,
BP
10,
59487
Armentières
cedex,
France
bDépartement
d’information
et
de
recherche
médicale
(DIRM),
EPSM
Lille-Métropole,
rue
du
général-Leclerc,
BP
10,
59487
Armentières
cedex,
France
cService
d’addictologie,
CHRU
de
Lille,
boulevard
Jules-Leclercq,
59037
Lille,
France
dFédération
de
recherche
en
santé
mentale
du
Nord-Pas-de-Calais
(F2RSM),
3,
rue
Malpart,
Lille,
France
eUnité
de
biostatistiques,
pôle
de
santé
publique,
CHRU
de
Lille,
59037
Lille,
France
Rec¸u
le
9
mai
2011
;
accepté
le
28
novembre
2012
Disponible
sur
Internet
le
26
mars
2013
MOTS
CLÉS
Psychothérapie
;
Alliance
thérapeutique
;
Motivation
Résumé
Objectifs
de
l’étude.
Pour
la
thérapie
brève
systémique
(TSB),
l’évaluation
de
la
position
du
patient
envers
les
soins
est
un
préalable
à
la
psychothérapie.
Trois
positions
sont
décrites.
La
position
de
«
touriste
»
est
celle
d’un
patient
qui
allègue
ne
pas
avoir
de
problème
et
ne
pas
souffrir.
Un
tiers
lui
a
demandé
de
venir,
parfois
avec
menaces.
La
position
de
«
plaignant
»
est
celle
d’un
patient
qui
allègue
souffrir,
mais
attribue
la
responsabilité
de
cette
souffrance
à
autrui.
Ces
deux
positions
seraient
des
freins
à
l’efficacité
de
la
thérapie.
La
position
de
«
client
»
se
différencie
des
deux
positions
précédentes.
La
personne
dans
cette
position
considère
qu’il
a
un
problème
psychologique
qui
dépend
de
lui
et
est
motivé
à
sa
résolution.
En
théorie,
le
«
client
»
est
davantage
motivé
et
son
alliance
thérapeutique
meilleure.
C’est
pour
cette
raison
que
la
TSB
évalue
la
position
du
patient
dans
un
premier
temps,
pour
l’amener
à
se
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(C.
Versaevel).
1http://www.santementale5962.com.
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.11.010
«
Le
patient
est-il
touriste,
plaignant
ou
client
?
»
285
positionner
en
position
de
«
client
»
dans
un
second
temps.
L’objectif
de
cette
étude
est
d’évaluer
le
questionnaire
Touriste-Plaignant-Client
(TPC)
identifiant
la
position
du
patient
envers
les
soins
et
les
élaborations
théoriques
de
la
thérapie
systémique
brève.
Méthode.
Il
s’agit
d’une
étude
prospective,
d’un
suivi
de
cohorte
de
patients
venant
consulter
un
psychiatre
pour
la
première
fois.
L’auto-évaluation
des
patients
comprenait
la
position
envers
les
soins,
leur
souffrance,
leur
motivation
et
l’alliance
(échelle
Haq-2).
L’hétéro-évaluation
par
les
psychiatres
comprenait
la
souffrance
perc¸ue,
la
motivation
perc¸ue,
la
compliance
et
les
diagnostics
selon
le
DSM.
Résultats.
La
typologie
de
ces
patients
se
compose
d’une
moitié
de
patients
en
position
«
plaignant
»,
d’un
quart
en
position
«
touriste
»
et
d’un
quart
en
position
«
client
».
Le
profil
«
client
»
bénéficie
d’une
l’alliance
augmentée.
Le
profil
«
client
»
est
perc¸u
comme
davantage
motivé
par
le
psychiatre.
La
motivation
perc¸ue
par
le
psychiatre
est
en
lien
avec
l’alliance.
Ces
résultats
correspondent
aux
élaborations
théoriques
de
la
TSB.
Conclusion.
Les
réponses
au
questionnaire
d’évaluation
de
la
position
du
patient
envers
les
soins
(Questionnaire
TPC)
renseignent
sur
la
motivation
et
l’alliance
futures.
Si
le
patient
est
en
position
de
«
touriste
»
ou
de
«
plaignant
»,
nous
conseillons
au
psychiatre
de
«
travailler
»
pour
amener
le
patient
en
position
de
«
client
».
L’évaluation
de
la
position
du
patient
semble
utile
dans
la
pratique
quotidienne
de
la
psychiatrie
puisque
75
%
des
patients
ne
sont
pas
dans
une
position
favorisant
un
travail
psychothérapeutique
selon
notre
étude.
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
KEYWORDS
Psychotherapy;
Therapeutic
alliance;
Motivation
Summary
Objectives.
For
the
brief
systemic
therapy
(BST),
the
evaluation
of
the
patient’s
position
towards
the
care
is
a
prerequisite
to
psychotherapy.
Three
positions
of
the
patient
are
described.
The
‘‘tourist’s’’
position:
the
patient
claims
to
have
no
problem
and
doesn’t
suffer.
Someone
asks
him
to
make
an
appointment,
sometimes
with
threats.
The
‘‘complaint’s’’
position:
the
patient
claims
to
suffer,
but
attributes
the
responsibility
of
this
suffering
to
others.
These
two
positions
are
not
good
for
beginning
a
therapy.
The
‘‘customer’s’’
position
differs
from
both
previous
positions.
The
‘‘customer’’
considers
that
he
has
a
psychological
problem
which
depends
on
him
and
he
is
motivated
in
the
resolution
of
it.
In
theory,
the
‘‘customer’’
is
more
motivated
and
the
therapeutic
alliance
is
better.
It
is
for
this
reason
that
the
BST
estimates
the
position
of
the
patient
at
first,
to
bring
the
patient
to
the
‘‘customer’s’’
position.
The
objective
of
this
study
is
to
assess
an
interview
which
identifies
the
patient’s
position
towards
the
care,
and
to
validate
the
theoretical
elaborations
of
the
brief
systemic
therapy.
Method.
The
study
concerns
the
follow-up
of
outpatients
who
consult
a
psychiatrist
for
the
first
time.
The
evaluation
of
the
patients
checks
their
position
towards
care
using
the
Tourist-
Complaint-Customer
(TCC)
inventory,
how
they
suffer,
the
therapeutic
alliance
(scale
Haq-
2)
and
the
compliance
during
care.
The
evaluation
by
the
psychiatrists
checks
the
suffering
perceived,
the
motivation
perceived
and
the
diagnoses
according
to
the
DSM.
Results.
The
typology
of
these
patients
is
made
up
of
one
half
‘‘complaint’’,
a
quarter
of
‘‘tourist’’
and
a
quarter
of
‘‘customer’’.
The
‘‘customer’s’’
position
is
correlated
with
the
therapeutic
alliance
and
the
motivation
perceived
by
the
psychiatrist.
The
motivation
perceived
by
the
psychiatrist
is
correlated
with
the
therapeutic
alliance.
These
results
correspond
to
the
theoretical
elaborations
of
the
BST.
Conclusion.
the
TCC
inventory
provides
information
on
the
motivation
and
the
therapeutic
alliance.
If
the
patient
is
in
‘‘tourist’’
or
‘‘complaint’’
position,
we
recommend
that
the
psy-
chiatrist
‘‘work’’
to
bring
the
patient
to
‘‘customer’’
position.
The
evaluation
of
the
position
of
the
patient
is
simple
and
rich
in
information.
We
recommend
that
it
be
given
a
place
in
the
daily
practice
of
psychiatry.
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
Préalables
théoriques
L’évaluation
des
psychothérapies
:
importance
de
la
motivation
et
de
l’alliance
Luborsky
et
al.
ont
démontré
que
toute
psychothérapie
bien
menée,
peu
importe
la
technique
utilisée,
a
de
fortes
chances
de
donner
de
bons
résultats
[1].
A
alors
été
émise
l’hypothèse
que
des
«
facteurs
communs
»
d’efficacité
étaient
présents
dans
la
majorité
des
psychothérapies.
La
plupart
des
experts
s’entendent
sur
l’importance
de
la
moti-
vation
et
de
l’alliance
thérapeutique
en
tant
que
facteurs
communs
d’efficacité
[2,3].
La
motivation
propre
ou
intrinsèque
se
traduit
en
termes
d’implication,
de
détermination
et
d’engagement
du
patient.
Le
travail
de
synthèse
de
Norcross
[4]
et
différentes
méta-analyses
[5—7]
révèlent
que
l’alliance
thérapeutique
précoce
évaluée
par
le
patient
est
la
variable
la
plus
pré-
dictive
du
devenir
clinique
des
patients.
Bordin
[8]
puis
286
C.
Versaevel
et
al.
Luborsky
[9]
ont
proposé
une
définition
«
transthéorique
»
de
l’alliance.
Par
la
suite,
Luborsky
et
al.
ont
développé
des
échelles
pour
mesurer
l’
«
alliance
aidante
»
qui
comprend
deux
axes
[10]
:
le
premier
axe
est
caractérisé
par
le
fait
que
le
patient
voit
son
thérapeute
comme
lui
apportant
aide
et
soutien.
Basé
sur
le
lien
affectif,
cet
axe
est
nommé
alliance
de
type
I
ou
relationnelle.
Le
second
axe
est
basé
sur
le
fait
que
le
patient
a
le
sentiment
d’un
travail
en
commun,
d’une
coopération
avec
son
psychothérapeute
avec
l’impression
de
partager
la
responsabilité
de
sa
propre
évolution
et
les
mêmes
objectifs.
Basé
sur
des
éléments
cognitifs
(pensées,
croyances)
et
motivationnels,
cet
axe
est
nommé
alliance
de
type
II
ou
de
travail.
Prise
en
compte
des
facteurs
communs
d’efficacité
dans
la
fac¸on
d’appréhender
la
psychothérapie
Intuitivement,
certains
courants
de
psychothérapie
ont
inté-
gré
les
«
facteurs
communs
d’efficacité
»
décrits
ci-dessus.
Décrivons
les
développements
de
différents
courants.
Les
thérapies
d’orientation
psychanalytique
Psychanalyse
et
motivation.
La
psychanalyse
a
décrit
les
mécanismes
de
défense
comme
des
processus
psychiques
permettant
de
protéger
le
narcissisme
de
l’individu
[11].
Quand
le
patient
dit
ne
pas
être
en
souffrance,
le
refoule-
ment,
le
déni
(refus
inconscient
de
reconnaître
une
vérité)
ou
la
dénégation
(refus
conscient
d’admettre
une
vérité)
sont
évoqués.
Quand
il
dit
que
son
mal-être
provient
des
autres,
on
parle
de
projection.
Si
ces
mécanismes
sont
trop
envahissants,
le
travail
psychanalytique
ne
peut
s’envisager.
La
psychanalyse
nécessite
un
patient
«
en
demande
»,
c’est-
à-dire
motivé
d’emblée
au
travail
d’introspection.
Psychanalyse
et
alliance.
L’alliance
est
au
départ
un
concept
défini
par
le
courant
psychanalytique
par
Zetzel
en
1956
[12].
Il
existerait
une
part
de
l’alliance
qui
serait
spécifiquement
issue
de
l’application
adéquate
de
la
tech-
nique
analytique,
mais
aussi
une
part
non
spécifique
issue
de
la
qualité
des
échanges
intersubjectifs
[13—15].
La
part
d’alliance
non
spécifique
fait
appel
à
la
qualité
du
partage
des
émotions
de
base
et
à
la
communication
de
l’empathie.
L’entretien
motivationnel
(L’EM)
Entretien
Motivationnel
et
motivation.
L’EM
est
un
déve-
loppement
théorique
et
un
type
d’intervention
brève
déve-
loppé
par
Miller
et
Rollnick
[16].
Ce
courant
postule
qu’il
existe
une
ambivalence
normale
et
légitime
dans
chaque
changement.
L’aidant
qui
rencontre
un
patient
ambivalent
va
alors
souvent
conseiller,
persuader
ou
argumenter
en
direction
d’une
normativité
(arrêter
de
boire,
de
fumer
par
exemple).
L’ambivalence
va
donc
prendre
forme
sur
le
plan
relationnel
:
le
patient
va
alors
soutenir
des
arguments
contraires,
dénier,
banaliser
sa
consommation,
trouver
des
boucs
émissaires.
Miller
et
Rollnick
évoquent
le
travail
de
Chamberlain
et
al.
[17]
qui
ont
détaillé
les
comportements
signifiant
une
résistance
des
patients
dans
ces
conditions
:
«
ils
contestent
l’exactitude
de
l’expertise
et
prétendent
ne
courir
aucun
danger.
Ils
reportent
la
cause
de
leurs
compor-
tements
sur
les
autres
».
On
évoque
le
concept
de
dissonance
relationnelle
dans
ces
cas.
Plus
l’entretien
est
une
confron-
tation
et
plus
le
patient
est
résistant
et
moins
il
change.
Plus
l’intervenant
est
souple
et
plus
l’alliance
est
bonne
et
le
changement
a
des
chances
de
se
produire
[18].
De
cette
fac¸on,
l’intervenant
augmente
la
motivation
propre
au
client,
d’où
le
nom
d’entretien
motivationnel.
Entretien
motivationnel
et
alliance.
L’EM
prône
le
style
relationnel
de
l’entretien
centré
sur
la
personne
développé
par
Rogers
dans
le
but
de
tisser
une
alliance
solide
[19].
Dans
ce
sens,
l’aidant
doit
communiquer
son
empathie
en
reformulant
les
propos
et
les
ressentis
du
patient.
La
thérapie
systémique
brève
(TSB)
Thérapie
systémique
brève
et
motivation.
Cottencin
et
Doutrelugne
identifient
trois
types
de
positionnement
du
patient
envers
les
soins
:
le
touriste,
le
plaignant
et
le
client
[20]
:
le
«
touriste
»
(ou
le
«
non-concerné
»
pour
employer
un
terme
moins
péjoratif)
dit
qu’il
n’a
pas
de
problème
et
ne
souffre
pas.
Il
consulte
parce
que
quelqu’un
l’a
envoyé,
souvent
avec
des
menaces
(séparation,
injonc-
tion
de
soins.
.
.).
Comment
envisager
la
thérapie
avec
un
«
touriste
»
qui
n’a
pas
de
réelle
motivation
aux
soins
a
priori
?
La
TSB
préconise
soit
de
réaliser
un
entretien
avec
le
patient
et
la
personne
qui
lui
a
demandé
de
venir
consulter
pour
éclaircir
la
demande,
soit
de
travailler
avec
le
patient
en
lui
proposant
des
tâches
d’observation
ou
définir
des
objectifs
de
vie
future.
.
.
le
«
plaignant
»
(ou
le
projectif)
dit
souffrir,
mais
attribue
la
responsabilité
de
cette
souffrance
à
autrui.
Il
se
dit
vic-
time
de
sa
femme,
de
son
chef.
.
.
Il
tente
de
sauver
une
personne
qui
va
mal
et
qui
lui
«
résiste
».
Dans
tous
les
cas,
c’est
l’autre
qui
devrait
consulter.
De
son
point
de
vue,
pourquoi
le
plaignant
serait-il
motivé
à
changer,
puisque
ce
n’est
pas
«
sa
faute
».
La
TSB
préconise
par
exemple
de
faire
prendre
conscience
au
plaignant
de
l’aspect
inter-
actionnel
de
sa
souffrance
et
que
de
ce
fait,
s’il
change,
l’autre
changera
également
;
le
«
client
»
se
différencie
de
ces
deux
positionnements
précédents.
Ce
dernier
considère
qu’il
a
un
problème
psychologique
qui
dépend
de
lui
et
il
est
motivé
à
la
réso-
lution
de
ce
dernier.
Les
stratégies
qui
sont
employées
et
décrites
ci-dessus
face
au
«
touriste
»
et
au
«
plaignant
»
(non
exhaustives)
visent
à
les
amener
progressivement
en
position
de
«
client
».
Pour
la
TSB,
la
souffrance
est
un
moteur
du
changement.
Thérapie
systémique
brève
et
alliance.
Tout
comme
la
souffrance,
l’alliance
est
également
considérée
comme
un
moteur
du
changement.
En
théorie,
l’alliance
est
aussi
fonc-
tion
de
la
position
envers
la
thérapie,
c’est-à-dire
que
l’alliance
sera
meilleure
a
priori
si
le
patient
est
en
posi-
tion
de
«
client
».
Diverses
stratégies,
issues
de
l’hypnose
ericksonnienne,
sont
utilisées
pour
tisser
une
alliance
de
bonne
qualité
:
approche
souple
et
indirecte,
envisager
le
problème
sous
le
même
angle
que
le
patient
et
parler
son
langage.
En
résumé
Que
l’on
parle
de
dénégation
ou
de
projection
(psycha-
nalyse),
de
dissonance
en
contestant
le
problème
ou
en
«
Le
patient
est-il
touriste,
plaignant
ou
client
?
»
287
reportant
sa
cause
sur
autrui
(EM),
de
position
«
touriste
»
ou
«
plaignant
»
(TSB),
ces
appellations
différentes
recouvrent
deux
phénomènes
synonymes
de
freins
au
processus
théra-
peutique.
L’hypothèse
théorique
est
donc
que
la
position
du
patient
envers
son
problème
et
les
soins
influence
l’alliance
et
les
résultats
de
la
psychothérapie.
Étude
des
liens
entre
la
position
envers
les
soins,
la
souffrance,
la
motivation
et
l’alliance
chez
une
population
de
patients
venant
consulter
pour
la
première
fois
un
psychiatre
dans
un
centre
médico-psychologique
(CMP)
Objectifs
de
l’étude
Cette
étude
a
la
volonté
d’évaluer
un
questionnaire
per-
mettant
d’identifier
la
position
du
patient
envers
les
soins
et
de
valider
en
partie
les
élaborations
théoriques
décrites
ci-dessus.
Cette
étude
a
obtenu
l’autorisation
du
CCP
Nord-Ouest
IV
le
10
novembre
2010
et
un
numéro
d’enregistrement
à
la
CNIL.
Méthodologie
Échantillon
L’étude
porte
sur
une
population
de
patients
venant
consul-
ter
dans
un
CMP.
Les
critères
d’inclusion
des
patients
sont
les
suivants
:
être
majeur,
consulter
au
CMP
pour
la
pre-
mière
fois,
ne
pas
consulter
dans
un
contexte
d’urgence,
ne
pas
avoir
bénéficié
d’un
entretien
infirmier
d’accueil
en
urgence
avant
la
consultation,
ne
pas
consulter
en
vue
d’une
démarche
auprès
de
la
Maison
départementale
des
personnes
handicapées
(MDPH)
et
ne
pas
être
sous
mesure
de
protection
des
biens.
Sur
une
période
de
six
mois,
150
patients
ayant
demandé
un
rendez-vous
correspondaient
aux
critères
d’inclusion.
Sur
les
113
patients
ayant
effectivement
honoré
leur
rendez-
vous,
104
ont
accepté
de
participer
à
l’étude.
L’âge
moyen
est
de
42,6
ans.
Il
y
a
63
%
de
femmes.
62
%
vivent
en
couple.
soixante-deux
pour
cent
ont
un
emploi.
Soixante-cinq
pour
cent
ont
un
ou
des
enfants.
Cela
correspond
aux
caracté-
ristiques
des
patients
suivis
en
ambulatoires
selon
Anguis
et
al.
[21].
Concernant
les
diagnostics
(établis
par
les
psy-
chiatres
suivants
les
critères
du
DSM
IV
[22]),
ces
patients
présentent
les
troubles
suivants
:
46
%
de
troubles
anxieux
(dont
10
%
de
troubles
paniques,
22
%
de
troubles
anxieux
généralisés,
10
%
de
troubles
phobiques
et
4
%
de
troubles
obsessionnels
et
compulsifs),
41
%
de
troubles
dépressifs,
16
%
d’addiction
ou
abus
(dont
10,5
%
vis-à-vis
de
l’alcool
et
4,5
%
vis-à-vis
du
cannabis),
24
%
de
troubles
de
la
personna-
lité
(dont
8
%
de
troubles
borderline
et
10
%
de
personnalité
dépendante),
2
%
de
troubles
du
comportement
alimentaire
et
1
%
de
troubles
psychotiques.
Les
psychiatres
participant
à
l’étude
ont
estimé
que
pour
84
%
des
patients,
une
psy-
chothérapie
était
indiquée.
Il
est
donc
pertinent
d’évaluer
la
position
envers
les
soins
(ou
la
thérapie)
et
l’alliance
thérapeutique
qui
ont
été
modélisées
dans
ce
contexte.
Procédure
Les
patients
devaient
remplir
des
autoquestionnaires.
Avant
leur
première
consultation,
la
position
envers
les
soins,
leur
motivation
et
leur
souffrance
alléguées
étaient
évaluées.
Après
leur
première
consultation,
l’alliance
était
évaluée.
Avant
leur
quatrième
consultation,
leur
souffrance
était
réévaluée.
Les
sept
psychiatres
du
centre
devaient
remplir
des
questionnaires
évaluant
les
diagnostics,
la
souffrance
et
la
motivation
perc¸ue
chez
le
patient
après
la
première
consul-
tation.
Outils
Concernant
les
questionnaires
patients
:
La
souffrance
allé-
guée
était
évaluée
par
une
échelle
analogique
de
0
(sans
souffrance)
à
10
(la
pire
imaginable).
Une
variable
améliora-
tion
a
été
créee
en
soustrayant
la
souffrance
à
la
quatrième
consultation
de
celle
à
la
première.
La
motivation
alléguée
était
évaluée
par
une
échelle
analogique
de
0
à
5.
Nous
avons
créé
un
questionnaire
évaluant
le
positionnement
envers
les
soins
psychiatriques
en
se
référant
à
la
typologie
tou-
riste/plaignant/client
(se
conférer
à
l’Annexe
A).
L’alliance
était
évaluée
avec
l’échelle
Haq-2
(Validation
franc¸aise
par
le
Bloc’h
et
al.
[23]).
Concernant
les
questionnaires
psychiatres
:
l’évaluation
de
la
souffrance
et
de
la
motivation
perc¸ues
se
faisait
par
une
échelle
analogique
de
0
à
5.
Il
était
notifié
si
les
patients
présentaient
une
lettre
de
liaison
de
leur
médecin
traitant
et
honoraient
leur
rendez-vous
ou
pas
(compliance).
Pour
les
études
statistiques,
différents
outils
ont
été
uti-
lisés
suivants
les
variables
à
analyser.
Résultats
Positionnement
envers
les
soins
:
typologie
Appelons
«
touristes
globaux
»
(TG),
les
patients
qui
répondent
positivement
(oui
ou
plutôt
oui)
à
la
question
:
«
Êtes-vous
venus
parce
que
quelqu’un
vous
l’a
demandé
?
»
et
dont
la
souffrance
<
ou
=
à
4/10.
Ils
sont
25
%.
Appelons
«
plaignants
globaux
»
(PG),
ceux
qui
répondent
positivement
à
la
question
:
«
Pensez-vous
être
victime
du
comportement
d’une
autre
personne
?
».
Ils
sont
55
%.
Appelons
«
clients
»
(C),
ceux
qui
répondent
oui
ou
for-
tement
oui
à
la
question
:
«
Venez-vous
consulter
parce
que
vous
voulez
changer
des
choses
en
vous
ou
dans
votre
com-
portement
?
»
et
qui
ne
sont
ni
TG,
ni
PG.
Ils
sont
24
%.
Notons
qu’il
n’y
a
pas
de
distribution
différente
entre
les
différents
profils
et
le
sexe.
Il
est
intéressant
de
regarder
le
profil
de
la
position
des
patients
(C,
TG
ou
PG)
suivant
leur
diagnostic
(Fig.
1).
Le
patient
«
anxieux
»
est
davantage
dans
la
peau
d’un
«
client
»
et
projette
peu
sa
souffrance
sur
autrui.
Le
patient
«
dépressif
»
est
celui
qui
semble
le
plus
avoir
conscience
de
souffrir
(très
peu
«
touriste
»).
Cepen-
dant,
il
attribue
souvent
à
autrui
la
cause
de
sa
souffrance
(aspect
«
plaignant
»).
Concernant
les
patients
qui
souffrent
d’addictions
et
de
troubles
de
la
personnalité,
ils
semblent
les
moins
aptes
à
prendre
conscience
de
leurs
problèmes
et
à
considérer
que
la
solution
à
leur
problème
dépend
d’eux.
Afin
de
mieux
évaluer
les
différences
entre
ces
typolo-
gies,
il
a
été
défini
deux
variables
sensées
être
davantage
discriminantes
sur
le
plan
statistique
:
les
touristes
purs
(TP)
sont
les
TG
qui
ne
sont
ni
PG,
ni
C.
Ils
sont
12
%.
Les
plai-
gnants
purs
(PP)
sont
les
PG
qui
ne
sont
ni
TG,
ni
C.
Ils
sont
41
%.
288
C.
Versaevel
et
al.
Figure
1
Répartition
des
différentes
positions
(TG,
PG
et
C)
suivant
les
diagnostics.
Concernant
la
compliance
Parmi
les
104
patients
acceptant
de
participer
à
l’étude,
il
ne
reste
que
50
patients
compliants
jusque
la
quatrième
consultation
(soit
47,5
%).
Avant
la
quatrième
consultation
ou
au
cours
de
cette
dernière,
il
y
a
14
patients
qui
ont
arrêté
le
suivi
en
accord
avec
le
médecin
psychiatre
(ils
étaient
«
en
rémission
»
ou
il
n’y
avait
plus
nécessité
de
suivi).
Il
y
a
donc
40
(38,5
%)
patients
non
compliants
(ne
sont
pas
venus
alors
qu’une
consultation
était
prévue).
Pour
la
compliance,
il
n’y
a
pas
de
distribution
significativement
différente
dans
les
deux
catégories
(compliant
ou
pas)
sui-
vant
l’appartenance
à
un
profil
(C
[p
=
0,79],
TP
[p
=
0,5],
PP
[p
=
0,47])
(test
du
Chi2).
Il
n’y
a
pas
non
plus
de
corré-
lation
entre
l’observance
et
l’alliance
(p
=
0,14),
ni
avec
la
souffrance
alléguée
avant
la
première
consultation
(p
=
0,31)
(test
de
Student).
En
revanche,
il
y
a
une
corrélation
avec
le
fait
que
le
patient
transmette
une
lettre
de
liaison
de
son
médecin
traitant
(p
=
0,0013)
(Chi2).
Relations
entre
les
différentes
variables
Il
existe
un
lien
statistique
entre
la
souffrance
alléguée
par
les
patients
et
la
souffrance
perc¸ue
par
le
psychiatre
(p
<
0,001).
Le
coefficient
de
corrélation
est
de
0,43.
Il
existe
également
un
lien
entre
la
souffrance
alléguée
par
les
patients
et
la
motivation
perc¸ue
par
le
psychiatre
(p
=
0,03).
Le
coefficient
de
corrélation
est
de
0,21.
La
motivation
aux
soins
perc¸ue
par
le
psychiatre
est
moindre
pour
les
«
touristes
globaux
»
(TG)
(p
=
0,006).
La
motivation
aux
soins
perc¸ue
par
le
psychiatre
est
plus
élevée
chez
les
«
clients
»
(C)
(p
=
0,0099).
Il
existe
un
lien
statistique
entre
le
profil
«
client
»
et
l’alliance
(p
=
0,048).
Il
existe
un
lien
entre
l’alliance
et
la
motivation
perc¸ue
par
le
psychiatre
(p
<
0,0001).
Le
coefficient
de
corrélation
est
de
0,38.
Discussion
L’hypothèse
est-elle
validée
?
La
position
du
client
influence-t-elle
l’alliance
et
les
résultats
de
la
psychothérapie
?
Même
si
certains
tests
ne
sont
pas
significatifs
et
notam-
ment
ceux
avec
la
variable
«
amélioration
»,
les
résultats
tendent
globalement
à
asseoir
cette
hypothèse.
Les
patients
en
position
de
«
clients
»
ont
une
meilleure
alliance
pré-
coce
et
une
motivation
aux
soins
perc¸ue
par
le
psychiatre
plus
forte,
elle-même
étant
corrélée
à
la
souffrance
allé-
guée
par
le
patient.
Ces
résultats
valident
les
élaborations
théoriques
de
la
thérapie
systémique
brève
:
plus
le
patient
perc¸oit
sa
souffrance
et
sa
responsabilité
dans
cette
der-
nière,
plus
il
est
motivé
aux
soins,
plus
l’alliance
est
bonne
et
plus
il
s’améliore
(c’est
ce
dernier
élément
que
nous
n’avons
pas
démontré,
mais
toutes
les
études
lient
alliance
et
amélioration).
Le
profil
«
client
»
démontre
une
meilleure
alliance
«
très
»
précoce
dans
notre
étude
(après
une
rencontre).
Cette
alliance
qui
se
tisse
lors
de
la
première
consulta-
tion
est
fragile
et
partielle
comme
le
constatent
Perono
et
Grabot
[24].
Il
aurait
été
intéressant
d’établir
une
corré-
lation
à
la
troisième
ou
quatrième
consultation,
moment
l’alliance
est
plus
stabilisée
selon
Despland
et
al.
[13]
et
Horvath
et
al.
[6].
Cependant,
Luborsky
et
Morgan
[25]
suggèrent
que
beaucoup
de
patients
forment
une
alliance
forte
immédiatement
à
la
première
consultation,
notam-
ment
dans
les
entretiens
de
conseil
psychologique.
De
plus,
évaluer
l’alliance
après
la
première
consultation
limite
le
facteur
de
confusion
résultant
de
l’amélioration
de
l’alliance
par
l’amélioration
clinique
[26,27].
Que
peut
apporter
l’évaluation
de
la
position
envers
les
soins
?
Dans
ces
positions
vis-à-vis
des
soins
apparaît
à
la
fois
l’importance
du
milieu
dans
l’orientation
vers
les
soins
psy-
chiatriques
et
la
problématique
relationnelle
qui
domine
les
consultations.
En
effet,
25
%
des
patients
(position
TG)
déclarent
être
venus
parce
qu’un
tiers
le
leur
a
demandé,
voire
même
menacé
pour
la
moitié
d’entre
eux
(réponse
à
la
question
3
du
questionnaire
TPC).
55
%
des
patients
(posi-
tion
PG)
incriminent
un
tiers
comme
étant
la
cause
de
leur
souffrance.
Ce
qui
amène
ce
résultat
interpellant
:
la
majo-
rité
des
patients
ne
sont
pas
dans
une
position
favorisant
la
psychothérapie
(entre
53
%
[TP
+
PP]
et
80
%
[TG
et
PG]).
Globalement,
la
somme
des
TG
(25
%)
+
PG
(55
%)
+
C
(24
%)
avoisine
100
(104
%).
Le
même
phénomène
se
repro-
duit
dans
les
typologies
par
diagnostic
(Fig.
1).
Même
si
l’on
se
souvient
que
le
profil
«
client
»
se
définit
en
excluant
les
1 / 8 100%

Déterminer la position du patient envers les soins psychiatriques

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