LES MANIPULATIONS THERMIQUES PENDANT L’EMBRYOGENESE AFFECTENT LA TEMPERATURE CORPORELLE ET LA CROISSANCE DU POUSSIN Collin Anne1, Shinder David2, Mercerand Frédéric1, Tesseraud Sophie1, Picard Michel1, Yahav Shlomo2 1 Station de Recherches Avicoles, Institut National de la Recherche Agronomique, 37380 Nouzilly, France; 2Institute of Animal Science, ARO, The Volcani Center, P.O. Box 6, Bet Dagan 50250, Israel. Les manipulations thermiques pendant l’embryogenèse affectent la température corporelle et la croissance du poussin La sélection génétique des poulets de chair a favorisé leur croissance musculaire au détriment de leurs capacités de thermorégulation. Nos études visent à évaluer les périodes sensibles de l’embryogenèse pendant lesquelles les seuils de thermotolérance des poussins peuvent être manipulés. Deux expériences sont conduites pour déterminer l’effet de manipulations thermiques de l’embryon sur le poids vif (PV), la température corporelle (Tc) et les axes thyroïdien et corticotrope du poussin, à l’éclosion (j0) et lors d’un coup de chaleur à 3 jours (j3). Les oeufs témoins sont incubés à 37,8oC pendant 21 jours. Dans l’expérience 1, les oeufs traités sont exposés, pendant l’embryogenèse précoce (EP) de E8 à E10 ou pendant l’embryogenèse tardive (ET) de E16 à E18, 3h par jour à 39,5 (EP1 et ET1) ou 41,0oC (EP2 et ET2). Dans l’expérience 2, les oeufs traités sont soumis à 39,5°C pendant 3 (D1), 6 (D2), 12 (D3) ou 24 (D4) h/jour de E16 à E18. Dans les deux expériences, les traitements n’affectent pas le PV à l’éclosion. Dans l’expérience 1, l’éclosabilité la plus élevée est enregistrée dans le groupe ET1, tandis que les poussins EP1 et ET1 présentent les Tc les plus faibles à j0. Pendant le coup de chaleur, une hyperthermie significative et des concentrations plasmatiques en triiodothyronine et corticostérone plus élevées sont décelées chez les témoins, suggérant une stimulation de la production de chaleur et un stress accrus. Dans l’expérience 2, les groupes D3 et D4 présentent un taux d’éclosion supérieur à celui du groupe D1. Tous les traitements diminuent significativement Tc par rapport aux témoins à j0 et lors du coup de chaleur à j3. Dix-huit heures après le coup de chaleur, les poussins D1 maintiennent une Tc plus faible que celle des D2, D3 et D4, mais avec un PV plus élevé chez les poussins D2 et D3 que chez les témoins et D1. Le traitement ET1/D1 (3h/jour, 39,5°C, E16E18) semble donc favoriser la thermotolérance du poussin, alors que les traitements D2 et D3 (6 à 12h/j, 39,5°C, E16-E18) paraissent stimuler la croissance initiale. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer ces réponses à plus long terme. Thermal manipulations during embryogenesis affect body temperature and growth in broiler chicks Genetic selection has favoured muscular growth of meat-type broiler chickens with adverse effects on their ability to cope with environmental conditions. Present studies aimed at evaluating the possibility to manipulate incubation conditions to improve thermotolerance acquisition. Two experiments were conducted to elucidate the effects of thermal manipulations during embryogenesis on body weight (PV), body temperature (Tc), plasma thyroid hormones and corticosterone concentrations of chicks at hatch (j0) and during a heat challenge at 3 days of age (j3). Control embryos were incubated at 37.8oC during 21 days. In experiment 1, treated embryos were exposed, during early embryogenesis (EP) from E8 to E10, or during late embryogenesis (ET) from E16 to E18, to 3 h/d of exposure at 39.5 (EP1 and ET1) or 41.0oC (EP2 and ET2). In experiment 2, treated embryos were submitted to 3 (D1), 6 (D2), 12 (D3) or 24 (D4) hours/day at 39.5°C from E16 to E18. In both experiments, treatments did not affect PV at hatch. In experiment 1, the best hatchability was recorded in group ET1, whereas chicks from groups EP1 and ET1 presented the lowest Tc at day 0. During the heat challenge, significant hyperthermia associated with the highest triiodothyronine and corticosterone concentrations were recorded in the control group, suggesting a higher stimulation of heat production and stress response than in the treated groups. In experiment 2, D3 and D4 groups had higher hatchability than D1 group. All treatments significantly decreased Tc as compared to controls at day 0 and during the heat challenge at day 3. Eighteen hours after the heat challenge, D1 chicks maintained a lower Tc than D2, D3 and D4 chicks, but then D2 and D3 chicks were heavier than control and D1 chicks. Treatment ET1/D1 (3h/day, 39.5°C, E16-E18) seemed to favour thermotolerance in chicks, whereas treatments D2 and D3 (6 to 12h/day, 39.5°C, E16-E18) appeared to better initiate growth. Additional research is necessary to evaluate these responses on a longer term. Sixièmes Journées de la Recherche Avicole, St Malo, 30 et 31 Mars 2005 67 INTRODUCTION Durant les cinquante dernières années, la sélection génétique des poulets de chair a principalement favorisé leur croissance musculaire. Cette sélection n’a pas permis d’augmenter en proportion leurs viscères (cœur, appareil respiratoire ; Havenstein et al., 2003), réduisant les capacités des poulets de chair à résister à des conditions environnementales extrêmes telles que les coups de chaleur. Ces évènements climatiques sont responsables d’une diminution de la consommation d’aliment et des performances de croissance, accompagnée de taux de mortalités accrus causant des pertes économiques importantes pour la production avicole. Ceci a relancé l’intérêt des scientifiques pour les manipulations thermiques du poussin ou de l’embryon dans le but d’améliorer l’acquisition de la thermotolérance du poulet de chair (De Basilio et al., 2001; Yahav et al., 2004). Des manipulations thermiques pendant les premiers jours post-éclosion, pendant lesquels la régulation de la température corporelle et les mécanismes de rétrocontrôles hormonaux sont encore immatures (Dunnington et Siegel, 1984), provoquent des changements dans les seuils de réponses thermorégulatrices (Yahav, 2000). Il se pourrait également que des manipulations thermiques pendant l’incubation des œufs provoquent une altération efficace des seuils de réponses thermorégulatrices de l’embryon et du jeune poussin, en fonction de la période et de l’intensité de la manipulation. Ainsi, plusieurs études ont montré que l’exposition d’embryons de poulets ou canards à des températures élevées ou basses pendant l’incubation améliorait leur capacité d’adaptation respectivement à des environnements chaud ou froid post-éclosion (Minne et Decuypere, 1984; Janke et al., 2002). Les manipulations thermiques pendant l’embryogenèse nécessitent un réglage précis en période, intensité et durée d’exposition à la température expérimentale. Le choix de la période doit être relié au développement et à l’activation des axes hypothalamus–hypophysethyroïde (Thommes, 1987) et hypothalamus– hypophyse-surrénales (Wise et Frye, 1975) dans le but de changer les seuils de réponses en termes de production de chaleur et de stress. Récemment, Yahav et al. (2004) ont démontré qu’une manipulation thermique modérée des jours 16 à 18 de l’incubation avait un effet positif sur la thermorégulation des poussins en diminuant la température interne et les taux plasmatiques d’hormones thyroïdiennes, connues pour stimuler la production de chaleur. Epple et al. (1997) suggèrent également que l’embryon de poulet est sensible au stress, c’est pourquoi l’augmentation de la température d’incubation pendant la première période d’incubation puis à partir du jour 15, lors de l’activation de l’axe corticotrope (Wise and Frye, 1975), peut affecter la réponse du poussin éclos en 68 terme de stress, avec des conséquences sur la thermorégulation. Enfin, la durée des manipulations thermiques durant l’embryogenèse doit être finement évaluée. Une augmentation courte de la température d’incubation active les mécanismes de perte de chaleur des embryons (Holland et al., 1997), tandis qu’une exposition à plus long terme affecte la morphologie embryonnaire, augmente l’incidence des malformations et décroît l’éclosabilité (Janke et al., 2002). Cependant, ces études ont été menées dans des conditions expérimentales différentes, et l’évaluation de la durée de manipulations thermiques dépend des conditions précises d’incubation mises en œuvre. Cette étude vise à évaluer les périodes sensibles de l’embryogenèse pendant lesquelles les seuils de thermotolérance des poussins peuvent être manipulés. Deux expériences sont conduites pour déterminer l’effet de l’intensité et de la durée de manipulations thermiques de l’embryon sur le poids vif (PV), la température corporelle (Tc) et les axes thyroïdien et corticotrope des poussins à l’éclosion (j0) et lors d’un coup de chaleur à 3 jours d’âge (j3). 1. MATERIELS ET METHODES 1.1. Procédure expérimentale Expérience 1. Mille oeufs fertiles Ross PM3 provenant d’un seul troupeau reproducteur (44 semaines d’âge) sont mis en incubation. Les œufs sont statistiquement divisés en 5 traitements (JMP® statistics; SAS Institute, 2000): témoins, maintenus continuellement à 37,8°C et 56% d’humidité relative (HR), EP1 – 3 h/j à 39,5oC et 65% HR pendant l’embryogenèse précoce (jours E8 à E10 d’incubation) ; EP2 – 3 h/j à 41,0oC et 65% HR pendant la même période; ET1– 3 h/j à 39,5oC et 65% HR pendant l’embryogenèse tardive (ET; E16 à E18); ET2 – 3 h/j à 41,0oC et 65% HR pendant la même période. Les œufs sont incubés dans un incubateur semi-commercial (La-Nationale, type B 36I, Bretagne France). Les œufs traités sont transférés dans deux incubateurs expérimentaux (SMA Coudelou type 540 E) pendant 3 heures (12:00-15:00) durant les périodes EP et ET, l’un maintenu à 39,5°C et 65% HR, et l’autre à 41°C et 65% HR, puis sont replacés dans l’incubateur semi-commercial. Dans chaque incubateur, les oeufs sont inclinés de 270° toutes les heures. A sept jours d’incubation, les œufs infertiles et les embryons morts sont élimés après mirage. Le 19ème jour d’incubation, les oeufs sont transférés dans un éclosoir maintenu à 37,8°C et 56% HR. Expérience 2. Mille oeufs fertiles Ross PM3 provenant d’un seul troupeau reproducteur (40 semaines d’age) sont utilisés. Les conditions d’incubations sont les mêmes que pour l’expérience 1 excepté en ce qui concerne les traitements, tous Sixièmes Journées de la Recherche Avicole, St Malo, 30 et 31 Mars 2005 réalisés pendant la période embryonnaire tardive (E16 à E18 ; 39,5oC et 65% HR) : D1 – 3 h/j; D2 – 6 h/j; D3– 12 h/j; D4 – 24 h/j. Dans les deux expériences, l’éclosion est suivie heure par heure avec comptage des poussins éclos. Après séchage du duvet (environ 2h après l’éclosion), les poussins sont extraits de l’éclosoir pour, dans l’ordre, prise de température corporelle et pesée. La température corporelle est mesurée à l’aide d’un thermomètre digital DM 852 (précision de 0,1°C; distribué par Ellab A/S, France), et d’une sonde pour souris insérée dans le colon distal des poussins à une longueur constante. A la fin de l’éclosion, les poussins de chaque traitement sont séparés en deux sous-groupes mis en expérience dans deux chambres climatiques: poussins « exposés » ou « non exposés ». Les poussins des deux chambres sont alors élevés en conditions régulières (32±1°C). A l’âge de 3 jours, les poussins “exposés” subissent un coup de chaleur de 41oC pendant 6 heures, alors que les poussins « non exposés» sont maintenus à 32°C. Pendant la dernière heure d’exposition au coup de chaleur, la température corporelle de 20 poussins/traitement est mesurée dans les deux chambres. Dans l’expérience 1, des échantillons de sang sont également prélevés sur ces animaux au niveau de la veine jugulaire. Dix-huit heures après le coup de chaleur, le poids vif et la température corporelle de tous les poussins « exposés » et les « non exposés » sont mesurés dans les deux expériences. 1.2. Analyses sanguines Un dosage radio-immunologique est réalisé sur les échantillons de plasma pour doser la triiodothyronine T3 (kits Coat-A-Count T3, Canin, Diagnostic Products Corporation). La concentration plasmatique en corticostérone est mesurée au moyen d’un kit de dosage radio-immunologique ImmuChemTM double anticorps (ICN Biomedical, Inc., Diagnostics Division). 1.3. Analyses statistiques Les données sont analysées statistiquement au moyen d’une analyse de variance (ANOVA) suivie d’un test de comparaison de moyennes de Tukey–Kramer-HSD (JMP® software ; SAS institute, 2000). L’éclosabilité est analysée grâce au test du Chi2. Les moyennes sont considérées comme significativement différentes lorsque P < 0.05. Tableau 1 - Eclosabilité et température corporelle (Tc) des poussins à j0. Dans l’expérience 1, les embryons traités sont soumis, respectivement des jours E8 à E10 (EP) ou E16 à E18 (ET) d’incubation, à 3 h/j d’exposition à 39,5°C (EP1 et ET1) ou 41°C (EP2 et ET2). Dans l’expérience 2, les embryons traités sont soumis à 3 h/j (D1), 6 h/j (D2), 12 h/j (D3) ou 24 h/j (D4) d’exposition à 39,5°C des jours E16 à E18. Expérience 1 SEM Témoins EP1 EP2 ET1 ET2 Eclosabilité (%) 92,5b 89,9b 89,7b 97,9a 92,5b --Tc (oC) 38,12ab 37,75b 37,97ab 37,72b 38,23a 0,09 Expérience 2 SEM Témoins D1 D2 D3 D4 Eclosabilité (%) 87,8ab 82,7b 87,8ab 91,4a 91,0a --Tc (oC) 36,86a 36,34b 36,40b 36,43b 36,46b 0,13 En lignes, les variables désignées par des lettres différentes diffèrent significativement (P<0,05). 2. RESULTATS 2.2 Coup de chaleur 2.1. Eclosion Les manipulations thermiques de l’embryogenèse précoce ou tardive n’affectent pas dans nos conditions la cinétique du pic d’éclosion, qui est enregistré entre 20 et 24 heures après l’éclosion des premiers œufs. Cependant, dans les deux expériences, l’éclosabilité moyenne est significativement affectée par les traitements (Tableau 1). Dans l’expérience 1, l’éclosabilité est plus élevée dans le groupe ET1 que dans les autres groupes, alors que dans l’expérience 2, l’éclosabilité est plus élevée pour les groupes D3 et D4 que pour le groupe D1. Le poids vif des poussins à l’éclosion ne diffère pas entre traitements dans les 2 expériences. Dans l’expérience 1, les poussins EP1 et ET1 présentent les Tc les plus faibles à j0. Dans la seconde expérience, tous les poussins traités présentent des Tc plus faibles que celle des témoins. Expérience 1. A 3 jours, le coup de chaleur de 6 heures a pour conséquence une élévation de la température corporelle chez tous les poussins traités plus faible que chez les poussins témoins (Tableau 2). Les concentrations plasmatiques en T3 tendent à être plus faible chez les poussins traités que chez les poussins témoins (P = 0,074). Les concentrations plasmatiques en corticostérone sont significativement inférieures dans le groupe ET1 que dans les groupes témoin et ET2. A l’âge de 4 jours, 18 heures après le coup de chaleur, les poussins ET1 présentent une Tc plus faible que celle des poussins témoins et EP2. Aucune différence de poids vif n’est alors enregistrée entre les groupes de poussins ayant subi le coup de chaleur (données non présentées). Expérience 2. Pendant le coup de chaleur, les 4 groupes de poussins traités présentent des températures corporelles significativement Sixièmes Journées de la Recherche Avicole, St Malo, 30 et 31 Mars 2005 69 inférieures à celle des poussins témoins (Tableau 3). Dix-huit heures après le coup de chaleur, les poussins traités D1 ont une Tc significativement inférieure à celle des poussins D2, D3 et D4. Le poids vif des poussins n’ayant pas subi le coup de chaleur (« non-exposés ») reste non différent entre traitements (données non présentées), alors qu’il existe des différences significatives entre les PV des animaux « exposés » au coup de chaleur : les poussins traités D2 et D3 présentent des poids vifs supérieurs à ceux des poussins témoins et D1 (P < 0.05). Tableau 2 - Température corporelle (Tc), concentrations plasmatiques en triiodothyronine (T3) et corticostérone (cort) des poussins exposés à un coup de chaleur à l’âge de 3 jours, et Tc des poussins 18 h après le coup de chaleur (Tc 18h) (expérience 1). Traitements Variables SEM Témoins EP1 EP2 ET1 ET2 Tc (oC) 44,04a 42,78b 43,01b 42,66b 42,96b 0,20 T3 (ng/ml) 1,94 1,25 1,32 1,19 1,37 0,19 Cort (ng/ml) 34,31a 23,79ab 23,80ab 18,59b 35,67a 3,66 Tc 18h (°C) 40,58a 40,39ab 40,56a 40,14b 40,31ab 0,11 En lignes, les variables désignées par des lettres différentes diffèrent significativement (P<0,05). 3. DISCUSSION Les manipulations thermiques réalisées au cours de l’embryogenèse, dans le but d’améliorer l’acquisition de la thermotolérance du poulet, sont fondées sur l’hypothèse que les seuils de régulation des axes hypothalamus–hypophyse-thyroïde et hypothalamus–hypophyse–surrénales peuvent être altérés durablement lorsque ces axes sont encore en cours de développement. Selon le modèle de Gluckman (1985), le contrôle endocrinien entre les systèmes nerveux central et périphérique est affecté par la sécrétion pulsatile d’hormones hypothalamiques pendant l’embryogenèse, qui vont agir sur l’hypophyse pour stimuler la sécrétion des hormones périphériques associées. Ces hormones sont impliquées dans les rétrocontrôles négatifs sur l’hypothalamus, établissant ainsi des « seuils » de régulation des organes en développement. Les périodes de manipulations thermiques E8 à E10 et E16 à E18 ont été choisies en fonction du développement et du fonctionnement des axes thyroïdien et corticotrope. La phase embryonnaire E8 à E10 correspond à une période où la glande thyroïde est capable de synthétiser des iodothyronines (E8-E9) et de sécréter la thyroxine, et l’hypophyse la TSH (E10). L’axe hypothalamushypophyse-thyroïde est relié entre les jours E10 et E11 (Thommes et al., 1984). Un traitement thermique antérieur ou concomitant à cette période est susceptible d’affecter le seuil de déclenchement des réponses en terme de production de chaleur. En outre, les taux plasmatiques d’hormones thyroïdiennes augmentent pendant l’embryogenèse tardive, jouant un rôle majeur dans la maturation finale des tissus et l’intégration des fonctions physiologiques conduisant à l’éclosion. Dans nos conditions, les manipulations thermiques à 39,5°C, quelles que soient l’expérience et la période d’application considérées, diminuent la température corporelle des poussins à la naissance. Le coup de chaleur induit une hyperthermie chez 70 les poussins témoins des deux études par rapport aux poussins traités, ce qui coïncide pour l’expérience 1 avec une moindre réduction des taux plasmatiques de T3 chez les témoins. En effet, les poussins EP1, EP2, ET1 et ET2 présentent des Tc significativement inférieures, associées à des taux plasmatiques en T3 légèrement plus faibles que ceux des témoins (P = 0.074) après 6 heures de coup de chaleur. La baisse des taux plasmatique de T3 pourrait entraîner une moindre augmentation de la production de chaleur et donc de la température corporelle des poussins traités, puisque cette hormone est un des régulateurs majeurs de la thermogenèse chez l’oiseau (Decuypere et al., 1981). Dix-huit heures après le coup de chaleur, les poussins ET1 sont les seuls à garder une température corporelle inférieure à celle des témoins. Ces résultats vont dans le sens d’une meilleure acquisition de la thermotolérance chez tous les poussins traités, particulièrement chez les ET1 de l’expérience 1. Les manipulations thermiques appliquées pendant l’embryogenèse tardive coïncident en outre avec la période d’activation de l’axe corticotrope et pourraient avoir une influence sur la réponse du poussin au coup de chaleur en termes de stress. Ainsi, les résultats de l’expérience 1 font état d’une forte élévation des taux plasmatiques en corticostérone chez les témoins et les poussins ET2 en comparaison avec les taux enregistrés chez les ET1, les poussins ayant subi des manipulations pendant l’embryogenèse précoce présentant des valeurs intermédiaires. Ces résultats suggèrent qu’un conditionnement à 39,5°C pendant l’embryogenèse tardive peut limiter le stress lié au coup de chaleur à 3 jours. Enfin, la durée des manipulations thermiques de l’embryon est susceptible de jouer un rôle majeur dans l’équilibre entre performances d’éclosion et de croissance, et acquisition de la thermotolérance. Pour pouvoir être appliquées, ces manipulations doivent être modérées et ne pas occasionner Sixièmes Journées de la Recherche Avicole, St Malo, 30 et 31 Mars 2005 d’effets défavorables sur l’éclosabilité et la croissance (Yahav et al., 2004). Alors que l’étude de Lay et Wilson (2002) ne montre pas d’effet de l’élévation de température d’incubation à 40,6°C (24h) au jour E16 sur l’éclosabilité, les manipulations à 39,5oC entre E16 et E18 ont des effets contrastés selon l’expérience considérée. Dans l’expérience 1, l’éclosabilité la meilleure est enregistrée pour le groupe ET1, alors que ce groupe (D1) a la moins bonne éclosabilité dans l’expérience 2. D’une expérience à l’autre, dans des conditions expérimentales similaires (excepté le troupeau de reproductrices et leur âge), il peut donc exister une grande variation de résultats. Ceci impose de mesurer le critère d’éclosabilité sur de plus grands effectifs dans des incubateurs commerciaux. Dans les deux expériences, aucun effet des traitements sur le poids vif n’est noté à l’éclosion. En revanche, il semble que les traitements thermiques D2 et D3 couplés à un coup de chaleur (2ème conditionnement postnatal) à j3 favorisent la croissance du poussin. La raison de cette meilleure initiation de la croissance pourrait être une croissance compensatrice dans les groupes D2 et D3 à l’issue du coup de chaleur. D’une part les manipulations thermiques entre E16 et E18 surviennent pendant le développement des myoblastes fœtaux et la période principale de développement des cellules satellites musculaires (Stockdale, 1992), qui contribuent à la taille finale du muscle et à sa capacité d’hypertrophie. D’autre part, le coup de chaleur est appliqué à 3 jours d’âge, ce qui correspond à la période optimale pour les conditionnements thermiques postnatals ayant une incidence sur la thermorégulation et l’accélération de la croissance du poussin (Yahav et Plavnik, 1999). On peut donc supposer que dans la 2ème expérience, la combinaison des deux traitements pendant l’embryogenèse tardive (6 à 12h/j) et la période postnatale pourrait avoir un effet bénéfique sur la croissance du poussin. CONCLUSION Les manipulations thermiques ET1/D1 de 3h/jour à 39,5°C pendant E16-E18 semblent donc favoriser la thermotolérance du poussin, alors que les traitements D2 et D3 (6 à 12h/j, 39,5°C, E16-E18) paraissent stimuler la croissance initiale. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer ces réponses à plus long terme. REMERCIEMENTS Merci à M. Tanzi et J.-M. Brigant pour leur aide technique au couvoir et sur l’élevage, et à M. Quentin pour son aide dans le suivi de l’éclosion. Tableau 3 - Température corporelle des poussins exposés à un coup de chaleur à 3 jours (Tc), poids vif (PV 18h) et température corporelle (Tc 18h) 18 h après le coup de chaleur sur les même animaux (expérience 2). Traitements SEM Témoins D1 D2 D3 D4 Tc (°C) 42,60a 41,89b 42,01b 41,83b 41,93b 0,09 Tc 18h (oC) 40,89ab 40,73b 40,98a 41,00a 41,03a 0,05 PV 18h (g) 87,2b 87,8b 93,9a 93,7a 89,2ab 1,9 En lignes, les variables désignées par des lettres différentes diffèrent significativement (P<0,05). REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES De Basilio, V., M. Picard, 2002. Inra Pa 15(4):235-245. Decuypere, E. , S.C. Hermans, H. Michels, E.R. Kühn, J. Verheyen, 1981. Adv Physiol Sci 33:291-298. Dunnington, E.A., P. B. Siegel, 1984. Poult. Sci. 63: 1303-1106. Epple, A., B. Gower, M.T. Busch, T. Gill, L. Milakofsky, R. Piechotta, B. Nibbio, T. Hare, M.H. Stetson, 1997. Am. Zool. 37:536-545. Gluckman, P.D., 1985. In: C.T. Jones And P.W. Nathanielsz (Ed.) The Physiological Development Of The Fetus And Newborn. Pp. 103-111. Academic Press, London. Havenstein, G. B., P. R. Ferket, M. A. Qureshi, 2003. Poult. Sci. 82:1509-1518. Holland, S., M. Nichelmann, J. Höchel, 1997. Verh. Dtsch. Zool. Ges. 90:105. Janke, O., B. Tzschentke, J. Höchel, M. Nichelmann, 2002. Comp. Biochem. Physiol. 131a:741-750. Lay, D. C., M. E. Wilson, 2002. J. Anim. Sci. 80:1954-1961. Minne, B., E. Decuypere, 1984. Arch. Exper. Vet. Med. 38:374-383. Stockdale, F. E., 1992. Dev. Biol. 154:284-298. Thommes, R. C., 1987. J. Exp. Zool. Suppl. 1:273-279. Thommes, R.C., N.B. Clark, L.L.S. Mok, S. Malone, 1984. Gen. Comp. Endocrinol. 54: 324-327. Wise, P. M., B.E. Frye, 1975. J. Exp. Zool. 185:277-292. Yahav, S., 2000. Poult. Avian Biol. Rev. 11:81-95. Yahav, S., I. Plavnik., 1999. Br. Poult. Sci. 40 :120-126. Yahav, S., R. Sasson Rath, D. Shinder, 2004. J. Therm. Biol. Sous Presse. Sixièmes Journées de la Recherche Avicole, St Malo, 30 et 31 Mars 2005 71